2 juin 2009

L’estomac est bien le siège de l’âme

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; le verre et la casserole .

Gastronomie sans conscience n’est que ruine de l’esprit

Ça aurait pu s’intituler aussi « roter, oui voter non » mais ce titre a été rejeté par la commission d’éthique (d’éthylique ?) qui veille à la bonne tenue générale de ce blog. Ce n’est pas la peine d’avoir créé une rubrique « le verre et la casserole » pour ne plus y ajouter le moindre ingrédient depuis des mois. Pour un blog qui se veut polymorphe, polychrome et politique, c’est une insuffisance grave. Je vais donc derechef aborder le sujet par le menu ou plus exactement le menu sera mon sujet. Histoire de jeter toute la lumière sur le flot d’évènements que je vais vous conter ici-même, sachez que le repas dont il est question s’est déroulé hier soir, en nos locaux de la seigneurie charbinoise, que nos invités étaient charmants et que nous avons parlé de tout sauf d’élections européennes. Il est préférable que vous interrompiez votre lecture tout de suite si vous comptez sur votre serviteur (c’est comme ça qu’on parle de façon pompeuse pour désigner le gugus qui écrit) pour vous aider à choisir dimanche entre Front de Gauche mi-cuit, cru ou en conserve.

legumes L’apéro déjà c’était bien : vin d’orange amère maison (pas la nôtre, mais une maison quand même) ou pastis, les deux servis bien frais, mais séparément, avec un assortiment de petites gâteries salées destinées à délier la langue de nos amis (la nôtre étant déjà assez souple comme ça, à jeun). Les olives provenaient du marché de Morestel : elles avaient été préparées avec amour (et sans cyanure) par l’une de mes anciennes élèves qui a choisi une orientation gastronomique très acceptable. Il y en avait au citron confit (des olives, pas des élèves), d’autres à la marocaine (éviter, au moment de l’achat, de dire « à la tunisienne ») et enfin un assort de petites noires à la provençale (pour les olives on n’est pas obligé de dire « de couleur » ou « autochtone »). Le saucisson, débité en fines rondelles (elles-mêmes recoupées en bouts plus petits pour faire durer le plaisir) provenait d’une ferme voisine et fleurait bon le porc de terroir, assaisonné avec amour et donc poivré sans excès. La provenance des biscuits salés ne vous regarde pas, et, de plus, je me suis engagé à ne pas faire de publicité lorsque je ne suis pas rémunéré pour ça. J’y aurais bien ajouté quelques cubes de Beaufort de la fruitière (de Beaufort) mais il faut savoir ne point commettre d’excès dans les prémisses. Des petites noix de cajou bien craquante auraient pu être de la partie, mais celles que je produis au jardin ne sont pas encore mûres. Cette dernière information a pour but de vous mettre la puce à l’oreille : il se peut bien que dans cette chronique l’enthousiasme m’ait malencontreusement poussé à écrire quelques inexactitudes. Qu’importe le fond, pourvu qu’on ait l’ivresse…

A propos de fond, lorsque nous avons aperçu celui de nos verres – un moment toujours empreint d’une certaine tristesse – nous avons servi la salade de saison que nous avions confectionnée : une salade verte garnie de tomates, de fromage de chèvre et d’aromates divers. L’exactitude étant la mère de la Science, je me dois de vous préciser la nature et la provenance de chaque ingrédient. La salade verte d’abord : c’était une « laitue du curé ». Un début de repas est toujours un moment solennel, et il est de bon ton, après l’ambiance un peu débridée de l’apéritif, de prendre une pose un peu plus mystique, pour ne pas dire ecclésiastique. La chair dense et goûteuse d’une tomate cœur de bœuf équilibrait à merveille la saveur un peu neutre de la verdure catholique. Histoire de relever un peu l’ensemble : un demi fromage de chèvre de pays bien parfumé, découpé en fines lamelles, quelques feuilles de basilic rouge et un soupçon de persil. J’ai voulu tenter l’association basilic avec huile de noix dans la sauce ; c’était une petite erreur stratégique ; l’huile d’olive, avec de tels ingrédients, aurait été mieux à sa place. Que dire encore de cette entrée en matière : le vinaigre était balsamique, l’ensemble était bien frais et les portions abondantes car nous avons horreur des salades trop pingres…. Le genre « restau » où l’on vous sert trois feuilles dans un ramequin assaisonnées avec du nettoyant ménager ou de la sauce toute prête en flacon (c’est à peu près la même chose).

canard-1 La dernière goutte de vinaigrette « lichée » avec un bon morceau de pain au noix (du vrai, cuit au four à bois, fabriqué avec de la bonne farine bio de marque Borsa – l’une des plus goûteuses sur le marché), le maître de maison (c’est le même gus que « votre serviteur ») a procédé au débouchage du vin qu’il avait choisi pour accompagner la suite des plats. Une petite goutte au fond du verre pour dépister le catastrophique mais heureusement rare « goût de bouchon » et puis en piste. Un vrai bonheur : un Pinot noir d’Alsace, année 2007, viticulteur Fernand Engels (non ce n’est pas le pote à Marx qui s’est reconverti – arrêtez l’humour facile !). Un petit bijou rapporté de notre dernier voyage au pays des Alsaciens. Le domaine est cultivé en biodynamie et, visiblement, le vin est traité avec autant d’amour que la vigne. Bref, un bouquet d’arômes excellent au nez et un délice au palais. Ne comptez pas sur moi pour vous parler d’odeur de violette, de fruits rouges, de crotte de bique dans les Alpages… Je ne suis pas œnologue, pas plus que castellologue ou politologue. Je ne suis QUE gourmet. La raison pour laquelle mon choix s’était porté sur ce vin, c’est que je supputais qu’il allait accompagner merveilleusement la suite du grignotage et – pardonnez moi ce moment de fierté abyssale – je ne m’étais pas trompé.

La table a vu atterrir une jardinière de saison, le plat que mon estomac attend depuis des semaines, l’unique raison pour laquelle je consens encore à cultiver des petits pois dans mon potager. La recette est simple : deux oignons blancs rissolés dans de l’huile de tournesol (achetée à la ferme), deux portions de pommes de terre nouvelles, deux portions de carottes (nouvelles aussi), deux portions de petits pois cueillis le matin même. Le fin du fin consiste à ajouter, en début de cuisson, deux petits cœurs de laitue, du sel, du poivre, quelques lardons non fumés (ou – à défaut – quelques rondelles de saucisse de Toulouse pas trop grasse). Tout cela mijote une demi-heure à quarante minutes, à feu très doux, avec un verre d’eau pour éviter les accrochages de fond de cocotte, toujours déplaisants au goût. Pas de cuisson vapeur : vous allez provoquer une explosion dévastatrice des petits pois et votre plat va ressembler à une bouillie mal décongelée. Le fin du fin du fin, c’est de faire cuire en deux fois : comme le bœuf bourguignon et tant d’autres, ce plat est meilleur réchauffé. Cette assertion a été vérifiée : nous avons englouti les deux portions restantes à midi. J’espère que cette précision finale permettra aux esprits matheux qui me lisent de calculer le nombre d’invités que nous recevions hier soir, avec un peu plus d’aisance qu’il n’en faut au Sinistre de l’Education feu Nationale pour digérer le résultat d’une « règle de trois ».

canard-2 Cette succulente jardinière accompagnait un plat de viande simple, maigre, mais néanmoins de très bonne tenue : des aiguillettes de canard poélées, aromatisées au Gewurtztraminer et à l’origan frais (du potager). La recette est simple, mais le résultat est quasi paradisiaque (la moindre des choses quand on a commencé par une laitue « du curé »). On fait revenir les aiguillettes dans le beurre, une minute d’un côté, une minute de l’autre, puis on ajoute dans la poêle un demi verre de vin blanc. Histoire de faire « régime », on verse ensuite un demi verre de lait (de vrai lait) ou deux cuillerées de crème liquide. On termine avec l’origan découpé en fines lamelles, un peu de sel et un soupçon de poivre. Un petit mot sur le lait : nous avons la chance de pouvoir aller chercher du lait frais, directement dans une ferme, faisant partie d’un réseau « voisin de panier » (genre AMAP mais moins contraignant). Le lait est bio et il n’est pas écrémé. Depuis que cet ingrédient, oublié depuis une bonne vingtaine d’année, a de nouveau franchi le seuil de la maison, je l’utilise presque systématiquement à la place de la crème du supermarché. Lorsque la bouteille a reposé quelques heures au réfrigérateur, un gros bouchon de crème se forme dans le col. Selon l’épaisseur de la crème que je souhaite utiliser en cuisine, je verse le lait avec plus ou moins de précautions… Des quiches ou des sauces béchamel fabriquées avec ce breuvage exquis n’ont plus aucun rapport avec ce que l’on peut réaliser avec du lait industriel écrémé et reconstitué… Côté conservation, ça ne vaut pas tout à fait le UHT, mais le litre se conserve une semaine sans soucis… Une suggestion : faites raser les centres commerciaux à côté de chez vous et proposez aux municipalités qu’on y installe des fermes avec de gras pâturages.

cerises-1 Buveurs raisonnables nous étions, d’autant que nos charmants invités travaillaient aujourd’hui, c’est-à-dire le lendemain d’hier soir donc, et la bouteille de Pinot a tenu le repas, jusqu’au fromage compris. C’était chanceux car je me demande encore quel vin j’aurais pu servir après, assurant à la fois la continuité et une saveur suffisamment relevée pour accompagner les petits « chèvres » figurant sur le plateau. La période estivale approchant, l’assortiment de fromages que nous faisons se restreint un peu. Les fortes chaleurs ne se prêtent guère à la dégustation de Maroilles, Epoisses ou autres Coulommiers crémeux. Notre sélection s’est resserrée géographiquement et la plupart des fromages que nous avons servis provenaient du point de vente fermier (groupement de producteurs de diverses denrées) qui se trouve à deux pas de la maison et où nous pouvons nous rendre sans peine à pied, à cheval ou en bicyclette à assistance électrique. La grosse faim était calmée ; la petite soif aussi ; les langues étaient déliées et les yeux brillants. L’écart d’âge entre hôtes et convives ne semble pas avoir posé problème. Bref tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous avons dégusté tranquillement les cerises ramassées sur notre cerisier. La seule question un tant soit peu « politique » qui a été abordée, je ne m’étendrai pas trop dessus, pour des raisons déontologiques : Nicolas Sarkozy se trouvait-il dans l’Airbus qui avait crashé dans l’océan ? La réponse à cette grave interrogation étant négative,  je ne vous dirai rien sur les réflexions qui ont suivi. Un blog n’est pas un journal intime et il faut bien laisser un peu de boulot à la DCRI.

Il est temps de nous quitter. Ma tasse de darjeeling est presque terminée…. Froide même : j’ai été, encore une fois, un peu trop bavard. Pour les élections européennes, ne vous pressez pas : attendez encore une mois ou deux pour faire votre choix. Si le confit de Gauche est bien stérilisé, il ne devrait pas perdre en saveur. Je vous propose une devinette pour la bonne bouche. Trois personnalités célèbres ont vécu dans notre région proche : le bon curé d’Ars, le chevalier Bayard et Brillat-Savarin. A votre avis, lequel des trois m’inspire le plus ?

NDLR : les dessins sont de Toto quand il était à l’école. L’origine de cette chronique ? Un texte que j’ai lu hier soir sur le ouaib, écrit par un « gars » assez agressif, expliquant que les blogs c’était rien que des c…, qu’il n’y avait rien de tangible à l’intérieur et que les gars et les filles qui dévoilaient leur intimité à tout va ça le faisait gerber d’ennui. J’ai donc fait acte de gentillesse : c’était dommage que ce « gars » il ait écrit toutes ces c… pour rien !

10 Comments so far...

Cactus au parfum . Says:

2 juin 2009 at 16:17.

c’est donc pour cela que j’ai l’âme dans l’étalon , moi ! merci à vous !!

Lavande Says:

2 juin 2009 at 17:37.

Lecture intéressante mais j’ai toujours préféré les travaux pratiques aux compte-rendus et autres cours magistraux.

Paul Says:

2 juin 2009 at 19:26.

La propagande par le fait, la propagande par le fait, il n’y a que cela ! Ce soir nous préparons les apéros futurs en lançant la fabrication de vin d’orange amère maison (la nôtre). Ceux qui veulent déguster n’ont qu’à prendre rendez-vous par courriel ! (lafeuillecharbinoise@orange.fr) Les candidatures seront examinées une par une, à l’occasion d’apéritifs débats…

Grhum Says:

2 juin 2009 at 21:11.

Beau menu, j’en ai l’eau à la bouche. A propos de fonds de verres, comme le disait le regretté R. Devos : « Quand mon verre est plein, je le vide, quand mon verre est vide, je le plains. »
sinon je pose ma candidature au poste de juré pour le vin d’orange.

Lavande Says:

3 juin 2009 at 09:29.

Une affiche qui fera vibrer ta fibre d'(ex)éducateur dans le blog d’Henri Zerdoun:

http://henrizerdoun.blogspot.com/

fred Says:

3 juin 2009 at 10:20.

Tu me donnes faim ! j’ai noté ta recette de jardinière, vu qu’étrangement, depuis quelques mois, je vis une histoire d’amour avec les légumes ! le petit pois/carotte est devenu mon ami ! Sinon, j’espère qu’il y aura encore de la « tête de Moine » aux dragonneries ! Je te ramenerai encore un peu de Vins Alsaciens pour l’accompagner …

Lavande Says:

3 juin 2009 at 11:10.

Ben alors qu’est-ce que c’est que cette méfiance? Pourquoi j’awaite moderation alors que Fred, rien du tout, y passe sans être modéré?

fred Says:

3 juin 2009 at 12:31.

c’est parceque je suis le symbole vivant de la notion de « modération » ! 🙂

Paul Says:

3 juin 2009 at 12:37.

Si ce n’était que moi j’aurais approuvé le commentaire de Lavande… je pense que c’est la DCRI qui a bloqué dans un premier temps : ils n’avaient pas compris ce qui était marqué sur l’affiche et puis le nom du blog « Zerdoun » avait une consonnance étrangère…

Paul Says:

3 juin 2009 at 12:39.

Et puis fred c’est bien français comme consonnance, ça fait pas trop terroriste afghan. Tandis que Lavande, ça sent son pseudo à mille lieues à la ronde… Avec tous ces terroristes, à Tarnac, à Cognin, à Fort Boyard et ailleurs, méfiance !

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