16 avril 2008

La main à la pâte… à pains

Posté par Paul dans la catégorie : le verre et la casserole .

Oui, je sais, c’est « cliché », « baba cool », « retour à la terre »…. M’en fous, je fais mon pain. Dans ce monde peuplé de bobos cyniques j’ai finalement décidé de revendiquer cette image de « baba cool » attardé. « C’est que c’est la mode, m’a dit ma voisine… Vous aussi z’avez une machine ? – Euh non… Ma machine c’est ça…. » ai-je répondu en lui montrant mes deux mains blanches d’intellectuel enfariné. « Ouh mais alors c’est compliqué ! » Et c’est marrant parce que là, le sujet a totalement cessé de l’intéresser et elle est passée à de menus potins plus croustillants que ma pâte à pain crue. Le fait que je stagne dans une « Moulinex rebel attitude » et que je sois passé à côté de cet élément de progrès presque aussi incontournable que le téléphone portable, m’a mis au ban des individus technologiquement intéressants. Si j’avais répondu « oui, je suis un fan de la trucmachin », elle m’aurait sans doute répondu que « la trucbidule était vraiment bien parce qu’elle faisait aussi les brioches », et on aurait pu continuer à échanger dans un domaine parfaitement balisé.

pain1.jpg pain2.jpg La machine, aucun intérêt pour moi car ce que j’aime c’est pétrir…. Pas au début, quand on mélange l’eau et la farine, parce qu’à ce moment là c’est tout collant et qu’avec la pâte entre les doigts on ressemble plus à un canard qu’à un fier cuisinier. Non, ce qui est agréable dans le pétrissage c’est quand la pâte devient élastique et que l’on peut se donner à fond pour l’écraser et la rouler dans tous les sens. C’est incroyable le changement de consistance qui s’opère pendant ce quart d’heure où l’on travaille ce mélange farine, levain et eau salée. Quand elle est « à point », la pâte acquiert une souplesse particulière que l’on « sent » avec la main : quand on appuie sur la surface de la boule pétrie avec le pouce, en quelques secondes elle revient à sa place… Il faut acquérir un certain tour de main, persévérer après quelques fournées plus ou moins réussies, puis on obtient un résultat tout à fait convenable. Lorsqu’on défourne le pain après cuisson, le baromètre de l’amour propre fait une poussée violente vers les hautes pressions. Comme je ne suis pas avare de mes bonnes expériences, je vais vous donner quelques précieux (?!) conseils afin que vous puissiez, vous aussi, à l’occasion, vous hisser au panthéon de la boulangerie familiale… Ne me remerciez pas, c’est tout naturel, il faut bien que je vous récompense de temps à autre pour les précieuses minutes que vous perdez (ou que vous faites perdre à votre employeur !) en lisant ce blog « politiquement incorrect »!

Causons donc pratique… Pour réussir un bon pain, il faut : une bonne farine (bio de préférence), une eau correcte (la javel est l’ennemie numéro 1 des bonnes fermentations) et un levain dynamique (dans ce domaine-là comme dans d’autres, les plus jeunes ne sont pas les meilleurs… !) Pour la farine, je travaille avec une farine bise (taux de blutage 80) car je trouve que le pain est moins compact qu’avec une farine complète (taux de blutage 110 ou – terrible – 160). Après divers essais, j’ai fini par l’acheter à un voisin, agriculteur-boulanger, qui me la vend, en sacs de 5 kilos, à un prix très raisonnable. Pour l’eau, nous sommes « chanceux » comme disent les Québecois car nous disposons d’une source « privée » qui nous dispense généreusement un liquide d’excellente qualité (bien que les résultats des tests effectués avec le pastis soient assez « troublants »). Le levain, pour finir, c’est une autre paire de manche : ou vous en demandez du « tout prêt » à un ami qui fait son pain, ou (c’est mieux !) vous le fabriquez. On va donc parler un peu « levain ».

pain3.jpg pain4.jpg Voici la recette que j’ai utilisée à plusieurs reprises et qui donne un résultat satisfaisant : je mélange 150 cl d’eau avec environ 300 g de farine, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive et 1 cuillerée à soupe de miel (n’ayez pas la main trop lourde pour ce dernier ingrédient). Lorsqu’une boule compacte est formée, je la place dans un saladier couvert avec une toile et je la laisse fermenter pendant 5 à 6 jours dans un local tempéré. Un soir sur deux, j’ajoute une bonne cuillerée à soupe de farine et je pétris un peu. La veille du jour où je veux préparer mon pain, j’ajoute au levain 300 g de farine et 150 cl d’eau de façon à préparer ce que les boulangers appellent le « levain tout point ». Une nuit de repos et ma boule de levain est prête pour participer à la fabrication de la pâte. Pour la fournée suivante ce sera plus simple : je conserve au réfrigérateur, dans un bocal, une boule de pâte d’environ 300-400 grammes, que je mets de côté après la première levée, juste avant la « mise en forme » des pains. Deux choses importantes à savoir : il n’y a pas de levure de bière dans le levain ; plus le levain est ancien et plus il y a des chances qu’il soit actif, s’il a été conservé dans de bonnes conditions. A ce niveau là, il faut savoir que la conservation optima au réfrigérateur est de l’ordre de 8 à 12 jours. C’est le rythme que j’ai choisi pour cuire mes fournées, en fonction de mes disponibilités. La veille du jour où j’ai décidé de pétrir, je réactive mon levain (voir plus haut « levain tout point ») et il passe la nuit à chaleur ambiante.

Je prépare environ 3 kg de pain par fournée. Pour ce faire, j’ajoute à mon levain 1 litre d’eau tiède (salée à 35 g) et environ 2 kg de farine (de base, après je garde le sac ouvert à portée de main pour compléter pendant le pétrissage). Lorsque la boule est formée, je la pétris avec les paumes des mains, dans un mouvement d’écrasement vers l’avant. Je replie ensuite un tiers de la pâte vers moi, avec les doigts et je l’écrase à nouveau. Lorsque la boule a pris la forme d’une baguette allongée, je la tourne de 90° et je la pétris à nouveau dans l’autre sens. Après une quinzaine de minutes de ces manipulations hautement sportives, je replace la boule dans un saladier et je la laisse lever pendant trois à quatre heures dans un endroit chaud (20 à 25°). Je reprends ensuite ma pâte et je la pétris à nouveau pendant cinq à dix minutes. Je mets de côté ma boule de levain, puis je façonne le restant de manière à obtenir 3 pains de taille équivalente. Je préfère les cuire dans des moules allongés, mais on peut très bien se passer de moules ou faire des boules ou des baguettes allongées. Les pâtons lèvent à nouveau pendant deux heures.

pain5.jpg pain6.jpg Je cuis mes trois pains dans le four de ma cuisinière pendant une heure : un quart d’heure à 250°, un quart d’heure à 220°, un quart d’heure à 200° et le temps restant (difficile à calculer !) à 180°. Mon four, ultra-moderne, design et tout et tout, possède une position de cuisson dans laquelle l’humidité ambiante n’est pas évacuée (sorte de cuisson à l’étouffée). C’est bien pratique, mais ce n’est pas incontournable. Dans les fours à bois traditionnels on humidifie la sole avec une serpillère humide. Dans un four de cuisinière, on peut placer un bol d’eau à faire évaporer. Ce dernier point m’amène à vous signaler un « truc » important : le pain, pendant qu’il lève, déteste les courants d’air froid et les atmosphères trop sèches… J’ai réglé le problème, à la maison, en couvrant la pâte en train de reposer avec un linge humide (personnellement je n’aimerais pas ça, mais je ne suis pas une boule de pain !).

Bien sûr, il existe des tas de variantes aux recettes que je vous ai données et les sites internet donnant de subtiles recettes ne manquent pas. Disons que j’ai essayé d’attirer votre attention sur quelques points délicats, et surtout sur le fait qu’il ne faut pas se décourager trop vite. La « boulange », c’est un métier, et ça ne s’apprend pas en quelques mois. Quand l’été va arriver (un jour ?) avec ses chaleurs, il faudra sûrement que j’adapte ma façon de travailler. Sachez que ce sont mes blanches mains qui apparaissent sur les photos, et que je présente toutes mes excuses à ceux qui attendaient que je parle de la victoire de Berlusconi sur la gauche bisounours italienne… Peut-être un jour… Mais je ménage ma tension.

6 Comments so far...

fred Says:

16 avril 2008 at 09:24.

Euh … pardon pour cette question de nain-culte, mais c’est quoi le taux de « blutage » ?

Paul Says:

16 avril 2008 at 10:58.

Allez, comme je suis fainéant, je t’ai pompé ça dans un livre : « Les farines sont classées suivant leur taux de blutage qui différencie les farines blanches, bises, complètes ou intégrales. Le taux de blutage – ou taux d’extraction – correspond au pourcentage de farine obtenue à partir du blé. Plus on blute la farine avec des tamis fins, plus il y a de son éliminé et plus la farine devient blanche. La farine blanche dans la grande distribution correspond à un taux de blutage de 70% environ. Les farines bises correspondent à 80%, les complètes à environ 90% et les farines dites intégrales, à plus de 95%.

Il est intéressant de connaître la correspondance avec un autre indice de qualité des farines, facilement mesurable à partir du produit fini, sans référence au blé de départ : le « type » mesure, en pourcentage, le taux de cendres d’une farine par rapport à sa matière sèche. Le type 110 indique par exemple que cette farine contient de 1,0 à 1,2% de cendres. Plus le type a une valeur élevée, plus une farine est complète. En effet, les minéraux, comme les vitamines, se situent surtout au niveau des couches périphériques du grain de blé et sont éliminées de façon importante dans les farines les plus raffinées. »
En fait, l’emploi de « taux de blutage » pour les chiffres 80, 110 ou 160 est un peu un abus de langage : il faudrait plutôt parler de « type » de farine, mais comme le type dépend du blutage effectué…
Ça va c’est à peu près clair ?

fred Says:

16 avril 2008 at 11:11.

oui ! merci !
je n’ai plus qu’à aller me renseigner pour savoir ce qu’est une farine « bise »
(au début, j’ai pensé à une faute de frappe, pour farine « grise » mais non !)

Elisabeth Says:

16 avril 2008 at 17:26.

Moi aussi je fais mon pain parfois, c’est pas bobo ici, c’est juste ça ou rien sur mon île (rien c’est la baguette à goût de carton, au bout de quelque temps si tu es Français tu craques, c’est un signe d’ailleurs du Syndrome des Nouveaux Arrivants). Bref, je fais plus simple parce que la farine y’en a qu’une aussi sur l’île. Ce qui me fait rire c’est quand tu dis qu’il faut placer ça dans un endroit chaud, 20-25°… Tu parles du frigo????

François Says:

16 avril 2008 at 18:23.

Ca fait 3 ans que je me suis mis à faire du pain occasionnellement, pour profiter du four à pain de notre coopérative, mais ce n’est que la dernière fois que j’ai enfin réussi à obtenir une miche vraiment satisfaisante. Donc oui, je confirme, ça demande de l’expérience et il ne faut pas se décourager. J’ai été très fier de mon premier pain complet qui n’a pas ressemblé à une galette trop cuite 🙂

françoiselou Says:

30 juillet 2008 at 01:49.

Au risque de me faire jeter …
C’est ma machine à pain qui pétrit et qui fait lever la pâte, et je cuis dans mon four. Mais je pétris aussi un peu avant de façonner mes baguettes et c’est vrai que ce « patassage » est jouissif !!!

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