15 juin 2016

Et le jardin, ça va ? Comme ça pleut, cher monsieur… comme ça pleut !

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

IMG_4941 Mais non, on n’est pas inondés ! Juste mouillés ! Jour debout pour lutter contre l’invasion des divisions blindées de limaces ; nuit couché pour récupérer. Chez les apprentis-vieux, ça prend toujours plus de temps. Entre les deux, hors de question d’allumer l’écran sinistre pour subir la logorrhée journalistique sur les exploits des milliardaires du ballon rond. Je m’en tape et je suis de moins en moins tolérant. En matière de rondeurs, mieux vaut que je surveille la coloration progressive de mes tomates cerises ; cela participe de ma sérénité. Pour l’instant, donc, le jardin ne va pas trop mal si l’on excepte quelques semis et plantations passés aux profits et pertes. C’est drôle de voir à quel point on peut crier « cocorico » une année pour une culture que l’on croit maîtriser, puis « miséricorde » l’année suivante, en prévision de la débâcle à venir. 2015 fut l’année des oignons ; ma récolte a tenu bon presque jusqu’à la venue du coucou. En 2016, le maraîcher bio du coin me verra revenir (avec le sourire) dès la rentrée des classes, pour lui en acheter un stock. Sans conséquences graves tant que l’on a des solutions de repli, mais j’imagine la tête du brave paysan français au temps du « bon roi soleil » lorsqu’il voyait sa futur farine pour l’hiver s’évaporer dans les miasmes putrides autant que printaniers. Pauvres oignons ! Pendant que je contemplais, d’un air las, la détresse du monde, eux étaient submergés par l’herbe (que l’on ne dit plus mauvaise), par les limaces (qu’il faut aimer comme son prochain), la mouche (dieu que les papillons sont jolis), le scorbut et les rhumatismes… et patin couffin, comme l’on dit en Dauphiné.

IMG_4856 Heureusement, à l’écart de ce désastre, pommes de terre et tomates dressent fièrement la tête. Mais j’évite de trop publier de communiqués de presse triomphants car, avec le climat somptueux de cette mi-juin, le terrible et sournois mildiou américain attend son heure. Une goutte d’eau qui fait loupe, un rayon de soleil, et hop ! le vilain petit champignon se développe. Etrange comportement de cette pomme d’or qui exige une bonne quantité d’eau pour devenir grosse et juteuse, mais qui n’hésite pas à snober l’imprudent qui arroserait ses feuilles à la pomme d’arrosoir comme un gros nigaud. En fait, beaucoup de végétaux (je ne dis pas légume, car – ça ne va pas louper – y’en a un qui va faire une remarque sur la tomate), de l’eau point trop n’en faut, mais il en faut quand même, apportée bien comme il faut. Le verbe falloir employé à la chaîne comme nos techniciens de la météo annoncent les « pluies éparses », « rares averses », « averses orageuses », « pluies rares » et autres gâteries : en série. Tout se dérègle. Ces dernières années, après 15 jours de soleil, j’achetais une cuve pour stocker l’eau de ma source, et il pleuvait immanquablement sans arrêt le mois suivant. Cette année, je n’ai pas acheté de cuve et il pleut quand même. J’ai téléphoné au fils maudit de la météo, celui que l’on surnomme « El niño », pour lui demander s’il bossait pour Daech ; je n’ai pas eu de réponse car je suis tombé sur un inspecteur du GIGN. J’ai appelé l’Elysée et une voix chuintante m’a susurré : « tout va mieux, tout va mieux, tout va mieux… » Je n’ai pas pu compter combien de fois car je me suis endormi avant le bip sonore.

IMG_4837 Les rats par contre se sont un peu calmés, et il y a encore quelques céleris, quelques brocolis et quelques betteraves qui dressent fièrement leur somptueux feuillage vers le ciel. Mais là aussi je ne crie pas victoire car l’ennemi est fourbe et ne vise qu’à nuire aux intérêts patriotiques. Soit ces olibrius sont fabriqués (comme moi) avec des matériaux qui n’aiment pas l’eau ; soit la présence d’un bataillon de chats, gardiens de l’ordre et de la paix dans les allées du jardin, les intimide. Troisième possibilité, le préfet du coin les a interdits de sortie et de manifestation, tant qu’ils n’ont pas prouvé qu’ils étaient adhérents au PS, et qu’ils n’avaient pas l’intention de se « mal conduire » lors de leurs promenades en bande. Je feins donc de les ignorer et n’en parle pas sur les ondes. Pour l’heure, je concentre ma propagande contre les limaces. Avec ma tirelire, je soutiens la juste cause des vendeurs de granulés au sulfate de fer. Comme ça j’ai la conscience tranquille en ce qui concerne mes amis les hérissons. Ces derniers se font de plus en plus rares ; plusieurs enquêtes sont en cours à ce sujet car il n’y a pas que dans mon jardin qu’ils refusent de montrer le bout de leur joli museau pointu. Ici, cela fait plus de dix ans que l’on en a pas vu. Certaines populations augmentent comme celle des quads, des coureurs à pied et des abrutis du volant… Mais celle des hérissons que nenni ma mie. Notez bien que sur les trois cohortes de prédateurs indiqués dans la phrase précédente, il y a un faux ennemi… des gens qui me font un peu rire parfois mais qui ont le mérite de ne créer aucune autre nuance que celle d’exhiber un maillot de corps qui se prend pour un panneau publicitaire ambulant. Une paille…

IMG_4840 Si au moins on pouvait savoir à l’avance à quoi va ressembler le climat d’une saison de jardinage, on pourrait s’adapter : faire pousser du riz ou des canneberges plutôt que des aubergines et des poivrons ; planter des saules pleureurs plutôt que des pins de l’Himalaya… Mais bon, c’est comme ça. Avant, je pensais qu’il suffisait de bosser à la météo pour être au courant à l’avance. Maintenant, quand je vois à quoi ressemblent les prévisions du matin pour l’après midi, ou bien la manière dont les fournisseurs de service interprètent, à leur manière, les données scientifiques, j’ai des doutes. Donc j’en suis revenu à la boule de cristal, beaucoup plus fiable. Dans mon cas, l’instrument de voyance extra-lucide, ce sont mes articulations. Par contre, je ne vous dévoilerai pas mes critères d’analyse de la douleur, vous seriez capables de les revendre à une chaîne météo pour vous faire de l’oseille, sans même jardiner. Or comme le dit le bouffon Macron, tout travail de plus en plus long mérite un salaire de plus en plus court. Lire une chronique débile n’est pas une activité qui donne lieu à une rémunération. Il ne faut carrément pas exagérer. Notre pays a surtout besoin d’entrepreneurs et de patrons, accessoirement de salariés… Nos dirigeants ont besoin, eux, de calme social. Tout le monde vit dans sa bulle boursière. Moi le graphique que je surveille le plus en ce moment c’est la grimpette fantastique dans laquelle se sont lancés mes haricots pour escalader les rames du succès. Comme ce sont des graines d’origine sarde (une belle histoire que je ne vous conterai sans doute pas) je les comprends un peu. Ça fait un paquet de générations qu’ils n’ont pas vu autant de liquide non alcoolisé s’accumuler à leur pied. C’est carrément l’euphorie : 10 cm par jour plus quelques ramifications.

IMG_4846 Les rames de ces gentils haricots ont été mises en place, avec dextérité et vigueur, par l’une de nos charmantes aides printanières (revoir tout ce que j’ai déjà raconté sur Help’x pendant que vous n’écoutiez pas). Ce travail a été l’occasion pour nous de lui expliquer les subtilités de la langue française (qu’elle manie par ailleurs plutôt bien). Lorsqu’on lui déclarait qu’elle avait ramé toute l’après-midi, ce n’était pas forcément pour lui dire qu’elle n’avait rien foutu et que c’était une cossarde. Cela ne voulait pas dire non plus qu’elle avait dû travailler en barque. Mais que… Ce n’est pas à vous lectrices et lecteurs cultivés que je vais donner un cours de linguistique. Les sens multiples d’un mot – vous ne vous le figurez peut-être pas – sont parfois l’occasion d’étranges méprises lorsque l’on donne une consigne. Pour chaque nouvelle aide qui débarque, il faut que l’on se rappelle bien que même si cette personne a promis juré que le jardinage n’avait aucun secret pour elle, mieux valait mener une enquête serrée. Le jardinage ne se transmet pas par les gènes et le fait d’avoir vu le père de sa cousine jardiner n’implique pas forcément que l’on distingue les carottes et les poireaux lorsqu’ils sont encore prématurés dans la couveuse. Chez les jardiniers bios (non pardon, maintenant on dit permacolos) c’est encore plus compliqué : ne pas marcher sur la terre mouillée, prononcer un mot aimable avant de couper la limace en deux, ne pas mettre les déchets sur le compost lorsque le tas est prêt au service… Même laver la salade n’est pas une technique acquise par tous : l’achat massif de salade pré-triée, pré-javellisée, en sacs pré-à être jetés, ruine cette compétence ancienne et passée de mode. Bref, l’école ne fait plus son boulot !

Une dernière précision concernant ce billet humide : si j’ai le temps d’écrire, c’est qu’il pleut. Si j’écris n’importe quoi c’est parce que je suis de plus en plus décontracté vis à vis de l’audimat. Et pourtant, si un seul lecteur végan tombe dans les pommes en lisant mon histoire de limaces coupées en deux, je risque de perdre une large fraction des infidèles qui me suivent encore, à la trace, dans la boue. Vive la « Rougette de Montpellier »… Tant que j’y suis, j’en profite pour remercier mon dernier sponsor, la société horticole  Tsoin Tsoin qui m’a offert un gros sac de bulbes d’oignons à limaces. « Avec l’oignon tsoin-tsoin, la limace se régale ! »

4 Comments so far...

fred Says:

23 juin 2016 at 11:33.

L’oignon continue à faire pleurer on dirait !

Paul Says:

24 juin 2016 at 10:01.

@ Fred – Ouaip, l’oignon c’est plutôt chagrin cette année. L’ail j’en fais pas. Restent les échalottes et la belote (mais je n’y joue pas).

Lavande Says:

20 juillet 2016 at 19:05.

Bon on en a un peu marre des limaces. Tu ne pourrais pas au moins changer les photos?

Paul Says:

20 juillet 2016 at 21:43.

@ Lavande – Bon, je reconnais qu’un peu plus d’un mois de silence, c’est un peu exagéré. Mais les limaces ne sont pas très rapides elles aussi. Je pense qu’elles devraient quitter l’écran dans un délai raisonnable…

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