10 décembre 2007

Les dragonneries pour les nuls -1- la courgette sacrée

Posté par Paul dans la catégorie : Jeu de rôles; les histoires d'Oncle Paul .

courgette-fleur2.jpg Tout le monde connait l’origine américaine de la courgette, fruit ô combien prolifique sous nos climats, mais nul ne sait exactement à quel moment, dans l’histoire de l’humanité, elle est devenue l’objet rituel essentiel du culte voué au Grand Zihou. Certains pensent qu’elle a été liée dès l’origine à un autre culte mystérieux, celui du veau doux (sous forme de jarret au vinaigre de framboise) mais rien n’est moins certain car la présence d’une courgette sacrée a été révélée dans certaines religions hittites ainsi que sur des bas reliefs probablement atlantes que plusieurs sondes américaines ont repéré sur Mars. Il semble également qu’il y ait eu un temple dont les colonnes avaient une forme galbée de courgette dans la rue des Dieux à Lankhmar. Je dois reconnaître cependant que ni Fafhrd ni le Souricier gris, grands connaisseurs de cette ville, n’en font mention dans leur guide touristique.

Ce qui est certain c’est que l’Envoyé sur Terre du Grand Zihou (nous abrégerons en ETGZ pour éviter d’alourdir de trop cette chronique), votre serviteur, son unique représentant agrée par l’U.S.C.V.R. (Union Syndicale des Commis Voyageurs Religieux), a introduit l’usage de la courgette dès les premières dragonneries en 1990. Son rôle a été, à l’origine, principalement culinaire, car l’E.T.G.Z., fin joueur de tarot, ne voulait, de suite, abattre toutes les cartes de son jeu. Les dragonnets se sont aperçus, quasi spontanément, du lien étroit qui existait entre le bon déroulement météorologique des dragonneries et la présence de courgettes dans le banquet d’ouverture. L’ETGZ, votre serviteur, a donc décidé que, les années où le menu de ce repas essentiel ne comporterait pas l’incontournable gratin, un sacrifice rituel aurait lieu à l’heure de l’apéritif.

Je rassure tout de suite les âmes sensibles, ce rituel n’a jamais entraîné de bain de sang : nous ne sommes pas incas au point d’égorger quelque malheureux prisonnier ou autre volaille innocente. Le déroulement de la cérémonie est simple. L’ETGZ a, préalablement, procédé à la cueillette, dans son jardin voué au Grand Zihou, d’une courgette bien développée, aux formes épanouies mais à la chair bien tendre (un stage au Charbinat peut vous permettre d’acquérir cette connaissance assez facilement). La victime est ensuite placée sur une planche à découper robuste et le maître de cérémonie procède au découpage en rondelles bien régulières, à l’aide d’une machette sacrée rapportée d’une expédition antérieure en Amazonie (ou plus exactement d’une exposition consacrée à la forêt tropicale, ce qui est moins éloigné du Charbinat). Les premières années, certains dragonnets suggérèrent que les participants consomment immédiatement, en accompagnement de leur apéro, les susdites rondelles encore palpitantes de vie. Cette pratique a été très vite abandonnée car elle évoquait irrésistiblement un rituel banalisé par une religion assez répandue, avec laquelle le culte du Grand Zihou n’a absolument aucune rapport. Je ne ferai point ici de théologie, ni de prosélytisme, mais j’insisterai sur un élément essentiel : chacun est libre de placer dans la Zihouterie ce qu’il a envie d’y placer – l’essentiel étant de ne pas oublier les dons périodiques à l’ETGZ et les sacrifices rituels au GZ (sacrifices qui peuvent par exemple prendre aussi la forme de beuveries alcoolisées périodiques, nous y reviendrons).

courgette-sacree.jpg Des observations scientifiques répétées régulièrement par des experts agréés ont montré à quel point ce respect à l’égard de la courgette vénérée a eu des influences positives sur le climat des dragonneries. Certains travaux ont montré aussi que la présence de courgettes à d’autres occasions que le sacrifice initial ou le gratin bien aimé du banquet d’ouverture, pouvait amplifier l’action protectrice du cucurbitacé (tels les rappels après une vaccination) . Les recherches les plus récentes démontrent enfin qu’il n’est pas nécessaire d’être conscient d’ingérer de la courgette pour bénéficier pleinement de ses effets protecteurs. Une étude physiologique et comportementale a été menée (à son insu) sur un preux viking participant régulièrement aux dragonneries et qui refuse (dit-il) d’absorber ce légume sacré sous quelque forme que ce soit. Cet étrange dragonnet prétend que la courgette n’est pas compatible, en tant que symbole, avec l’imagerie d’Epinal qu’il véhicule dans sa tête concernant les divinités de son peuple d’origine. Je ne vois pas pourquoi l’enclume ne pourrait être remplacée par une planche à découper, le marteau par une machette, et la courgette placée au milieu… Ce qui est certain c’est que le valeureux normand a absorbé chaque année (sauf une) des doses homéopathiques de courgette (sans s’en apercevoir bien sûr) et que sa présence dans la noble assemblée n’a jamais eu de conséquences météorologiques néfastes. Sauf une année, où son comportement puéril, a attiré le courroux de Thor et d’Odin sur notre lieu de culte festif, les foudres du ciel et les trombes d’eau ayant menacé sans arrêt le bon déroulement de notre rassemblement annuel.

Des chercheurs agréés (malheureusement trop peu nombreux) prolongent actuellement leurs travaux dans de nouvelles directions : ils voudraient à présent trouver si la consommation de la courgette sacrée a d’autres effets positifs en dehors du climat et savoir si l’origine géographique de la courgette est essentielle ou n’a qu’un rôle secondaire. Un premier test à grande échelle a été conduit lors de la cérémonie de mariage de deux dragonnets issus du peuple des nains des montagnes. Le patriarche officiant lors de la cérémonie (qui n’était autre que l’ETGZ, votre serviteur) a remis au jeune couple une courgette frétillante issue des serres chauffées de la lointaine Hollande et ce à titre de porte bonheur pour leur vie entière. L’humble assistance présente, composée de quelques dragonnets mais surtout de nombreux néophytes incultes, n’a pas saisi toute l’importance de ce rituel, certains le réduisant même à une symbolique sexuelle plutôt primaire. Je ne m’étendrai pas non plus sur ce sujet, mais une réflexion un peu approfondie les aurait amenés à réaliser, d’une part que la taille du symbole était quelque peu exagérée, et d’autre part qu’un couple ayant déjà deux magnifiques enfants n’avait que faire de vœux de fertilité ! Mais il est clair que beaucoup d’adeptes de religions arriérées ont un peu tendance à chercher, dans n’importe quelle direction, des compensations aux frustrations que leur imposent leurs croyances barbares.

Cette chronique d’initiation étant la première d’une série, nous serons amenés bientôt à parler de la recette du fameux gratin de courgettes, mais aussi d’un autre objet de culte dont l’importance a été minimisée ces dernières années : le Toblerone géant !

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