La feuille Charbinoise

18 avril 2008

Taux d’adrénaline

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

Depuis quelques jours, je n’arrive pas à écrire de billet « politique ». Ce n’est pas que j’aie envie de ne vous causer que de ciel bleu et de petits oiseaux, mais parce que je n’arrive pas à aligner deux idées cohérentes et surtout positives. Dans l’actualité, je ne lis que des dépêches déprimantes et j’ai du mal à maîtriser le flot d’ondes négatives que tout cela engendre. En fait, j’ai déjà vécu ce type de situation : quand mon taux d’adrénaline monte à un niveau trop élevé, mon cerveau se transforme un peu en feu d’artifice ! J’apprends, très lentement (trop ?) à faire ce pas de côté qui permet une analyse plus constructive des événements. Le problème c’est que quand j’arrive enfin à maîtriser ma réaction purement émotionnelle par rapport à l’événement A, un évènement B se produit et chamboule ce bel ordonnancement. Certains mots agissent comme de véritables déclencheurs de mouvements d’humeur incontrôlés et il faut dire qu’il y a de quoi…

Prenons par exemple le mot « incursion » : il semble que les agences de presse réservent ce terme aux « promenades de santé » de l’armée israélienne dans les territoires palestiniens. Dans l’indifférence (quasi) générale, cela donne pratiquement tous les jours une info du genre : « l’armée israélienne a effectué hier une incursion dans la bande de Gaza ; huit Palestiniens (ou 5 ou 10) ont été tués par les tirs des soldats, parmi lesquels trois (ou un ou cinq) enfants (ou bébés)… » De temps en temps, ce n’est pas un enfant qui est abattu, mais un journaliste ou un cameraman dans l’exercice de ses fonctions. Elles étaient terribles les images hier au soir à la télé : la caméra qui vacille, l’image qui s’éteint… Il avait 23 ans Fadel Chanaa, le journaliste de l’agence Reuters, victime du tir d’un char israélien… On comprend parfaitement qu’un soldat qui confond un biberon et une grenade, ne fasse pas la différence entre une caméra et un lance-roquettes. Quand va-t-on interdire l’emploi de ce mot « incursion », et le remplacer par le seul vrai terme qui devrait être employé dans ce genre de communiqué, à savoir « assassinat » ? Dommage que Mr Ménard soit trop occupé par sa flamme olympique pour avoir le temps de s’intéresser à ce qui se passe à Gaza…

En tout cas, dans la France de Mr Sarkosy et d’une certaine Gauche, il n’est pas très bien vu de dire que l’armée israélienne « assassine » des enfants. On parle tout au plus de « regrettable bavure » dans le cadre d’une « opération de police justifiée par la légitime défense. » L’un de nos ex-sous-préfets en sait maintenant quelque chose. Dommage que la presse n’ait pas accordé un peu plus d’attention à cette lettre que le Professeur Christophe Oberlin a adressée au Ministre de l’intérieur à propos du limogeage de Bruno Guigue. Ce chirurgien se rend régulièrement dans les territoires occupés pour opérer des blessés. Il côtoie le peuple palestinien dans ses souffrances quotidiennes et témoigne du fait que le fonctionnaire limogé n’énonçait que des faits qui sont non seulement exacts, mais aussi suffisamment fréquents pour être qualifiés de pratiques habituelles. Le texte de cette lettre peut-être lu par exemple à cette adresse. Je ne pense pas qu’elle empêche Madame Alliot-Marie de dormir la nuit. De là à ce qu’un Préfet se fasse prendre dans une ronde de police en train de bomber sur sa préfecture « Israël = Chine, Palestine = Tibet ». Je vous jure…

Je salue aussi au passage l’attitude courageuse de l’ancien président américain Jimmy Carter, acceptant de reconnaître l’existence du Hamas et de discuter avec ses dirigeants, et n’hésitant pas à fustiger la politique de blocus israélienne et à la qualifier de « crime et d’atrocité ». On attend que « l’inquiétude » de Monsieur Ban Ki Moon, secrétaire des Nations Unies, au sujet des évènements en Palestine, évolue tranquillement vers l’indignation. Peut-être, ce jour-là, l’O.N.U. prendra-t-elle la peine de faire appliquer les nombreuses résolutions qui ont été votées contre la politique israélienne avec la même rigueur que contre la Serbie ou l’Afghanistan… On peut toujours rêver et se dire qu’à ce moment-là l’Union européenne fera réellement pression sur le gouvernement turc pour que cesse la répression dont sont victimes les Kurdes. On peut, en ce moment en Turquie, se retrouver plusieurs années derrière les barreaux pour avoir osé dire le bien qu’on pensait du dirigeant emprisonné du PKK, Abdullah Ocalan…

Ils sont nombreux ces mots fétiches des communiqués de presse qui me hérissent le poil : incursion, indignation, commémoration, mondialisation, réformes, terrorisme… La « classe politique » s’indigne et commémore, s’agite et s’impatiente, pour finalement débattre et se rendormir. Il y aura du monde aux obsèques d’Aimé Césaire ! La presse l’annonce ce matin ; la classe politique unanime salue en Césaire le poète des « opprimés ». La classe politique adore les défenseurs des opprimés le jour de leurs obsèques… Verra-t-on un journal titrer dimanche : « Pendant l’hommage national rendu au poète de la négritude, la chasse au faciès continue dans le pays des droits de l’homme ! » Ça serait pas mal non, à la une du « Monde », le fameux quotidien « indépendant » du pouvoir économique et politique ! Pourvu que dimanche, l’un de ces mal embouchés de travailleurs sans-papiers n’ait pas la sale idée de gâcher la fête en se jetant dans la Seine pour échapper à un contrôle de police…

J’aurais tant aimé, ce matin, écrire une chronique que je puisse classer dans ma rubrique « le monde bouge », rubrique à laquelle je destine mes écrits les plus positifs. Rien à faire, ce sera encore un billet de mauvaise humeur !

NDLR : crédit photo – document n°1 © Unicef, Mohammed Jadallah – document n°2 provenant du site www.urgencepalestine.ch – document n°3 origine inconnue.
Pour compléter les « joyeusetés » de cette rubrique, je vous propose un seul article provenant du journal « the Guardian » qui n’est pas vraiment un brulôt extrémiste ! Il ne parle pas d’assassinats mais simplement de destructions de biens matériels pour briser un peuple.

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