31 janvier 2008

L’arbre à palabres

Posté par Paul dans la catégorie : voyages sur la terre des arbres .

baobab1.jpg L’arbre à palabres c’est le géant africain, le baobab, sous lequel se réunissent les habitants du village lorsqu’il y a un problème à résoudre ou des discussions importantes à tenir. C’est aussi l’arbre du griot, le conteur, qui apporte à la communauté la tradition et la sagesse des anciens. Le baobab c’est un arbre important dans la culture africaine, emblème national d’un pays comme le Sénégal. Son nom commun est dérivé de l’arabe « bu hibab », fruit à nombreuses graines. Il porte le nom latin d’Adansonia digitata, pour rendre hommage au botaniste Michel Adanson, qui a décrit l’espèce après un voyage au Sénégal vers 1750. Mais l’arbre existait bien avant que le botaniste ne lui donne un nom savant ! Certains spécimens que l’on peut observer au pays des Bochimans dépassent l’âge vénérable de 3000 ans. Le baobab possède une vitalité extraordinaire et il figure parmi les êtres vivants qui vivent les plus vieux. La méthode habituelle du comptage des cernes ne marche pas pour déterminer son âge. Les années où la sècheresse est trop sévère, l’arbre ne grossit pas et il n’y a donc pas de cerne visible. Le seul moyen de dater les vieux arbres sans les couper c’est d’utiliser le carbone 14 sur des carottages faits au cœur du tronc.

baobab3.jpg Le terme de géant convient bien au baobab. S’il n’atteint pas des hauteurs extraordinaires (15 à 20 mètres pour les plus hauts d’entre eux), il possède parfois un tronc dont la circonférence peut dépasser 30 mètres. Ses branches gigantesques s’étalent plutôt à l’horizontale et il peut créer un ombrage d’une cinquantaine de mètres de diamètre. Cela lui donne une silhouette très particulière. Dans certains contes africains, on raconte que les Dieux (ou les démons, selon le cas) ont planté l’arbre à l’envers, les racines vers le ciel, pour le punir de son arrogance. Pendant la saison sèche, c’est à dire pendant neuf mois sur douze, l’arbre est dépourvu de feuilles ce qui augmente encore l’impression que ce ne sont pas des branches que l’on aperçoit mais des racines. Le tronc massif sert en fait de réserve d’eau et sa circonférence peut varier de plusieurs mètres entre le début et la fin de la saison des pluies.

baobab2.jpg Les Africains (notamment les Bochimans) connaissent bien cette particularité de l’arbre et savent comment percer le tronc pour se désaltérer. Mais ce n’est pas là la seule richesse du baobab qui est un arbre précieux pour la médecine et pour l’alimentation traditionnelle : la pulpe des fruits est utilisée pour fabriquer des boissons, les jeunes pousses et les racines peuvent être consommées en légumes comme les asperges, les feuilles séchées réduites en poudre servent à la préparation de sauces pour accompagner le couscous de mil au Sénégal. « L’arbre à l’envers » joue un rôle important dans la pharmacopée traditionnelle par ailleurs. La poudre de feuilles ou la pulpe des fruits sont des remèdes efficaces contre la diarrhée, la dysenterie ou les crachements de sang. Le baobab est un arbre vénéré dans beaucoup de cultures : on y accroche des amulettes et on considère comme sacrilège le fait de le couper. Compte-tenu de sa structure cellulaire très particulière, le bois de cet arbre ne présente de toute façon que peu d’intérêt.

tilleul.jpg Le baobab ne pousse que sous climat tropical sec : c’est l’arbre de la savane africaine. Il ne constitue jamais de forêt mais pousse généralement isolé, entourés d’acacias parasols, de Monzo, de Mususu, de Marula et de bien d’autres espèces d’arbres et d’arbustes spécifiques à ces régions, portant des noms que nous n’avons guère l’habitude d’entendre. Sous nos climats, il est possible de faire germer des graines de baobab et de faire pousser de jeunes plants en pot, mais le résultat obtenu n’aura guère de rapport avec le grand frère original ! Nos arbres à palabres à nous ce sont plutôt le platane ou le tilleul (voir illustration) qui ombragent les places de nombreux villages du midi. Ils sont certes moins spectaculaires, mais leur ombre est plaisante par les chaudes journées d’été. Les joueurs de cartes ou de pétanque remplacent les griots africains et leur public attentif. Chez nous malheureusement, il n’y a plus guère de conteurs !

NDLR : la première illustration est un tableau du peintre sénégalais M’BOR FAYE (1900-1984) intitulé « l’arbre à palabres », titre de cette chronique. Les origines de la photo 2 et du dessin n°3 (gravure ancienne) ne sont pas connues. La photo 4 représente le tilleul presque millénaire du village de Réaumont (Isère). Elle a été prise par Jérôme Hutin, auteur du livre « les arbres vénérables ». A Réaumont, chaque année, la maison de l’arbre organise un festival de l’arbre avec de nombreux participants (artistes, pépiniéristes, acteurs économiques divers du milieu forestier).

One Comment so far...

fred Says:

1 février 2008 at 12:18.

Désormais, je comprends mieux pourquoi mon ami Mamadou se fait surnommer « Le Baobab » ou « la poutre de Bamako ». C’est certainement pour son don pour les palabres ! (et non les pâles arbres !)

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