22 mai 2008

Mei, Totoro, Princesse Mononoké, Miyazaki…

Posté par Paul dans la catégorie : l'alambic culturel .

Nous avons un point commun dans la famille, celui d’être des fans du cinéaste d’animation japonais Hayao Miyazaki. Notre adorable petite fille porte d’ailleurs en second, le prénom de Mei, l’une des héroïnes du film « Mon voisin Totoro », une charmante fillette de cinq ans, souriante, rêveuse et obstinée. Il est vrai que toutes deux ont déjà en commun certains traits de caractère et le même sourire totalement séducteur pour des grands parents en voie de gâtisme avancé !

Ce sont nos fils qui nous ont fait connaître ce talentueux maître de l’animation. Ils ont dû à l’époque bousculer quelque peu le préjugé tenace que nous avions contre les dessins animés japonais que nous trouvions misérabilistes au niveau du graphisme et légèrement débile au niveau des scénarios. Très vite, avec Miyazaki, nous nous sommes aperçus que le cinéaste jouait dans la cour des grands, tant au niveau de la qualité graphique, de la mise en couleur, que de la richesse des histoires mises en scène. Selon les membres de la famille, le « hit-parade » des films n’est pas le même, mais nous apprécions de la même façon l’ensemble de l’œuvre et nous attendons toujours avec impatience la sortie du « prochain »…

Hayao Miyazaki a été connu tardivement en France. Il avait déjà tourné plusieurs longs métrages à succès au Japon avant que « Princesse Mononoké » (qui n’était pas son premier film) obtienne un succès digne de ce nom dans les salles et le propulse dans la sphère assez réduite des réalisateurs célèbres de films pour la jeunesse. A ce sujet d’ailleurs, les films de Miyazaki s’adressent à mon avis à un public très large, mais je ne trouve pas qu’ils soient adaptés à de très jeunes enfants. Les scénarios sont parfois complexes et font appel à de nombreux éléments de la mythologie japonaise pas forcément accessibles (cela dépend des titres). Le film d’animation retrouve peu à peu ses lettres de noblesse dans le public, après avoir été longtemps boudé par les intellectuels notamment, qui le considéraient comme un genre mineur ou pensaient que plus rien de valable n’avait été fait depuis « le roi et l’oiseau ». Ces dernières années, des cinéastes comme Michel Ocelot (Kirikou) ou Jean François Laguionie (l’île de Black Mor) ont montré toute la richesse, la poésie, la philosophie que l’on pouvait mettre en œuvre dans ce type de films.

Après le succès de Princesse Mononoké, les films de Miyazaki ont été plus largement distribués dans les salles. On a d’abord vu rediffusés des titres plus anciens comme « Nausicaä de la vallée du vent », « le château dans le ciel », « Mon voisin Totoro », « Kiki la petite sorcière », « Porco Rosso », puis des nouveautés comme « le voyage de Chihiro » ou « le château ambulant » qui ont peu à peu instauré la notoriété de leur auteur. Le dernier paru, « les contes de Terremer », est l’un des moins bons de la série à mon goût. Il faut dire d’une part qu’il est réalisé par le fils et non par le père : il s’agit donc d’une œuvre de jeunesse ! D’autre part il est basé directement sur une œuvre de la littérature fantastique (le cycle de Terremer de Ursula K. Le Guin) que je considère comme l’un des plus grands ouvrages que j’ai lus dans le genre. Il y avait de fortes chances que je ne retrouve pas dans le film l’ambiance du livre, et c’est ce qui s’est passé, malgré de fort belles scènes, graphiquement très bien inspirées.

Il est rare, jusqu’à présent, que les films de Miyazaki aient été directement inspirés par une œuvre littéraire, tout au moins, une œuvre connue d’un large public. Les histoires entremêlent généralement des éléments propres à l’imagination fertile du scénariste, avec des légendes traditionnelles ou des récits populaires puisés dans la culture japonaise. Certains thèmes sont récurrents dans l’œuvre du cinéaste : le péril que fait connaître à l’humanité l’usage de l’arme atomique, le rejet de la dictature, la lutte contre la pollution, un antimilitarisme bon enfant… Mais les films de Miyazaki ne sont pas, en premier lieu, des ouvrages militants. Ce sont avant tout de riches et belles histoires. S’il y a un message, il n’est là qu’en toile de fond, mais il est quand même bien présent et permet une lecture des films à différents niveaux.

Personnellement, j’ai bien du mal à dire quel est le titre du film que je préfère, car je les trouve tous à la fois très complémentaires, et très différents. J’ai sans doute un faible, sentimentalement parlant, pour « mon voisin Totoro ». Mei n’est pas la seule responsable de cet état de fait : il y a aussi le personnage de Totoro qui est fortement sympathique, la grande sœur, Satsuki, 11 ans, essayant désespérément de contrôler les agissements de Mei, le chat-bus, véritable trouvaille graphique. Vous aimeriez que je vous raconte un peu l’histoire de « Totoro ». Eh bien, il suffit de le demander ! Mais ne croyez pas que je vais tout vous révéler…

Mei et Satsuki s’installent avec leur papa dans une vieille maison abandonnée, en pleine campagne, au milieu des rizières et des forêts. Leur mère est hospitalisée à la ville voisine. Le père travaille beaucoup et les deux fillettes sont un peu livrées à elle-même, surtout Mei qui ne va pas encore à l’école. En explorant leur environnement proche, elles découvrent l’existence de Totoro, le génie protecteur de la forêt, et de sa petite famille. Totoro est un bon gros géant, nonchalant et pacifique, qui se prend d’amitié pour les fillettes. Totoro n’est visible que par les enfants ; il échappe totalement au regard des adultes. Un jour, Mei disparaît…
Le décor du film représente le Japon rural des années cinquante, avec une nature encore largement présente et verdoyante. Les scènes animées se déroulent sur des fonds qui sont parfois de véritables œuvres d’art, riches en détail et somptueusement colorées… Un vrai bonheur, que je ne saurais trop vous recommander de visionner. « Mon voisin Totoro » est en tout cas une bonne porte d’entrée pour découvrir les autres films de Miyazaki…

NDLR : Les illustrations de la chronique, sont extraites des films de Hayao Miyazaki et proviennent du site « http://www.buta-connection.net/ » site francophone consacré aux studios Ghibli.

9 Comments so far...

fred Says:

22 mai 2008 at 10:37.

Comme vous, j’ai longtemps eu quelques préjugés tenaces sur la Japanimation.
A tel point, qu’au début, je croyais que “Princesse Mononoké” était une marque de shampoing …

fred Says:

22 mai 2008 at 12:26.

.. et je confondais aussi souvent “Mon voisin Totoro” avec le « Rototo de mon voisin » …
Personne n’est parfait !

François Says:

22 mai 2008 at 14:53.

Je partage totalement. Je suis aussi un fan inconditionnel de Miyzaki et j’ai bien contaminé la famille (Romain est encore trop petit, mais Anne apprécie déjà Totoro ou Kiki la petite sorcière). Peu de dessins animés dégagent autant de charme que ceux de Miyazaki.

Clopine Trouillefou Says:

22 mai 2008 at 16:26.

Ah, j’ai essayé, je n’ai pas du tout du tout aimé. Je ne goûte guère non plus la littérarure « fantastique », et j’ai trouvé le château ambulant avec quelques trouvailles, mais manquant totalement de cohérence. Excusez-moi, cher Paul, de ne pas vous suivre ici.

(en plus, je n’arrive pas à goûter le dessin « manga », d’une pauvreté stylistique dans les reproductions du visage humain assez terrifiante, sans compter que tous ces personnages japonais aux yeux aussi débridés que ceux des yankees m’interpellent salement sur l’uniformisation des goûts;) M’enfin, je dis ça je dis rien, et surtout je m’en voudrais de vous blesser ou vous agacer. Vous voyez là des beautés que mes yeux n’arrivent pas à discerner, c’est tout.

Clopine

Paul Says:

22 mai 2008 at 17:57.

Rien de blessant ni d’agaçant dans tout ça bien au contraire. Je comprends parfaitement que par moment les goûts divergent ! Comme je l’ai dit par ailleurs dans la chronique, il m’a fallu surmonter certains préjugés, admettre certains « codes » dirons nous pour rentrer dans le graphisme qui ne me plaisait guère au départ. C’est vrai que certains visages (pas tous) sont peu expressifs, mais les décors sont particulièrement soignés. C’est vrai, et cela peut surprendre, que les personnages n’ont pas le type asiatique et les yeux bridés. Dans le château ambulant d’ailleurs le décor lui-même n’a rien de japonais. La ville dans laquelle évolue les personnages au départ évoque plutôt l’Allemagne ou l’Est de la France au début du XXème siècle. Les uniformes des soldats rappellent l’armée autrichienne ou prussienne. Un joyeux méli mélo qui ne manque pas de charme et qui, à mon avis, ne rentre pas dans le cadre d’une uniformisation des cultures. Je ne sais pas si Miyazaki s’est déjà expliqué sur ses choix « ethniques » au niveau du graphisme. peut-être que certains, sur ce forum, plus compétents que moi, pourraient répondre ?
La littérature fantastique, j’y reviendrai un de ces jours car ce sujet de débat m’intéresse.
Merci à tous d’enrichir le forum par vos commentaires !

Pascaline Says:

23 mai 2008 at 14:13.

Clopine, tu le reconnais toi-même, tes yeux n’arrivent pas à discerner la beauté dans le fantastique ! C’est comme une infirmité, un sens que tu n’aurais pas…

Pourtant, tu aimes Aimé Césaire.

« Les rizières
de mégot de crachat
sur l’étrange sommation
de ma simplicité
se tatouent de pitons.
Les mots
perforés dans ma salive
ressurgissent en ville
d’écluse ouverte
plus pâle sur les faubourgs. »

Je cite de mémoire et sans garantie, si je fais des erreurs c’est d’autant mieux !

« Batouque de nuit sans noyau de nuit sans lèvres
cravaté du jet de ma galère sans nom
de mon oiseau de boomerang
j’ai jeté mon oeil dans le roulis dans la Guinée du désespoir et de la mort
tout l’étrange se fige île de Pâques île de Pâques »

Très dur à apprendre par coeur, Aimé Césaire, mais quand tu t’endors en te répétant des fragments de ses textes tellement fantastiques, et que dans le relâchement du début du sommeil ses mots s’entrechoquent avec tes propres rêves et les influencent, c’est mieux que n’importe quel trip artificiel (j’ai jamais touché à la drogue mais si j’en cherchais, ce serait certainement dans les textes de Césaire).

La question que je me pose, c’est « comment faire accéder au fantastique des gens qui n’en sont semble-t-il pas capables ? »

Te ligoter pour une projection de Miyazaki ne paraît pas approprié.

Sans doute chacun doit-il trouver son propre cheminement. Le genre fantastique est large et comporte certainement des oeuvres d’une pauvreté navrante, avec tonne de clichés à la clé.

Pour ma part – si je réussis à mettre des mots là-dessus – j’accroche à une oeuvre fantastique quand elle touche tout au fond de moi des zones inconnues, restées dans l’ombre. Je dis que Césaire parle directement à ma sensibilité sans passer par mon raisonnement.

Connais-tu Andy Golsworthy ? Un land-artist (traduire par « artiste de terroir » ???). Je l’ai découvert par le plus grand des hasards en ouvrant un de ses livres dans une librairie. Il travaille exclusivement avec des matériaux naturels, par exemple il récolte les feuilles d’un arbre et les ré-agence en camaïeu de couleurs. Il adore l’éphémère, et va faire ses installations sur un cours d’eau qui va les déformer et les emporter.

Il confectionne des pommes de pin géantes en pierre plate et la marée les recouvre. Il doit finir avant la montée de la mer bien entendu. Je l’ai vu sur un documentaire, quand tout s’écroule et qu’il lui faut recommencer.

Il souffle sur un glaçon pour le souder à un autre fragment. Il travaille au lever du jour dans ce cas, puisque le soleil va faire fondre ce qu’il aura créé.

Son investissement physique est douloureux, il est tout le contraire du mec brillant en société, il est profondément artiste…

Mais il n’y a pas que lui..

Comme tu le devines, je fais partie des inconditionnels de Myiazaki, malgré les visages…

Paul a parlé d’Ursule Kréber Leguin qui est aussi une très grande dame. A essayer en commençant par sa « trilogie » en cinq volumes, Terremer ?

Je lui laisse la parole par des petits bouts copiés dans ses livres et collés ici un peu au hasard… quoique…

« Tout l’espoir qui reste au monde réside dans les gens modestes. »

« Si tous sont esclaves à part nous, que vaut notre liberté ? »

« L’idée est comme l’herbe. Elle demande la lumière, aime les foules, grandit par croisement, s’améliore pour qu’on la piétine enfin. »

« L’ignorance se défend bec et ongle et l’illettrisme peut se montrer tenace, je le savais bien (…). Des parents ignorants, des enfants branchés au réseau pour voir, entendre et sentir ce que le chef voulait leur enseigner : qu’obéir aux chefs c’est la liberté, que la violence est vertu, qu’être viril c’est dominer. Contre ces certitudes-là, palpables dans la vie quotidienne et mises en valeurs par les sensations idéales du réal-sim, que pouvaient les mots ? »

Pascaline Says:

25 mai 2008 at 21:49.

CorrectionS diverses, oups !!!

Ursula Kroeber Le Guin

Désolée pour elle !

leirn Says:

2 juin 2008 at 21:05.

Mon préféré doit être le château ambulant… juste devant Goldorak, bien sûr, et ce, malgré les allusions déplorables de Paul.

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