9 avril 2009

Animation médiévale au château du Haut Koenigsbourg (I)

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage; vieilles pierres .

La Compagnie de Saint Georges à l’œuvre

Fin de semaine à rallonge dans les Vosges alsaciennes… Au programme : randonnées, vieilles pierres et gastronomie locale, avec un petit détour par le musée du chemin de fer à Mulhouse. Le prétexte invoqué ? Une animation médiévale de trois jours proposée par la célèbre « Compagnie de Saint-Georges » au château du Haut Koenigsbourg. Cette expédition a été l’occasion de découvrir également bon nombre de ruines médiévales fort intéressantes dans les environs de Sélestat, mais aussi (ne soyons pas hypocrites) celle de déguster quelques bons crus locaux pour reposer les gambettes et dérouiller les neurones. Rien de tel qu’une petite escapade printanière pour prendre conscience, à son retour, de la vitesse à laquelle la nature se transforme, grâce aux premières chaleurs d’avril. J’ai derrière la tête l’idée de vous raconter quelques-uns de nos meilleurs moments de ce voyage, ce sera l’occasion d’évoquer un peu le patrimoine historique d’une grande richesse que l’on peut découvrir en Alsace.

vue-partielle-chateau Notre parcours médiéval a donc débuté au château du Haut Koenigsbourg, un lieu bien singulier. A la fin du XIXème siècle se dressait en cet endroit une ruine majestueuse, assez bien conservée, malgré les aléas du temps et les diverses péripéties militaires traversées au cours de son histoire. Il se trouve qu’à ce moment-là, l’Alsace avait été quelque peu annexée par notre voisin germanique, suite aux aventures malheureuses de ce galopin plutôt bêta de Napoléon III. Le château du Haut Koenigsbourg avait certes été classé « monument historique », mais la ville de Sélestat, qui en était alors propriétaire, n’avait pas les moyens de faire les travaux de consolidation nécessaires à la conservation du bâtiment. La ville décida alors, à l’occasion d’une visite de l’Empereur Guillaume II, de lui faire cadeau du monument embarrassant, en espérant que le Kayser ferait le nécessaire pour son maintien en l’état. Il se trouve que la vieille forteresse intéressa beaucoup l’Empereur tout puissant. Celui-ci adorait jouer à la guerre, et se complaisait dans l’atmosphère romantico médiévale très en vogue des deux côtés du Rhin à cette époque-là. Ce personnage ayant la chance d’avoir les pleins pouvoirs, et les moyens de faire exaucer ses vœux les plus loufoques, décida de faire restaurer la forteresse par l’un de ses architectes les plus compétents, Bodo Ebhardt, et d’en faire, au passage, un témoignage de plus de sa grandeur et de sa générosité. C’est ainsi que le Haut Koenigsbourg devint le « jouet favori » de Guillaume II. Le chantier entrepris en cette année 1901, dépasse tout ce que l’imagination d’un être raisonnable (et dépourvu de moyens impériaux) peut concevoir. En sept ans, la ruine est transformée en un château médiéval de contes de fée : entièrement rebâtie, murs, toitures, cheminées, au prix d’un travail colossal. Il fallut dans un premier temps dégager la ruine, puis creuser de nouvelles carrières, installer un chemin de fer temporaire pour transporter les matériaux, monter deux énormes grues… L’architecte s’inspira des gravures anciennes lorsque c’était possible ou improvisa lorsque les documents manquaient. Quand l’Empereur prit possession des lieux, pas un bouton de guêtre ne manquait : cheminées, tapisseries, mobilier, artillerie, armures, vaisselle… tout ce qu’il faut pour jouer au soldat de plomb et au chevalier de la belle époque était présent. L’inauguration, le 13 mai 1908, donna lieu à une fête costumée somptueuse. Guillaume II prononça un discours grandiloquent, dans lequel il évoqua le fait que, par le passé, la forteresse avait appartenu aux Hohenstaufen, puis aux Habsbourg et qu’il était donc « légitime » qu’elle soit maintenant dans les mains des Hohenzollern… Je vous rassure tout de suite, en 2009, c’est le conseil Général du Bas-Rhin qui s’en occupe : c’est moins prestigieux, mais assez efficace néanmoins puisque ce « monstre sacré » voit défiler plus d’un demi million de visiteurs chaque année.

tours-multiples Pour être honnête, il faut reconnaître que la veille forteresse rénovée possède un charme certain et qu’à défaut d’une historicité indiscutable, elle peut constituer un décor de première grandeur pour du médiéval fantastique : le labyrinthe des escaliers, le dédale des couloirs, la multitude de bâtiments et de salles, les coins et les recoins dissimulés, à l’abri du regard, sont autant d’éléments propices à stimuler l’imaginaire, pourvu qu’il n’y ait pas trop de visiteurs le jour de votre passage. Se limiter à la visite du Haut Koenigsbourg et se dire ensuite « je connais l’architecture castrale alsacienne », c’est se faire une sacrée illusion. Un parallèle peut être facilement établi entre le travail de Bodo Ebhardt en Alsace et celui de Viollet Leduc, à Pierrefonds ou à Carcassonne. Une certaine authenticité historique a été recherchée, mais elle est conforme aux connaissances et aux clichés de l’époque. Dans la mesure où il s’agit d’une reconstruction, des choix ont été faits ou imposés : c’est avant tout la vision de l’architecte du projet que l’on a. A ce sujet, une petite pointe de nationalisme habite aussi ceux qui ont critiqué le travail de Bodo Ebhardt tout en étant relativement indulgents avec la restauration méthode Viollet Leduc. Il faut dire qu’après le retour de l’Alsace dans le giron républicain français, tout ce qui avait été réalisé par « l’occupant » était bien entendu jugé avec une grande sévérité. Le Haut Koenigsbourg cristallisa donc la haine de certains envers l’impérialisme allemand. Le temps écoulé permet maintenant d’avoir une vision plus équilibrée des choses et de replacer cette visite dans l’ambiance qui doit être la sienne : une évocation romantique de la vie au Moyen Age dans un grand château alsacien (le plus grand de tous même, sauf erreur de ma part). Le travail remarquable effectué par la Compagnie de Saint Georges, en cette fin de semaine du 3, 4 et 5 avril, permet de donner une profondeur supplémentaire à cette vision. La présence de figurants costumés et actifs dans les différents recoins du château le rend particulièrement vivant.

compagnie-st-georges-1 La Compagnie de Saint-Georges, responsable de l’animation, est constituée par un groupe de passionnés d’histoire vivante. Créée il y a une vingtaine d’années, elle a acquis, grâce au sérieux de son travail de reconstitution, une renommée internationale. L’association est basée en Suisse, mais recrute dans divers pays d’Europe. L’objectif de la compagnie est très précis et permet une recherche historique d’autant plus approfondie : faire revivre une compagnie d’artillerie de l’armée du Duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, entre 1460 et 1480. Le Moyen-Âge est une vaste période, et de nombreux éléments du mode de vie des paysans, des artisans ou des nobles, ont changé d’un siècle à l’autre ou bien d’une région à une autre. La plupart des sociétés qui veulent effectuer un travail un tant soit peu sérieux, se spécialisent sur une période et une région bien précises. L’époque où l’on pouvait voir des chevaliers participer à la bataille de Crécy avec des casques normands est révolue, de même que celle où l’on servait allègrement des pommes de terre dans les banquets « médiévaux ». Les membres de la Compagnie de Saint Georges, ainsi que je vous le disais plus haut, sont originaires d’une dizaine de pays différents, et se regroupent à l’occasion de rassemblements festifs comme celui du Haut Koenigsbourg. Ils incarnent à cette occasion des gens de guerre, des musiciens, des artisans ou des membres de leur famille. Les adhérents de l’association, d’ailleurs souvent impliqués dans la gestion de collections ou de musées, attachent une grande importance à la rigueur de leur démarche. Ils ne proposent pas une vision du Moyen-Âge résumée à quelques combats à l’épée, deux ou trois tournois ou une mêlée sauvage. Ce sont surtout les détails de la vie quotidienne au temps des châteaux forts et de la féodalité qui sont mis en avant. Dans les différentes salles et cours du château sont donc installés des ateliers de couture, de broderie, de poterie, de gravure… On peut observer de près le travail d’un forgeron, d’un scribe ou d’un tailleur de semelles de chaussures en bois. Ecuyers et chevaliers apprennent le maniement de l’épée pendant que, non loin de là, un groupe d’artilleurs s’entraine à monter et à démonter un canon sur affût mobile en un minimum de temps. Les artisans sont là pour expliquer leur travail et répondent aux questions du public (parfois avec l’aide d’un interprète), avec beaucoup de gentillesse et de patience (il en faut parfois quand les visiteurs sont des collégiens peu motivés !). Dans un recoin de la basse cour, un feu a été allumé et un groupe se charge de la préparation de la « popote » collective, de l’épluchage des racines au tranchage du pain et du jambon. Des serviteurs, portant de lourdes cruches, se chargent de ravitailler les artisans assoiffés. Bref, l’ambiance est très prenante. Notre seul regret à l’issue de la visite sera lié au succès de la manifestation : le public est important, trop parfois, et il faut souvent faire du coude à coude pour observer certaines activités. Une petite précision concernant la Compagnie de Saint-Georges, pour les fans de Tolkien ou du film « le Seigneur des anneaux », sachez que John Howe, le célèbre dessinateur, est l’un des membres fondateurs de cette société. Bien que nous ayons longuement recherché son visage parmi les acteurs présents, nous ne pensons pas l’avoir rencontré !

Après avoir visité le Haut Koenigsbourg, nous nous sommes attaqués à une autre partie de notre programme : découvrir, le plus souvent possible à pied, un grand nombre de ruines médiévales des environs de Sélestat et de Colmar. Nous avons visité ainsi une dizaine de châteaux, dans un état de conservation plus ou moins bon, mais dégageant tous une formidable impression d’authenticité et beaucoup de romantisme : deux éléments qui manquaient un peu dans le « palais » de Guillaume II. Rassurez-vous je ne vous conterai pas l’histoire de chacun de ces lieux, mais quelques-unes de ces vieilles bâtisses de pierre méritent quand même un arrêt significatif… Je pense entre autres au château de Saint Ulrich ou à celui d’Ortenberg… Auparavant, je vous proposerai un second volet, exclusivement photographique, de notre rencontre avec les artilleurs du Duc de Bourgogne… Pour les personnes allergiques à l’histoire médiévale, sautez directement deux cases et rendez-vous à la semaine prochaine !

compagnie-st-georges-2

4 Comments so far...

Clopine trouillefou Says:

9 avril 2009 at 12:23.

eheheh, la feuille, vous mettez vos pas dans nos traces ! Le haut Koenigsbourg, nous y sommes allés il y a deux ans. J’avais gagné, sur « questions pour un champion » en ligne, un bon pour un VVF, on avait choisi l’Ardèche, mais la Dame du secrétariat s’est plantée et nous a envoyés en Alsace. Nous n’avons nullement regrettés, malgré un ou deux détails un peu « gênants »dans le genre une sorte de haine du désordre qui ne m’allait pas trop bien au teint. Mais le pinard, là-bas…

Nostalgie, donc, en lisant ton billet. Un jour peut-être, pas trop lointain en plus, on pourra en deviser plus longuement ?

Clo

fred Says:

9 avril 2009 at 14:28.

Pareil ! Pour moi, Le haut Koenigsbourg, ce sont des souvenirs de visites avec mes parents …
Le château est magnifique ! et certains parquets, très glissants !
Et effectivement, que dire sur la gastronomie Alsacienne !? Les charcuteries, les vins et les tartes à la framboise ! mmmmmmm ! L’Alsace est magnifique en cette période … bande de veinards !

julio Says:

12 avril 2009 at 10:02.

On y avait droit pour les voyages de fin d’année ! Ah l’Alsace l’une des plus bel régions du monde, et ou nous sonne arrivé quand nous avons émigré d’Espagne !

Paul Says:

12 avril 2009 at 11:07.

Merci Julio pour ce commentaire. je suis content de voir que tu es resté un lecteur fidèle malgré la diversité des sujets abordés…

Leave a Reply

 

Parcourir

Calendrier

avril 2024
L M M J V S D
« Avr    
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930  

Catégories :

Liens

Droits de reproduction :

La reproduction de certaines chroniques ainsi que d'une partie des photos publiées sur ce blog est en principe permise sous réserve d'en demander l'autorisation préalable à (ou aux) auteur(s). Vous respecterez ainsi non seulement le code de la propriété intellectuelle (loi n° 57-298 du 11 mars 1957) mais également le travail de documentation et de rédaction effectué pour mettre au point chaque article.

Vous pouvez contacter la rédaction en écrivant à