28 décembre 2007

Ô temps qui passe, emporte cet an de malheur (opus 1)

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

cimetiere.jpg Fin d’année oblige, c’est l’heure des bilans, des rétrospectives et des nécrologies en tout genre. Je ne dérogerai pas à cette règle journalistique de base : avant de parler de ce qui va nous tomber sur le coin de la figure, étalons-nous longuement sur ce que nous avons déjà reçu ! Des études généalogiques relativement approfondies m’ont démontré que j’étais issu d’une longue lignée d’anonymes, de personnes qui n’ont laissé dans l’histoire que leur date de naissance et de décès sur un registre paroissial. Je revendique fièrement mon appartenance à cette lignée car je suis certain de n’avoir pour ancêtre aucun personnage ayant eu le pouvoir de nuire sur un rayon d’action plus grand que son entourage immédiat (vous me direz que c’est déjà pas mal mais nul n’est parfait). Parmi mes aïeux, point de généraux, de missionnaires, de diplomates, d’Enarques parasites… Point d’accumulateurs de médailles, de capitaux, de victimes sanglantes : des laboureurs, parfois simples journaliers ne possédant pas leur lopin de terre, des “meuniers de ciment”, quelques enseignants (encore une fois nul n’est parfait !), un curé (mon côté “Jésuite” diront certains)….

Aussi, lorsqu’à mon tour je me lance dans la rétrospective de cette année 2007, je voudrais, avant toute chose, rendre un hommage discret à tous ceux qui sont morts cette année, d’une mort souvent brutale, à cause de la violence de leurs semblables ou de celle, tout aussi aveugle de “Mère Nature”. Je voudrais parler de tous ceux qui n’ont pas eu le bon goût de mourir en France ou en étant nés Français, de tous ceux qui ont eu la triste idée de disparaître dans des catastrophes d’envergure modeste (moins de mille morts sur certains continents, dix mille sur d’autres). Je voudrais que vous ayez une pensée émue pour tous ceux qui, comme mes aïeux, sont morts aux champs (ou à la mine) sans autre honneur que celui d’avoir voulu, jusqu’au bout, nourrir leur famille ; pour ceux qui ont bénéficié d’une balle perdue, d’une sous-munition égarée, d’une mine sans charbon, morts pour une cause qui n’était pas la leur. Ils n’ont pas su arborer ce triste sourire sur un visage d’enfant qui émeut nos photographes en quête de “une” pour leur hebdomadaire favori. Il ne faut pas mourir un lendemain de “finale”, de foot, de tennis, de rugby, de référendum…

Le trafic d’armes se porte bien : il n’y a jamais eu autant de conflits dans le monde. Monsieur “Esprit du Bien” a entamé une croisade sans merci et sans limite contre les forces de Monsieur “Axdumal”. L’obscurantisme religieux est au mieux de sa forme ainsi que l’avait prédit “Bouldecristal” qui affirmait que le “XXI ème siècle serait religieux ou ne serait pas”. L’exploitation des travailleurs s’affine de jour en jour : ce n’est pas un hasard si les accidents dans les mines sont de plus en plus nombreux. Les droits sociaux, conquis après un siècle de lutte dans les pays occidentaux seront bientôt passés aux oubliettes de l’histoire. Le climat se dérègle; les terres labourables sont inondées, bétonnées, asséchées, polluées mais rarement bien traitées. La courbe démographique de population ne s’arrête pas de galoper vers le ciel : pas de problèmes, on va utiliser les céréales pour faire du carburant “vert” et on laissera les bonnes vieilles épidémies concoctées dans les labos de recherche des bienfaiteurs militaires de l’humanité s’occuper du reste.

bangladesh-map.jpg Monsieur Tofael Mamun, cultivateur de riz, est mort au Bangladesh, le 15 novembre 2007, pendant son sommeil. Sa maison a été emportée par un raz de marée de boue qui n’a pas eu la bonne idée de passer ailleurs. Il est parti heureux dans l’au-delà car tous les membres de sa famille ont embarqué avec lui. Il n’aura plus le souci de nourrir ces sept bouches affamées. Il ne laissera peut-être même pas son nom sur le registre de la commune car le bâtiment municipal et son magnifique ordinateur acheté par une ONG américaine ont été aussi emportés par l’ouragan. Il laisse à l’humanité la modeste empreinte de son pied dans la boue. Il peut avoir une fierté : son riz aura nourri des êtres humains et n’aura pas fini dans le carburateur d’une BMW… Cette première rétrospective ainsi que mes premiers vœux lui sont dédiés…

One Comment so far...

fred Says:

28 décembre 2007 at 13:42.

Je ne connais pas bien du tout ce Mr Tofael Mamun, mais qui te dit que son riz n’a pas servi aussi à faire du saké ? Car dans ce cas, ce n’est pas une simple empreinte de pied dans la boue qu’il aura laissé, mais également un nombre impressionnant de gueule de bois ! Et je mets au défi tout occidental de dire que le saké bu tiède est bon lorsqu’on s’y essaye pour la 1ère fois ! Mais à part ça, je veux bien lui dédier aussi mes meilleurs voeux la prochaine fois que je mangerais du riz.

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