17novembre2009

Tout ce dont ce blog n’a pas parlé en deux ans…

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour....

Une chronique anniversaire (g)lucide mais sans lipides…

mon-liquidambar-en-2009 Ce blog a deux ans et le liquidambar emblématique (*) qui guide nos pas a grandi aussi. Plutôt que les bougies traditionnelles, je choisis donc une photo de l’arbre prise ces derniers jours. Je me laisse encore aller à fêter cet anniversaire-là mais je vous ferai peut-être grâce des deux ou trois suivants. Ce n’est pas certain, car j’adore les anniversaires…  Mais bon, je ne vais pas non plus passer mon temps à contempler le nombril de « La Feuille », ça deviendrait lassant, d’autant qu’il est d’autres œuvres plus anciennes et plus respectables que la somme des élucubrations dont mon clavier est l’auteur depuis vingt-quatre mois. Si j’accuse mon « clavier » c’est parce que, d’une part il faut toujours un responsable à tout, et que d’autre part, lorsque je me lance sur la rédaction d’une chronique, j’ai parfois l’impression que ce sont mes petits doigts ensorcelés qui prennent le commandement du navire. Pour changer un peu, j’ai décidé de souffler la bougie de ce deuxième anniversaire, non en faisant la liste des sujets abordés dans ce fourre-tout écolo-historico-libertaire, mais en lançant quelques réflexions sur les ingrédients que j’ai omis d’ajouter dans le bol du mixer. Ce besoin de me justifier est un peu lié à la maxime figurant, tel un fer de lance, dans l’en-tête de cette « Feuille » en technicolor : « Pour tout dire et ne rien dire à n’importe quel sujet, n’importe quand, mais pas tout à fait n’importe comment… ». J’ai mis un moment à l’élaborer et je la revendique toujours comme devise pour cet empilement de chroniques. Restons modeste : cela ne veut pas dire que j’ai l’intention de parler de tout et d’imiter l’encyclopédie de Diderot. Disons que je suis un peu surpris, car je constate que j’ai purement et simplement ignoré certains sujets d’actualité importants, ou que je me suis contenté de les effleurer… d’où cette interpellation. Je constate qu’il y a quelques lignes de force dans mon propos, mais aussi bon nombre de sujets ignorés, mal traités, ou volontairement laissés de côté. La pirouette que je pourrais faire à ce sujet, c’est de dire tout simplement que cette « définition » de mon blog a le mérite de me laisser une porte ouverte pour l’avenir… Ce serait pure lâcheté de ma part, car bon nombre de thèmes brûlants de l’actualité n’ont pas été abordés jusqu’à présent pour des motifs délibérés : soit par inculture totale ou désintérêt pour la question, soit par crainte des débats stériles, lorsqu’il s’agit de sujets particulièrement polémiques, donnant lieu uniquement à des échanges d’invectives d’un inintérêt notoire. Exemple type de problème à caser dans cette dernière catégorie : Israël et la Palestine. Dès que l’on dénonce la politique extrémiste d’Israël, la caravane passe, les chiens aboient et une pluie d’invectives s’abat sur l’auteur du texte… Si par hasard on prétend soutenir la cause du peuple palestinien mais que l’on n’adhère ni au nationalisme ambiant, ni à l’islamisme radical, ou que l’on exprime une quelconque méfiance à l’égard des leaders du moment, la caravane passe, les chiens….Ce jeu là ne m’intéresse pas pour l’instant car il n’a aucune influence sur l’essentiel à savoir l’amélioration des conditions de vie des peuples concernés.

fontaine-lamego-portugal Il ne s’agit pas là du seul sujet brûlant de l’actualité de ces dernières années. Un phénomène du même genre se produit (mais avec des retombées moins incandescentes) lorsque l’on aborde la problématique Chine – Tibet. Choisis ton camp camarade, évite les nuances trop subtiles, seule la langue de bois conduit au Paradis. Les équations sont simples : Tibet indépendant = Dalaï Lama, pro-palestinien = antisémite ou pro-palestinien = pro-burka… J’en passe et des meilleures. Nos grands « philosophes de salon » sont là, notamment en ce qui concerne le Moyen-Orient, pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérapage, immédiatement qualifié d’antisémite : on ne remet en cause ni le dogme « un grand Israël, un seul peuple élu… », ni l’excuse facile de la légitime auto-défense, genre « tu m’envoies une pierre, je te bombarde au phosphore ». Ce genre de polémique me donne la nausée et je préfère m’abstenir (ou presque) de dire tout haut ce que je pense tout bas. Notez bien que la situation n’est pas nouvelle ! Il fallait voir dans les années 1920, de quelle manière on traitait ceux qui doutaient de la dictature du prolétariat comme voie royale pour conduire au communisme et à l’émancipation des peuples… Les « justiciers masqués » essayaient déjà de faire régner la loi et l’ordre sur le champ de bataille. Les communistes orthodoxes méritaient le titre de champion en la matière… Plus récemment, et bien entendu à un degré beaucoup moins élevé de gravité, je me souviens de certains débats lors d’une élection présidentielle récente… Ceux qui ne voulaient pas tomber dans le piège électoral et pensaient qu’il ne fallait voter ni Chirac ni Le Pen,  furent largement invectivés par leurs « camarades de gauche » : il faisaient le jeu de l’extrême droite, le lit du fascisme… J’en passe et des meilleures. Quand ces arguments « massue » (**) s’avéraient insuffisants, d’autres ajoutaient (sans rire) que Chirac, élu par des voix de gauche, serait obligé de mener une politique « sociale » ! Bref l’utilisation des techniques de l’assimilation hâtive, de la déformation des propos et de la calomnie n’est pas vraiment nouvelle dans ce bas monde.

ange-azulejos-lamego Je reconnais très humblement qu’il y a aussi des sujets que je n’aborde pas, non par souci de polémique (je ne rejette pas toutes les polémiques… loin de là) mais simplement par incompétence notoire. Il y aurait beaucoup à dire sur la situation politique, économique ou écologique en Afrique par exemple, et je me rends compte qu’au fil des articles que j’ai publiés, je n’ai pratiquement jamais parlé de ce continent. Peut-être est-ce l’ampleur du dossier qui me fait peur, ou le fait que le monde est si vaste qu’il est difficile d’en examiner toutes les régions à la loupe. Pour des raisons identiques ou presque, je ne parle que très peu d’économie… Beaucoup de choses très intéressantes (et surtout très intelligentes) sont publiées dans ce domaine-là et j’avoue que je suis quelque peu impressionné. Lorsque j’aborde ce registre, c’est surtout pour faire part de mes interrogations ou de mon indignation profonde. Le fait de ne pas connaître un dossier de façon approfondie n’empêche pas, à mon avis, d’avoir une opinion instinctive. Lorsque l’on me raconte qu’il faut absolument « renflouer » les banques qui perdent de l’argent, vous comprendrez que je sois méfiant, même si je ne connais que de façon très très superficielle les mécanismes boursiers. Mon poil se hérisse lorsque l’on m’explique que la démolition systématique et programmée des services publics est « incontournable » et qu’il ne faut pas s’attacher à toutes ces « vieilles conquêtes sociales » inadaptées à notre moderne société libérale.  Les « a priori » ne sont pas forcément une catastrophe pourvu que l’on soit prêt à en changer. Bien des pistes, évidentes dans un premier temps, peuvent s’avérer être des choix erronés.
Dans le domaine culturel, je préfère m’intéresser plutôt aux phénomènes marginaux, laissant à d’autres, plus compétents, le plaisir de disséquer le dernier prix Goncourt, les prouesses de tel ou tel soprano, ou commenter jusqu’à plus soif les dernières sorties cinématographiques. Il y a des « tares » que je revendique fièrement, comme celle de préférer le roman policier aux romans classiques ou de préférer la lecture d’un bon Zévaco à celle des prix littéraires (règles souffrant bien entendu de nombreuses exceptions). Je n’interviens dans le champ culturel que lorsque je pense avoir déniché un trésor que j’ai eu plaisir à ranger dans mon placard des curiosités (comme l’angelot qui figure en tête de ce paragraphe !).

sculpture-cathedrale-rouen La recherche d’une troisième voie n’est pas forcément un faux-fuyant, mais certains ne l’ont visiblement pas compris. Ne revendiquer aucune appartenance politique précise, n’adhérer à aucun parti existant, permet au moins de conserver un regard critique, et évite de construire des raisonnements en empilant des slogans tels des boîtes de conserve. Je ne trouve aucune chaussure à mon pied, dans les mouvements écologistes structurés. Je reproche aux uns leur fascination pour le modèle politique existant et leur participation acharnée au jeu électoral. Je n’admets pas la vision très étroite et par conséquent déformée du monde, de la part de certains groupes devenus plus « environnementalistes » qu’écologistes. Pour moi, l’homme fait toujours partie de l’écosystème ; il en est certes le prédateur le plus redoutable mais ce n’est pas une raison pour exclure toute considération humaniste et sociale du débat sur l’avenir du monde. En résumé, lorsque j’entends certains abrutis déclarer que « c’est terrible la guerre au Congo parce qu’il n’y aura bientôt plus de gorilles », j’ai envie de sortir mon revolver et de faire place nette. Je revendique assez clairement (du moins je l’espère) une philosophie et une éthique libertaire, mais côté action politique, je doute un tant soit peu. D’abord j’ai du mal à voir l’autogestion généralisée devenir l’idée force de la bande de vieux frileux sécuritaires qui donne le « la » à l’orchestre social ces dernières années. D’autre part, pour faire bref, aucune des mouvances révolutionnaires actuelles  ne me convient : trop d’analyses simplistes ou uniquement critiques, trop de slogans, une « pureté idéologique » bidon qui amène parfois à critiquer plus violemment ses proches que ses ennemis héréditaires… Je me méfie des banderoles et des militants prompts à faire le tri entre ceux qui ont le droit de marcher derrière et ceux qui ne l’ont pas. Les gens qui n’ont pas d’autres recettes à proposer que celles qui ont déjà conduit à des impasses autrefois m’inquiètent également. Une lecture historique de la politique est indispensable si l’on veut faire avancer le schmilblic. Je me contente donc de propager quelques idées venimeuses sur le web, lâchement dissimulées entre un billet sur le désherbage des carottes et un autre sur l’art de picoler bio. Pour échapper à cette propagande subliminale, il ne vous reste plus qu’à vous faire vacciner ou à prendre un comprimé de Tamichose tous les matins.
J’en reviens à mon autocritique du jour : ça fera toujours plaisir aux derniers lecteurs staliniens de mes divagations petites bourgeoises.

chemin-forestier Mea culpa pour plein d’autres raisons aussi : à l’occasion de cet anniversaire-là, je voulais changer le bandeau du blog, refaire le texte de présentation, vous annoncer l’ouverture d’un site un peu plus étoffé que celui-ci (que je vais finir par intituler « l’Arlésienne » si ça continue), reprendre en main les autres pages de « La Feuille »… Je voudrais notamment que la page « solidarité Tarnac » devienne « solidarités » tout court. Les exactions commises par nos gouvernements se multiplient de même que les mesures liberticides. Nombreux sont ceux qui en paient la facture et il y a un devoir d’information qui est, à mon avis, impératif. Mieux vaut mettre deux couches de confiture sur une tartine plutôt que manger le pain sec.
J’ai l’immense honneur de vous annoncer – et vous avez de suffisamment bons yeux pour vous en apercevoir – que rien, absolument rien, de ces promesses que je m’étais faites n’est réalisé. Pour un blog qui « surménage » c’est un peu raté. Mais je suis tenace et ne renonce point, ce qui fait qu’à Noël (au balcon) ou à la Trinité (au gibet), je suis sûr qu’un tsunami viendra un peu lécher les côtes de ce continent un peu trop pépère… Ce que j’espère surtout c’est que les lectrices et les lecteurs qui apprécient la biodiversité (dans toutes ses excentricités) resteront encore fidèles pendant quelques mois ou quelques années ! Amitiés à toutes et à tous et n’hésitez pas à boire un canon à la santé de ceux qui sont impliqués dans cette aventure « feuillesque » !

Notes complémentaires : (*) depuis la publication d’une gentille chronique intitulée « sous l’écorce de mon liquidambar« , le nom de cet arbre est devenu la première clé de recherche permettant d’aboutir à ce blog sur un moteur de recherche bien connu. J’avais lâchement exploité ce succès en publiant, à l’occasion de la deux centième chronique de la « feuille charbinoise », un billet traitant réellement de cet arbre (« Liquidambar, la star« ). J’ai décidé de publier chaque année une photo du liquidambar que j’ai planté en 2001 dans mon mini arboretum. Il faut dire que mi-novembre c’est le moment idéal pour lui « tirer le portrait » : son feuillage est éblouissant.
(**) Un argument « massue » c’est un argument que l’on pouvait employer sans complexe à l’âge de pierre….

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15novembre2009

Guédelon, 12 ans après le début de l’aventure…

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage; vieilles pierres.

guedelon-vue-densemble-chantier Petit voyage dans le temps : nous sommes en novembre 1240, la douzième année de construction du château fort de Guédelon s’achève. Non, je ne perds pas encore la tête et je sais bien que nous sommes en réalité en l’an 2009. Pourtant lorsqu’on se promène sur l’impressionnant chantier de ce monument en devenir, nul doute n’est permis, on a fait un voyage dans le temps : un recul de près de 750 ans, en franchissant quelques centaines de mètres, après avoir laissé notre véhicule à moteur au milieu de ses congénères dans un parking qui n’a, en ce qui le concerne, rien de médiéval ! Le dépaysement est rapide : silhouette du château, costume des artisans, outillage étalé dans les ateliers… rien n’est laissé au hasard pour créer l’illusion. Même les porcs qui baguenaudent dans leur enclos ont une silhouette inhabituelle. Cette année, les travaux ont progressé de façon significative. Le donjon a gagné en hauteur, et le logis seigneurial devrait bientôt être suffisamment achevé pour abriter quelques somptueuses réceptions auxquelles je ne bouderais pas le plaisir d’être invité ! Mais sans doute vais-je un peu vite en besogne pour certains d’entre-vous pour qui le nom de « Guédelon » n’évoque rien ou pas grand chose. Je vais donc prendre un peu de recul dans mon grand bond en arrière, et vous conter l’histoire à partir de 1228 (1997)… Ceux pour qui le début de cette « affaire » n’a plus de secrets me pardonneront, je l’espère, cet apport d’informations complémentaires.

guedelon-plan-de-masse A l’origine du projet « Guédelon », on trouve un homme, Michel Guyot, entouré d’une équipe de passionnés, férus de reconstitution historique. En 1997, Michel Guyot, propriétaire et conservateur du Château de St Fargeau, dans l’Yonne, a l’idée, jugée plutôt farfelue à l’époque, de lancer la construction d’un château-fort médiéval en utilisant les techniques de l’époque. Le projet a certes une dimension ludique, mais aussi des objectifs scientifiques : de nombreuses thèses ont été élaborées par les chercheurs sur les conditions dans lesquelles on bâtissait les grands monuments du Moyen-Âge, mais peu ont été confrontées à la réalité des faits. Concernant les matériaux utilisés, l’outillage employé et surtout les techniques mises en œuvre, on ne sait en réalité pas grand chose, du moins avec certitude. Après avoir résolu un certain nombre de difficultés matérielles ou administratives, un permis de construire est déposé et le chantier démarre assez rapidement. Un terrain à vendre, adapté aux exigences de nos bâtisseurs des temps modernes, est acheté sur la commune de Treigny, dans un lieu-dit appelé « Guédelon ». Le site est bien adapté : ancienne carrière permettant l’extraction de blocs de pierre à tailler, sur place ; forêt de chênes exploitable, à proximité immédiate. Une période précise a été choisie, de manière à ce que le projet ne soit pas un fourre-tout historique, et que sa construction soit quelque peu cohérente avec l’environnement historique existant. C’est l’époque du règne de Philippe Auguste qui est choisie pour différentes raisons. La principale d’entre-elles est le fait que Philippe Auguste a lancé la mode d’un type de château bien précis : ses architectes ont en quelque sorte « standardisé » les plans pour diminuer les coûts de fabrication. Pendant la durée de son règne, les conflits sont nombreux, le territoire appartenant à la couronne royale augmente considérablement de superficie, et, pour asseoir son autorité, le Roi lance de nombreux chantiers de construction. Les châteaux « philippiens » sont plutôt bien connus des castellologues et leur plan, simplifié, est « relativement » simple à mettre en œuvre. Les forteresses du Louvres et de Dourdan sont les premières construites par Philippe Auguste, et elles vont servir de modèle pour beaucoup d’autres, propriétés de la couronne royale ou d’autres membres de la noblesse. Il est envisagé à Guédelon la construction d’un château de dimensions modestes, qui aurait pu appartenir à un seigneur de « moyenne envergure » dans l’échelle féodale. Les initiateurs du « projet Guédelon » savent en effet qu’il ne leur faut pas être trop ambitieux. Il n’est pas possible, question prix et délais, de rebâtir une forteresse de dimensions trop imposantes. Utopie peut-être, mais utopie réaliste : Michel Guyot n’en est pas à sa première réalisation d’envergure. Il y a eu d’abord la réfection de St Fargeau, et la création d’un spectacle « son et lumière » important pour financer les travaux en cours.

guedelon-tailleurs-de-pierre Une association a été constituée pour mener à bien les premières démarches administratives, ainsi que la collecte de fonds auprès de sponsors plutôt dubitatifs dans un premier temps. La pose de la première pierre a eu lieu le 20 juin 1997 et l’ouverture au public l’année suivante. Quelques milliers de curieux sont venus les premières années, nombre d’entre-eux pour juger de la réalité du projet (certains le percevaient un peu comme un « canular »), d’autres pour encourager les courageux pionniers. Des employés enthousiastes et motivés ont été embauchés, et, petit à petit, le concept a été traduit dans les faits. Il a fallu beaucoup tâtonner, pour retrouver les gestes anciens et mettre au point un mortier adapté aux différents types de travaux. Des erreurs ont été commises (qu’il a fallu corriger), certaines démarches largement admises par les historiens se sont révélées bien peu opérantes une fois mises en pratique sur le terrain… L’équipe initiale a montré très vite qu’elle possédait un très grand talent de communication et, très rapidement, le nombre de visiteurs a augmenté. Pour donner un ordre d’idée du succès « touristique », en 2009, trois cent mille visiteurs ont été accueillis sur le site. Dès l’ouverture au public, un gros effort a été fait pour expliquer les travaux en cours et il faut reconnaître que cette approche est particulièrement passionnante. On n’imagine mal le labeur que représente le délignage d’un tronc, ou l’ajustement de deux pierres, sans avoir vu les artisans à la peine. La cadence de production des différents ateliers n’est d’ailleurs pas très élevée. Cela est dû à plusieurs facteurs : l’emploi exclusif de l’outillage manuel existant au Moyen-Âge, la nécessité d’apprendre leur maniement, mais aussi le temps passé à expliquer aux visiteurs les différents gestes que l’on effectue. Travailler sous le regard des curieux n’est pas toujours facile, d’autant qu’il faut parfois supporter les commentaires douteux de certains touristes malavisés. Ceux-ci sont heureusement fort peu nombreux car on est très vite saisis par l’ambiance et plutôt admiratifs devant le talent de certains maîtres artisans. Des bénévoles aussi participent au chantier, mais ils sont employés dans des conditions assez limitatives. Certaines compétences précises sont demandées à ceux qui veulent intervenir dans une tâche complexe.

guedelon-charpentier-au-travail En une douzaine de saisons de construction, les travaux ont maintenant bien avancé et certaines échéances peuvent être fixées. L’architecte, maître d’œuvre du chantier, considère que le château devrait être terminé aux environs de 2025 : une durée de 25 à 30 ans donc pour la réalisation complète. Comparer avec le temps nécessaire à la construction d’un bâtiment contemporain ne présente aucun intérêt. Par rapport au Moyen-Âge, c’est quand même un délai qui peut paraître long, mais qui s’explique facilement par les raisons énoncées au paragraphe précédent. Il ne faut pas oublier que ce chantier est avant tout une expérimentation historique, et qu’il ne s’agit pas de la construction d’un ouvrage réellement « défensif » ! Les bâtisseurs médiévaux obéissaient à d’autres impératifs, ce qui explique la durée parfois impressionnante de certaines constructions. Richard Cœur de Lion, au début du XIIIème siècle, a fait construire l’énorme forteresse de Château-Gaillard, à côté de la ville des Andelys, en deux années seulement. Il n’y a, à Guédelon, qu’une soixantaine d’employés permanents, dont une quarantaine impliqués directement dans la construction. Au Moyen Âge, un facteur essentiel dans la vitesse d’avancement d’un bâtiment comme un château fort ou une cathédrale, c’est le nombre de tailleurs de pierre présents sur le chantier. Les artisans qualifiés qui étaient recrutés par le maître d’œuvre étaient salariés, et plutôt bien payés. Leur nombre dépendait donc directement du prestige et surtout de la fortune du donneur d’ordres. On est loin du mythe des « journées de corvée » et des « pauvres serfs » qui se trouvaient obligés de construire la résidence de leur « bon maître ». Les manouvriers, sans qualification, n’étaient employés que pour des travaux de manutention et de transport. La construction d’un mur vertical, d’une voute en ogive ou d’une charpente complexe était l’apanage d’ouvriers très qualifiés.

guedelon-fenetres-a-coussieges Nous avons donc visité Guédelon, ce mois d’octobre, quelques jours avant la « fermeture annuelle » pour cause d’intempéries et de congés payés, en faisant étape sur notre route vers la Normandie. Ce n’était pas notre première incursion, puisque nous avions déjà séjourné dans les environs en 2005. Bien que je sois abonné à la lettre d’infos du chantier et que j’ai vu maintes et maintes photos de ces « neuves vieilles pierres », la surprise a été grande en débouchant sur le site. On peut dire que l’on a maintenant sous les yeux un ensemble de bâtiments qui évoque parfaitement le devenir du château. L’une des tours secondaires est bien avancée ; la tour maîtresse s’élève à mi-hauteur ; le logis seigneurial est presque terminé : charpentiers et couvreurs sont maintenant à l’ouvrage et le bâtiment sera achevé sans doute en 2010. En ce qui concerne les autres tours, les courtines (remparts) et le castelet d’entrée, les soubassements sont prêts et reposent sur de solides fondations : le plan du château est donc visible au sol. Le travail de charpente effectué en 2008-2009 est impressionnant surtout lorsque l’on voit la vitesse à laquelle les différentes pièces sont réalisées. Les emboîtements sont magnifiques : mortaises creusées au ciseau, assemblages chevillés, et le tout, bien entendu, en chêne massif. Ces dernières années ce sont donc les charpentiers qui ont fourni le plus gros de l’effort réalisé, mais cela ne signifie nullement que maçons et tailleurs de pierre ont chômé. Les encadrements de fenêtres du logis, réalisés en pierre calcaire blanche, provenant d’une carrière éloignée d’une trentaine de kilomètres, sont absolument magnifiques. Elles témoignent de la richesse du propriétaire du bâtiment, car, au Moyen-Age le transport des matières premières était long et coûteux. Les ogives blanches contrastent agréablement avec le grès ferrugineux local utilisé pour le parement des murs. Les salles voûtées au rez-de chaussée des deux tours témoignent d’un savoir-faire indéniable de la part de ceux qui les ont bâties. Les échafaudages impressionnants qui ont aidé à la construction des arcs cintrés sont toujours visibles sur le terrain, pour l’information des visiteurs. De grandes cheminées volumineuses ont fait leur apparition dans les salles du logis seigneurial. On imagine sans peine le plaisir que l’on pourra avoir d’ici quelques années, de voir le feu brûler à l’intérieur tout en contemplant le paysage de la Puisaye depuis les coussièges des fenêtres… Nulle agression extérieure n’étant à craindre, on peut espérer que troubadours et jongleurs auront plus leur place en ce lieu que les chevaliers partant guerroyer !

guedelon-vue-de-la-charpente Nous retournerons à Guédelon dans quelques années, car les réalisations se mettent en place à un rythme suffisamment rapide pour que l’intérêt de la visite se renouvelle. Vous me direz que tout cela est bien futile, dans un monde où tant de problèmes nous agressent au quotidien. Pourquoi n’y aurait-il plus de place pour la rêverie et les projets les plus fous ? D’autant que ceux-ci n’ont pas un impact négatif sur l’environnement à ma connaissance… Bâtir un château fort expérimental à Guédelon, cela me paraît nettement moins nuisible que de vouloir installer une station de ski en Arabie Saoudite, ou des parcs d’attraction bêtifiants dans des environnements qui n’ont nul besoin de ce genre de nuisances. Certains regretteront peut-être le fait que ce chantier absorbe énormément de crédits et de subventions qui seraient bien utiles par ailleurs pour financer la restauration de monuments déjà existants. A mon avis, les finalités sont bien différentes et un budget culturel qui ne soit pas le parent pauvre de la nation devrait permettre de répondre aux différentes demandes lorsque celles-ci sont justifiées. Un pays possédant un patrimoine historique comme le nôtre se doit de faire des efforts importants pour le préserver. Il s’agit là d’un patrimoine commun  à l’ensemble des citoyens qui devrait rester dans le domaine public plutôt que d’être bradé à des investisseurs privés… Mais je m’écarte du thème de cette chronique ; je ne veux pas lancer aujourd’hui ce thème de discussion, plutôt polémique. Longue vie donc au projet de Guédelon et à ses suites éventuelles (notre guide, en 2005, évoquait la possibilité de continuer… après, en lançant, pourquoi pas, le chantier d’une abbaye cistercienne !).

Eh bien voilà… J’espère que cette belle histoire vraie vous a plu ! Après tout c’est dimanche, et un dimanche de novembre qui plus est : les conditions idéales pour se laisser aller à la rêverie !

Illustrations petites et grandes  : reportage photo novembre 2009, Pascaline – © la feuille charbinoise. Autres clichés disponibles sur demande (2005 et 2009)

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13novembre2009

L’essentiel, c’est que vous consommiez !

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Vive l'économie toute puissante.

Vive l’écolo-business

Dans un milieu que je qualifierai « d’écolo-friqué » et non de bobo (car je ne vois pas ce que ces gens-là ont de « bohème »), la lutte contre les dépenses énergétiques et les émissions de CO2 est devenue l’occasion d’une véritable surenchère à la consommation. A se demander si certains ne visent pas une inscription au « Guiness book » ou un accès direct par voie express au Paradis Vert des Ecolos. Nos braves industriels ont fort bien compris le marché juteux qui s’ouvrait là et se sont engouffrés dans la brèche, d’autant qu’en matière d’écologie, il y a un mécanisme qui fonctionne à plein tube, c’est celui de la culpabilisation. « Vous rendez-vous compte que votre réfrigérateur A+ consomme un maximum de courant, alors qu’il existe aujourd’hui un moyen simple de protéger la planète en réduisant sa facture énergétique : acheter un modèle A++, en attendant que nos techniciens aient mis au point le modèle A5+… » (c’est con, il n’y a pas de lettre avant A dans l’alphabet, peut-être faudrait-il envisager de recourir au Grec ancien ?). « Certes, votre modèle A+ n’a que trois ans, mais rendez-vous compte ! avec la super isolation en trucmuch biconcentré, il y a moyen d’économiser 20 kilowatt par an. Sachant qu’il y a des millions de réfrigérateurs qui fonctionnent en France, cela représente des dizaines de millions de kilowatts économisés… Enfin, à vous de voir… Si vous êtes un peu juste financièrement, vous pouvez continuer à surpolluer bien sûr ».

land-rover-vert On entend le même refrain pour les bagnoles, pour l’isolation thermique, pour les portes et fenêtres dans les logements… Vous voyez la teneur du discours que l’on peut produire ; je ne vais pas vous rabattre les oreilles avec. Que l’on essaie de bâtir une maison « passive » quand on construit du neuf : d’accord. Que l’on tente d’isoler au mieux un bâtiment ancien : toujours d’accord. Que l’on change de matériau isolant, de portes et de fenêtres, de système de chauffage… tous les cinq ans : pas d’accord et je vais vous expliquer pourquoi. Ce que les marchands de soupe pseudo-écologique oublient de vous préciser, lorsqu’ils dressent un bilan énergétique de votre habitat, c’est le coût de fabrication de l’objet ou du dispositif que vous allez acheter pour remplacer celui qui « pêche » au niveau écologique. D’autant que cet équipement ancien auquel vous allez renoncer, si vous êtes un écologiste cohérent et responsable, il n’a qu’une seule destination logique : la décharge et/ou le recyclage (généralement partiel). A la poubelle donc, votre fenêtre à double vitrage, pour équiper votre domicile avec « le must » de l’économie d’énergie : la fenêtre à triple vitrage, double couche de trucmuch à osmose parallèlipédique inversée géobioluminique. Certes je ne doute pas du fait que vous allez économiser une brouette de bois, un jerrycan de fuel ou un sac de charbon, chaque année… Mais quelle quantité d’énergie et de matières premières a-t-il fallu mettre en œuvre dans le processus de fabrication des deux objets : l’ancien et le nouveau ? Vous croyez que le bois, le verre ou l’alu de la première fenêtre vont servir à fabriquer la seconde ?
En bonne logique, la voiture énergétiquement vorace et terriblement polluante que vous aviez depuis cinq ans, vous n’allez quand même pas la vendre à un moins riche que vous ? Sinon où se situe le soi-disant bénéfice de l’opération d’échange pour la planète ? Vous aurez meilleure conscience parce que quelqu’un d’autre polluera à votre place ? L’engin de locomotion quasiment neuf dont vous allez vous débarrasser, que va-t-il devenir ? Réfléchissez-bien… Ce ne serait pas un peu le retour au Moyen-Âge dans votre mentalité ? Vous ne seriez pas tout bonnement en train d’acheter des indulgences comme dans le bon vieux temps ? Notez bien qu’à mon avis, les gens qui ont l’outrecuidance d’avoir ce genre de pratiques, sont ensuite ceux qui prétendent que les pauvres polluent la planète ! – j’y reviendrai…

ecrans-dordinateur-a-jeter Laissez aux objets actuellement en votre possession la durée de vie, bien courte malheureusement, pour laquelle ils ont été conçus. Une fois leur temps de vie achevé, veillez à ce que leur recyclage s’effectue dans les meilleures conditions. A ce sujet, ne vous laissez pas bercer par les sirènes qui parlent tout haut de « remise dans le circuit » ou de « don généreux » à ceux qui n’ont pas les moyens de… La charité n’est pas une meilleure solution que la revente. Grâce à ce genre de pratiques, des millions d’unités centrales et d’écrans d’ordinateurs se retrouvent entassés dans des dépôts d’ordures à ciel ouvert en Afrique, plus particulièrement au Ghana : « dans les décharges, des travailleurs sans protections, la plupart du temps des enfants, démontent des ordinateurs et des télévisions avec rien d’autre que des pierres comme outils, à la recherche de métaux qui peuvent être revendus. Le plastique et les câbles restants sont ensuite brûlés ou simplement jetés » (source : reportage Greenpeace). Les banques ou les entreprises commerciales qui s’en sont débarrassé afin d’acheter plus « vert », plus « performant », se sont donné bonne conscience en offrant « généreusement » leurs rebuts à des organisations humanitaires, ou à des revendeurs peu scrupuleux. Ces cadeaux hypocrites empoisonnent l’atmosphère, le sol et les nappes phréatiques dans les pays qui ont bénéficié de cette « générosité ».
Avant de changer un équipement, il faut dresser un réel bilan écologique et économique de l’opération. Ne pas se laisser entrainer par un quelconque snobisme, mais aligner les plus et les moins sur une feuille de papier blanc (recyclé va de soi) : une nouvelle forme de comptabilité, dans laquelle on va aligner à la fois données financières mais aussi énergétiques. Comme ces dernières ne sont pas toujours évidentes à calculer, je pense que l’élément de base du raisonnement ce sera par dessus tout le « bon sens » (cette faculté de réfléchir avant d’agir qui fait défaut à nombre de nos contemporains). Je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut rien changer et continuer à rouler dans la Panhard de votre grand-père. Il est parfois bon de passer aux pertes et profits un matériel très ancien même s’il fonctionne encore. Exemple type d’équipement pour lesquels des progrès considérables ont été réalisés : les congélateurs. Nous avions un vieux modèle, de grande contenance qui consommait tant et plus : il tournait quasiment 24 h sur 24. Le nouveau modèle que nous avons acquis tourne quelques heures par jour avec une consommation bien moindre. Les comptes ont été vite faits : le changement d’appareil a été amorti en moins de deux ans, et nous estimons que son espérance vie sera d’au moins dix ans. Le bilan énergétique et financier est sans équivoque. Certains feront peut-être remarquer que ne plus avoir de congélateur du tout aurait entrainé encore plus d’économies. Il faut dire que l’appareil est bien utile lorsque l’on habite à la campagne, en produisant une partie de sa nourriture et en effectuant des achats en gros de produits de bonne qualité. Certes, le compteur électrique tourne un peu, mais le moteur de la voiture lui n’est pas démarré à tout bout de champ pour aller chercher une bricole. Même si j’apprécie les écrits de Thoreau, je ne suis pas encore adepte de la vie sauvage dans une cabane.

bois-de-chauffage Notre « bilan carbone » est sans doute moins brillant que celui d’autres personnes. Il est conforme à nos prétentions : modeste. Nous évitons les gaspillages, les comportements inconséquents, mais nous ne sommes pas pour autant abonnés au magazine de l’écologiste vertueux. Une partie importante de notre alimentation est d’origine bio, et provient, dans la mesure du possible d’unités de production proches. Je trouve aberrant de manger des poires du Chili alors que nous en produisons à d’autres moments de l’année, mais je n’hésite pas à acheter des clémentines du Maroc, traitées ou non traitées, parce que les clémentines c’est bon, et qu’il va falloir faire de sérieux efforts en faveur du réchauffement climatique, si l’on veut en faire pousser dans notre jardin. Nous mangeons des salades bio quand nous en avons au jardin ou quand le maraîcher voisin nous en propose. Nous n’attrapons pas la jaunisse lorsque la nourriture provient de l’industrie agroalimentaire, pourvu qu’elle soit mangeable. Bien des gestes que nous faisons pendant la journée nous vaudraient sûrement un regard chargé de reproches de la part de certains militants intransigeants… Mais comme dirait Zazie… Nous utilisons toujours un peu de fuel pour notre chauffage, en complément du bois, et nous n’avons pas besoin de mettre une doudoune en laine pour lire un bon livre, vautrés dans un fauteuil. Le jour où les agents EDF se décideront à entamer un mouvement de grève pour protester contre les choix d’investissements de leur direction, nous ne mourrons pas de froid car notre système de chauffage fonctionne (par convection naturelle) y compris les jours où il n’y a pas de courant. Presque toutes nos fenêtres sont en double vitrage et les dernières, en infraction, seront changées dans les années à venir. Certaines avaient un siècle de durée de vie et l’on peut estimer qu’elles étaient écologiquement amorties ! Bref, je ne prétends pas que nous ayons cent pour cent raison, mais je pense que nous avons moins tort que ces messieurs-dames qui viennent d’acheter le dernier modèle de 4×4 qui roule aux nécro-carburants et qui est équipé de filtres coûteux, tous plus polluants les uns que les autres au recyclage.

paquebot-queen-elisabeth Une dernière petite anecdote avant la pause… J’ai regardé un jour un documentaire enthousiaste sur le paquebot Queen Elisabeth II qui effectuait des traversées entre Le Havre et New York, les ponts, les entreponts et les cales remplis de touristes bedonnants et pleins aux as. Grosso modo, 1 homme d’équipage et un lustre en cristal par passager. Certes le paquebot a été remplacé depuis par le Queen Mary, fleuron de nos chantiers navals, mais la problématique n’a guère évolué en matière énergétique… Il faut bien faire fonctionner les saunas, les piscines chauffées, les salles de casino, la climatisation, les salles de cinéma… Documentez vous un petit peu et essayez de retrouver ce chiffre essentiel que j’ai malheureusement égaré : la consommation en fuel de l’un de ces « géants des mers » pour une petite croisière d’une semaine sur l’océan… Vous n’en croirez pas vos yeux ! Multipliez cette consommation par le nombre de bateaux de croisière en fonctionnement, puis divisez le total par le nombre de foyers qui se chauffent encore au fuel domestique en France… Quand le pétrole va se raréfier, faudra que ces arriérés du chauffage fassent de sacrées économies pour permettre à tous ces radeaux de luxe de continuer à distraire les retraités fortunés. Pour illustrer mon propos, je peux vous donner l’exemple du Queen Mary 2, pour lequel on trouve facilement des données chiffrées. Ce bateau, plus moderne, produit de l’électricité à l’aide de ses turbines pour satisfaire aux besoins du bord. Pour simplifier, disons que sa consommation quotidienne de courant électrique correspond à celle d’une ville de 300 000 habitants pour la même durée. Heureusement que les paquebots du futur auront, parait-il, recours à l’énergie solaire pour se propulser… Comme quoi on peut toujours trouver une réponse « écologique » à un problème environnemental ! Suffit d’investir ! Même la Reine Elisabeth est consciente du problème… (note 2)
En conclusion, ne jamais oublier que ce n’est pas la démographie et le train de vie des pauvres qui sont responsables de la dégradation de la planète, mais le gaspillage éhonté de ceux qui ont trop de pognon et qui l’investissent n’importe comment, y compris dans une écologie bling-bling modèle Hermès-Vuitton.  Je vous conseille, à ce sujet, la lecture de l’excellent article de George Monbiot, reproduit sur « Contreinfo » il y a quelques temps de cela… Comme le disait la concierge de mon grand oncle : « vive la trottinette de ma petite sœur ! »

Notes
(1) – source image et texte « développement durable ». Un extrait de l’article : « L’idée, c’est un système de compensation carbone : depuis le 1er janvier, le constructeur a mis en place une participation écologique de 200 euros en moyenne sur tous ses modèles. La somme permet de compenser les émissions de CO2 des véhicules pendant les trois premières années d’utilisation, soit environ 75 000 km… » La suite à cette adresse. Sans commentaires.
(2) – Même genre de problématique à Buckingam. Lisez ce petit texte que j’ai préféré trouver bien rigolo : je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’humour en fait !

Sources images
(1) – développementdurable.com – (2) – « Ecrins.org » – (3) – La Feuille Charbinoise : photo prise dans les Vosges. Le bois provient d’une coupe d’éclaircissement dans une futaie en devenir. (4) « voyagerluxe.com »

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11novembre2009

Eh bien non, Maginot n’est pas mort !

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive l'économie toute puissante.

Grâce au nucléaire, il b…. encore !

ligne-maginot Comme le disait (approximativement) Patrick Font dans les années 70, « ceux qui ne croient pas au nucléaire civil [en 2009], sont les mêmes que ceux qui ne croyaient pas à la ligne Maginot en 1940 ». Le nucléaire sauvera la France et son indépendance énergétique, comme la ligne Maginot nous a protégés de l’invasion hitlérienne dans les temps anciens. Les centrales nucléaires et leurs déchets posent certes quelques petits problèmes non résolus, mais la sortie de crise est une question de foi, ainsi que le faisait remarquer dans une émission programmée sur ARTE, le très estimable conseiller en matière énergétique, de notre Petit Thimonier. Chacun sait qu’une foi solide est un élément indispensable pour faire progresser la recherche scientifique. Parlez-en à Bernadette Soubirou. S’il elle n’avait pas été croyante, la Vierge se serait sans doute contentée d’une apparition en terre étrangère, et le chiffre d’affaires des commerçants de Lourdes en aurait été lourdement affecté ! Nous allons laisser derrière nous des milliers de tonnes de déchets, radioactifs pendant des dizaines ou des centaines de milliers d’année. Peu importe ! L’essentiel c’est que l’on puisse continuer à utiliser nos brosses à dent électriques et à éclairer le ciel au cœur de la nuit.

A l’heure où les peuplades barbares qui nous environnent se détournent de l’industrie nucléaire à cause des risques qu’elle présente, des problèmes non résolus qui s’accumulent, et de son coût financier exorbitant, le vaillant peuple gaulois, guidé par les technocrates infaillibles de nos grandes écoles, persiste et signe dans les choix que certains ont fait pour lui, sans vraiment lui demander son opinion. Pendant des années, en France, la recherche nucléaire civile et militaire a dévoré des capitaux incroyables et notre pays est loin d’être le seul impliqué dans le processus : depuis 1974, les pays de l’OCDE ont englouti des sommes astronomiques dans ce domaine (le Réseau Sortir du Nucléaire estime ce montant « officiel » à 250 milliards de dollars). Jusqu’à ces dernières années les crédits alloués à la recherche dans le domaine de nouvelles sources d’énergie peuvent être comparable aux chèques cadeaux que les grandes surfaces de bricolage offrent à leurs clients les plus fidèles. Depuis une décennie la situation s’améliore un peu car un certain nombre de grands groupes industriels se sont penchés sur la question : vert, bleu, noir… l’argent n’a pas plus de couleur que d’odeur… Mais les éoliennes ont au moins le mérite de ne pas remplir les parkings de Sibérie avec leurs déchets.

big-bang-dechets-nucleaires Les problèmes de coût et de sécurité évoqués par les écolos primitifs des années 70 (déjà mentionnés plus haut) n’ont pas été résolus. Les problèmes budgétaires ont purement et simplement été évacués du débat, grâce à un certain nombre d’entourloupes comptables (en particulier la sous estimation manifeste des coûts de retraitement des combustibles irradiés, ainsi que ceux de la gestion du démantèlement des centrales arrivées en bout de course). Il faut se rappeler quand même qu’un rapport alarmant de la cour des comptes a été l’une des causes de l’arrêt de construction du projet délirant du surrégénérateur à Creys Malville en Isère. Cela n’a pas été le seul facteur : il y avait aussi l’évolution de la demande militaire qui a joué un rôle non négligeable, mais le trou financier a fini par inquiéter sérieusement nos élites comptables. Le problème de la conservation à très long terme des déchets radioactifs ultra-toxiques dont nous ne savons que faire, n’a aucunement été résolu. On n’a fait que retarder l’échéance de la crise en utilisant des procédés criminels : largages en haute mer, recyclage de l’uranium appauvri dans les projectiles militaires, entreposage à ciel ouvert dans certaines régions privilégiées du globe, comme la Sibérie par exemple. La sinistre marée de ces déchets prend chaque jour un peu d’ampleur, et ce n’est pas le fait de s’amuser à les promener en train, en cargo ou à dos de chameau, d’un bout à l’autre de la planète, qui permettra d’esquiver longtemps le problème. « Qui n’en veut de mes produits toxiques ? – Pas moi répond la petite souris prudente… Qui n’en veut de mes produits toxiques avec une grosse enveloppe pleine de billets et un maximum de discrétion à l’égard des populations locales ? – Moi, moi, » répond la petite souris élue et avide de dividendes incontrôlables. Ma petite histoire vous paraît simpliste ? Comment croyez-vous que se gère actuellement le problème des déchets radioactifs ?

eoliennes-portugal La rivière des crédits disponibles pour la recherche a beau avoir un débit important, pendant des années, le canal  « nucléaire civil et militaire » en a drainé une énorme part, au détriment des autres secteurs de la recherche énergétique. Tous les autres pays industrialisés n’ont pas fait le même choix, et certains ont su corriger le tir dans des délais assez brefs (note 1). En France, il n’en est pas de même : le résultat du « monothéisme » énergétique français est le retard qui atteint, au pays des vaillants gaulois barbus et casqués d’uranium, tout ce qui touche aux énergies renouvelables. Ce qui est ahurissant dans cette affaire c’est le nombre et l’origine politique très diverse des acteurs de ce choix désastreux. S’opposer au nucléaire dans les années 70/80 (comme dans les années 2000) c’était avoir contre soi la majorité des syndicats (CGT en tête), la majorité des partis, y compris ceux dits d’opposition (PS indécis, PCF à fond pour tout ce qui est grand, beau et industriel avec un coq au sommet de la cheminée…) Lors des dernières élections présidentielles la question a été largement laissée sur la touche et le débat télévisé Sarkozy – Royal aurait prêté à rire si la question n’était pas aussi grave. Tout juste si l’épiscopat français n’est pas venu bénir les centrales lors de leur inauguration, et si l’on a pas brûlé quelques antinucléaires en place de Grève pour distraire les populations locales. Parfait… On pourrait espérer que l’argent englouti dans ce dossier a permis de réaliser des avancées majeures, des innovations percutantes… Or que voit-on concrètement : tout ce que nos labos de recherche et nos industriels ont à proposer, à savoir les réacteurs EPR, ne correspond qu’à un moteur péniblement rafistolé dans une carrosserie à peine revue. La seule nouveauté réelle proposée dans le domaine nucléaire, à savoir le surrégénérateur, a fait le flop que l’on sait : ce type de réacteur n’était pas au point, présentait des dangers considérables et présupposait une généralisation tous azimuths de l’énergie nucléaire pour être véritablement intéressant. Plutonium à tous les étages, distribué généreusement à tous les gouvernements qui en faisaient la demande ; le bouton rouge de l’apocalypse à la portée du premier cinglé venu. Je laisserai le soin aux spécialistes de vous expliquer pourquoi, mais l’EPR ne constitue en rien une nouveauté révolutionnaire. Si l’on cumule cette absence de résultat majeur en trente ou quarante ans de recherche, avec le problème non résolu des déchets, la casserole devient vraiment énorme et le bruit que fait le char AREVA-CEA-EDF en la tirant devrait s’entendre depuis la lune.

dont-nuke Le seul cache sexe que l’on ait trouvé pour habiller le clochard nucléaire d’oripeaux un peu plus sexy, c’est l’argument massue (selon l’agence de com qui l’a trouvé) de la faible émission en CO2 de ce type d’énergie. Bien entendu, on fait abstraction de tout ce qui se passe en amont et en aval de la filière nucléaire, depuis l’extraction du minerai jusqu’à la promenade organisée pour les déchets à retraiter, en passant par la construction des infrastructures, sinon l’argument n’aurait plus grande valeur. Ceux qui véhiculent ce genre d’intox omettent aussi de préciser que les centrales nucléaires ne génèrent que de l’électricité, or celle-ci ne représente que 2,5 % de la consommation mondiale d’énergie. S’il était exact que le nucléaire fait chuter les émissions de C02, les effets positifs seraient des plus limités. Au moment où va s’ouvrir le sommet de Copenhague, il est nécessaire d’avoir ces données en tête, car le lobby nucléaire ne va pas manquer de faire pression sur les participants au sommet. L’objectif est de pousser à la relance de la nucléarisation à tout va, l’argument « vert » des émissions réduites de CO2 étant largement utilisé. Il paraît que « grâce au nucléaire », notre beau pays serait en pointe pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il en est de même à la maison : depuis que nous buvons du thé au petit déjeuner, notre chaudière consomme moins de fuel, et le chat dort mieux la nuit… Vive la science, vive les croyances, vive la France !

stop-epr N’en déplaise à certains, il faut bien reconnaître que la filière nucléaire française est en crise, et que c’est uniquement une volonté technocratique soutenue par une large fraction de la classe politique qui persiste à la présenter comme une « solution miracle » à court terme. Il va bien falloir admettre, et ce le plus vite possible, que le nucléaire est une industrie dangereuse, inutile, sans avenir et coûteuse. Les incidents se multiplient dans les centrales. En France, un tiers des réacteurs sont arrêtés pour des opérations de maintenance, parmi lesquels cinq pour des problèmes graves. Le dernier « incident » en date est survenu au Tricastin : lors d’une opération de maintenance, une barre de combustible est restée « suspendue » au dessus du cœur du réacteur, pour la troisième fois en l’espace d’un an…  Peu de temps auparavant, on apprenait, à la suite d’une enquête, qu’AREVA et le CEA avaient « perdu » plusieurs dizaines de kilos de plutonium sur le site de Cadarache. Est-ce bien la peine de vous rappeler que cinquante millièmes de milligrammes constituent une dose mortelle pour l’être humain ? On comprend aisément que l’on n’en soit pas à quelques kilos près ! Du coup les autorités ont été obligées de réagir et ont fait arrêter le chantier de démantèlement de l’usine locale de production de Mox (combustible). Cela ne va guère mieux en ce qui concerne la « solution d’avenir », l’EPR… De nombreux problèmes se posent sur les réacteurs en chantier. Retards incessants en Finlande, suite à des problèmes de sécurité non résolus ou à des malfaçons dans la construction. Le 2 novembre, on apprend que les autorités de Sûreté Nucléaire, en Grande Bretagne et en France, demandent une révision de la conception initiale de l’EPR en construction dans le Cotentin : c’est l’efficacité des procédures de sécurité qui est remise en cause. Cela n’empêche pas le gouvernement d’avoir donné le feu vert pour la construction d’un deuxième réacteur à Penly, près de Dieppe. Joli cadeau pour les riverains ! Les élus locaux ne voient malheureusement pas plus loin que le bout de leur nez, et sont attirés par les gains mirifiques annoncés par EDF, comme les abeilles par le pollen des fleurs (incapables par ailleurs de se rendre compte de la dose de pesticides incorporée dans ce pollen…). Il faut « sauvegarder » l’emploi à tout prix et, pour cette raison, les risques encourus n’ont aucune importance ! Comme si d’autres choix n’étaient pas possibles en matière de création d’emploi, chose que le réseau « Sortir du nucléaire » a démontré à plusieurs reprises.

eprenbref Ce qui est clair, en l’état actuel des choses, c’est que les chantiers EPR en cours doivent être stoppés, et que le projet de Penly doit être définitivement abandonné. Un effort colossal doit être fait pour rattraper notre retard en matière d’énergies renouvelables, afin que la France, comme d’autres états voisins, puisse envisager une « sortie du nucléaire » dans les délais les plus brefs possibles. Cela ne résoudra pas les problèmes posés par le stockage des déchets nucléaires accumulés en quantité considérable, mais cela évitera au moins de l’aggraver. C’est une planète viable et non une poubelle radioactive que nous devons léguer à nos descendants… Lorsqu’un véhicule fonce droit dans un mur, mieux vaut que le conducteur freine quelques dizaines de mètres avant plutôt que de rester inactif. La violence du choc en sera au moins réduite !

Notes
(1) – Dimanche 8 novembre dernier, l’Espagne a produit 50% de son électricité via les éoliennes. Selon le site « Maxi-Sciences », « 11.500 mégawatts, soit l’équivalent de la production de 11 réacteurs nucléaires, auraient au total été produits entre 3h20 et 8h40 dimanche, permettant ainsi d’atteindre un pic de 53% d’électricité d’origine éolienne. [ … ] L’Espagne qui mise sur les énergies renouvelables depuis plusieurs année, dispose d’une capacité installée en énergie éolienne pouvant atteindre 17.700 mégawatts, soit dix fois plus qu’il y a 10 ans. [ … ] Le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero a opté pour l’abandon progressif du nucléaire au profit des énergies renouvelables. » sans autre commentaire…

(2) – L’Allemagne, qui a engagé depuis plusieurs années une démarche de sortie du nucléaire, a fait un effort énorme elle aussi en matière de reconversion. A ce qu’il parait, cela n’entraîne pas la moindre crise énergétique. Preuve en est le fait que ce pays exporte de l’électricité, notamment vers… la France !

Source des Illustrations : Réseau « Sortir du Nucléaire » (4) – collectif Stop EPR  (5-6)- Feuille charbinoise (3) – Eduscol (1) – Nucléaire non merci (2)

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9novembre2009

La Normandie c’était comment ?

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage; Philosophes, trublions, agitateurs et agitatrices du bon vieux temps.

plaque-dieppe-louise-michel A l’évidence, la réponse à cette question doit changer en fonction de la personne à qui on la pose, et du moment dans l’histoire où on le fait. Pour simplifier, dans un premier temps, je vais me situer dans l’actualité récente, et considérer que c’est aux « feuillards charbinois » que cette interrogation s’adresse. Sans hésitation, je répondrai : mouillé, très mouillé, très très mouillé, humide à la limite… de quoi voir ses petites patounes se transformer en nageoirounettes… Heureusement, la chaleur de l’accueil qui nous a été offert valait bien toutes les intempéries de la planète. Il semble néanmoins que, pendant que l’on causait à en perdre haleine et que l’on pianotait sur les accordéons, le ciel s’est soulagé avec une constance admirable. Dieppe et ses falaises ? Sous des trombes d’eau… Rouen et ses clochers ? Sous un crachin persistant… Forges les eaux et son marché ? La douche offerte sans avoir un centime à débourser. La Normandie a inspiré les impressionnistes ? Pourquoi pas ! Subtiles nuances de gris, de verts et de bruns… Quelques écharpes de bleu dans le ciel pour souligner la richesse de la palette automnale du décor… Rien à redire ! Je remarque au passage que jamais je n’ai vu autant d’eau à la fois, en Bretagne, en Ecosse ou en Irlande… Mais je préfère tout de suite éviter de me mettre à dos les lecteurs normands. Ils ont déjà fort à faire avec le climat ; il n’est pas vraiment utile d’alourdir leur fardeau en y ajoutant d’infâmes calomnies. D’autant que de retour au pays natal nous avons pu apprécier le charme d’un brouillard à couper au couteau… de quoi inspirer au passage les peintres du « Pays des Couleurs », puisque ainsi est nommé notre riante communauté de communes. Dans ce contexte, les débats enthousiastes que nous avons eus autour d’une bolée de cidre ou d’un gorgeon de vin bio ont été particulièrement agréables. Les pieds au sec dans les pantoufles et le sourire aux lèvres pour résumer !

falaise-environs-dieppe C’est à Dieppe que nous avons photographié la plaque commémorative qui figure en tête de cet article. Du coup, j’en reviens à la question initiale et il est clair que si elle avait été posée à Louise Michel, de retour au « pays » après sept ans de bagne, sa réponse aurait été enthousiaste. Vous me pardonnerez donc de reléguer nos modestes personnes au second plan, et de m’intéresser un peu plus à l’événement dont nous commémorons, ce jour, le cent vingt-neuvième anniversaire (moi personnellement je préfère les nombres biscornus, car lorsqu’ils sont ronds tout le monde s’y intéresse !). Anniversairons donc mais à contre-courant bien sûr ! Dans un tout autre ordre d’idée, on aurait pu interroger aussi les soldats canadiens morts pour rien ou pour pas grand chose, lors du « test de débarquement » effectué le 19 août 1942. Les plages de Dieppe ont été pour eux un immense cimetière, et la Normandie, pour certains (un certain nombre de Québécois par exemple), la terre de leurs aïeux qu’ils ne reverraient jamais. Je ne peux éviter de vous rappeler, au passage, que 1200 soldats venus de l’autre côté de la « grande flaque » sont morts à Dieppe en 1942 et que 3000 ont été blessés et/ou capturés pour être envoyés directement dans les camps de prisonniers en Allemagne. Il est difficile de mentionner le nom de la ville de Dieppe sans avoir une pensée à leur égard, même si l’évocation est moins souriante que d’autres. Quand on pense que les brillants stratèges qui avaient programmé cette boucherie ont eu l’audace de l’appeler « opération Jubilee »…

Après ce détour, j’en reviens donc à mon propos initial. Le 16 décembre 1871, Louise Michel est condamnée à l’enfermement au bagne par un tribunal militaire. Elle a participé activement à la Commune de Paris, et s’est livrée pour éviter que sa mère ne soit emprisonnée à sa place. Voici ce qu’elle déclare au Président du tribunal : « J’appartiens tout entière à la Révolution sociale […] Ce que je réclame de vous qui vous affirmez Conseil de guerre, qui vous donnez comme mes juges, qui ne vous cachez pas comme la commission des grâces […] c’est le champ de Satory, où sont déjà tombés nos frères. Il faut me retrancher de la société ; on vous dit de le faire ; eh bien ! le commissaire de la République a raison. Puisqu’il semble que tout coeur qui bat pour la liberté n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la Commission des grâces » Le 24 août 1873, elle est envoyée en Nouvelle Calédonie, après 23 mois d’enfermement en prison centrale. Son séjour au bagne est particulièrement éprouvant et marque un virage profond dans son existence : ses sympathies pour l’anarchisme se transforment en convictions profondes et en militante acharnée de la cause. « Je suis devenue anarchiste quand nous avons été envoyés en Calédonie » (« Le Libertaire » article de 1896). Elle refuse l’amnistie partielle qui est proposée aux communards emprisonnés et ne rentre en métropole qu’avec les « jusqu’au boutistes », ceux qui ont attendu l’amnistie complète, à défaut d’une réparation quelconque pour l’enfermement arbitraire qu’ils ont subi (il ne faut pas rêver !). Comme je l’ai indiqué dans un précédent billet à son sujet, Louise Michel est passionnée par l’enseignement et la pédagogie. Pendant son séjour au bagne, elle cherche à instruire les Canaques, et soutient leur mouvement de révolte qui éclate en 1878.

louise-michel Louise débarque donc d’un vaisseau anglais sur le quai Henri IV à Dieppe, avec une dizaine de compagnons de déportation. Ce sont les derniers Communards à rentrer en France. Les autres ont été libérés au préalable ou sont morts au bagne. Le groupe de révolutionnaires reçoit un accueil triomphant de la part de la population locale mais aussi des cheminots lorsqu’ils embarquent dans le train pour Paris. La réception est triomphale à la gare Saint-Lazare. Des milliers de personnes sont venus les accueillir mais Louise Michel est réticente à toutes ces festivités. Elle écrit à ce sujet : « Vous savez bien que si j’accepte d’être l’objet d’une de ces réceptions qui ne sont pas payées trop cher de toute une vie, je ne veux pas que ce soit ma personnalité, mais uniquement la révolution sociale et les femmes de cette révolution auxquelles tout soit adressé. […] J’ai hâte de remercier, j’ai hâte de dire qu’avec les dix déportés qui sont revenus, nous avons eu également à Londres par les derniers proscrits, un de ces accueils fraternels qui prouvent combien nous sommes amis et combien nous nous souvenons à travers le temps, l’exil et la mort… » D’autres déportés sont revenus auparavant et ils ont été rapatriés dans des conditions scandaleuses. Les 1100 bagnards qui sont rentrés sur le vaisseau « La Loire » ont traversé l’Atlantique traités comme des prisonniers alors qu’ils étaient amnistiés : enfermés jusqu’à vingt neuf dans des cages, soumis à des traitements inqualifiables, beaucoup périssent pendant leur trajet retour. La République et surtout l’armée qui est à son service a bien du mal à accepter la rentrée de ceux qu’elle souhaitait purement et simplement éliminer. On comprend que la grande Louise apprécie peu les honneurs dans ces conditions. Elle ne mettra pas longtemps avant de reprendre le combat par ailleurs.

amis-de-la-commune Même si elle s’est plutôt assagie, de nos jours, la Normandie a été pendant longtemps une terre de luttes sociales entre ceux qui avaient tout et en voulaient encore plus, et ceux qui n’avaient que la force de leurs bras. Je suis content que nous ayons vu cette plaque commémorative au détour d’une rue. Elle a été apposée en 2000 pour le cent vingtième anniversaire. La cérémonie a eu lieu en présence du Maire PCF de la ville et de plusieurs centaines de participants. L’initiative en revient, semble-t-il, au syndicat CGT des cheminots. Louise Michel est devenue un symbole dont la portée dépasse amplement le simple milieu libertaire. On peut le regretter, grincer des dents en voyant certains politiciens s’approprier son image. Mais le fait est là, indéniable. Ses compagnons anarchistes n’oublient pas en tout cas, ce qu’elle était vraiment. Pour ma part, si elle était toujours vivante, je doute sérieusement du fait qu’elle ait pris sa carte au PCF, à la CGT ou au PS. Puisse sa silhouette inspirer un peu d’énergie à tous ces politicards ramollis…

Plus modestement, en ce qui nous concerne, le périple au pays de Bray et au pays de Caux est terminé. Nous en rapportons de bien bons souvenirs. La plaque commémorative évoquée dans cet article en fait partie. Le simple tourisme ne nous intéresse guère et il est réconfortant de connaître un minimum l’histoire vivante d’une région, celle de sa population, celle de ses luttes. Les couleurs du ciel n’en sont que plus belles à admirer. Tant pis pour la pluie ! Le souvenir de ce voyage (et d’autres un peu plus ancien) sera probablement la source d’inspiration de différentes chroniques à venir pour les longues soirées d’hiver.

NDLR : je vous propose un lien vers un site, l’association des amis de la commune de Paris.sur lequel j’ai trouvé beaucoup d’informations intéressantes. Certaines d’entre elles m’ont servi à la rédaction de cette chronique. Parmi ses nombreuses activités, cette association organise chaque année une cérémonie à Dieppe, le 9 novembre. Certains ne manqueront pas de me faire remarquer qu’en ce jour j’aurais pu commémorer un autre anniversaire notoire, le vingtième, celui de la chute du mur de Berlin… Cet événement là, les médias ne manqueront pas d’en parler (j’aurais envie de dire « de s’en emparer ») alors j’attendrai, pour ma part, encore quelques années !

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5novembre2009

La pièce montée se démonte…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique.

Tarnac, un an après

martine Il y a un an environ, en novembre 2008, j’avais rédigé une chronique dans les colonnes de ce blog pour faire part de mon scepticisme profond quant à la façon dont la police, certains magistrats et surtout les médias avaient présenté le fait divers pompeusement appelé « l’affaire de Tarnac ». Ce qui avait aussitôt éveillé ma suspicion, c’est cette capacité impressionnante qu’ont les pouvoirs en place, en période de crise, à sortir une marionnette quelconque de derrière les rideaux pour amuser le public. On s’enfonce dans une crise économique importante et aussitôt les méchants terroristes anarchistes reviennent sur le devant de la scène. Comme l’étiquette « anar » ne fait plus vraiment peur qu’aux lecteurs du Figaro, on la surévalue en employant les qualificatifs « ultra gauche », « anars autonomes » et autres fanfreluches tout aussi pitoyables. Ne doutant pas de votre assiduité en matière d’information, je ne vous infligerai pas un résumé des faits. Vous pouvez donner un coup d’œil à la page « solidarité Tarnac » où j’ai rassemblé quelques textes marquants concernant le dossier. Cette page va sans doute disparaître bientôt de mon blog car beaucoup d’autres sites ont pris le relai en matière d’information : j’espère sincèrement, pour tous ceux qui sont impliqués dans cette mascarade que la baudruche va définitivement se dégonfler dans les mois à venir. Quant à la page « solidarité Tarnac », elle pourrait bien devenir « solidarités » tout court, car les procédures expéditives et les mesures arbitraires se multiplient dans tous les champs couverts par l’activité policière et judiciaire.

affiche-tarnac Au fil des mois, mais non sans mal, les différentes personnes impliquées dans cette affaire de terrorisme, ont été libérées sous caution, leur remise en liberté provisoire, pendant la durée de l’Instruction, étant assortie d’un contrôle judiciaire particulièrement contraignant et éprouvant : assignation à résidence au domicile des parents, interdiction faite aux différents protagonistes d’avoir un quelconque contact entre eux (sympa pour un couple…), pointage régulier obligatoire à la gendarmerie… Le problème c’est que pendant les mois qui se sont écoulés depuis cette mesure, l’Instruction n’a guère progressé. Le seul témoignage à charge dont disposait l’accusation s’est révélé peu crédible, et les informations fournies par les services de renseignement qui « suivaient à la trace » les principaux suspects se sont avérées particulièrement incomplètes et bien souvent contradictoires. Des comités de soutien se sont montés ; différents articles ont fini par être publiés dans la presse, mettant en doute les thèses officielles. Les tentatives faites par le gouvernement pour étouffer l’affaire ont été plutôt maladroites, et celle-ci devient bien embarrassante. De leur côté, les avocats de la défense se sont livrés à une contre-enquête minutieuse dont les éléments viennent d’être remis à la presse et à l’institution judiciaire. Le peu d’éléments à charge concrets figurant dans le volumineux dossier, est complètement démonté par le travail des avocats.

affiche-tarnac1 Rien ne colle plus dans les accusations contre Julien Coupat et Yldune Lévy. Les traces de véhicules relevées dans les endroits les plus proches du lieu de « l’attentat », ne correspondent pas à la voiture utilisée par le couple. Les relevés horaires effectués par les services de gendarmerie et ceux du renseignement ne collent pas non plus, puisqu’ils supposent un déplacement à près de 180 km/h, la nuit, sur des routes de campagne. Les témoignages sont contradictoires entre les agents des différents services… Rien dans les faits ne colle plus, quant aux intentions… il y aurait beaucoup à dire ! Le couple de dangereux terroristes se savait suivi dans son déplacement depuis Paris, et on voit mal pourquoi ils auraient donné suite à un quelconque projet de sabotage dans ces conditions, à moins de se percevoir comme futurs martyrs de la révolution à venir ! Ne parlons pas de tous ceux qui ont été inquiétés, puis inculpés, dans leur entourage. Là, il n’y a plus aucun faits concrets, que des suspicions… On est dans le champ du délit d’opinion pur et simple, et il semble que dans ce domaine là le gouvernement soit encore obligé de manœuvrer avec une certaine prudence. Si les dérives se multiplient, on reste encore en « démocratie », et  nos zélés pourfendeurs d’ultra-gauche sont toujours obligés de faire preuve d’un peu de subtilité. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce dossier de Tarnac mérite d’être suivi de façon assidue. Les enjeux vont bien plus loin que le simple respect du droit des personnes. Derrière cette procédure se dissimule une volonté délibérée de porter atteinte aux droits de l’ensemble des citoyens : falsifier des dossiers d’accusations pour justifier des mesures d’exception ; préparer l’opinion publique à l’application systématique et massive de lois liberticides qui existent déjà dans notre arsenal de textes de lois.

affiche_manif09 Je dirai qu’il s’agit là des intérêts stratégiques mis en jeu derrière le dossier Tarnac. D’autres évoquent également des intérêts plus tactiques. En appliquant le célèbre adage « à qui profite le crime », on peut arriver à des conclusions qui, sans constituer des réponses définitives, peuvent au moins être considérées comme des éléments intéressants à débattre. On évoque ainsi le fait que Mme Alliot-Marie ait pu faire éclater ce pétard mouillé pour donner la preuve de son « efficacité » en tant que Sinistre de l’Intérieur, alors qu’elle était de plus en plus remise en cause par certains de ses détracteurs. L’hypothèse du règlement de compte entre différents services de renseignement et de gendarmerie a été aussi avancée. La dernière en date, concerne les « bénéfices » que la direction de la SNCF elle-même aurait pu tirer de cette affaire de sabotage. Selon des infos parues dans le « Canard Enchaîné », le chef de la DCRI (renseignements centralisés) aurait lui-même mis en cause Guillaume Pepy, le patron de la SNCF à l’époque, lors d’une conférence de presse en juin dernier. Il aurait déclaré, hors-micro, à un groupe de journalistes présents : « Il faut se replacer dans le contexte. Pepy se retrouve avec 10 000 usagers bloqués gare du Nord. Des tracts commencent à circuler, mettant en cause SUD-Rail dans les sabotages. On peut comprendre qu’il soit au bord de l’évanouissement. Pepy a alors exigé du ministère de l’Intérieur qu’il sorte l’affaire« . Le « bidonnage » du dossier n’a pas le temps d’être bouclé correctement, et, dans la précipitation, les erreurs se multiplient, les déclarations se contredisent… et un groupe de jeunes militants paie les pots cassés : interpellation musclée dans le cadre de la loi anti-terroriste, avec garde à vue prolongée et interrogatoires à répétition de jour comme de nuit, pressions les plus odieuses possibles pour obtenir des aveux…

Il est grand temps que tout cela cesse et que nos concitoyens ouvrent un peu les yeux (ou tout au moins les écartent de leur écran de téléviseur). Pour une machination qui échoue (du moins on peut l’espérer) d’autres sont en cours et demandent tout autant de vigilance. Les inculpés de Tarnac ont pu bénéficier d’un soutien relativement important grâce à la mobilisation qui s’est mise en place. D’autres dorment dans les geôles de la République et peinent à faire entendre leur voix. Tout n’est pas rose, loin de là, au royaume du Prince hongrois, et dans les principautés avoisinantes !

NDLR : vous pouvez compléter cet article en lisant les infos publiées sur le site du comité de soutien, ainsi que le dernier article paru dans Libé. Ce canard essaie visiblement de se refaire un semblant de virginité sur ce dossier, après avoir largement participé à la curée médiatique initiale.

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2novembre2009

On the road for Normandy

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage.

bleu-normand Un large coin de ciel bleu… Un rayon de soleil passe par la fenêtre et fait ressortir de façon singulière les veines de la table en chêne sur laquelle l’ordinateur est posé. Tout ce que l’on aperçoit à travers les vitres exhale une certaine douceur de vivre et il semble qu’un coup de pinceau magique ait redonné au paysage la chaleur qu’il avait de la peine à exprimer hier. Notre arrivée dans le pays de Bray, en Normandie, a été commémorée par une longue journée de pluie, de brume et de grisaille. Rien de bien différent avec les longues journées automnales que l’on connait chez nous, à quelques kilomètres des bords du Rhône. Novembre arrivé, la règle du jeu a changé et ce sont maintenant les brouillards matinaux et les nuages gris qui sont les maîtres de notre destinée quotidienne. Nous voici pelotonnés dans un cocon douillet, blottis à la chaleur d’un foyer dont nous ne connaissions pas l’adresse il y a peu… Pendant que la soupe mijote, nous en sommes à commenter nos trajectoires passées avec les maîtres des lieux. Chose étonnante, nos chemins se sont entrecroisés bien souvent sans que l’on ne se rencontre jamais. Etrange rencontres entre personnes qui ne se connaissaient, il y a peu, que par des relations épistolaires, découvrant que leurs pas ont emprunté bien des fois les mêmes pistes, visité les mêmes chapelles et entonné les mêmes cantiques. Finalement, le fait qu’il pleuve ou qu’il vente n’a guère d’importance, si ce n’est que le soleil permet, sans le moindre effort personnel, de donner à la journée qui commence une connotation joyeuse…

moulin-a-vent Nous ne sommes pas des champions de l’autoroute, en règle générale, et encore moins des géomètres experts de la ligne droite. En fait, pour cheminer jusque dans les environs de Rouen, nous avons planté quelques punaises éparses sur la carte de France ; nous les avons ensuite reliées à l’aide d’une ficelle à rôti bien mal tendue, et nous avons demandé à notre coccinelle ronronnante de suivre le chemin ainsi tracé. Les balises étaient posées sur des lieux de mémoire, comme le chantier médiéval de Guédelon, déjà visité en 2005 et qui mérite à lui tout seul une grande, belle et noble chronique, ou sur des sites à explorer comme la Charité sur Loire ou Giverny. Il y avait, dans toutes nos haltes, des choix délibérés, comme Château Gaillard, des rencontres suggérées par la boussole (nous passions à côté des jardins de Monet) ou des découvertes au hasard de la lecture d’une carte ou du caprice d’un GPS farfelu. L’une de nos dernières étapes a été l’abbaye de Mortemer, dans la forêt domaniale de Lyons, rencontre involontaire d’un site fort apprécié tant est singulière l’atmosphère qui l’environne. Nous avons fait le tour du lac à pied et arpenté le « chemin des Ducs », hommage rendu par un sculpteur aux personnages célèbres de l’histoire normande.

la-loire-a-la-charite Le pourquoi d’un arrêt à la Charité sur Loire, alors que non loin de là se trouvent d’autres lieux bien plus connus, tel Pouilly et ses vins blancs renommés ? Il y a un an ou deux de cela mon regard avait été attiré par des images de la ville aperçues dans un très beau documentaire sur le fleuve Loire. Quant à mon oreille, eh bien, elle avait entendu ces paroles ayant sur moi le même effet que le miel pour les abeilles : « cité du livre, dans laquelle se sont installés de nombreux bouquinistes, relieurs…. nombreuses animations en relation avec cette vocation littéraire ». Le passage dans un tel lieu (enchanteur pour mon esprit collectionneur) s’avérait indispensable. J’avais alors noté sur mon grand cahier d’idées diverses : visite à inclure dans un prochain itinéraire, à condition que la boussole nous guide vers l’Ouest ou le Nord Ouest… La chose est faite : le pèlerinage a eu lieu et les pèlerins sont contents car la moisson a été bonne. Nous avons alourdi le coffre de notre oiseau migrateur et enrichi notre exubérante bibliothèque de quelques titres supplémentaires. Le centre ville de La Charité est fort agréable à visiter et les commerçants ont fait un effort pour se mettre au diapason littéraire : les devantures sont ornées de citations, et, pour une fois, les vendeurs de livres sont plus nombreux que les agences immobilières ou les officines bancaires. Un grand pont enjambe la Loire et laisse imaginer ce que peut être la splendeur du fleuve lorsque les caprices de la météo lui permettent de s’exprimer vraiment. Dans notre cas, la beauté du coucher de soleil a compensé amplement le calme des flots langoureux.

ruines-de-mortemer La troisième journée du trajet a été riche sur le plan culturel elle aussi, avec la visite de la maison de Monet et des jardins de Giverny, une brève escale au Musée des Impressionnistes et une halte prolongée dans les ruines de Château Gaillard, à l’ombre de Richard Cœur de Lion, de Jean Sans Peur et de Philippe Auguste. En une journée nous avons ainsi côtoyé l’un des plus grands peintres impressionnistes et trois des rois les plus prestigieux de l’époque médiévale… Il ne fallait rien de moins que le calme d’une abbaye en ruine et la compagnie des fantômes multiples qui peuplent ses légendes, pour terminer un itinéraire pareil ! Mortemer a répondu à notre attente et confirmé mon impression selon laquelle les monastères et les abbayes sont toujours installés dans des sites exceptionnels. De la splendeur des bâtiments et de l’immensité du domaine (environ 5000 hectares) ne restent plus que des tronçons de murs, des colonnades sans chapiteaux et un vaste bâtiment sans doute plus récent que les vestiges. La Révolution de 1789 est passée par là et les quatre derniers moines qui occupaient les lieux déjà désertés, ont payé de leur vie, l’outrecuidance de leurs riches aînés. Les « barbares » de la « vile populace » ont transformé les lieux en carrière de pierres. Il faut sans doute atténuer l’importance du crime en précisant qu’avant le passage de la horde, les bâtiments étaient déjà en bien mauvais état !

jardin-deau-giverny De Giverny et du paradis de Monet, je n’ai pas dit grand chose jusqu’à présent ; pourtant ce lieu m’a fasciné également. Certes l’automne n’est pas la meilleurs saison si l’on veut observer des nymphéas en fleur ou profiter des couleurs des vastes massifs de fleurs annuelles, mais ce manque a été largement compensé par la beauté des colorations automnales. Le jardin d’eau est bordé d’arbres magnifiques : érables du Japon, frênes, saules, arbres de Judée… Cette végétation offre une palette de rouges, de jaunes, de bruns et de vert pâle, apte à stimuler la créativité de n’importe quel peintre amateur et à pousser le moindre photographe à un déchainement fiévreux de prises de vue sous tous les angles possibles et imaginables. La maison du Maître est fort belle également, et bien que ce ne soit plus qu’un musée où les objets sont figés dans une immobilité un peu angoissante, une certaine chaleur se dégage des pièces ouvertes à la visite. Cela est dû aux tons choisis pour badigeonner les murs : le jaune tournesol de la cuisine met particulièrement en relief la batterie de cuisine en cuivre qui trône sur l’énorme fourneau bouilleur… Monet aimait peindre mais il aimait aussi recevoir. La transition avec l’exposition proposée au Musée des Impressionnismes, à savoir les tableaux abstraits de l’artiste américaine Joan Mitchell, a été particulièrement difficile. Celle-ci a exprimé avec force son attachement à la nature qu’elle aurait représentée dans ses toiles. Faute de clés sans doute pour comprendre, je n’y ai ressenti, personnellement, qu’une vision du chaos industriel qui nous oppresse…

chateau-gaillard Le chaos nous l’avons retrouvé aussi dans les ruines de Château Gaillard. D’importants travaux de rénovation sont en cours sur les murailles de la vieille forteresse. Certainement indispensables si l’on veut préserver cet héritage exceptionnel, ils gâchent un peu l’ambiance cependant. Il faut dire que le château impressionnant construit sur les falaises à l’aplomb de la Seine par le roi Richard Cœur de Lion a subi les outrages du temps. Une partie des dégâts remonte à l’époque de son siège et de sa prise par Philippe Auguste, mais l’essentiel des dégradations ont été commises un peu plus tard dans l’histoire. Certains experts en démolition, comme Richelieu, par exemple, ont veillé à ce que l’immense donjon ne puisse plus être le symbole d’un quelconque pouvoir régional. A cette occasion, l’énorme tour a perdu une bonne partie de sa hauteur. Les pierres des courtines et des défenses périphériques ont servi à construire divers bâtiments religieux ou civils des environs. Du coup la vue est plus impressionnante de la vallée que directement sur pied. Il y a longtemps que je voulais contempler Château Gaillard et je n’ai vraiment pas été déçu. Mes connaissances historiques se sont enrichies de quelques anecdotes. J’ignorais par exemple que la tour avait servi de prison à Marguerite de Bourgogne, personnage historique sulfureux ayant inspiré de nombreux écrivains. On la retrouve entre autres dans « les Rois Maudits » de Maurice Druon ou dans « la Tour de Nesles » de Michel Zévaco…

Le soleil persiste et signe dans ses intentions bienveillantes. J’espère qu’il va nous accompagner pendant les quelques journées que nous allons consacrer à la découverte du pays de Bray. Etonnant phénomène qu’Internet indiscutablement. Notre motivation première pour aller en Normandie était une rencontre… Ce voyage n’aurait peut être pas eu lieu, du moins dans ces conditions, si le monde des blogs n’existait pas. D’ici quelques heures, je ne manquerai pas de lever mon verre de cidre « maison » et de porter un toast à tous les lecteurs et lectrices assidus ou infidèles de ce blog. Au programme de la journée, quelques pommes à ramasser, le chien à promener sans doute et de longues heures de bavardage passionnant, tant les pistes qui s’ouvrent devant nous sont nombreuses.

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28octobre2009

Bric à blog d’octobre…

Posté par Paul dans la catégorie : Bric à blog.

J’ai décidé dans ce bric à blog automnal de faire plutôt référence à des articles précis, plutôt qu’à des blogs dans leur ensemble. Cela m’évite d’assumer une responsabilité quelconque quant à ce que l’auteur du billet a pu écrire par ailleurs. Cela ne m’empêchera quand même pas de faire référence, en fin de chronique, à deux découvertes qui sont venues enrichir la collection des liens sur lesquels je clique volontiers.

manifestationfestive Jusqu’à présent, je n’ai pas parlé sur ce blog de la fameuse « insurrection de Poitiers », dont les médias ont fait leurs choux gras pendant quelques temps, car je ne savais trop quoi en penser, mis à part le fait que comme d’habitude, ce sont ceux qui courent le moins vite qui vont payer l’addition. Ce sont même parfois ceux qui ne courent pas du tout, car ils n’ont rien d’autre à se reprocher que le fait d’avoir témoigné de leur indignation à l’égard de la politique débile de répression de la délinquance dans ce pays. Lorsque les autres pensent à ma place et que je trouve, à peu près, « chaussure à mon pied », j’aime bien ça, comme tous les paresseux de nature. Je trouve donc l’analyse de Claude Guillon intéressante et je vous invite à y donner un coup d’œil si la question vous intéresse. Le site « Jura Libertaire » a eu le mérite de beaucoup publier sur ce sujet, donnant la parole aux pros et aux antis « bagarre généralisée dans les manifs » : le débat est intéressant, mais un peu longuet à lire ; l’encre a plus coulé encore sur le papier que sur les murs. Ce qui me paraît certain c’est que la ville de Poitiers, ravagée par les émeutiers, n’a pas mis trop longtemps à se relever de ses cendres. Il semble que les dégâts commis par les autonomes ultra-gauche débraillés aient été moins importants que ceux du bombardement de Dresde (excusez la comparaison, mais je viens de lire un article sur cet épisode de la deuxième guerre mondiale…) Cela a eu le mérite de distraire un peu les lecteurs du Figaro et du Monde entre deux « épidé-minimini » de grippe et les erreurs somme toute bénignes dans l’évaluation des stocks de plutonium que l’on entrepose dans nos abribus. Cela a eu le mérite aussi de montrer l’indépendance de plus en plus précaire de notre système judiciaire : il suffit qu’Hortefeux aboie pour que quelques clampins ramassent derechef. Sur ce thème vous pouvez lire l’étude en trois parties de Napakatbra sur « Les Mots ont un Sens » : c’est une bonne synthèse du dossier « justice » en France et des manipulations de « not’bon président ». Pour en finir avec Poitiers, bon texte également sur « L’en Dehors » : « Quand un simple coucou en passant… » Cette affaire aura en tout cas fait couler de l’encre chez les anars, les totonomes et les « ultra tout ce qu’on veut » mais le débat n’est pas nouveau, loin de là !

sarko-et-fils Dans le registre politique, mais aussi historique, vous pouvez lire le billet publié sous le titre « Ne laissons pas les salauds s’accaparer Bella Ciao » sur le site « article XI » qui publie, par ailleurs, d’autres analyses fort intéressantes. Le texte rédigé par Lémi, est un rappel des origines et une réhabilitation du chant des antifascistes italiens qui a été récupéré par de nombreuses officines de la « gauche molle » dans nos « médiocraties européennes ». Comme il n’existe pas de dépôt de copyright pour les chants révolutionnaires ni de SACEM pour les auteurs compositeurs barricadiers, ce sera une mission difficile. Mais il est parfois bon de rappeler que ce genre de chants est plus à sa place en certains lieux qu’en d’autres. Depuis que j’ai entendu l’hymne de la CNT espagnole sur un site d’extrême droite roumain ou hongrois, je suis prêt à tout, mais cela ne m’empêche pas de bouillir de rage. Dernier lien strictement politique, allez faire un tour sur « Bellaciao » ou sur « l’en-dehors », pour découvrir le dernier texte de Patrick Mignard, « la privatisation de l’état » (je vous donne le lien sur Bellaciao car il y a une belle image en prime). J’apprécie toujours les textes de cet auteur car je trouve qu’il a le mérite de poser, de façon très claire, des problèmes intéressants à débattre, tout en apportant un éclairage nouveau. Ses conclusions ne sont pas forcément les miennes, mais les idées qu’il exprime renouvellent un peu les thèmes habituels du débat politique. Patrick Mignard alimente par ailleurs régulièrement le site « Altermonde » en dessins humoristiques incisifs ou en montages photos très pertinents, publiés sous le pseudonyme de « La Belette ». A tout seigneur tout honneur, c’est l’une de ses illustrations qui orne ce paragraphe. A l’occasion, je lui en « pillerai » d’autres !

ferrer-camus Dans un registre politique, historique, surtout pédagogique et un brin culturel, vous pouvez écouter le débat consacré à Francisco Ferrer sur le site de « la chaîne.ch », télévision suisse « non commerciale, de libre expression et citoyenne ». C’est long (2h20) mais très intéressant et publié à l’occasion de la commémoration du centième anniversaire de l’assassinat du militant révolutionnaire espagnol après une parodie de justice. Lecteurs et lectrices réguliers de ce blog, le nom de Francisco Ferrer ne doit pas vous être inconnu car j’avais consacré une chronique complète à l’Escuela Moderna qu’il avait créé à Barcelone, et au projet pédagogique soutenant cette initiative. Si vous voulez faire une petite révision avant d’écouter les personnes compétentes qui s’expriment à son sujet, vous pouvez toujours retourner donner un petit coup d’œil à la chronique en question. Autour du micro (et devant la caméra – mais je n’ai pas réussi à trouver la vidéo en ligne) de « lachaîne.ch » vous pourrez entendre la parole de Charles Heimberg de l’université de Genève, historien du mouvement ouvrier, de Frédéric Mole de l’université de Nantes, historien du syndicalisme enseignant et des débats pédagogiques, et enfin de Marie Carmen Rodriguez, de l’université de Fribourg, spécialiste des liens entre l’Espagne franquiste et la Suisse. Je n’ai rien contre les « experts » lorsqu’ils disent des choses intelligentes (vous voyez que je ne suis pas trop borné !)

Puisque nous avons glissé subrepticement dans le culturel, grâce à tous ces universitaires… continuons sur la voie de la sagesse. « Le petit champignacien illustré », déjà mentionné dans ces colonnes, publie de temps à autre des interviews (un brin imaginaires) de personnalités bien réelles et bien en vue dans les salons parisiens, antichambres de la télé bien comme il faut. L’interview d’Alain Finkielkraut, parue en octobre, m’a bien distrait. Un recueil de tous ces petits bijoux est en préparation. En voici l’annonce : « Dans la série « Les grands entretiens du Petit Champignacien », nous annonçons la parution prochaine d’un DVD contenant cette série de discussions avec d’éminentes personnalités de la scène culturelle, politique et médiatique française. C’est le premier volume d’une collection destinée à sauvegarder les paroles des personnages qui font de la France un pays incomparable par son sens de la tolérance, du bon goût, de l’honnêteté, de l’élégance et du raffinement dans l’art du dialogue.» Vous pouvez accéder au texte aussi en parcourant la page d’accueil, ce qui vous permettra, au passage, de donner un coup d’œil à l’interview de Laurent Joffrin qui n’est pas mal non plus dans le genre.

le-monde-selon-anaximandre Le voyage continue dans le domaine artistique… Au mois d’Octobre, notre bonne « Mère Castor » inspirée par les mouvements d’humeur de la météorologie dans sa région, ainsi que par les soubresauts du Vidourle, a publié toute une série de billets poétiques, agréablement illustrés. Ses talents de photographes sont indéniables, et, dans son blog, la moindre feuille morte, le plus ordinaire des cailloux, un vulgaire parapluie, ou une simple flaque d’eau… prennent des dimensions artistiques indéniables. Quand votre moral vacille, quand le ras-le-bol vous étouffe, allez donc faire un petit voyage au pays de la nature capricieuse et des mots qui sonnent confortablement à l’oreille. L’énergique Mère Castor, anime un deuxième blog « la castorienne de narration« , plus axé sur ses activités professionnelles. Elle prépare un spectacle de Noël intitulé « la grande ourse ». Marionnettes et décors sont en cours de réalisation et les photos sont sur ce second blog. Vous découvrirez que le talent de Mère Castor ne se limite pas au déclic de la boîte magique. Une fois bien installés dans la rêverie et le voyage, prolongez en revisitant les carnets temporels. Je parie que, depuis la dernière fois où je vous en ai parlé, vous avez oublié d’y retourner. Anne Claire publie une série de billets : « carnets de voyage au Maroc », tout aussi admirables que ceux consacrés au Cap Vert. Je radote ? Vous fréquentez déjà régulièrement les carnets temporels. Ce n’est pas grave : l’âge sans doute… Je retrouve mon âme d’enfant et je m’extasie devant les belles choses !
Beaucoup de belles illustrations aussi sur le blog « la tribu d’Anaximandre » que j’ai découvert pendant l’été. Esprit curieux, je me suis livré à quelques recherches sur ce fameux Anaximandre et j’ai découvert bien des choses intéressantes à son sujet. Je ne connaissais à vrai dire pas grand chose du personnage, hormis le fait qu’il s’agit d’un philosophe grec, l’un des premiers à avoir pris la peine de consigner ses réflexions par écrit. C’est un peu léger, j’en conviens, mais depuis le mois d’août, ma culture a fait un bond en avant dans ce domaine. Je ne vous dirai rien de plus car je ne voudrais pas me couper l’herbe sous les pieds, surtout en cette saison ! (pour les incultes, mieux vaut éviter de tondre après les premières gelées…) Pour en revenir à « la tribu », le blog, entreprise familiale élargie, un peu comme « La Feuille », a un contenu bien sympathique. Vous voulez savoir qui joue le rôle d’Anaximandre dans la tribu ? Eh bien, suivez l’exemple de Sherlock Holmes , cherchez les indices, suivez la piste… Ce n’est pas très dur, voire même très facile (plus en tout cas que de découvrir le meurtrier dans une partie de Cluedo).
Autre découverte toute récente également dans le domaine des « Zarts », un blog intitulé « A l’ombre du pommier« . Là aussi, de très belles photos (beaucoup de macros) mais surtout des réalisations en papier (pliage, collage…) absolument fantastiques : animaux, véhicules terrestres, avions… un régal pour les yeux. Le blog est sous-titré « art, sciences et nature », et son contenu correspond tout à fait à « l’étiquette ». Son auteur, Patrick Pasques est écrivain pour la jeunesse, plutôt orienté sur la vulgarisation scientifique. Il a participé à plusieurs ouvrages collectifs et à rédigé deux livres sur les animaux chez Fleurus. Personnellement, j’adore la libellule, les grenouilles en papier posées sur le nénuphar, ainsi que le SPAD, ce biplan fameux de la première guerre mondiale. Ce qui est sympa c’est que l’auteur propose un plan à imprimer pour réaliser sa maquette. Si les avions vous intéressent et si vous êtes habiles de vos doigts, prenez la peine de remonter dans les pages du blog, vous allez vous régaler. De la belle ouvrage vraiment ! Vive les pommiers !

Voilà pour les deux nouvelles pépites du mois. Et puis on bricablogue à nouveau fin novembre alors patience pour les nouveaux liens ! D’ici là, je vous ferai un « tiré à part » pour les livres. Contrairement à certains autres billets, je n’ai pas voulu tout mélanger… J’espère que la manière un peu particulière dont je suis passé des bris de vitrines de banque aux avions en papier modèle compétition ne vous aura pas traumatisés. J’envisage la création d’une cellule d’aide psychologique.

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26octobre2009

D’un tilleul vénérable aux misères d’une bibliothèque

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Humeur du jour.

ou comment une chronique change de titre, de contenu, mais pas  d’auteur…

J’étais parti pour vous parler d’un arbre commun et précieux : le tilleul. J’avais même trouvé un titre bien accrocheur : « le tilleul, baron des Baronnies ». Et voilà que samedi, suite à une rencontre sympathique sur un stand de librairie, à l’occasion d’une « fête au village », ma chronique a quitté le droit chemin qui devait être le sien pour s’engager dans une toute nouvelle direction. Le prétexte que j’avais trouvé pour vous parler du « tilleul » était fort simple et collait à l’actualité locale. Je vais vous conter le « pourquoi » et le « comment » de cette affaire singulière. Nous n’allons pas trop nous égarer cependant puisqu’il va être question de botanique, d’écologie, de livres… S’il n’est plus le point de mire de cet article, la star, le tilleul reste quand même le point de départ sur lequel je vais m’appuyer…

tilleul-de-reaumont Réaumont, petit village de l’Isère, a la chance de posséder, sur la place de l’église, un tilleul plus de six fois centenaire, portant le titre glorieux de « doyen du département ». La dynamique « maison de l’arbre » de Réaumont organise chaque année deux fêtes sympathiques qui connaissent un succès croissant. Celle du printemps est centrée sur un marché aux plantes de collection. Celle de l’automne est plus axée sur les arbres, avec à chaque occasion un thème d’animation central. L’an dernier, les conférences proposées au public tournaient autour de la mythologie et de la place des arbres dans l’imaginaire collectif. Cette année, le « tilleul » lui-même était le centre d’intérêt principal. Nous avons profité du beau temps, samedi 24 octobre, pour aller faire un tour sur place, tirer une fois de plus le portrait de l’ancêtre, et compléter nos connaissances botaniques et médicinales. Faute de temps, nous n’avons pu assister malheureusement à la conférence du docteur Bourny, « le tilleul entre tradition et science », dont le contenu annoncé s’avérait fort intéressant. Il y avait beaucoup de plantes passionnantes à découvrir sur le marché, plusieurs expos et stands gourmands, depuis les croqueurs de pommes jusqu’aux préparations à base de roses, de lavande, de fruits rouges…., confitures, sirops et liqueurs en tous genres. Votre serviteur a profité de l’aubaine pour rapporter un plant d’érable (acer olivierum), et un cactus de forme rigolote. Il y avait aussi une très grande exposition vente de livres qui se tenait dans la salle des fêtes. L’étal recelait mille trésors, proposant à la fois des livres neufs ou des occasions : plusieurs centaines d’ouvrages dont certains peu communs, leur tirage étant épuisé depuis pas mal de temps. Pascaline en a profité pour compléter sa collection des œuvres de Grey Owl, et a engagé une conversation très intéressante avec la personne qui s’occupait de la librairie : monsieur Roland de Miller, lui-même auteur de plusieurs ouvrages exposés, dont une biographie du naturaliste Robert Hainard et un essai intitulé « le besoin de nature sauvage ». J’avais déjà vu sa signature au bas de plusieurs articles, mais il se trouve que son nom avait une résonnance particulière dans ma tête. Je les ai laissés papoter tous les deux, se raconter des histoires de castors et d’Indiens… et puis je me suis rappelé avoir lu un article à son sujet sur le blog de Fabrice Nicolino. J’avais pris quelques notes et je comptais bien vous parler de « l’affaire de la bibliothèque de Roland de Miller » dans mon prochain « bric à blog ». La discussion a pris alors un virage, et cette affaire de bibliothèque est revenue en gros plan sur le devant de la scène. Pour ceux qui ne fréquentent pas assidûment le blog écolo de Fabrice Nicolino, je vais résumer les épisodes antérieurs et compléter le dossier avec les infos que nous a données l’intéressé lui-même. Adieu, tilleul, cactus et liqueur de roses, car le problème est important et ne saurait attendre des semaines pour être résolu.

le-besoin-de-nature-sauivage Roland de Miller se trouve être à la tête de l’une des bibliothèques les plus importantes en Europe, si ce n’est plus, sur le thème, très vaste, de l’écologie. Depuis une quarantaine d’années, il a rassemblé soixante mille ouvrages, ainsi que des périodiques, des brochures, divers documents extrêmement précieux. Tous ces livres ne sont, bien entendu, pas tombés du ciel et s’il s’est retrouvé à la tête d’une collection pareille c’est parce qu’il l’avait bien voulu. L’intention de notre collectionneur acharné était de mettre cette bibliothèque à la disposition du public, de proposer aux chercheurs une ressource documentaire considérable, sans égal, même, dans les plus importantes bibliothèques universitaires. Encore fallait-il pour cela trouver un organisme intéressé et disposant d’un local adapté. Vous pouvez vous amuser à calculer le métrage de rayons nécessaires, ainsi que le nombre de pièces disponibles, pour que tous ces livres et journaux soient présentés de façon accessible, catalogués, classés, réparés… Vous vous doutez bien qu’un homme seul ne peut venir à bout d’une tache pareille, surtout lorsque ce même personnage, a, par ailleurs, une activité d’écrivain et de libraire. Les livres, c’est bien connu, ça ne nourrit guère son homme, sauf si l’on en fait commerce (et encore !). En avril 2002, la mairie de Gap a proposé de s’engager dans l’aventure et un accord temporaire a été trouvé entre la municipalité et le documentaliste, qui a été embauché à titre contractuel comme « chargé de mission pour l’installation à Gap de la Bibliothèque de l’Écologie ». Des locaux ont été trouvés, à titre provisoire, car mal adaptés, en particulier à une ouverture au public. 36 tonnes de livres ont été transportés du lieu où ils étaient stockés précédemment. La mairie a fourni l’aide du personnel municipal et les moyens de transport. D’anciens locaux de France Telecom, servaient de siège temporaire à la bibliothèque, au 8 cours du Vieux Moulin, en attendant un nouveau déménagement dans un bâtiment mieux aménagé. Les projets concernant la collection d’ouvrages étaient ambitieux. Selon les termes du contrat Roland de Miller faisait don de sa collection à la collectivité en échange d’une pérennisation de son poste. Depuis 2002, la situation s’est enlisée, puis envenimée, avant de devenir carrément conflictuelle. Les rapports entre le militant écrivain libraire collectionneur et la Mairie se sont dégradés au point que Mr de Miller est sommé d’évacuer les locaux, au plus tard le 26 décembre, au risque de subir une astreinte journalière.

gaston_pile_de_livres L’heureux propriétaire de la « très grande bibliothèque de l’écologie » est donc, comme le dit Fabrice Nicolino, « sommé de faire ses baluchons… 400 m3 de livres et de textes sous le bras ». Ce problème majeur s’ajoute à toute une série d’autres difficultés personnelles, dont une partie, on s’en doute, d’ordre financier. De multiples démarches ont été lancées, de nombreux organismes contactés… et les réponses ne sont guère encourageantes : pas de moyens financiers, pas de locaux, intéressant mais prématuré, à étudier, rien de possible avant x années… Le délai dont dispose Roland de Miller est bref. Des négociations ont été engagées avec la municipalité d’Arles, mais il n’est pas dit qu’elles aboutissent, et, si c’est le cas, ce ne sera pas avant une ou plusieurs années. Dans un premier temps il va donc falloir faire des caisses, les transporter, les stocker correctement. Les livres sont fragiles, certains sont rares et d’une grande valeur… il n’est pas question de les traiter n’importe comment. Un déménagement confié à un « professionnel » coûterait, au bas mot, 10 000 euros, sans compter les frais d’emballage. Roland et son comité de soutien ont donc décidé de faire appel à des bonnes volontés, tout au long du mois de novembre, pour effectuer l’opération de mise en cartons.

« Pour la mise en cartons des livres et périodiques et le démontage des étagères, nous recherchons des bénévoles (groupes d’amis, venez au moins une journée !…). Travail demandé de 9 h du matin à 18 h 30, mise en cartons attentionnée dans une bonne ambiance conviviale. Période de travail : du lundi 2 novembre au vendredi 11 décembre, y compris le mercredi 11 novembre et les week-ends des 7-8 novembre et 28-29 novembre.
Il est souhaitable qu’il y ait tous les jours du lundi au vendredi trois équipes de deux personnes. La coordination sera assurée par un responsable de chantier. Le repas du midi sera offert sur place… Nous contacter de préférence par courriel, roland.demiller@free.fr ou par téléphone, 04 92 52 40 39 (en cas d’absence, merci de laisser un message sur le répondeur, nous vous rappellerons). »

Un appel au soutien financier est également lancé, histoire de montrer que de simples particuliers sont plus attentifs au devenir d’une telle collection de livres, que des organismes locaux, régionaux ou nationaux. Je trouve quand même ahurissant, au passage, qu’aucune initiative publique ne soit envisageable pour gérer ce genre de problèmes ! Il est évident que Roland de Miller demande une contrepartie à son offre de donation, et il réclame quelque chose de plus sérieux que le statut de contractuel proposé par la Mairie de Gap. Il me semble quand même que le jeu en vaut la chandelle, à l’heure où tous les horizons politiques se réclament de « l’écologie », se tartinent d’éthique, s’aromatisent au parfum durable, et se vautrent dans le bio made in grande surface.

bibliotheque-sdf Heureux retaités que nous sommes, nous envisageons fortement de descendre à Gap pendant la deuxième quinzaine de novembre. Nous n’avons guère d’autres moyens que nos bras, et notre amour des livres, pour aider, mais, comme disait mon incontournable « mémé », un bataillon de petites cuillères obtient des résultats intéressants même sur une dune de sable. A voir, comment vous, lecteurs et lectrices réguliers de la « feuille charbinoise » ou d’autres mini-medias à coloration plus ou moins verte (je ne parle pas du vert officiel que certains se sont approprié, mais, en ce qui concerne « la feuille », du vert teinté rouge – et parfois même de noir – de pas mal de végétaux pendant l’automne), pouvez intervenir de votre côté. Fabrice Nicolino a eu le mérite d’être l’un des premiers, sur ce dossier là, à faire sonner la cloche d’alarme ; j’espère que beaucoup prendront le relai. Vous avez à votre disposition l’adresse email de Roland de Miller ainsi qu’un numéro de téléphone pour les contacts. Faites en bon usage ; ne l’utilisez pas à n’importe quelles fins,  réservez son usage à un message important car notre bibliothécaire « routard » est littéralement débordé par les problèmes à régler. Il n’y a malheureusement pas de site internet opérationnel pour actualiser les infos. C’est un peu la panique à bord. Si vous avez la possibilité de vous impliquer « physiquement » dans le déménagement, inscrivez-vous au préalable. Mieux vaut prendre contact avant de débarquer ; attention, il faut recourir au système D pour l’hébergement car rien n’est prévu pour l’instant (trop lourd à gérer). A ce sujet, je ne crois pas que ce soit la peine de téléphoner à la mairie pour vous faire dépanner !… Au cas où cette affaire vous paraitrait « hénaurme », inutile d’aller vérifié sur « Hoaxbuster », ce n’est ni une chaîne à la noix, ni un canular : simplement une bibliothèque géante de l’écologie qui a besoin d’être transfusée d’urgence.

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24octobre2009

Vaucanson, du canard aux canuts en colère

Posté par Paul dans la catégorie : Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire; Sciences et techniques dans les temps anciens.

portrait-vaucanson J’ai déjà évoqué dans les colonnes de ce blog la révolte des canuts en novembre 1831. Ce n’était ni le premier, ni le dernier cri de colère des tisserands lyonnais. Presque un siècle auparavant, en 1737, maîtres-ouvriers et maîtres-fabricants s’étaient déjà violemment opposés au sujet d’un nouveau règlement proposé par un certain Jacques Vaucanson, inspecteur des manufactures de soie, ce texte favorisant grandement les patrons au détriment des ouvriers. Un soulèvement de plus grande ampleur a lieu à nouveau en 1744, le même Vaucanson, avec l’appui du manufacturier Montessuy, essayant à nouveau de mettre en place sa réforme du mode de fonctionnement des ateliers. Les conditions de vie des canuts sont déjà bien précaires et les propositions de l’inspecteur des soieries sont perçues comme une nouvelle menace. Le mouvement de grève dure une semaine pleine et entière et se transforme rapidement en insurrection. Les ouvriers de la Croix Rousse sont largement soutenus par la population. Il s’agit probablement de l’un des plus importants mouvements sociaux qu’ait connus la monarchie absolue. Le « génial inventeur » dauphinois n’est pas en odeur de sainteté dans les quartiers populaires de Lyon. Une chanson en vogue à l’époque, moins connue que « la révolte », comportait ces quelques vers très éloquents :

« Un certain Vaucanson
Grand Garçon
A reçu une patta (pot de vin)
De nos maîtres marchands
Gara gara la gratta (correction)
Si tombe entre nos mans ».

metier-a-tisser On ne peut être plus explicite, il me semble, et le « pauvre » inspecteur des manufactures doit quitter la capitale de la soie la queue entre les jambes, déguisé en religieux, pour se réfugier à Paris. Il profite de sa « retraite » pour améliorer les plans du métier à tisser automatique qu’il est entrain de concevoir et que les canuts lyonnais vont accueillir avec autant d’enthousiasme que son nouveau règlement. Cette machine ne passera du stade prototype à la fabrication en série que quelques dizaines d’années plus tard. Elle sera alors attribuée au non moins célèbre Jacquard, autre grand « ami » des soyeux lyonnais, lui aussi. Jacquard s’inspirera largement des travaux de son prédécesseur. Ceci est une autre histoire, que je ne vous conterai point aujourd’hui car c’est avant tout le personnage de Vaucanson qui va faire l’objet de cette chronique. Il faut bien que je rende un peu hommage aux célébrités régionales ! Bon sang dauphinois ne saurait mentir !

Jacques Vaucanson, né le 24 février 1709 à Grenoble, était avant tout un inventeur, et cela, il l’a démontré dès son plus jeune âge. Je doute que le poste de haut fonctionnaire de l’administration royale lui ait vraiment convenu, pas plus que l’habit de religieux que ses parents avaient voulu lui faire endosser. Il faut dire qu’au XVIIIème siècle, les perspectives d’avenir pour le « petit dernier » (et dixième du rang) d’une famille de la bourgeoisie, étaient dessinées d’avance : le sabre ou le goupillon… A sept ans il « bricolait » sa première horloge, mais les parents du jeune prodige ne tinrent aucun compte de ses talents manuels et de son indéniable esprit d’observation. A 16 ans, il entame, sans grand enthousiasme, son noviciat dans l’ordre des Minimes à Lyon. Entre deux moments de prière et d’étude du latin, il se livre à son passe-temps favori : assembler de petits automates dans lesquels il cherche à reproduire, au mieux, les fonctions de l’être réel qu’il met en scène. Ce loisir « technique » n’est pas du goût de ses pairs et l’atelier « clandestin » dans lequel il s’adonne à son « vice » est détruit sur ordre de l’un de ses supérieurs. Cette initiative radicale va mettre définitivement à mal ses velléités religieuses. Après quelques démarches laborieuses (on ne quitte pas le noviciat sur une simple pirouette), Vaucanson change radicalement d’orientation. Le solide réseau de relations et d’appuis dont dispose sa bourgeoise de famille va l’aider dans cette reconversion. L’intervention du Cardinal de Fleury lui permet d’obtenir, en 1740, le poste d’Inspecteur royal des manufactures de soie. Une mission bien précise lui est confiée : la réorganisation complète de l’industrie française pour faire face à la concurrence du Piémont. Les objectifs sont clairs : améliorer la productivité et le rendement au travail, baisser les coûts de fabrication en « rationalisant les tâches ». On voit que le discours contemporain n’est pas vraiment une nouveauté… Vaucanson veut remettre sur le devant de la scène le nouveau règlement qu’il a élaboré quelques années auparavant, et il propose d’adopter un nouveau métier automatique dont il a conçu les plans. Ses idées sont très mal accueillies car elles risquent d’entrainer une perte d’emploi importante et qu’elles n’améliorent en rien les conditions de vie déplorables des tisserands. Son discours ne convainc personne et l’inventeur, comme je l’ai rapporté plus haut, est obligé de fuir la ville de Lyon. Cet événement correspond à un nouveau changement d’orientation dans ses travaux. Il va totalement abandonner la fabrication des automates, pourtant à l’origine de sa célébrité, y compris dans les milieux populaires. Un autre couplet de la chanson de rue lyonnaise dit en effet :

« Y fait chia los canards
Et la marionnetta,
Le plaisant Joquinet
Si sort ses braies netta
Qu’on me le coupe net. »

tour-vaucanson En 1743, il se débarrasse de l’ensemble de sa collection. Aucune de ces pièces précieuses ne sera jamais récupérée, que ce soit le canard, le berger provençal ou le joueur de flûte. Seuls les plans ont été partiellement conservés. Le fonctionnement de ses automates témoignait pourtant d’un savoir faire et d’une ingéniosité remarquables. Son célébrissime « canard digérateur », présenté en 1744 au Palais Royal, est une merveille de mécanique : l’animal mange, digère, cancane et peut même simuler la nage. Le mécanisme, installé dans un imposant piédestal, est visible par tous. Cette transparence est destinée à montrer la complexité du mouvement d’horlogerie conçu par son inventeur. Les ailes sont reproduites avec leur ossature complète et les articulations fonctionnent parfaitement. Des copies de ce canard ont été réalisées par la suite, mais elles ne possédaient pas la totalité des fonctions du modèle original. Cet automate était sans doute le fleuron de la collection de Vaucanson, mais d’autres modèles avaient atteint également un niveau de réalisme étonnant. Le désintérêt pour les automates ne signifie pas que Jacques Vaucanson abandonne sa carrière d’inventeur. Disons qu’il se consacre à des projets d’une autre dimension et se recentre sur le secteur industriel en cours de développement. Outre le métier à tisser automatique déjà évoqué, il anticipe les travaux de Cugnot et présente à Louis XV, en 1760, une première voiture automobile à vapeur. On lui doit également le premier tour à dévider automatique ou la première machine à percer avec un foret, en quelque sorte l’ancêtre de notre perceuse actuelle. Notre homme est saisi d’une véritable fièvre créatrice et son activité s’exerce un peu dans tous les domaines. Il en vient à mépriser quelque peu les savants traditionnels et vante les mérites de la recherche appliquée qu’il oppose à la recherche fondamentale. On lui doit cette déclaration péremptoire : « Le public intelligent comprend sans beaucoup de peine qu’il est beaucoup plus aisé de faire des observations météorologiques, des démonstrations sur la glace, sur l’aimant, sur l’électricité, que d’inventer et de composer une bonne machine. Là, il n’est question que d’expliquer comme l’on veut les effets connus. Ici, il faut produire des effets nouveaux. » (« Jacques Vaucanson mécanicien de génie » par André Doyon et Lucien Liaigre).

jacques-de-vaucanson-et-le-joueur-de-flute En 1746, il entre à l’Académie des Sciences. Il reçoit dans un premier temps le grade d’adjoint mécanicien, puis celui d’associé mécanicien, et enfin, au faite de la gloire, celui de pensionnaire mécanicien. A partir de 1778, sa santé se détériore rapidement. Les voyages entre Grenoble et Paris lui deviennent de plus en plus pénibles et il ne se déplace pratiquement plus. Il meurt le 21 novembre 1782. La cérémonie funéraire a lieu à l’église Sainte Marguerite. Sa fille unique, Victoire Angélique de Vaucanson, hérite de la plus grande partie de ses biens. Seuls les plus singuliers de ses travaux restent dans la mémoire collective et l’on peut estimer que son mérite a finalement été quelque peu sous estimé. Selon ses admirateurs, cet homme est non seulement un bricoleur de génie, c’est également un visionnaire, voire même un bienfaiteur de l’humanité. Ses projets ne lui ont pas valu que de solides amitiés et, de nos jours encore, certains historiens ou analystes politiques ne sont pas tendres à son égard. On lui reproche notamment d’avoir été un technicien pur et dur, manquant totalement d’humanisme, investi dans ses travaux et complètement déconnecté de l’environnement social. Bref, d’avoir été en quelque sorte l’un des précurseurs de l’esprit technocrate. Ce reproche peut être formulé à l’égard de nombreux savants, apprentis sorciers fiers de leurs créations, peu attentifs aux usages industriels qui en sont faits et encore moins à leurs conséquences sociales. En préparant cette chronique, j’ai eu l’occasion de lire un document intitulé « Vaucanson, le prototype de l’ingénieur », rédigé par Olivier Serre et les collaborateurs du site « Pièces et main d’œuvre ». La brochure n’est pas tendre avec l’inventeur dauphinois qui est présenté de la façon suivante dans l’introduction : « Vaucanson est de ces pionniers du capitalisme industriel qui inventent la liaison recherche-industrie et le statut de l’expert, et font de ce qui ne se nomme pas encore « technologie » le facteur premier de richesse et de pouvoir. » La thèse est ensuite étayée dans les pages suivantes en prenant principalement appui sur l’exemple du tissage et du soulèvement des canuts. Cette année de nombreuses commémorations sont organisées à l’occasion du tricentenaire de la naissance du grand homme. Dans le concert de louanges qui est toujours entonné en de pareilles occasions, il est intéressant d’entendre des voix discordantes. Je ne peux donc que vous recommander la lecture de ce texte (facile à télécharger sur le site de « Pièces et Main d’œuvre »). J’y ai trouvé, en ce qui me concerne, des éléments intéressants de réflexion sur la génèse de l’esprit technocratique, et des ravages que celui-ci peut entrainer. En ce qui concerne Vaucanson lui-même, le personnage reste fascinant, mais peut-être eut-il mieux valu finalement qu’il en reste à la fabrication de ses automates. L’étude de son œuvre a au moins le mérite de faire réfléchir (un peu !) sur la place du savant dans la société : la philosophie des sciences est en fait une discipline bien récente et n’occupe qu’une place réduite dans les programmes de formation de nos élites contemporaines.

NDLR – Les sources d’inspiration de cette chronique sont, comme d’habitude, assez nombreuses. Certaines sont mentionnées dans le texte. Je tiens à signaler que les couplets de la chanson sur Vaucanson ont été empruntés à un article de Mme Bonvallet dans la revue « Généalogie et Histoire ». Pour compléter cette brève évocation, on peut se reporter aussi à l’incontournable encyclopédie Wikipédia ou à l’un des nombreux sites mis en ligne à l’occasion du tricentenaire. Remarque au sujet de l’une des illustrations de cet article : le métier à tisser est le seul objet créé par Vaucanson que l’on ait conservé. Il est exposé au CNAM. Je vous ai fait grâce d’une reproduction du « canard » ; on le voit partout !

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