2 décembre 2010

Comme chaque hiver ou presque, Mr et Mme Beaufre sont « naufragés de la neige » !

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

Un « marronnier » qui commence à me porter sur les nerfs !

La neige, c’est encore pire que les grèves et les manifs pour l’étalage de la beaufritude à la télé. De quoi remplir des saladiers de bave gluante dégoulinante de nullité journalistique. Les nouveaux héros de la bagnole peuvent enfin s’exprimer à loisir sur les ondes et vomir leur haine de tous ces fonctionnaires qu’ils exècrent mais dont ils pleurent l’absence pour leur cirer les grolles. Grande nouveauté cette année, ils ne sont plus « pris en otages » par les incertitudes climatiques, mais tout simplement « naufragés des neiges » selon la nouvelle terminologie à la mode dans les écuries télévisuelles. Certains témoignages émeuvent un peu, quelques uns prêtent à sourire mais la majorité exaspère au plus au point le téléspectateur de passage que je suis. A se demander si tous ces crétins sont au courant du fait que dans les machines qui leur déblaient la route il y a des êtres humains doués de raison et non des robots directement branchés sur leur rouspétomètre. Les services de l’équipement, comme les autres secteurs de la Fonction Publique, sont frappés par les mêmes mesures d’austérité, en particulier par les allègements d’effectifs. Enseignants non remplacés, personnels hospitaliers débordés, postiers transformés en représentants de commerce, les employés de la fonction publique d’Etat ou bien territoriale, ne sont que des nuls justes bons à faire grève pour défendre leurs « privilèges ». Les braves électeurs des grandes formations politiques soutenant inconditionnellement la « révolution libérale’ ne se souviennent  de leur existence, que lorsqu’ils sont confrontés personnellement aux carences de ces services publics qu’ils vouent aux gémonies. La conclusion première qui vient à la bouche de ces perroquets d’élevage ce sont des insultes à peine voilées : « feignants de fonctionnaires, incapables de bosser… une ruine pour le malheureux contribuable que je suis (néanmoins non imposable sur le revenu… faut pas exagérer… J’ai des charges Mâaadame….) » Les premiers mots qui me viennent à l’esprit se situent dans le même registre : « Vous pouvez crever bande de connards. Tant pis pour vous si vous passez la soirée sans télé, si vous devez vous démerder pour faire garder votre gosse par la bonniche et si le quatre-quatre de Monsieur a été égratigné par un voyou en scooter ».  Je ne suis pas sûr que ça fasse avancer le débat mais ça soulage.

D’un côté, cela me peine profondément de voir les divisions que les médias arrivent à créer entre des gens dont les intérêts et les revendications devraient être pourtant les mêmes. Dresser les citoyens les uns contre les autres, exacerber la haine plutôt que la compréhension, rendre les uns jaloux des avantages imaginaires des autres, c’est un art dans lequel nos grands médias, aussi bien journaux, que radios ou chaînes de télé, excellent. Il n’est pire ennemi pour le Français moyen, selon le journaleux de base, que l’autre Français moyen qui veut l’empêcher cruellement d’exprimer sa moyennitude. Ça ne dérange pas Mr Beaufre de gueuler après la préfecture qui autorise toujours les camions à rouler alors qu’ils bloquent les autoroutes sacrées, puis de vagir encore plus fort sur le thème qu’il n’y a plus de salades vertes à la supérette du coin ou que le courrier a 24 h de retard. Mr Beaufre est catégorique : les météorologues sont des irresponsables, incapables de prévoir, voire même de stopper la moindre chute de neige ; les postiers sont des planqués ; les camions de sel dorment dans les dépôts de l’équipement parce que les employés sont « sûrement encore en grève » ; avant les trente cinq heures ça ne se passait pas comme ça… Mr Beaufre a encore un peu du mal à impliquer les Arabes, les Roms ou les Chinois dans son discours, mais avec encore un ou deux cours particuliers de la méthode « Le Pen / Hortefeux pour les nuls », il y arrivera sûrement. Tous des incapables : « moi je bosse Monsieur et mon TGV a trois heures de retard ; j’ai un rendez-vous de la plus grande importance pour l’avenir de ma société…. » Le même gugusse ne manquera pas d’engager une procédure judiciaire contre la SNCF, le conducteur du train, les syndicats des cheminots ou Bernadette Soubirou, si par malheur son train déraille. Le manque de prudence est une chose que l’on regrette après l’accident et non avant. Il faut bien que l’accident ait lieu d’ailleurs pour que l’on puisse téléphoner à son avocat.

30 cm de neige et notre société est – soi-disant – totalement désorganisée : plus de courant électrique pour les Bretons (ça leur apprendra à avoir, en son temps, refusé les bonnes vieilles centrales nucléaires de papa), plus de pièces détachées dans les ateliers, plus de télé dans les foyers (même le micro-ondes refuse de micro-onder !)… Madame Beaufre pleine de bon sens bien de chez nous (à droite de l’agence du Crédit Agricole) ne manque pas de se poser les bonnes questions : « Pourquoi les pouvoirs publics n’ont-ils rien fait ? » (variante locale « Pourquoi Madame le Maire n’a-t-elle pas acheté du sel avant ?) ou encore « Pourquoi les chasse-neige ont-ils attendu les premiers flocons pour se mettre en route ? S’ils étaient passés avant (???) il n’y aurait pas tous ces tracas ». Il est évident que si les services de l’équipement déneigeaient dès le mois de septembre, le responsable des chutes de neige, caché derrière son nuage, serait complètement dégoûté et arrêterait de faire le con… Curieusement, je n’ai pas entendu la moindre remarque sur le fait que les prix de l’immobilier poussaient les travailleurs à habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail ou sur les risques d’approvisionnement que faisaient courir à la société la soi-disant miraculeuse gestion des stocks en « flux tendu ». Heureusement que la nature ne fonctionne pas de la même façon et n’a pas adopté un concept aussi débile (admirez le bel entrepôt rempli de nourriture sur la photo suivante). Même une thématique aussi banale que les caprices de la météo pourrait amener les journaux « d’information » à élever un peu le niveau du débat. Mais on s’égare, on s’égare… ce n’est point là le métier de gens dont le boulot consiste à survoler les chiens écrasés à la plus basse altitude possible. Vous confondez « Antenne 2 » et « France Culture » mon bon Monsieur, et puis BHL n’a rien à déclarer sur la question ! De grâce alors, évitez-nous les lieux communs et cantonnez-vous à l’angle artistique : les paysages enneigés paradis des photographes. Autre possibilité : n’interviewez que les gamins pour vos micros trottoirs… Leurs parents n’ont que la misère de leur propre existence à étaler… Eux ont encore des flocons dans les yeux !

Vu sous un autre angle, le problème, en fait, c’est que j’en ai complètement marre de cette avalanche de conneries, de toute cette vomissure de témoignages aussi débiles qu’immondes…. J’en suis vraiment réduit à me demander si ce n’est pas complètement délirant d’espérer un quelconque changement de direction du Titanic dans lequel nous voyageons. Noë lui ne s’était pas trompé : dans son arche il embarquait essentiellement des girafes, des macaques, des colibris…. J’en viendrais presque à comprendre les fanatiques de la grenouille à ventre bleu ou du bison frisé… Que cette société se précipite vers l’abîme qu’elle s’est creusé. Je ne demande qu’une chose aux conducteurs de ce train fou : s’il vous plait, laissez moi descendre dans une gare de campagne, un coin où il y a encore une douzaine d’arbres remarquables,  histoire que je profite encore un peu de la nature, quelques années avant la collision ! D’ici là, braves concitoyens passagers, apprenez deux ou trois choses essentielles à votre survie : la neige en hiver est un phénomène météorologique banal ; il n’y a pas que le travail dans la vie ; une bagnole n’est jamais qu’une caisse à savon avec un moteur et un volant… Amen. Les cimetières sont remplis  de gens qui se croyaient plus malins que leurs voisins.

7 Comments so far...

Lavande Says:

2 décembre 2010 at 19:06.

Je me disais « mais comment se fait-il qu’il soit de si mauvaise humeur? » et puis j’ai compris. C’est parce que je t’ai battu de 8 km et que j’ai gagné le concours du « pourquoi pas? » !

Zoë Says:

2 décembre 2010 at 19:46.

Moi je comprend qu’il soit en rogne. Ca me fait le même effet cette avalanche de reportages nullissimes et l’usage du terme naufragés de la neige pour des mecs qui tapent le carton en attendant que ça se déblaye. Sans compter en effet ce ton d’exigence de service public par des gens qui râlent en permanence sur la fainéantise des fonctionnaires. Z’ont qu’ emmener des pelles et relever leurs manches; En faisant la chaine, ça devrait le faire , non ?

Paul Says:

2 décembre 2010 at 21:03.

@ Lavande – 8 km… quelle mesquinerie ! Pour ceux qui ne suivent pas le débat il est encore temps d’aller faire un tour sur le blog « les aventures du Pourquoi pas » (voir liens permanents) et de réviser les 676 chroniques publiées de ce magnifique journal de bord d’un voyage de quatre mois sur la côte ouest des Etats-Unis (entre autres)…

Clopin Says:

3 décembre 2010 at 12:22.

Merci Paul de rédiger ainsi mon indignation devant les infos depuis une semaine !
Dans un autre genre, vu l’autre soir un reportage « des racines et des ailes » sur la région de la Hague dans le Cotentin qui a réussi l’exploit de ne pas parler du centre nucléaire ! Faut-le faire !

elibi Says:

4 décembre 2010 at 21:56.

Chouette billet. Balance ta télé!

la Mère Castor Says:

6 décembre 2010 at 11:38.

Froide ou pas, merci pour cette bénéfique colère.

leirn Says:

18 décembre 2010 at 14:36.

Suis pas pas sûre que ça fasse avancer le débat… mais je regarde plus les infos.
Finalement, c’est seules qui m’amuse, c’est les nouvelles du Grand Conseil de là où on a voté contre la loi anti-minarets.

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