13 novembre 2009

L’essentiel, c’est que vous consommiez !

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Vive l'économie toute puissante .

Vive l’écolo-business

Dans un milieu que je qualifierai « d’écolo-friqué » et non de bobo (car je ne vois pas ce que ces gens-là ont de « bohème »), la lutte contre les dépenses énergétiques et les émissions de CO2 est devenue l’occasion d’une véritable surenchère à la consommation. A se demander si certains ne visent pas une inscription au « Guiness book » ou un accès direct par voie express au Paradis Vert des Ecolos. Nos braves industriels ont fort bien compris le marché juteux qui s’ouvrait là et se sont engouffrés dans la brèche, d’autant qu’en matière d’écologie, il y a un mécanisme qui fonctionne à plein tube, c’est celui de la culpabilisation. « Vous rendez-vous compte que votre réfrigérateur A+ consomme un maximum de courant, alors qu’il existe aujourd’hui un moyen simple de protéger la planète en réduisant sa facture énergétique : acheter un modèle A++, en attendant que nos techniciens aient mis au point le modèle A5+… » (c’est con, il n’y a pas de lettre avant A dans l’alphabet, peut-être faudrait-il envisager de recourir au Grec ancien ?). « Certes, votre modèle A+ n’a que trois ans, mais rendez-vous compte ! avec la super isolation en trucmuch biconcentré, il y a moyen d’économiser 20 kilowatt par an. Sachant qu’il y a des millions de réfrigérateurs qui fonctionnent en France, cela représente des dizaines de millions de kilowatts économisés… Enfin, à vous de voir… Si vous êtes un peu juste financièrement, vous pouvez continuer à surpolluer bien sûr ».

land-rover-vert On entend le même refrain pour les bagnoles, pour l’isolation thermique, pour les portes et fenêtres dans les logements… Vous voyez la teneur du discours que l’on peut produire ; je ne vais pas vous rabattre les oreilles avec. Que l’on essaie de bâtir une maison « passive » quand on construit du neuf : d’accord. Que l’on tente d’isoler au mieux un bâtiment ancien : toujours d’accord. Que l’on change de matériau isolant, de portes et de fenêtres, de système de chauffage… tous les cinq ans : pas d’accord et je vais vous expliquer pourquoi. Ce que les marchands de soupe pseudo-écologique oublient de vous préciser, lorsqu’ils dressent un bilan énergétique de votre habitat, c’est le coût de fabrication de l’objet ou du dispositif que vous allez acheter pour remplacer celui qui « pêche » au niveau écologique. D’autant que cet équipement ancien auquel vous allez renoncer, si vous êtes un écologiste cohérent et responsable, il n’a qu’une seule destination logique : la décharge et/ou le recyclage (généralement partiel). A la poubelle donc, votre fenêtre à double vitrage, pour équiper votre domicile avec « le must » de l’économie d’énergie : la fenêtre à triple vitrage, double couche de trucmuch à osmose parallèlipédique inversée géobioluminique. Certes je ne doute pas du fait que vous allez économiser une brouette de bois, un jerrycan de fuel ou un sac de charbon, chaque année… Mais quelle quantité d’énergie et de matières premières a-t-il fallu mettre en œuvre dans le processus de fabrication des deux objets : l’ancien et le nouveau ? Vous croyez que le bois, le verre ou l’alu de la première fenêtre vont servir à fabriquer la seconde ?
En bonne logique, la voiture énergétiquement vorace et terriblement polluante que vous aviez depuis cinq ans, vous n’allez quand même pas la vendre à un moins riche que vous ? Sinon où se situe le soi-disant bénéfice de l’opération d’échange pour la planète ? Vous aurez meilleure conscience parce que quelqu’un d’autre polluera à votre place ? L’engin de locomotion quasiment neuf dont vous allez vous débarrasser, que va-t-il devenir ? Réfléchissez-bien… Ce ne serait pas un peu le retour au Moyen-Âge dans votre mentalité ? Vous ne seriez pas tout bonnement en train d’acheter des indulgences comme dans le bon vieux temps ? Notez bien qu’à mon avis, les gens qui ont l’outrecuidance d’avoir ce genre de pratiques, sont ensuite ceux qui prétendent que les pauvres polluent la planète ! – j’y reviendrai…

ecrans-dordinateur-a-jeter Laissez aux objets actuellement en votre possession la durée de vie, bien courte malheureusement, pour laquelle ils ont été conçus. Une fois leur temps de vie achevé, veillez à ce que leur recyclage s’effectue dans les meilleures conditions. A ce sujet, ne vous laissez pas bercer par les sirènes qui parlent tout haut de « remise dans le circuit » ou de « don généreux » à ceux qui n’ont pas les moyens de… La charité n’est pas une meilleure solution que la revente. Grâce à ce genre de pratiques, des millions d’unités centrales et d’écrans d’ordinateurs se retrouvent entassés dans des dépôts d’ordures à ciel ouvert en Afrique, plus particulièrement au Ghana : « dans les décharges, des travailleurs sans protections, la plupart du temps des enfants, démontent des ordinateurs et des télévisions avec rien d’autre que des pierres comme outils, à la recherche de métaux qui peuvent être revendus. Le plastique et les câbles restants sont ensuite brûlés ou simplement jetés » (source : reportage Greenpeace). Les banques ou les entreprises commerciales qui s’en sont débarrassé afin d’acheter plus « vert », plus « performant », se sont donné bonne conscience en offrant « généreusement » leurs rebuts à des organisations humanitaires, ou à des revendeurs peu scrupuleux. Ces cadeaux hypocrites empoisonnent l’atmosphère, le sol et les nappes phréatiques dans les pays qui ont bénéficié de cette « générosité ».
Avant de changer un équipement, il faut dresser un réel bilan écologique et économique de l’opération. Ne pas se laisser entrainer par un quelconque snobisme, mais aligner les plus et les moins sur une feuille de papier blanc (recyclé va de soi) : une nouvelle forme de comptabilité, dans laquelle on va aligner à la fois données financières mais aussi énergétiques. Comme ces dernières ne sont pas toujours évidentes à calculer, je pense que l’élément de base du raisonnement ce sera par dessus tout le « bon sens » (cette faculté de réfléchir avant d’agir qui fait défaut à nombre de nos contemporains). Je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut rien changer et continuer à rouler dans la Panhard de votre grand-père. Il est parfois bon de passer aux pertes et profits un matériel très ancien même s’il fonctionne encore. Exemple type d’équipement pour lesquels des progrès considérables ont été réalisés : les congélateurs. Nous avions un vieux modèle, de grande contenance qui consommait tant et plus : il tournait quasiment 24 h sur 24. Le nouveau modèle que nous avons acquis tourne quelques heures par jour avec une consommation bien moindre. Les comptes ont été vite faits : le changement d’appareil a été amorti en moins de deux ans, et nous estimons que son espérance vie sera d’au moins dix ans. Le bilan énergétique et financier est sans équivoque. Certains feront peut-être remarquer que ne plus avoir de congélateur du tout aurait entrainé encore plus d’économies. Il faut dire que l’appareil est bien utile lorsque l’on habite à la campagne, en produisant une partie de sa nourriture et en effectuant des achats en gros de produits de bonne qualité. Certes, le compteur électrique tourne un peu, mais le moteur de la voiture lui n’est pas démarré à tout bout de champ pour aller chercher une bricole. Même si j’apprécie les écrits de Thoreau, je ne suis pas encore adepte de la vie sauvage dans une cabane.

bois-de-chauffage Notre « bilan carbone » est sans doute moins brillant que celui d’autres personnes. Il est conforme à nos prétentions : modeste. Nous évitons les gaspillages, les comportements inconséquents, mais nous ne sommes pas pour autant abonnés au magazine de l’écologiste vertueux. Une partie importante de notre alimentation est d’origine bio, et provient, dans la mesure du possible d’unités de production proches. Je trouve aberrant de manger des poires du Chili alors que nous en produisons à d’autres moments de l’année, mais je n’hésite pas à acheter des clémentines du Maroc, traitées ou non traitées, parce que les clémentines c’est bon, et qu’il va falloir faire de sérieux efforts en faveur du réchauffement climatique, si l’on veut en faire pousser dans notre jardin. Nous mangeons des salades bio quand nous en avons au jardin ou quand le maraîcher voisin nous en propose. Nous n’attrapons pas la jaunisse lorsque la nourriture provient de l’industrie agroalimentaire, pourvu qu’elle soit mangeable. Bien des gestes que nous faisons pendant la journée nous vaudraient sûrement un regard chargé de reproches de la part de certains militants intransigeants… Mais comme dirait Zazie… Nous utilisons toujours un peu de fuel pour notre chauffage, en complément du bois, et nous n’avons pas besoin de mettre une doudoune en laine pour lire un bon livre, vautrés dans un fauteuil. Le jour où les agents EDF se décideront à entamer un mouvement de grève pour protester contre les choix d’investissements de leur direction, nous ne mourrons pas de froid car notre système de chauffage fonctionne (par convection naturelle) y compris les jours où il n’y a pas de courant. Presque toutes nos fenêtres sont en double vitrage et les dernières, en infraction, seront changées dans les années à venir. Certaines avaient un siècle de durée de vie et l’on peut estimer qu’elles étaient écologiquement amorties ! Bref, je ne prétends pas que nous ayons cent pour cent raison, mais je pense que nous avons moins tort que ces messieurs-dames qui viennent d’acheter le dernier modèle de 4×4 qui roule aux nécro-carburants et qui est équipé de filtres coûteux, tous plus polluants les uns que les autres au recyclage.

paquebot-queen-elisabeth Une dernière petite anecdote avant la pause… J’ai regardé un jour un documentaire enthousiaste sur le paquebot Queen Elisabeth II qui effectuait des traversées entre Le Havre et New York, les ponts, les entreponts et les cales remplis de touristes bedonnants et pleins aux as. Grosso modo, 1 homme d’équipage et un lustre en cristal par passager. Certes le paquebot a été remplacé depuis par le Queen Mary, fleuron de nos chantiers navals, mais la problématique n’a guère évolué en matière énergétique… Il faut bien faire fonctionner les saunas, les piscines chauffées, les salles de casino, la climatisation, les salles de cinéma… Documentez vous un petit peu et essayez de retrouver ce chiffre essentiel que j’ai malheureusement égaré : la consommation en fuel de l’un de ces « géants des mers » pour une petite croisière d’une semaine sur l’océan… Vous n’en croirez pas vos yeux ! Multipliez cette consommation par le nombre de bateaux de croisière en fonctionnement, puis divisez le total par le nombre de foyers qui se chauffent encore au fuel domestique en France… Quand le pétrole va se raréfier, faudra que ces arriérés du chauffage fassent de sacrées économies pour permettre à tous ces radeaux de luxe de continuer à distraire les retraités fortunés. Pour illustrer mon propos, je peux vous donner l’exemple du Queen Mary 2, pour lequel on trouve facilement des données chiffrées. Ce bateau, plus moderne, produit de l’électricité à l’aide de ses turbines pour satisfaire aux besoins du bord. Pour simplifier, disons que sa consommation quotidienne de courant électrique correspond à celle d’une ville de 300 000 habitants pour la même durée. Heureusement que les paquebots du futur auront, parait-il, recours à l’énergie solaire pour se propulser… Comme quoi on peut toujours trouver une réponse « écologique » à un problème environnemental ! Suffit d’investir ! Même la Reine Elisabeth est consciente du problème… (note 2)
En conclusion, ne jamais oublier que ce n’est pas la démographie et le train de vie des pauvres qui sont responsables de la dégradation de la planète, mais le gaspillage éhonté de ceux qui ont trop de pognon et qui l’investissent n’importe comment, y compris dans une écologie bling-bling modèle Hermès-Vuitton.  Je vous conseille, à ce sujet, la lecture de l’excellent article de George Monbiot, reproduit sur « Contreinfo » il y a quelques temps de cela… Comme le disait la concierge de mon grand oncle : « vive la trottinette de ma petite sœur ! »

Notes
(1) – source image et texte « développement durable ». Un extrait de l’article : « L’idée, c’est un système de compensation carbone : depuis le 1er janvier, le constructeur a mis en place une participation écologique de 200 euros en moyenne sur tous ses modèles. La somme permet de compenser les émissions de CO2 des véhicules pendant les trois premières années d’utilisation, soit environ 75 000 km… » La suite à cette adresse. Sans commentaires.
(2) – Même genre de problématique à Buckingam. Lisez ce petit texte que j’ai préféré trouver bien rigolo : je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’humour en fait !

Sources images
(1) – développementdurable.com – (2) – « Ecrins.org » – (3) – La Feuille Charbinoise : photo prise dans les Vosges. Le bois provient d’une coupe d’éclaircissement dans une futaie en devenir. (4) « voyagerluxe.com »

4 Comments so far...

zoë Says:

13 novembre 2009 at 13:19.

Cent pour cent d’accord Paul, comme d’habitude. Quand nous avons rénové la vieille maison que nous habitons depuis 15 ans , nous avons essayé de garder au maxumum ce qui existait sauf les fenêtres et portes qui étaient des équipements de bergerie. Mais le fuel en pleine campagne était alors la solution la plus économique. Peut-être pourrions-nous envisager éolienne et solaire mais à l’époque ce n’était pas très au point. Tant qu’elle fonctionne notre chaudière restera en place. Je n’ai jamais acheté une voiture neuve estimant que j’avais mieux à faire que d’investir dans un tas de ferraille clinquant. Je n’ai quasiment acheté aucun meuble neuf préférant les trocantes ou je trouve des trucs rigolos qui correspondent à ma fantaisie et qui ont déjà vécu donc sont éco amortis depuis longtemps. Je n’achète pas de vêtements neufs. Ceux qui me plairaient coûtent très cher, les bon marché sont très laids, je me fournis exclusivement en friperie où je dégotte de belles choses à des prix modiques; Je fais partie d’une AMAP pour la solidarité + la qualité des légumes et je fais mes courses au marché. Et je me fous des donneurs de leçons parce que je n’ai pas attendu la mode actuelle pour ça. j’ai toujours fonctionné à »l’économie ».

la Mère Castor Says:

14 novembre 2009 at 11:54.

Salutaire, revigorant, quel article plaisant, vraiment. Je crois que Père Castor et moi sommes également de modestes consommateurs.
(suis en train de lire Grey Owl, celui de mon enfance, en alternance avec ce bon vieux Proust et Jonathan Frazen, trois lectures agréables )

Paul Says:

15 novembre 2009 at 08:06.

Merci à Mère Castor et à Zoë pour leur témoignage intéressant ; cela fait plaisir de voir qu’on n’est pas les seuls sur la même longueur d’ondes ! Un jour, je choisirai un thème ambitieux pour l’une de mes chroniques : je parlerai de ce que j’appelle « le bon sens » !

marque Says:

27 septembre 2010 at 20:39.

La pauvre Reine pourquoi ne vend elle pas son château, et puis ce n’est pas au peuple de lui verser une subvention, c’est comme notre gouvernement qui est logé, nourri, blanchi habillé a doublé son salaire, et en plus il ne paye pas d’impôts. Mais nous pauvre gueux qui avons travaillé des années durant on va nous ponctionné les petits placements. Bravo les gouverneurs de l’Europe.

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