29 novembre 2008

Balade médiévale à Pérouges

Posté par Paul dans la catégorie : tranches de vie locale; vieilles pierres .

Ce n’est pas de la « Perugia » italienne, ville médiévale bien connue de la région de l’Ombrie, mais de Pérouges, un petit village de l’Ain, à une cinquantaine de kilomètres de chez nous, à côté de la bourgade de Meximieux, dont je veux vous parler. Je vais vous dire, pour une fois, beaucoup de bien de ma région ; cela vous montrera qu’il m’arrive parfois de « positiver » ! Nous avons le plaisir d’habiter un secteur géographique plutôt joli, un peu trop peuplé sans doute, mais possédant le privilège d’être entouré, dans un rayon d’action raisonnable, par des paysages très divers et des sites touristiques plutôt intéressants. Me voici donc promu, pour quelques minutes, employé modèle de l’Office du Tourisme local… A moins de cinquante kilomètres de notre charmant domaine, nous vous proposons de découvrir : le lac du Bourget avec l’abbaye de Hautecombe, le massif de la Chartreuse, les contreforts du Jura, les sites historiques de Crémieu, Quirieu, Pérouges…, le château des Allymes, le musée archéologique de Saint Romain en Gal, le marais de Lavours et les vignobles du Bugey, les étangs des Dombes et leur parc ornithologique… etc… J’arrêterai là cette longue liste, car en réalité, pour l’instant, je n’ai ni chambres d’hôtes à vous louer, ni camping trois étoiles à promouvoir ! Mais bon, si vous passez dans la région, on pourra toujours vous proposer un arrangement du style « CouchSurfing » !

Si je fais référence à Perugia, c’est parce que la légende a couru, un temps, parmi les historiens locaux, que Pérouges avait été fondée, à l’époque gauloise, par des émigrants provenant de la ville italienne. D’autres ont avancé l’hypothèse qu’il s’agissait de marchands italiens qui auraient choisi ce nom, en référence à leur région natale, au début du Moyen Âge… J’ai posé cette question à une guide avenante et compétente (les deux ne vont pas toujours de pair) lors d’une visite guidée de la vieille cité, au printemps, et elle m’a répondu qu’aucun fait significatif ne venait confirmer ou infirmer cette théorie… Pérouges est un site très touristique, régionalement très connu, et il vaut mieux choisir ses jour et heure de visite. A certaines périodes, l’affluence est telle qu’il est totalement impossible de cheminer dans les ruelles et encore moins de s’imprégner de l’ambiance que dégagent les vieilles murailles. Un petit matin, au printemps, en milieu de semaine, c’est l’idéal. On peut alors flâner dans les rues pavées, contempler fenêtres et blasons sur les façades, boire un café, à l’ombre d’un tilleul vénérable, sur la grande place centrale. Le village se dresse au sommet d’une colline et il a une structure circulaire. La porte principale se trouve à côté de l’église et c’est par là que l’on entre généralement si l’on a garé son véhicule aux emplacements « prévus pour ».

La fondation de la ville remonte probablement à l’époque gauloise, mais c’est au XIIIème siècle qu’elle va véritablement se développer. Située à la frontière entre le Dauphiné et la Savoie, Pérouges va être impliquée à plusieurs reprises dans le conflit de longue durée (baptisé par certains historiens « l’autre guerre de cent ans ») qui va opposer les deux provinces. Territoire dauphinois en 1300, puis savoyard en 1345, sa position est pour le moins instable. En 1468, elle sera définitivement acquise aux Ducs de Savoie et leur servira de place forte frontalière. Etant la seule place forte de la région à avoir résisté, cette année-là, à l’armée dauphinoise, elle sera récompensée pour sa fidélité et bénéficiera très rapidement d’une charte de franchise. Cette mesure très favorable à l’époque entraînera un développement rapide de la cité. En 1601, les régions du Bugey et de la Bresse sont rattachées à la France, et Pérouges perd une partie de son importance militaire. La forteresse est démantelée et la bourgade n’est plus qu’un centre économique prospère dont l’activité principale est le tissage, accessoirement la culture de la vigne.
N’ayant jamais connu de dégâts majeurs même si elle a été assiégée à plusieurs reprises, la ville a conservé un cachet indiscutable. Un soin important a été apporté à la rénovation, entreprise au début du XXème siècle. Même si quelques erreurs ont été commises (les clichés concernant la période médiévale ont la « peau dure »), en parcourant les vieilles rues, on peut se faire une idée assez juste du décor dans lequel évoluait la population à la fin du Moyen-Âge, ou au début de la Renaissance. La plupart des édifices conservés date en effet de cette époque.

La visite commence généralement par l’église Sainte Madeleine. Celle-ci présente la particularité d’être une église forteresse. Ses murs sont intégrés aux remparts de la cité, et ils comportent un chemin de ronde, auquel on accède par le clocher. Les ouvertures vers l’extérieur sont des meurtrières, ce qui est rare dans un édifice religieux. L’église était en construction lors du siège de 1468. Les Pérougiens se servirent des pierres servant à édifier les murs pour consolider les remparts ébranlés par la canonnade dauphinoise. Les assaillants repoussés, la construction reprit et elle fut achevée en 1479. Sur le fronton de la porte d’en-bas de la cité, se trouve une inscription en latin relatant cet épisode historique : « Pérouges des Pérougiens, ville imprenable, les coquins de Dauphinois ont voulu la prendre mais ils ne le purent. Cependant, ils emportèrent les portes , les gonds et les ferrures et dégringolèrent avec elles. Que le diable les emporte ! » Ce n’est pas très gentil pour mes ancêtres mais bon, après tout, ils n’avaient qu’à en rester à l’invention du « gratin » plutôt que d’aller faire la guerre à droite ou à gauche ! Pendant les longues soirées d’hiver je vous conterai cette histoire de la guerre Dauphiné-Savoie. Elle n’est pas sans présenter de nombreuses similitudes avec des conflits territoriaux récents, notamment au moment de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie…

Les plus belles rues sont la rue des Rondes et la rue des Princes. On peut y admirer des échoppes et des maisons avec de magnifiques façades. La rue des Rondes fait le tour de la ville. Elle aboutit à la place du puits où se trouvait le four banal et la maison du Sergent de Justice. La rue des Princes est sans doute l’artère principale de Pérouges. Elle est bordée d’échoppes avec leurs étals en pierre et leurs larges baies cintrées. Au Moyen-Âge on y trouvait côte à côte, notaires et vanniers, bouchers et apothicaire. Elle a la forme d’un « S » et permet d’accéder à la place centrale, dite « place du tilleul ». Celle-ci est vraiment superbe car c’est là que l’on trouve les bâtiments les mieux conservés et les plus typiques, notamment l’Ostellerie, datant du XIIIème siècle et le Musée du vieux Pérouges où l’on peut admirer d’anciens métiers à tisser, une collection de faïences ainsi que de vieux parchemins. Une galerie de style gothique servait d’abri aux marchands drapiers qui exposaient là leurs plus belles marchandises. Ces arcades ne servent plus maintenant qu’à accrocher épis de maïs et vieux outils. Dans un angle de la place se trouve un magnifique cadran solaire orné de deux blasons (Pérouges et région des Dombes) et de différents symboles astrologiques. C’est en 1792 que cette ancienne « place des Halles » a été rebaptisée « place du tilleul », à l’occasion de la plantation de son « arbre de la liberté ». Si vous n’êtes pas un visiteur pressé, d’autres ruelles, comme celle des Contreforts ou celle du Tambour méritent également un détour. On a aussi, par endroits, une vue magnifique sur la plaine de l’Ain…

Il n’y a pas à Pérouges de monument vraiment spectaculaire ; ce qui fait le charme de la cité c’est l’existence d’un ensemble de bâtiments de la même époque, permettant de reconstituer l’ambiance de cette vie populaire au Moyen-Âge qui est à la fois si bien et si mal connue. Plusieurs films y ont d’ailleurs été tournés (Fanfan la tulipe, les Trois Mousquetaires, Mandrin…) Si vous en avez l’occasion, essayez de faire la visite guidée. Celle-ci est intéressante parce que riche en anecdotes concernant la vie quotidienne des habitants. Pour notre part, nous y avons appris, par exemple, l’origine de l’expression « travail au noir ». Dans les ateliers de tissage, comme dans tous les autres ateliers, l’activité devait cesser à la nuit tombée. Cependant, certains maîtres artisans ne respectaient pas la consigne et leurs ouvriers continuaient l’ouvrage derrière les volets fermés. on disait alors qu’ils travaillaient « au noir ». Les risques d’incendie étaient alors importants car l’on utilisait chandelles ou lampes à huile, mais la quête du profit l’emportait déjà sur les considérations morales, religieuses ou simplement sécuritaires. Lors du circuit « accompagné » que vous ferez dans la ville, vous découvrirez le sens d’autres expressions (comme « le haut du pavé ») et l’usage d’autres objets bien singuliers. Si vous n’êtes pas fan de tourisme « organisé » ou simplement peu intéressés par l’histoire, rien ne vous empêche de limiter vos prétentions à une simple flânerie, et de la conclure par la dégustation de l’une de ces célèbrissimes « galettes de Pérouges » que les cafetiers et les aubergistes vous proposent à chaque coin de rue. C’est tout simplement une tarte au beurre et au sucre, mais c’est vraiment délicieux ! Mais ne venez pas vous plaindre après si la « feuille charbinoise » vous a fait prendre quelques kilos superflus !

NDLR : les photos illustrant cette chronique ont été prises par Brigitte Poulin Bergeron, Québecoise nous ayant honoré de sa visite au printemps de cette année 2008.

One Comment so far...

François Says:

2 décembre 2008 at 10:46.

Je garde de très bons souvenirs de Pérouges et de sa galette.

Leave a Reply

 

Parcourir

Calendrier

avril 2024
L M M J V S D
« Avr    
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930  

Catégories :

Liens

Droits de reproduction :

La reproduction de certaines chroniques ainsi que d'une partie des photos publiées sur ce blog est en principe permise sous réserve d'en demander l'autorisation préalable à (ou aux) auteur(s). Vous respecterez ainsi non seulement le code de la propriété intellectuelle (loi n° 57-298 du 11 mars 1957) mais également le travail de documentation et de rédaction effectué pour mettre au point chaque article.

Vous pouvez contacter la rédaction en écrivant à