La feuille Charbinoise

25 novembre 2007

massacre mérdiatique

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

Feu la grève des cheminots et chapeau pour avoir tenu aussi longtemps au front, en étant soumis à un tel tir de barrage, de la part des médias de masse qui ont montré sans aucune ambigüité à quel point ils étaient à la botte du pouvoir napoléonien, et de celui de la grande finance (pour reprendre une expression très chère aux intellectuels de feu le parti communiste). Pour suivre le dossier dans les détails, on pourra se reporter aux excellentes études de l’ACRIMED (action critique contre les médias). Dès le début du conflit, l’ACRIMED posait la bonne question : « journalistes ou attachés de presse de l’Elysée ».

La même stratégie que celle qui a été employée (sans aboutir vraiment cette fois là) pendant la campagne de préparation du référendum européen, a cette fois ci pleinement réussi. Nos chers journalistes « assermentés » ont fait feu de tout bois pour alimenter leurs chroniques : chiffres mensongers sur les taux de grévistes, parole donnée sans modération « aux millions de travailleurs pris en otage par une bande de privilégiés se battant pour garder des avantages d’une autre époque », pseudos débats contradictoires entre sarkozystes hystériques et « personnalités » syndicales ou politiques que cette lutte encombrait visiblement. Monsieur Dupont, ouvrier métallo, à qui l’on ne demande jamais son avis sur rien, s’est soudain retrouvé star du 20 h, répétant sagement le discours prémâché que lui avait dicté le 20 h ou le 13 h précédent…

On a même assisté sur les grandes chaînes de télé publique, le jour de la grève générale de la fonction publique, à un tri sélectif entre les « bons » et les « mauvais » grévistes, les grévistes « sympathiques » : pompiers, infirmières, instituteurs – pas enseignants quand même – ont le plus la « côte » dans l’opinion publique, selon notre brave journaliste. Il n’est même pas nécessaire de désigner les brebis galeuses du mouvement, ça fait un quart d’heure que le présentateur du journal vomit son indignation. La fonction publique réclame une augmentation du pouvoir d’achat, l’ensemble de la fonction publique aussi et le petit Nicolas est à l’écoute de ces revendications légitimes auxquelles il répondra un jour (la preuve qu’il ne manque pas de bonne volonté, il s’est déjà occupé du sien de pouvoir d’achat). Et puis, les infirmières (la journaliste ne s’intéresse qu’aux femmes qui exercent cette profession visiblement), de toute façon, quand elles sont en grève, elles bossent quand même, puisqu’elles sont réquisitionnées : elles ne perdent que leur salaire. Les pompiers peuvent être réquisitionnés facilement également (on n’a jamais vu un incendie se propager un jour de grève parce que les pompiers refusaient de l’éteindre). Quant aux « instituteurs », ils enquiquinent un peu les parents d’élèves, c’est certain, mais de toute façon l’opinion est habituée à leurs mouvements d’humeurs de 24 h, cycliques, qui font faire des économies massives à leur employeur. Donc tous ces gens ne coûtent rien, ne dérangent pas trop et peuvent donc être considérés comme plutôt sympathiques. Les journalistes ne voulant pas être accusés de manichéisme, il faut bien qu’ils trouvent quelques trublions acceptables aux yeux de l’opinion quand même. La grève des cheminots, elle…. c’est une menace pour l’économie, du terrorisme à l’égard du PIB, et si par hasard elle durait un peu trop elle aboutirait sans doute… Donc haro sur le gréviste.

Que dire de la misère d’une « opposition » socialiste, n’ayant rien à redire (comme en 2003) sur le fond de la réforme et se contentant, par la bouche de ce cher monsieur Hollande, de dénoncer la « méthode » du gouvernement. On comprend facilement, en observant le jeu de chaises musicales des édiles socialistes, le jeu particulièrement trouble de la CGT dès le début du conflit. Ceux qui avaient besoin d’une démonstration supplémentaire pour comprendre à quel point les instances dirigeantes de ce syndicat sont inféodées à la « social médiocratie », comprendront peut-être qu’il est nécessaire de chercher ailleurs des appuis efficaces pour les prochains conflits sociaux.

L’échec de ce mouvement social, car ce n’est pas la peine de se leurrer, on peut parler d’échec, comme celui des grèves de 2003, sera lourd de conséquences pour l’ensemble des travailleurs. Le bulldozer des réformes antisociales a pris son élan et il va être de plus en plus difficile de le stopper. Les médias qui tentent d’informer différemment ne représentent qu’une goutte d’eau face à l’incendie d’une raffinerie : trop nombreux, trop divisés et souvent trop pontifiants et trop tendancieux aussi.

Quelques livres pour prolonger cette réflexion : « les petits soldats du journalisme » de François Ruffin, « les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi ou les nombreux ouvrages de Noam Chomsky (sa réflexion approfondie sur le rôle des médias de l’Empire, peut s’appliquer en grande partie à la réalité politique du vieux continent).

Quelques liens sur des textes intéressants à plus d’un titre : la lettre d’un cheminot gréviste, journalistes ou attachés de presse du gouvernement, lexique pour temps de grève… Pour élargir au mouvement étudiant, la chronique de Bernard Langlois de Politis. Je reviendrai peut-être un jour sur ces étudiants qui chantent la Marseillaise pendant que les CRS chargent leurs camarades grévistes. Observons les bien : ce sont sans doute nos journalistes de demain !

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