6 décembre 2007

La bataille de la Restigouche

Posté par Paul dans la catégorie : Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire .

La guerre de sept ans ça vous dit quelque chose ? Euh… Bon, vous avez des excuses ! D’abord c’est court si on la compare à la guerre de cent ans, ensuite, nous ne l’avons pas franchement gagnée et les manuels scolaires ne s’étalent jamais longuement sur les défaites. Pour vous aider, je vous dirai qu’elle a commencé en 1757 et que, un peu comme la guerre de 1914-1918, elle s’est déroulée sur de nombreux théâtres d’opérations, opposant France et Angleterre d’une part, Autriche et Prusse d’autre part.

Traversons maintenant l’Océan Atlantique pour nous rendre en Nouvelle France. Vous situez ? Si vous ne voyez pas bien, peut-être êtes-vous l’un des descendants éloignés de Louis XV, qui se moquait éperdument de cette colonie lointaine, grande pourtant comme un paquet de fois la France puisqu’elle s’étalait de l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’au Mississipi et à la Louisiane…

Fin 1759, les Anglais s’emparent de la ville de Québec. Début 1760, après avoir remporté la bataille de Sainte Foy, l’armée française revient sous les remparts de Québec et assiège la ville. Tour à tour victorieuses et vaincues, les deux armées sont épuisées et manquent de tout (comme la population locale, par ailleurs, qui est largement impliquée dans le conflit). La situation est tendue au point que l’on estime que la première armée qui recevra des renforts remportera la guerre. C’est dire si les regards des assiégeants et des assiégés scrutent l’horizon et surtout le cours du Saint Laurent.

machault.jpg La France se décide , mais un peu tardivement, à répondre aux appels du gouverneur de sa colonie. Elle envoie une flottille de 5 bateaux marchands, escortés par une frégate, le Machault. Les cales de tous ces navires sont remplies à craquer de tous les produits de première nécessité (nourriture, outils, armes) dont la colonie a un besoin impératif. Des renforts militaires, une centaine de soldats environ, participent également à l’expédition. Les côtes françaises sont surveillées et trois navires, déjà, ne réussissent pas à passer à travers les mailles du filet anglais (deux sont arraisonnés et un coulé). Lorsque Chenard de la Giraudaie, commandant de la flottille, arrive en vue du Saint Laurent, c’est trop tard… Le blocus anglais est déjà en place et il sait que ses bateaux, insuffisamment armés, n’arriveront pas à forcer le passage. Il décide donc de se réfugier dans l’estuaire d’une autre rivière, la Restigouche. Les bateaux n’ayant pas une quille trop importante, réussissent à se glisser entre les bas fonds et font mouillage le plus loin possible dans le cours de la rivière. Les marins et les soldats débarquent et rejoignent à terre les réfugiés acadiens (chassés de l’Acadie par la répression anglaise) et leurs alliés indiens, les Micmacs…

La couronne anglaise est nettement plus motivée que le roi de France pour annexer cette colonie, et elle va tout faire pour se débarrasser de la menace que représente la flottille de Chenard de la Giraudaie. La Marine royale dépêche une escadre composée de cinq navires de guerre puissamment armés, sous les ordres du capitaine Byron. Contrairement à ce qu’espéraient les marins français, les navires anglais réussissent également à remonter la rivière après avoir découvert le chenal emprunté par les Français. La bataille, à la fois terrestre et navale, va durer plusieurs jours. Le commandant français, en mauvaise posture, décide de saborder ses navires pour ne pas que leur cargaison tombe au main de l’ennemi. Les affrontements continuent à terre. La Giraudaie envoie un émissaire aux troupes qui assiègent Quebec pour les informer de sa situation désespérée. Cette fois c’en est fini de la « Nouvelle France ». La capitulation a lieu à Montréal le 8 septembre 1760. Apprenant cette nouvelle, la garnison de la Restigouche capitule à son tour. Par le traité de 1763, La France abandonne ses possessions d’outre Atlantique aux anglais, sauf Saint Pierre et Miquelon. Une période difficile va commencer pour les colons français qui vont tenter de survivre dans toute la « belle province », abandonnés par la Métropole. L’Empire colonial britannique prend son essor véritable à cette époque là.

riviere_restigouche.jpg Un musée remarquable a été installé sur les bords de la Restigouche, à l’un des endroits où se sont déroulés les combats. Une carte, retrouvée dans les archives du ministère français de la marine, a permis de situer exactement l’emplacement des navires sabordés ou coulés. D’importants travaux d’archéologie sous marine ont eu lieu dans l’estuaire de la Restigouche. L’épave du Machault a été longuement fouillée, et des vestiges en excellent état ont pu être remontés à la surface, restaurés et exposés. L’état de conservation exceptionnel de ces vestiges est dû au fait que le fond de l’estuaire est fortement envasé, et il s’avère que la vase a protégé des matériaux aussi fragiles que le bois et même le cuir ou les cordages. Dans les salles du musée, des parties entières (étrave, cales, poupe) de la Frégate ont été reconstituées. On peut ainsi se faire une idée précise de la taille des ancres ou des bouches à feu. Encore plus étonnant, un fût en chêne intact, rempli de viande de porc salée, a pu être remonté. Il faut croire que la viande, vieille de presque deux siècles et demi n’était pas si mauvaise que ça, puisque des souris ont commencé à s’en faire un festin avant que le tonneau ne soit mis sous verre ! Comme dans la plupart des musées québecois, la mise en valeur des documents d’archive et la qualité de la visite guidée sont remarquables.

Si vos pas vous conduisent dans cette belle région de la Gaspésie, n’hésitez pas à aller faire un petit tour du côté de la Restigouche. Si l’issue de la bataille avait été différente, cela aurait sans doute eu beaucoup de conséquences pour les québecois francophones !

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