4 octobre 2008

« Je vous tiens par la barbichette »

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

« et en plus vous m’avez élu ! Le premier qui rira se fera plumer ; sauf que moi je ne crains rien, c’est bien fait pour vous ! » (sur l’air de… vous m’avez compris !).

C’est la crise, au cas où vous ne le sauriez pas… C’est la crise : le ver de l’immoralité a réussi à pénétrer la grosse pomme juteuse de la mondialisation libérale. Rien ne va plus et le paradis annoncé par nos édiles semble bien n’être redevenu pour un temps que le mirage qu’il a toujours été. Cette crise a au moins le mérite de permettre à notre petit timonier de s’agiter encore un peu plus et de se lancer dans l’une de ces croisades dont il a le secret. Cette fois, excusez-vous du peu, l’objectif à atteindre est grandiose : notre parangon national de la vertu et de la simplicité a décidé de « moraliser le capitalisme financier ». Du coup, tous les supporters inconditionnels du locataire en chef de l’Elysée se sont ralliés à cette noble cause, du simple plumitif de la presse aux ordres, au ministre courtisan en quête de nouvelles faveurs, en passant par le moindre élu UMP de la nation des plus ou moins nantis. Ce sont les profits excessifs et surtout trop voyants qui sont responsables de la galère dans laquelle notre bon président va vous convier énergiquement à ramer. On a laissé, sans y prêter assez attention, tous ces grands enfants de la finance internationale jouer avec nos économies et, pas de chance, à force de faire n’importe quoi, ils ont presque tout perdu. Comme l’a dit le grand ami américain de notre bon président, il faut absolument faire quelque chose parce que « ça craint un max ». Le mieux, c’est que chacun d’entre nous vide le petit bas de laine qu’il avait caché sous son matelas afin d’aider les banquiers à se refaire une réputation.

Ça va mal nous dit le correspondant de France 2. Ça va mal nous dit l’incontournable expert financier invité à la messe de 20 h. Les golden boys se font huer à la sortie de Wall Street et la fréquentation des restaurants de luxe qui environnent la bourse de New York est en chute libre ! La situation est si grave que même nos guignols habituels peinent à affirmer sans rire que le nuage radioactif de la crise économique mondiale dans laquelle nous plongeons allègrement va s’arrêter sur la ligne bleue des Vosges. Remarquez que c’est compréhensible car, cette fois, la pollution arrive de l’Ouest, et que, au vu de mes connaissances géographiques, les reliefs sont insuffisants de ce côté là de l’hexagone pour faire glisser les nuages vers le Sud ou vers le Nord. Tout ça parce que, nous expliquent-ils d’un ton docte, on a prêté de l’argent à des pauvres (sales pauvres !) pour qu’ils achètent de luxueux pavillons de banlieue qu’ils n’avaient pas les moyens de se payer. Du coup, quand le montant des intérêts à rembourser est devenu aussi exorbitant que c’était prévu dans l’alinéa 33 du contrat écrit en corps 9, ces ingrats n’ont plus rien pu rembourser et ont préféré le confort de la rue et des foyers sociaux à leur ancien domicile. Vous noterez au passage que si l’on disserte longuement sur le malaise des jeunes loups de la finance, on ne s’intéresse guère à la manière dont ceux qui ont perdu leur logement vont passer les hivers à venir. Ce sont des pauvres et ils ont l’habitude de se débrouiller, ce qui n’est pas le cas du « trader de base » lorsqu’on l’éloigne de plus de cent mètres d’une cantine de luxe.

Revenons à la croisade de notre brave petit timonier et de ses acolytes ; le langage employé d’abord pour nous expliquer la « crise ». Vous ne l’aviez peut-être pas remarqué, mais, ces dernières années, le terme « capitalisme » était largement passé de mode : désuet, passéiste, pour ne pas dire marxiste ou fronpopulairiste… On lui préférait les expressions plus coquettes et plus tendance de « libéralisme », de « néolibéralisme », de « mondialisation économique » ou de « globalisation ». Ces termes dérivés de « nouveau » ou de « liberté » avaient une connotation beaucoup plus positive et progressiste. La « mondialisation des marchés » était inévitable, incontournable, mais c’était le progrès et nul individu intelligent ne peut refuser le progrès… Quand ça va mal, le « capitalisme » de nos ancêtres reprend du poil de la bête, et, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, le « capitalisme financier ». C’est le manque de moralité de ce capitalisme-là qui est en cause. Les « autres capitalismes », ceux qui ne sont pas « financiers », ne présentent aucun danger pour nous. Vous en connaissez beaucoup des « capitalismes » qui ne soient pas « financiers » ? Le « capitalisme humanitaire » peut-être ou le « capitalisme collectionneur » ou le « capitalisme gastronomique » pendant qu’on y est… Avec la bénédiction de notre bonne vieille gauche, à qui notre brave timonier va sans doute confier le goupillon, je propose que l’on fasse la promotion du « capitalisme durable ». Il faut que nous dépassions le bête clivage de la « lutte des classes » (vocable arriéré qui heureusement n’a pas refait surface) et cette énième crise financière mondiale en est l’occasion. Tous unis dans un même combat, nous devons faire front commun contre l’adversité. Prenons exemple sur le patron de la banque Dexia qui a renoncé à ses indemnités de départ de cette entreprise qu’il a pourtant si bien « managée ». Ne soyons pas mesquins et confions à la caisse d’épargne ou à la banque Lehman brothers renflouée, les Napoléon et autres pacotilles monétaires que nous cachons sous l’oreiller. Tous unis dans un même élan, nous pourrons ensuite nous consacrer à nouveau à une autre grande croisade qui est un peu mise de côté en ce moment : la lutte contre le terrorisme international.

Histoire de terminer sur une note d’optimisme, voici quelques chiffres relevés, de ci de là, sur le web, sur quelques sites insoumis financés par des renégats gauchistes altermondialistes « anti-tout » et pro-arabes (comme le dirait si bien notre très cher Philippe Val). Quand vous aurez lu ça, vous pourrez retourner pleurer, avec vos journalistes favoris, sur le sort des « golden boys » et de leurs employeurs.
• 24,5 % des Américains gagnent des salaires de misère (payés 9,60 $ de l’heure ou moins – 6,86 € pour comparer)
• 15 millions d’Américains (10%) ont un salaire horaire inférieur ou égal à 6,79 $ (4,85 €)
• 33 % des travailleurs américains noirs ont des salaires de pauvres
• c’est également le cas pour 39 % des travailleurs hispaniques
• au sommet de la pyramide, 1 % de la population capte 21,8 % du revenu national…

Si vous aimez les données statistiques ou si vous avez besoin d’être convaincu de l’ordre parfait qui règne dans notre bas monde, vous pouvez aussi relire deux des articles de ce blog : « Quand Bush donne une leçon de démocratie aux dirigeants chinois… » et « Le riz, l’argent du riz et la rizicultrice ».

Heureusement que tout cela va s’arranger grâce à la « moralisation » du capitalisme. Nous attendons avec impatience la nouvelle règle du jeu. Je suis convaincu que nos grands patrons ne manqueront pas de doubler la somme qu’ils offrent chaque année pour le « denier du culte », et qu’avec un petit geste le dimanche à la quête, la situation va s’arranger. C’était si touchant à l’époque, cette image de « madame » l’épouse du patron, distribuant des vêtements usagés aux enfants nécessiteux et quelques pièces à leurs mendiants de parents… A cette époque-là, à part quelques mécréants militant pour la révolution, tout le monde vivait heureux !

Là-dessus, fini de rigoler : le premier qui se lâche… va voir ce qu’il va voir ! Dans les périodes de « grande cause » nationale ou internationale, la démocratie souffre toujours un peu ! Le couple Hortefeux-Lagarde veille au grain.

NDLR : l’illustration « enjoy capitalisme » est empruntée au site « HNS-info.net ». Je pense qu’elle mériterait une large diffusion dans un format supérieur. Les photos 1 et 4 proviennent du site US « citizen X ». La photo 3 est d’origine inconnue. Une fois n’est pas coutume, je dédie ce « billet d’humeur » à mon beau-frère François qui vient de rentrer à la maison après une longue hospitalisation et à qui je souhaite un prompt rétablissement. La météo vous le permettant, vous pouvez aussi jeter un petit coup d’œil au passage sur le pamphlet rédigé par Michaël Moore, c’est édifiant.

One Comment so far...

Lavande Says:

4 octobre 2008 at 21:59.

La dédicace à François est particulièrement appropriée sur ce billet car du fond de son lit d’hôpital, la seule chose qui lui faisait pétiller l’oeil, c’était la lecture de blogs économiques que je lui enregistrais dans la journée quand je passais à la maison (of course pas d’internet à l’hôpital!).
Il est tellement accroc que pendant les deux jours où les médicaments lui ont provoqué des hallucinations, il voyait des écrans d’ordinateur au plafond et me disait: je n’arrive pas à cliquer pour éteindre!

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