17 mars 2008

De Thor à Tchaïkovsky, l’ombre du coudrier…

Posté par Paul dans la catégorie : voyages sur la terre des arbres .

chatons-de-noisetier.jpg Un dieu du panthéon nordique, un compositeur de musique classique, mais aussi un dieu grec, Hermès, une jeune mariée et un chercheur de sources… Qu’ont donc en commun ces cinq personnages ? L’intérêt qu’ils portent tous à un arbuste, le coudrier, que nous connaissons mieux sous son nom actuel de noisetier. Son nom latin, corylus avellana, évoque son origine géographique : la région d’Aveline en Italie où il était cultivé largement, à l’époque romaine. Son nom espagnol, avellano, rappelle encore plus directement cette origine. Le nom de « noisetier » qu’on lui donne couramment de nos jours n’a supplanté celui de coudrier que tardivement, au XVIème siècle sans doute. Lorsqu’il arrive au Québec, Jacques Cartier utilise encore le nom de « coudre » pour baptiser une île où ces arbustes poussent en grande quantité (Île aux Coudres sur le Saint-Laurent). De nombreux lieux-dits portent un nom qui se rapporte au noisetier, par le biais de son nom ancien : La Coudray, Le Coudret, Saint Martin de la Coudre… En botanique, le noisetier est classé dans la famille des Betulaceae : il est donc proche cousin des aulnes, bouleaux et autres charmes. Son aire de répartition est vaste : ensemble du continent européen, sauf l’extrême Nord, zone tempérée de l’Asie et Amérique du Nord.

flore-noisetier.jpg Le noisetier, bien qu’il soit courant, est un véritable trésor de la nature. Ses fruits ont une grande valeur nutritive et ils étaient déjà largement récoltés à la préhistoire. L’étude des pollens effectuée sur certains chantiers de fouilles archéologiques montre qu’il était très présent au voisinage des habitations à l’âge du cuivre ou à l’âge du bronze. Le noyer et le châtaignier n’étaient encore guère représentés dans la flore d’Europe centrale à cette époque, et les arbres ou arbustes offrant des fruits secs se conservant facilement pendant l’hiver étaient rares (faine du hêtre par exemple). La noisette est un fruit oléagineux très digeste. Sa teneur en matière grasse est plus élevée que celle de la noix, bien qu’il soit d’un usage plus courant de faire de l’huile de noix plutôt que de noisette. Elle est riche en éléments tels le potassium, le phosphore, le soufre, le magnésium… ainsi qu’en vitamine B1 indispensable à notre équilibre nerveux. Les Amérindiens l’utilisaient pour soigner certaines maladies cardiaques. Ils plaçaient aussi un collier constitué de fragments de petites branches autour du cou des très jeunes enfants afin de calmer les douleurs liées à la poussée de la dentition.

ogham-coll.jpg Le bois du noisetier est précieux aussi : l’arbuste est généralement multigaule (plusieurs tiges) et sa croissance est rapide. Les jeunes branches fournissent des fagots de qualité, ou de la ramure servant de support aux plantes grimpantes cultivées (petits pois par exemple). Les sourciers se servent de branches fourchues pour effectuer leurs recherches hydrauliques. Les tiges plus grosses sont utilisées pour fabriquer toutes sortes de bâtons, ayant parfois une grande importance symbolique (nous en reparlerons plus loin), mais peuvent être employées également pour le tournage ou la sculpture. C’est un bois blanc, plutôt tendre. L’ombre du noisetier est considérée comme bienfaisante et certains jardiniers pensent que le noisetier planté en haies autour d’un potager crée un micro climat favorable au développement des plantes. Comme il supporte bien la taille, on peut l’utiliser, en association avec d’autres arbustes comme l’amélanchier et le sureau, de croissance à peu près équivalente, pour dissimuler un tas de compost ou créer des haies gourmandes.

Dans l’antiquité, le coudrier était un bois sacré pour les Celtes. Il est associé étroitement aux oghams irlandais. Dans cet alphabet ancien à caractère sacré, l’une des lettres, « coll », n’est autre que le nom du coudrier. En réalité, l’ogham est plus qu’un alphabet : dans la tradition orale irlandaise, il est un outil utilisé par les « filid » (poètes irlandais dont le statut social était supérieur à celui des bardes) pour entretenir le souvenir des traditions ancestrales. A la lettre « coll » correspond le mois de juillet dans le calendrier, mais aussi une symbolique d’intuition et de poésie, de méditation, de sagesse et de divination. A d’autres lettres correspondent d’autres interprétations : ainsi le « Nion » (frêne), associé au mois de mars, est un symbole de la fécondité de la mer. L’alphabet irlandais était ainsi un véritable « bosquet de lettres vivantes ».

caduceus.jpg Thor, le fils d’Odin dans la mythologie nordique, ne possède pas qu’un énorme marteau : il utilise aussi un bâton de coudrier. Pour ne pas être en reste, Hermès (Mercure) possède également une baguette de coudrier (certains auteurs disent qu’il s’agit d’un rameau d’olivier ou de laurier) avec deux serpents qui s’enroulent autour de façon opposée. Il offre ce présent aux hommes qui lui donnent le nom de « caducée », symbole de paix et d’équilibre des contraires. Il ne faut pas confondre ce caducée avec le bâton d’Asclépios qui ne possède, lui, qu’un seul serpent et sert de symbole, de nos jours, aux médecins et aux pharmaciens. Le caducée serait plutôt l’emblème des commerçants ou des imprimeurs.
Le bâton de coudrier prend le nom de sceptre dans la main des rois, mais reste simple « bâton » ou « baguette » dans la main des sorciers et des sourciers. Les fées l’utilisent comme baguette avec beaucoup d’élégance, et les enfants s’en servent tout bêtement pour faire des arcs et des flêches. « L’imbécile », lui, est un être malheureux qui ne possède pas de bâton (de coudrier, cela va de soi !) : l’éthymologie de ce mot est simple : « baculum » veut dire « bâton »en latin, « im-baculum » (par déformation « im-bacillum »), sans bâton.

snowdance.jpg Dans la tradition populaire, le noisetier est associé à de nombreux mythes relatifs à la fécondité et au mariage. Dans certaines régions, on déposait un panier de noisettes au pied du lit nuptial. En Basse-Bretagne un dicton formulait la chose de la façon suivante : « si un garçon entre en ménage une année où il y a beaucoup de noisettes, il aura beaucoup d’enfants ». Une jeune fille accompagne son galant pour une promenade dans les bois ; quelques mois plus tard, lorsque son tour de taille excite les mauvaises langues, on dit alors : « elle a croqué sa noisette ! » Autres régions, autres coutumes : c’était parfois quelques jours après le mariage qu’apparaissait le panier de noisettes aux mains de la mariée. Celle-ci distribuait les fruits, cela voulait alors dire que l’union avait bien été « consommée ». Dans certains cas, la belle-mère de la mariée jetait des noisettes sur la tête du marié. L’expression « casser des noisettes » était étroitement associée à cet élan amoureux qui accompagne la période du mariage. Et cet ensemble de traditions, un beau jour de l’année 1891, inspira un compositeur du nom de Piotr Ilitch Tchaïkovski qui en fit le titre de l’un de ses plus célèbres ballets…

Certains seront peut-être un peu déçus parce qu’ils espéraient que je prendrais partie ou qu’au moins je m’étendrais un peu plus au sujet de cette querelle relative au noisetier qui dure… depuis des siècles et des siècles… et durera encore longtemps dans nos campagnes : le pouvoir du sourcier est-il bien réel ? La petite fourche de noisetier habilement taillée avec un Opinel, permet-elle vraiment de détecter la présence d’eau ? Sur quel pouvoir, sur quel magnétisme particulier peut reposer un tel processus ? Et vous ? Qu’en pensez-vous ? Moi je m’abstiendrai de participer au débat, souvent passionné, qui entoure cette question. L’ombre du noisetier est apaisante… Je préfère rêver aux fées, aux sorciers et aux rois des contes populaires. Si tous leurs bâtons se donnaient la main…

2 Comments so far...

fred Says:

21 mars 2008 at 10:12.

Est ce qu’une baguette de coudrier serait nécessaire à notre Petithimonier pour inaugurer fièrement notre dernier Sous-Marin flambant neuf, « Le Terrible » ?
En tout cas, je ne félicite pas ceux qui choississent les noms de nos effrayantes machines sous-marinières ! Pourquoi pas le « Glou-Glou » ? Ou alors le « Kasstoipôv’Kon » ?
Et une dernière question qui m’obsède : Le coudrier peut il être utile aux couturières ?

Paul Says:

21 mars 2008 at 10:21.

Belle photo ce matin sur Yahoo infos. Je préfère éviter de la publier sur le blog, pour des problèmes de copymachin. Voilà quand même le lien sur le suppositoire géant dont tu parles.
« le terrible » –> http://fr.news.yahoo.com/afp/20080321/img/pts-defense-nucleaire-sarko-c29c04c7aeae0.html?g=events/photos/pl/e_p_sarkozy

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