3 janvier 2008

Sous l’écorce de mon Liquidambar

Posté par Paul dans la catégorie : Boîte à Tout; Feuilles vertes .

liquidambar.jpg Sous l’écorce de mon Liquidambar se cache mon amour des arbres et du bois en général. Le nom des arbres, ce nom que leur ont donné les botanistes ou la sagesse populaire, est déjà tout un parcours poétique et géographique : Séquoïa, Sycomore, Tulipier, Liquidambar, Araucaria… me font penser aux voyages de Sinbad le marin, tandis que je ne peux manquer de sourire un peu en pensant au Micocoulier ou à l’Aliboufier. Que de diversité aussi dans les silhouettes, la couleur des écorces, le dessin des feuilles, la texture des bois. Tenez un instant dans vos mains un rondin de Cèdre rouge et un morceau de bouleau blanc et vous comprendrez ce que je veux dire. Quelle différence de résultat selon que l’on travaille l’orme aux fibres grossières ou le bois si fin du tilleul…

Je suis environné constamment d’arbres, de bois, de feuilles, de papier… même lorsque j’écris ce billet dans ce blog baptisé « la feuille » charbinoise. Il y a longtemps que j’ai cette passion pour les arbres. Elle a débuté un peu à l’envers car je me suis intéressé d’abord à la matière en fin de vie, le bois d’œuvre, avant de découvrir le chêne dans la forêt, le geste simple de la plantation, puis le plaisir de récolter et de voir germer la graine. Mon maître à penser a longtemps été Pierre Lieutaghi et son ouvrage remarquable, « le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux », ma première bible de « boiseux ». Je l’avais acheté, à une époque où je n’étais guère fortuné, en édition de « grand luxe », chez Robert Morel. Il trône toujours au centre de ma bibliothèque, avec sa belle reliure toilée. Ce livre, je l’ai lu et relu dans tous les sens, dans l’ordre, comme un roman, dans le désordre, comme une encyclopédie, au gré des bois que j’achetais ou des arbres que je voulais connaître un peu mieux. Il a été rejoint depuis par d’autres chefs d’œuvre comme « Terre des arbres » de Wittmann ou « le monde des arbres d’ornement » d’Alain Baraton, le jardinier de Versailles. Actes Sud édite aussi une très belle collection thématique sur les arbres ; le premier que j’ai acheté étant « l’érable » de Guy Mottel, car j’ai un faible pour cette famille d’arbres (voir mon billet « Sus aux érables« , au mois de Novembre).

pezanin.jpg Très vite, je me suis aperçu que derrière la planche sans aspérités que me livrait ma raboteuse, se cachait une nuée de connaissances, de légendes, de traditions populaires… Partant d’un tronc commun à tous ses semblables, chaque arbre avait une histoire propre qui se ramifiait dans toutes les directions. L’amoureux du bois se devait d’être botaniste, écologiste, bûcheron, ethnologue, historien… Chaque copeau dégagé par le ciseau volait dans les pages d’un livre et indiquait des connaissances nouvelles. La connaissance des arbres permettait de voguer dans le canoë en écorce de bouleau à papier des indiens d’Amérique du Nord, ou d’imaginer les coffres en cèdre renfermant les étoffes précieuses des marchands sur la Route de la Soie…

Les anciens avaient une connaissance très poussée tant de l’usage particulier de chaque espèce d’arbre que des conditions d’abattage et de mise en œuvre. Les bois de nos forêts couvraient une multitude de besoins, du charbon pour les fours aux mâts pour la marine à voile, du plancher des carrioles à la couverture des toits. Pour les constructions extérieures on choisissait le chataîgnier ou le robinier (acacia par abus de langage) ; le mélèze refendu permettait d’obtenir d’excellents bardeaux, le pin Cembro faisait la joie des sculpteurs de montagne alors que le chêne Rouvre était réservé pour les fûtailles ou les pièces maîtresses des navires. On importait quelques bois précieux des îles comme l’ébène ou le bois de Rose, mais leur usage était réservé à la marquetterie ou à l’ébénisterie de luxe et les quantités utilisées ne mettaient pas en péril les forêts lointaines. Selon l’époque d’abattage et la « lunaison », la qualité du bois pouvait varier du tout au tout : le peuplier, par exemple, dont la réputation est bien médiocre de nos jours, a permis, dans ma région, la construction de charpentes qui résistent depuis plusieurs centaines d’années. Si ce vaste sujet vous intéresse, je ne saurais trop vous recommander de vous reporter aux ouvrages indiqués plus haut, ou bien encore à « l’éloge des arbres » d’Andrée Corvol chez Robert Laffont. André Corvol est présidente du groupe d’histoire des forêts françaises et son ouvrage contient de nombreuses anecdotes sur les différentes espèces d’arbre ainsi qu’un glossaire remarquablement copieux et instructif. Vous y trouverez des contes d’un peu toutes les cultures et des recettes de cuisine « médicinale » assez originales : après les banquets, pourquoi ne pas tenter une petite tisane de bouleau ? Son usage est tout à fait recommandé pour les troubles digestifs !

NDLR : pour ceux qui s’intéressent plus particulièrement au « liquidambar », une chronique consacrée exclusivement à cet arbre a été rédigée par la suite. Vous pouvez la consulter à cette adresse :« Liquidambar, la star »

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