1janvier2021

Gnafron vous présente ses meilleurs vœux pour 2021

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour....

Méditez, agitez-vous comme il vous sied, mais attention, le bâton du gendarme se rapproche chaque jour un peu plus !

 Bien entendu, les souhaits formulés par Gnafron n’engagent aucunement personne et surtout pas le tenancier de ce blog ! On n’a de certitudes que sur l’année écoulée. En l’occurrence, 2020 a été le théâtre d’événements bien dérangeants – la pandémie sinistrement connue n’étant pas le plus inquiétant. Alors quid de 2021, le dynamisme du mouvement social nous le dira. Ainsi qu’en témoigne l’histoire populaire de notre pays et de bien d’autres, l’histoire s’écrit dans les luttes et les mobilisations, non seulement ouvrières, mais, de manière plus large, citoyennes : dans les usines, dans la rue, dans les occupations, dans les gestes quotidiens d’insoumission et de désobéissance civile. Nombre de celles-ci sont occultées par les médias dominants. Depuis un siècle la finance internationale a bien compris quels étaient les enjeux de son maintien au pouvoir : obtenir le contrôle de toutes les sources d’information importantes et déverser des flots de platitudes et de mensonges pour endormir les rêves légitimes d’espérer un monde meilleur.

Nos dirigeants savent les menaces qui pèsent sur leur avenir et au fil des mois, prenant prétexte de multiples éléments d’actualité, les mesures liberticides se sont multipliées. Les mercenaires de la haute finance font bien le travail pour lequel ils ont été promus. Ne nous y trompons pas, l’épouvantail de la droite extrême au pouvoir ne doit pas nous masquer les nombreuses passerelles qui lui sont offertes par l’équipe dirigeante en place. L’horizon est de plus en plus masqué par les casques, les matraques, les drones, les interdictions de ceci ou de cela… Mais, comme le disait Pablo Neruda : «Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas la venue du printemps.» N’en déplaise à ceux qui ne rêvent que de murailles et de prisons.

 Alors, bon vent à vous toutes et à vous tous. Portez-vous bien et protégez-vous. Même promulguées par des imbéciles cyniques, les règles sanitaires ne sont pas forcément nocives. J’espère vous écrire plus souvent, par le biais de ce blog, que je ne l’ai fait en 2020. Mais là aussi, les vœux que je formule sont aléatoires car j’ai parfois le sentiment de jouer de l’accordéon au milieu d’un embouteillage de SUV ; le découragement me guette parfois au coin du bois, mais bon… Tout cela me fait penser à la chanson « La Révolte de Pétignat » interprétée par Serge Kerval : «S’il faut vous dire comme on menait, le paysan et l’ouvrier, eh bien mettez-vous tous à boire, je vous raconterai son histoire…»

Amitiés libertaires en tout cas.

Sources : image 1 – Par Tusco — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27099553 –

 

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30novembre2020

Le colibri m’emmerde et je vous dis pourquoi…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique.

Je suis en désaccord avec la toute mignonne théorie du colibri si chère à Pierre Rabhi et à un certain nombre de ses coreligionnaires. Je ne vais pas m’empoisonner la vie à transporter une goutte d’eau à perpète pour éteindre l’incendie massacrant la planète pendant que les gros richards et les gros couillons larguent du pétrole en grosse quantité avec des avions gros porteurs. Le Christ est soi-disant mort sur la croix pour sauver l’humanité. Pas moi. Je préfère m’entrainer à tirer avec un canon de défense anti-aérienne pour abattre le Canadair boutefeu. Simplicité volontaire parce que c’est mon choix et que je veux bien l’assumer peut-être… Si j’avais plus de pognon, ça me permettrait d’alimenter plus généreusement les caisses de ceux qui – à mes yeux – ont besoin de moyens pour diffuser leurs idées. La théorie du Colibri m’exaspère car elle tend à rendre l’ensemble de la population responsable des problèmes de la planète. En 10, selon un rapport Oxfam, 388 personnes les plus riches possédaient autant que les 3,6 milliards des habitants les plus pauvres de la planète. Avec le creusement du fossé des inégalités, en 2017, ce nombre s’est réduit à 8. Huit possèdent autant que 3,6 milliards (*)… Tous responsables de la surexploitation des ressources ? Allez donc !

Décroissance non si c’est pour permettre à une bande d’ahuris de faire des croisières dans le remake du paquebot France qui voguera au gré des flots dans quelques années, ou d’aller se balader dans le vide intersidéral pour voir si l’on peut faire jolis clichés de la terre en perdition. Il faut arrêter ces discours misérabilistes, auto-flagellants et surtout culpabilisateurs. Je ne doute pas du fait que le moine usant du chat à neuf queues se faisait plaisir en se fouettant le dos puisque ça le rapprochait du Christ. Désolé, mais je n’ai pas besoin d’extase mystique pour être bien dans mes chaussures. Si j’ai froid, je me chauffe ; si j’ai faim, je mange et je ne me répands pas en lamentation parce que j’ai écrasé un moustique qui voulait me sucer le sang. Je ne ferai pas non plus la morale à un Ethiopien qui rêve d’avoir un réfrigérateur pour conserver sa nourriture ou à un Inuit parce qu’il mange trop de viande. L’accès au logement, à la nourriture, à l’eau potable, à l’éducation et autres besoins fondamentaux sont des droits qui doivent être impérativement satisfaits… Du moins, il me semble que quelqu’un avait écrit ça, autrefois, dans une quelconque déclaration grandiloquente.

Il est grand temps que l’écologie fasse le ménage en son sein et se débarrasse des contemplateurs de nombril et des moralistes à la petite semaine qui se prennent pour des gourous d’un jour chargés de montrer le droit chemin à leurs adeptes. Je ne ferai pas de liste car je ne veux pas que l’on m’accuse d’appel au meurtre ! L’écologie est sociale ou elle n’est pas. Je dirais même plus, elle est libertaire ou elle n’est pas… Nous ne nous débarrasserons pas des problèmes environnementaux avec l’appui des goldens boys du capitalisme et nous n’aurons pas un rapport viable avec notre environnement tant que les lois économiques n’auront pas été profondément chamboulées. Ce ne sont pas les envolées lyriques d’un Mathieu Ricard ou d’un Nicolas Hulot qui vont rendre le capitalisme plus vert. Il n’y a pas de révolution « sectorielle » possible non plus ; le changement sociétal ne peut-être que global (en n’oubliant aucun des secteurs qui doivent s’agréger pour avoir un minimum d’efficacité). Le chemin vers un avenir meilleur est long, semé d’embûches, et peut-être sans issu. Cela signifie que pour tenir nous devons obtenir des satisfactions et des gains provisoires… tout comme le voyageur avait besoin de relais sur la Route de la Soie pour accomplir son périple. L’économie sociale fait partie de ces relais, mais ne nous leurrons pas : ni les coopératives, ni les éco-hameaux, ni l’agriculture écologique, ni les strapontins de députés verts, ni les réseaux d’échange… ne provoqueront de changements majeurs dans notre monde à la dérive, sauf s’ils sont suffisamment nombreux et collaborent dans de vastes réseaux d’échanges englobant les luttes sociales. Leur utilité (sauf celle des députés verts) est par contre indubitable, ne serait-ce que parce qu’ils permettent de tester la viabilité des projets dont ils sont porteurs, et maintiennent dans nos esprits une espérance indispensable à notre survie.

Bref, les trop nombreux relents idéologiques judéo-chrétiens qui sévissent au sein de l’écologie m’indisposent. Ce n’est pas mieux du côté de la politique institutionnelle fut-elle d’extrême gauche : les groupements politiques ne songent trop souvent qu’à la pureté de leur « ligne idéologique » et consacrent plus de temps à se tirer dans les jambes les uns des autres en se traitant de collabos, de fascistes ou de ramollis du cerveau, qu’à faire avancer les luttes écologiques et sociales. Leurs leaders sont essentiellement là pour défendre leur chasse gardée. Laissons volontiers les politicards gauchistes de droite ou droitistes de gauche vider leur panier de boules puantes… Il est temps de construire du neuf, plutôt que de s’intéresser à la candidature plus ou moins déclarée de vieux cloportes de la politique qui n’ont comme dessein caché que  la volonté de promouvoir leur propre carrière, quelque soit le discours derrière lequel ils maquillent leurs intentions. Le mouvement des gilets jaunes a permis d’avancer d’un pas dans la bonne direction. Il lui a manqué juste un peu de culture historique pour faire un bilan des actions accomplies et se rappeler qu’il n’y a « pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun ». C’est bien de le chanter, c’est encore mieux de le traduire dans les faits !

Quant aux collapsologues, survivalistes, et autres prédicateurs de collision dans le mur… Qu’ils continuent à palabrer, mais ne leur donnons pas plus d’importance que nécessaire. Je pense que c’est là aussi une voie de garage de l’écologie. Les prophéties de malheur imminent dans les années 70 n’étaient pas entièrement fausses, mais elles étaient un peu trop dramatiques et ont pu fournir du grain à moudre aux tenants du « vous voyez bien que tout peu s’arranger, y’a encore du pétrole et des poissons dans les rivières ! » La peur est une arme dangereuse ; seul l’espoir nourrit le changement. Si j’émets de grosses réserves quant aux théories des collapsologues, je vous invite par contre à lire l’excellent ouvrage « La fin de la mégamachine » de Fabian Scheidler. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, il ne s’agit pas d’une prédiction apocalyptique de plus, mais d’un outil précieux pour comprendre la situation actuelle et élaborer des solutions. Comme dit dans la présentation : « seul celui qui connait sa propre histoire peut être capable de l’infléchir.»

C’est tout pour aujourd’hui et en plus pas d’illustration… Je suis content d’avoir vidé mon flacon de vitriol dans les toilettes. Je ne suis pas assez méchant pour le balancer à la figure d’une autre créature vivante, fut-elle même En Marche vers le chaos. Soyez donc suffisamment gentils pour ne pas me traiter d’intégriste. La preuve, si le colibri trouve un avocat je suis prêt à consacrer quelques minutes à l’écouter, mais laissez-moi le privilège de radoter… C’est plutôt mignon les colibris !

Notes : (*) Lire à ce sujet l’excellent ouvrage de Vandana Shiva (« 1% Reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches).

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19novembre2020

Poivre, cabane et confinouilleries diverses

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour....

 Dauphinois de souche, je suis, sans doute magnaud comme on dit par ici. Plus exactement anarcho rural dauphinois apatride, ça me convient mieux. Cheu nous dans la province profonde, c’est le pays du gratin, de la pétafine et… des noix. Autrefois, dans nos humbles masures campagnardes, les anciens passaient la saison d’automne et le début de celle d’hiver à trier des noix… C’était long, plutôt rasoir mais ça aidait les conversations et ça permettait de meubler les longues soirées à l’époque bénie où l’on ne pouvait pas se gaver d’idioties à la télé. De nos jours, avec la mode de diversifier les cultures dans les jardins d’agrément, et surtout d’accorder une place de plus en plus importante aux plantes nourricières y compris exotiques, v’la que de nouveaux travaux remplissent les plannings de veillées. Nous on a trouvé un truc terrible pour s’occuper les mains, c’est le poivre du Sichuan. J’avais écrit à propos de la plantation de cet arbre dans notre parc, à une époque où je n’avais pas encore réalisé qu’un jour il deviendrait productif et qu’il faudrait cueillir les baies de cet arbre redoutable et surtout faire un tri délicat pour la consommation. Si mes aïeux avaient connu ça ils auraient maudit la mondialisation des cultures, et se seraient repliés avec joie sur leur passe-temps traditionnel. Le poivrier du Sichuan produit abondance de petites baies rouges qu’il faut attraper avec adresse en évitant les piquants qui les entourent. Il faut ensuite patienter quelques jours, le temps que les fruits sèchent et que l’enveloppe s’ouvre en libérant (partiellement) la graine. Ensuite, il ne reste plus qu’à faire l’activité la plus distrayante et la plus propice à raconter des histoires de « Toto » : éliminer les petites graines noires pour ne conserver que l’enveloppe qui les entoure. Rendement estimé à 50 g par heure de travail. Notez bien que ça vaut le coup quand même car le « poivre du Sichuan » se vend dans les deux cent euros le kilo minimum dans les épiceries de luxe ! Je pense qu’on en a bien récolté de quoi faire un kilo cette année, mais je préfère donner des graines non triées aux copains que je ne souhaite plus revoir, plutôt que de leur offrir de mignons petits sachets enrubannés de poivre prêt à l’emploi sous le sapin. Maudits Chinois ! Et si on se lançait dans l’élevage des pangolins ?

Donc on occupe une fraction de temps de ce confinement en s’empoivrant gaiement ce qui vaut toujours mieux que de s’empoigner ou de s’emplâtrer la gueule. Seule la République ayant le droit d’être en marche, on devrait sagement rester dans un rayon d’un kilomètre autour de chez nous pour faire de « l’exercice physique ». Il est bien connu que les chemins forestiers sont un axe essentiel de la propagation des virus. Voilà au moins l’une des mesures débiles de ce confinement que l’on ne respecte pas. On profite du fait que notre commune n’a pas encore installé des caméras de vidéo surveillance de partout et que les drones de Macron sont encore dans leurs cartons. Trêve de plaisanterie, on est bien conscients du fait qu’il faut prendre des mesures pour éviter que cette pandémie ne fasse les mêmes ravages que la grippe espagnole, mais on regrette que les leviers de commande soient confiés à une bande d’énergumènes robotisés incapables de reconnaître leur incurie et de faire appel à l’intelligence collective et au bon sens populaire. Du temps où je bossais encore à éduquer nos chères « têtes blondes » j’ai toujours expliqué aux parents que finir à l’ENA était l’une des pires choses qui puisse advenir à leurs rejetons et qu’ils ne s’appuient pas sur des arguments de ce genre pour demander « un passage anticipé » de leur surdoué congénital.

 Rarement on ne vit autant de mesures incohérentes mises en œuvre, au point que décrivant le « confinement à la française » certains journaux allemands en sont venus à qualifier notre bon vieux pays d’ « Absurdistan ». Bien envoyé. La politique du « un pas en avant, un pas en arrière » et du « oubliez ce que je vous ai dit hier mais croyez à ce que je vous dis aujourd’hui » ne mène pas bien loin. Je comprends que les libraires aient du mal à admettre que l’on se contamine en manipulant des livres mais que tout va bien s’il s’agit de rouleaux de PQ. Je conçois que certains professionnels aient du mal à faire le distingo entre restaurant et cantine ou entre métro et salle de sport. Quant au cycliste, il peine, le malheureux, à admettre que la chasse soit une activité de première nécessité, mais que le fait d’aller faire un tour en vélo puisse être facteur de propagation d’un virus. Le problème avec toutes ces âneries, c’est que plus la confiance populaire dans les mesures de soi-disant « intérêt collectif » baisse, plus les théories farfelues trouvent de la place pour s’épandre. Les goujons d’extrême-droite frétillent d’impatience dans ce bain sociétal saumâtre. Revenons à la bonne vieille époque où l’on accusait les Juifs d’empoisonner les puits, où l’on brûlait les sorcières et où l’on résolvait les problèmes sociaux en organisant des croisades contre les Teutons. Vive le créationnisme !

Lors du premier confinement, les « journaux de bord » en ligne ont fleuri, chacun tenant à raconter dans quelles conditions il vivait cette épreuve. Certains étaient intéressants, d’autres simplement anecdotiques, mais ils témoignaient d’une certaine réactivité de l’esprit humain face aux agressions. Il était déjà bien clair que le parcours était plus ou moins combattant suivant les origines sociales et les conditions de vie. Mais de nombreuses formes de solidarité, d’entraide et de réjouissances collectives ont vu le jour. Cette fois c’est la débandade et le refoulement d’un esprit de révolte de plus en plus muselé. J’ai découvert, ces deux dernières années (depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes en particulier), l’emploi de plus en plus fréquent du terme « sidération » dans les compte-rendus militants ou journalistiques. Pour une fois, ce terme me paraît tout à fait adapté à la description de ce qui se passe en nous et autour de nous. Sidération face à l’accumulation de mensonges, de politiques répressives, de destructions sociales, de difficultés à gérer le quotidien… On aurait pu aussi utiliser le terme hébétude, mais sidération me semble tout à fait réaliste. Il y a un stade où face aux menaces arrivant de toutes parts à la fois, notre physique et notre mental éprouvent le besoin d’un repli sur soi illusoirement protecteur. Illusoirement protecteur car ceux qui ont bien l’intention de nous mettre au pas profitent de cet état non pour nous accorder quelques répits mais en rajouter une couche en matière de répression. Une petite couche de pandémie, une petite couche de terrorisme (la méthode du chiffon rouge agité face au taureau fonctionne à merveille) et l’on en profite pour essayer de mettre en place des mesures de plus en plus liberticides, tout en dénonçant le même genre de pratiques chez les « apprentis tyrans d’ailleurs ».

Face à cela, l’ajout de nouvelles craintes aux peurs ambiantes ne peut être qu’une catastrophe et il est plus que jamais nécessaire de mettre en avant les luttes, les gestes de révolte, les solutions concrètes au quotidien. Un petit rayon de lumière derrière l’obscurité envahissante. François Ruffin explique bien ce phénomène dans l’un de ses derniers bulletins vidéo : nos gouvernants s’appuient sur deux armes redoutables : l’amnésie et la peur. Oublier ce qui s’est passé avant (et qui était porteur d’espoir comme le mouvement des Gilets Jaunes) et avoir peur pour l’avenir (peur du terrorisme, des catastrophes naturelles, des virus, des autres êtres humains dans leur ensemble)… Quand par hasard on « commémore » un événement, c’est pour l’enfermer dans le poussiéreux placard aux souvenirs après l’avoir consciencieusement édulcoré. Chacun pour soi et tous pour le nouveau guide suprême qui nous emmène au Valhalla par des chemins connus de lui seul. Remarque au passage pour rassurer une fraction de mon lectorat : parler de Ruffin, ne signifie en aucun cas que j’ai le portrait de Mélenchon au dessus de mon lit !

 Ces réflexions me sont venues à l’esprit en mettant la dernière main à une réalisation à laquelle je tenais beaucoup. Dans un coin du jardin, nous avons construit une cabane et je viens d’en terminer l’aménagement avec quelques proches. L’extérieur était terminé depuis deux ans, mais il manquait un peu d’isolation et un aménagement intérieur. C’est chose faite et cela réjouit mon âme (encore) enfantine… Peut-être ce travail me permet-il aussi de jouer au philosophe retranché dans les bois, comme D.H. Thoreau l’a fait pendant une année dans la forêt de Walden… Je n’ai pas trop le tempérament à méditer et quelques heures de séjour comblent largement mes fantasmes ! J’ai baptisé pompeusement ce lieu nouveau « cabane des écrivains », mais, pour l’instant, j’ai passé plus de temps à m’y installer pour lire que pour écrire. La petite bâtisse s’est avérée aussi idéale pour faire des pique-niques avec la famille et les copains. Grâce à l’opacité du toit, les drones darmaniens ne savent pas encore ce qu’il y a dans nos assiettes et dans nos verres. Donc me voilà en plein trip cabane : dommage que mes mémoires se limitent à deux pages de calepin. Je m’y installerai pour raconter des histoires d’arbres ; il y a longtemps que je n’en ai pas publié dans ce blog.

Il n’est interdit à personne de rêver et, de surcroit, j’ai toujours aimé le jeu de rôle même si je ne m’y consacre plus guère. Cette année, le temps et l’argent attribués aux voyages ont été investis dans des travaux d’amélioration de notre confort quotidien (confort rustique, mais confort quand même à la mesure de nos ambitions). Je suis bien conscient des conditions privilégiées dans lesquelles nous traversons cette période de remous, mais les échanges verbaux avec les salades sont assez limités et ne remplacent en aucun cas notre besoin de rencontre sociale et d’évolution en liberté. Heureusement, nous avons des amis proches, très proches même sur le plan géographique. Mais comme les enfants, ce sont toujours les choses que l’on ne peut pas avoir qui nous manquent le plus.

NDLR : Merci à « La Belette » pour l’illustration numéro 2. Mille excuses pour l’auteur du dessin n°3. Je ne sais plus qui c’est, mais j’aime bien. Merci à ma compagne et à moi pour les photos d’ici (1, 4 et 5).

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2novembre2020

Hommage posthume (et tardif !) à Ursula Kroeber Le Guin

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; l'alambic culturel; mes lectures.

Depuis longtemps, les œuvres d’Ursula K. Le Guin occupent une place de choix dans ma bibliothèque, du cycle de « Terremer » aux romans du cycle de l’Oekumen comme « les dépossédés » ou « la main gauche de la nuit ». Puis je me suis mis à guetter les publications de cette grande dame de la Science Fiction américaine que nos éditeurs bien de chez nous traduisent au compte goutte, surtout depuis quelques années. J’ai fait l’effort de suivre son blog, en Anglais (malgré les difficultés que j’éprouve avec cette langue qui n’est pas vraiment la mienne) ; j’ai guetté les écrits nouveaux qu’elle proposait à ses lecteurs anglo-saxons, jusqu’au jour où j’ai appris que cette femme extraordinaire n’était plus, et qu’elle ne nous offrirait plus de nouvelles histoires pour fertiliser notre esprit. En guise de consolation, comme cadeau pour l’un de mes anniversaires, je me suis offert la réédition en un seul volume de « Books of Earthsee », bel ouvrage qui tient compagnie aux 5 ou 6 volumes de l’édition française. Au cours de sa carrière, Ursula K. Le Guin a touché à bien des domaines d’écriture. L’un de ses principaux champs d’intervention est la Science Fiction, indubitablement, mais ses essais sur le féminisme, l’écriture, la nature, sont également passionnants. J’aime beaucoup le qualificatif « d’anthropologie humanitaire » qui a été attribué parfois à l’ensemble de son œuvre. Cette appellation correspond par exemple de façon adéquate à l’une de ses œuvres peu connue en France « La vallée de l’éternel retour ».

Ces derniers jours, histoire d’alimenter ma nostalgie, je viens de lire attentivement l’un de ses derniers livres traduits, « Danser au bord du monde ». Il ne s’agit pas d’un roman, ou d’un recueil de nouvelles, mais d’une compilation d’essais, de conférences, d’introductions d’ouvrages qu’elle a rédigés au cours de sa carrière littéraire. Ce livre m’a successivement charmé, puis déçu, avant que je n’adhère définitivement à l’intelligence de son propos, souvent très proche de ma propre façon de percevoir le monde, même si je n’ai ni la culture, ni la sagesse profonde de cette écrivaine hors du commun. Je crois que dans mon esprit, des œuvres comme celles d’Ursula Le Guin, Elisée Reclus, Pierre Clastres, Emma Goldmann, Célestin Freinet, Vandana Shiva (j’en oublie sans doute beaucoup !) sont les pierres de taille sur lesquelles s’est construit mon mode de pensée, mon éthique pour apprivoiser ce monde que j’ai parfois bien du mal à comprendre.

 Dans ce recueil, « danser au bord du monde », on trouve vraiment de beaux textes, dans lesquels sont exprimées des pensées profondes, souvent très clairement énoncées, comme j’aime les appréhender. A travers quelques phrases simples, elle ouvre parfois d’une chiquenaude des brèches dans des cloisons de papier, mais elle enfonce aussi de véritables murs en pierre de taille qui nous emprisonnent dans notre quotidien. Bien qu’elle ne soit étiquetée ni philosophe, ni sociologue, ni ethnologue (comme sa mère, la célèbre ethnologue Theodora Kroeber), mais rangée dans la catégorie des « simples auteurs » de littérature, qui plus est dans le sous-tiroir de la Science-Fiction (genre méprisé s’il en est dans ces salons littéraires où l’on essaie de régenter les modes de pensée), pour moi, Ursula Kroeber Le Guin se situe dans la cour des grands, celle des penseurs dont l’apport intellectuel fait progresser l’humanité d’un grand pas en avant.
Dans le même ouvrage, on trouve également quelques textes que j’ai trouvés de moindre intérêt (ou bien trop hermétiques parce que faisant référence à des codes que je ne possède pas). J’avais éprouvé la même sensation en lisant un autre recueil, « le langage de la nuit », à l’intérieur duquel on peut trouver aussi quelques pépites philosophiques. Si je veux dépeindre un état des lieux un tant soit peu honnête de mes relations avec l’œuvre de cette auteure, je dois dire aussi qu’il y a quelques rares titres auxquels j’ai eu un peu de mal à accrocher. Cela n’est guère surprenant lorsque l’on connait le nombre élevé d’ouvrages qu’elle a écrit, y compris dans le domaine de la littérature jeunesse (la fameuse série des « chats »).

 C’est l’importance de cette œuvre qui m’amène à placer Ursula K. Le Guin, sur une marche plus élevée que d’autres écrivaines anglo-saxonnes dont j’ai apprécié également les écrits. Je pense à des personnes comme Vonda Mac Intyre, Elisabeth Vonarburg ou Marion Zimmer Bradley. Les mauvaises langues parmi les connaisseurs des ouvrages de Mme Le Guin, diront sans doute que – parmi tous ces noms cités – mon auteure préférée est la seule à faire référence, à plusieurs reprises, à l’anarchisme, outre l’écologie et le féminisme… Je reconnais que l’identification aux idées de certains penseurs libertaires rejoint l’un de mes chevaux de bataille et n’est pas pour me déplaire. Rares sont les auteures, surtout dans le domaine de la littérature romanesque, à faire état d’une culture politique aussi solide que celle de Mme Le Guin, et à l’absence totale de pudeur à faire référence à des idées qui ne sont pas toujours en odeur de sainteté dans nos sociétés où il est convenu et apprécié de rester dans le « politiquement correct ». Je me fais le plaisir de vous signaler, au passage, que la trilogie « dons », « voix », « pouvoirs » qu’elle a rédigée, propose une réflexion tout en douceur sur le thème de la fascination des foules pour un quelconque leadership, et la manière dont l’image du héros prend une place prépondérante dans l’imaginaire populaire. Il s’agit à la fois d’une manipulation des médias au service de l’élite, mais aussi d’une aspiration du commun des mortels à trouver une idée à laquelle adhérer, un homme ou une femme providentielles à suivre aveuglément… Thèmes tout à fait d’actualité quand on voit les gesticulations des sites d’informations pour essayer de promouvoir d’hypothétiques « porte-parole » responsables (mais non choisis par ceux qu’ils sont censés représentés), après des phénomènes de société comme « Nuit debout », « Occupy Wall Street », ou la protestation au long cours du mouvement social des « Gilets Jaunes ».

 Beaucoup d’entre nous sont encore convaincus•ues que nous ne sortirons de la crise actuelle que lorsque nous aurons un leader charismatique… Un jour Guevara, un jour Tsipras, Moralès, Mélanchon, ou tout autre vedette à l’éloquence proverbiale. Peu sont conscients du fait qu’une fois ces personnalités installées dans le fauteuil du pouvoir il est fort difficile de les en déloger tant elles-mêmes sont convaincues de l’importance de leur rôle ! Ce phénomène est compréhensible lorsque l’on sait que toute notre éducation a consisté en un formatage à ce mode de pensée. Je m’éloigne de cette bonne vieille Ursula, mais pas tant que ça quand même. Il serait d’ailleurs regrettable d’assimiler cette grande dame à une vulgaire propagandiste pour une idée quelconque. Son œuvre est traversée par différents courants de pensée et ne témoigne d’unité que dans le sens de la permanence de ses interrogations. Le portrait qu’elle dresse d’une société « libertaire », à travers l’étude du mode de vie des habitants de la planète Anarres (roman « Les dépossédés ») n’est guère indulgente à l’encontre des idées de ces libertaires qu’elle affectionne pourtant au fil de ses réflexions.

 Ursula Le Guin est également influencée par la philosophie taoïste, et marquée par un pessimisme profond à l’encontre de l’attitude de notre société face à la crise écologique. Mais elle jouit avant tout du privilège de l’écrivain qui est celui de pouvoir jouer à l’apprenti sorcier et de manipuler des idées comme on effectue des mélanges improbables dans des éprouvettes. Un exemple pour conclure ce billet : sur l’un des mondes imaginaires qu’elles dépeint dans son roman « La main gauche de la nuit », les individus n’ont pas d’identité sexuelle marquée pendant la plus grande partie du temps. Ils deviennent « mâle » ou « femelle » avec un développement temporaire des organes nécessaires à la fonction de reproduction que pendant une brève période, le « Kemmer », à intervalle régulier. Cette période particulièrement animée terminée, chacun retourne à un état androgyne, sauf en cas de grossesse par exemple. Dans ce cas, les individus restent « femme » le temps de voir grandir le bébé et d’assurer le début de leur alimentation. Privilège de l’écrivain, mais privilège intéressant car il ouvre la porte à une réflexion passionnante sur le thème de l’identité sexuelle. Dans son recueil « Danser au bord du monde » Ursula K. Le Guin se livre à une autocritique plutôt amusante de son expérience. Le mouvement féministe a progressé depuis la publication de son roman, dans les années 60, et certaines de ses idées ont été soumises à un feu roulant de critiques !

Ursula Kroeber Le Guin nous a quittés le 22 janvier 2018 à l’âge de 88 ans. Elle a sans doute rejoint Ged l’épervier sur l’une des îles de l’archipel de Terremer. Nous continuerons l’exploration d’autres univers imaginaires sans elle malheureusement. Sa perception du monde témoignait d’une réflexion particulièrement riche ainsi qu’en atteste la citation que j’ajoute à cette chronique et qui me parait bien s’appliquer à notre fuite en avant de ces dernières décennies. Elle nous manquera encore plus pour cela.

  Nous savons où est l’avenir : devant nous. N’est-ce pas ? Il s’ouvre devant nous – nous avons un grand avenir – nous y entrons d’un pas assuré à chaque début d’année universitaire ou électorale. Nous savons aussi où est le passé : derrière nous, n’est-ce pas ? Si bien que pour le voir, nous devons nous retourner ; comme cela interrompt notre continuelle progression vers l’avenir, notre continuel progrès, c’est une chose que nous n’aimons pas beaucoup faire.
Il semble que les peuples des Andes de langue quechua, aient de tout cela une perception très différente. Pour eux, le passé est ce qu’on connait déjà, il est donc devant, sous notre nez. C’est un monde de perception, plus que d’action, une intuition plus qu’une progression. Comme ils sont tout aussi logiques que nous, ils disent que l’avenir est derrière – derrière votre dos, par dessus votre épaule, car l’avenir est ce qu’on ne peut pas voir, à moins de se retourner, le temps d’un coup d’œil en quelque sorte. Parfois, vous le regrettez, parce que vous avez vu ce qui était sur le point de vous sauter dessus… Aussi, tandis que nous entrainons les peuples andains dans notre monde de progrès, de pollution, de soap operas et de satellites, eux reviennent vers l’arrière – ils regardent par dessus leur épaule pour voir où ils vont.
Il me semble que c’est une attitude intelligente et pertinente. Elle a au moins le mérite de nous rappeler que la formule « aller de l’avant » pour parler de l’avenir est une métaphore, un élément de pensée mythique interprété au pied de la lettre, voire un bluff fondé sur une crainte mâle d’être inactifs, réceptifs, ouverts, tranquilles, immobiles. Nos horloges intranquilles nous font croire que nous fabriquons le temps, que nous le maîtrisons…
(extrait de « danser au bord du monde » p 171).

Crédit photos : 1/ site biography.com – 6/ © Ursula K. Le Guin Literary Trust

Des liens passionnants :
https://fantasy.bnf.fr/fr/comprendre/ursula-k-le-guin-une-femme-au-sommet-de-la-fantasy/

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29octobre2020

En rentrant de l’école, pense bien à faire la bise à mémé !

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique.

L’empereur de la Macronie en a décidé ainsi : le salut de la nation passe par le reconfinement allégé (sans matière grasse). Le salut de l’économie, primordial, passe par le travail et par l’école, profits obligent. Et comme, malgré tout, le profit passe avant la santé publique, nous voilà relancés dans une entreprise boiteuse, tardive et guère logique. L’oukase du chef, comme à l’armée, tient lieu de logique imparable. On ne peut rien attendre d’autre d’un gouvernement de mercenaires chargé de faire le ménage dans les services publics, de faire disparaître les épines qui pourraient encore gêner les grandes enjambées de ses copains multi milliardaires. Le capitalisme d’antan possédait une arme redoutable pour résoudre les situations sociales tendues : la guerre. Nos modernes idéologues libéraux ont complété la panoplie en ajoutant le terrorisme et les pandémies. Le peuple, absorbé par des questions de survie parfaitement légitimes, abruti par des médias de plus en plus méprisables, courbe l’échine et obéit passivement. La chausse-trappe est habilement conçue : pourquoi protester contre des mesures qui vont dans le sens du « bien public » ? Etre assimilé à un crétin congénital qui hurle au « complot mondial » ou, pire encore, « faire le jeu du terrorisme » en ayant des opinions différentes de celles de notre sauveur suprême. Honte à toi, malheureux, qui pense qu’une véritable politique de prévention passe par la pédagogie et non par la répression ; par la décision collective et responsable plutôt que par l’obéissance aveugle à un oukase promulgué par un clown omnipotent qui change d’avis comme de chemise payée par ses propres sponsors. Bravo à François Ruffin pour son intervention lucide à l’assemblée. Je pense effectivement que la population de ce pays et des pays voisins dont nous ne sommes séparés que par des frontières artificielles, mérite mieux. Quel terrible gâchis d’intelligence collective. Car je ne crois pas du tout (comme l’a proclamé l’un des sinistres animateurs de plateau télé) que la population de ce pays soit d’un niveau « CE1-CE2 ». Il suffit de visionner le film « J’veux du soleil » sur les Gilets Jaunes pour avoir une toute autre vision de la situation !

Ce sont presque les mêmes restrictions de liberté qu’en mars, sélectionnées par le même collège de Jésuites énarques, estimant qu’un restaurant est un lieu de contamination mais pas une cantine surchargée ; que les étudiants ont un comportement à risque, mais pas les lycéens ; que les écoliers n’ont jamais contaminé personne ; que les librairies sont des foyers d’infection mais pas les bureaux de tabac ; que les locaux de travail sont des lieux bénits et particulièrement sains, contrairement aux espaces naturels ; que le vélo est le pire moyen pour attraper la saloperie ambiante… Ils sont payés combien tous les mois les gens qui élaborent ce genre de circulaires ? Je parie que le seul motif qui va pousser à soulever le couvercle de la marmite ce sont les fêtes de Noël. Je prédis que, comme par miracle, la situation sanitaire va s’améliorer en décembre… Quant à la suite, eh bien on verra. Ce n’est ni la première fois, ni la dernière, que l’improvisation tient lieu d’art de gouverner. Encore que… Improviser, oui… mais ne pas oublier les règles essentiels dictées par le Marché. Comme le disait le patron d’une entreprise chinoise à ses cadres employés, « J’espère que, comme moi, le seul Dieu que vous adorez, c’est le Dieu Argent » (*)

Histoire de montrer que je ne suis pas le seul à penser du mal de la gouvernance actuelle, une petite citation piquée sur « Libération » (une fois n’est pas coutume !) :

Le choix de ce gouvernement, relayé par le Medef et qui est imposé, c’est celui d’une primauté à faire « tourner » l’économie : l’ensemble de la population doit donc travailler, consommer, aller dans les transports en commun… sans que soient réellement interrogés les impacts sur la santé des millions de travailleur·euses et de leurs familles.

Sur ce, je vous quitte, je vais me promener en vélo à dix kilomètres de chez moi. Histoire de flatter mon penchant pour l’illégalisme, je me paierai peut-être une petite virée à pied pour aller chercher un bouquin dans une librairie. Que des mensonges ! Va donc eh provoc !

Notes : (*) véridique… Il s’agit du patron de Huawei lors d’une conférence en Autriche.

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22octobre2020

Le néant et l’actualité

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour....

Cela fait plusieurs fois que le même « trou de mémoire » se reproduit, et je ne pense pas que mon cerveau soit en cause. Je consulte plusieurs sites d’infos le matin (ou d’échange d’infos). De façon très protocolaire, le premier site que je visite c’est « Seenthis », depuis la disparition « d’Altermonde sans frontières ». Lors de mon périple, il m’arrive de jeter un coup d’œil sur « Gogol News », puis de passer rapidement à autre chose… Cela fait plusieurs jours (pas forcément de suite) que je quitte Google, puis y retourne quelques minutes plus tard, ne me souvenant plus être déjà passé par cet endroit passionnant. Je balaie à nouveau les titres de « l’info » proposée, et m’aperçois de mon erreur au bout de quelques minutes de lecture, ce qui a le mérite de signifier qu’il y avait bien au moins un sujet qui avait accroché mon attention. Je tiens à préciser que cela ne m’arrive jamais à la télé ou avec les journaux dans la salle d’attente de mon (rayer la mention inutile) dentiste – coiffeur – neurologue – ophtalmologue… En général, les infos sur la télé me mettent tellement en colère que je ne risque pas de les oublier. Cela veut dire par contre que les pires conneries annoncées par Gogol ne me provoquent même pas un battement de cil…

Inquiet de ce comportement (après tout, à nos âges, on entend souvent parler de la maladie qui porte le nom d’un mec dont je ne me souviens que du prénom, Aloïs…), j’ai décidé de suivre mon comportement à l’aide d’un drône de surveillance de mon bureau : aucun résultat. J’ai décidé de me pencher sur le contenu de Gogol infos actualité, puis, pour ne pas créer de jalousie malsaine entre personnes fortunées, de Yahoo où je ne me rends pas car il me faut un moment pour savoir si je lis de la pub ou une dépêche d’agence. Eh bien, je crois que c’est le contenu qui est en cause ; soit à cause de l’accumulation ; soit par absence totale de hiérarchisation des sujets (comme à la télé). Mon cerveau doit gentiment assimiler les problèmes de cœur de Miss Normandie, à l’usage des bombes à sous-munitions dans le conflit dans le haut Karabakh ; ou ne rien distinguer entre le énième confinement / déconfinement des quartiers Est de Madrid et la démission du n°2 de la Débilité en Marche. Alors me direz-vous, ami•e•s pleins de sagesse, pourquoi ne pas me contenter des liens de Seenthis ou des articles de Basta ou de Reporterre ? Simplement parce que, par moment, j’aime bien découvrir l’actualité « à chaud » et connaître les dernières calembredaines de l’Agence France Presse. C’est tout. Et je ne vais quand même pas me taper France 2, 3, 4 ou 5 pour ça. Cela permet aussi aux robots fournisseurs du « Big data world » et des Services de Lutte contre l’écoloterrorisme, de considérer que, de temps à autre, je suis un citoyen lambda normal et pas uniquement un gaucho nihiliste intéressé par les écolos et les libertaires (de préférence les deux sur le même côté de la page).

Vous mettez en cause – cher monsieur – une fois de plus les médias les plus appréciés du vaste monde des internautes. Faire un pied de nez c’est une chose ; avancer des arguments sérieux en est une autre. Peut-être faudrait-il publier quelques preuves pour accompagner vos assertions ! Je vais donc observer les sites que j’incrimine pendant 48 h pour vos beaux yeux. Pour être parfaitement honnête, je dois dire aussi qu’il y a des titres auxquels je ne comprends rien, genre : « AMD vise les RTX 3080 et tease les perfs de ses Radeon RX 6000 ». Sans doute que cela vise des « geeks » un peu plus « branchés » sur la mayonnaise anglophonique (moi aussi j’ai le droit d’avoir un langage branché bouseux-franchouillard). Pour la suite de cette étude, et selon les recommandations de mon maître de thèse, je vais me limiter à des propos plus terre à terre. « Paul McCartney publie une photo émouvante avec John Lennon » ; merci RTL, ça a son importance ! « Grippe : la crainte d’une pénurie de vaccins en France, en pleine pandémie de Covid-19 » : ça fait quelques jours que ça dure, la mayonnaise sur le vaccin anti-grippal cuvée 2020 vieilli en fûts de chêne. Légalement parlant ce n’est pas de la Pub, mais quand même… Un jour, « ça y est le vaccin est disponible » ; le lendemain, « mais gaffe, il va y avoir pénurie » ; « la grippe et la Covid en même temps, même James Bond ne s’y essaierait pas ! » ; « Heureusement qu’il y a le vaccin contre la grippe ! » ; « selon certains parlementaires La Raclée En Marche, il faudrait que ce vaccin soit obligatoire » ; « oui mais, y ‘en aura-t-il assez ? » ; Ben non, « les pharmaciens tirent la sonnette d’alarme : il en manque ! »

Ma grandeur d’âme atteignant des sommets, je ne parlerai pas des dépêches d’agence reprises jusqu’à plus soif, sans qu’un mot ne manque ni qu’une faute d’orthographe ne soit corrigée. Pigiste informatique ou l’art du copier/coller. Mais cela a son importance : savoir qu’une info est approuvée par RTL, Europe 1, Ouest France, le Dauphiné et TF1, est une garantie morale d’authenticité, alors que tant de « fake news » (c’est du patois de Corrèze ?) sont déversées sur les pauvres inconscients que nous sommes… Les Islamo-gauchistes (quelle horreur !) nous abreuvent de contre-vérités haineuses ! Dénoncer ces rumeurs malencontreuses et malveillantes, ça s’appelle du Fast Checking. Comme principal moteur de bobards, la Covid coronavirée est en tête d’affiche. Dommage qu’il n’y ait pas plus de flashbacks  (je m’y mets moi aussi au patois de Corrèze, pour rester dans le ton) sur les conneries et les contradictions à jet continu de nos édiles ! Restons sérieux mon brave, vous savez bien que le nucléaire est la seule issue raisonnable, puisqu’elle est positive au niveau du Carbone (14 ?). C’est une affirmation aussi sérieuse que l’annonce d’un plan d’urgence pour les hôpitaux… Heureusement que tout se militarise peu à peu et que l’on passe du confinement « bon-enfant » au couvre-feu – prélude à la guerre totale contre le virus disséminé par les Islamo-gauchistes ! Et si l’on remettait au pouvoir les anciens tortionnaires de la guerre d’Algérie ? Il doit bien en rester, puis ça ferait un super titre pour Youcou/Gogol !

Marre de la politique ? Un petit détour sur Yahoo me permet de découvrir l’histoire d’un malotru qui, non seulement frappe sa compagne, mais de surcroit massacre les cochons d’Inde, au risque de provoquer l’ire de L214. Je m’intéresse à la gamme des SUV de BMW, jusqu’à ce que je découvre qu’il s’agit d’une publicité et non d’un communiqué de l’association Carfree pour dénoncer la croissance de la vente de ces saloperies encombrantes et polluantes que l’on nomme SUV. « Le Roi du Maroc s’offre 1600 m2 au pied de la Tour Eiffel » et on enchaîne sur « Salade de pommes de terre aux côtelettes d’agneau ». C’est nettement plus aguichant que « Irak : des associations s’insurgent contre les arrestations arbitraires d’un journaliste et d’un militant au Kurdistan ». Histoire de gagner du temps, on pourrait faire des synthèses : « Le Roi du Maroc mange des côtelettes d’agneau préparées par des Kurdes au pied de la Tour Eiffel ». Surprenant, mais guère plus con. Je me demande si les sites d’information ne sont pas gérés par General Food, Mac Do et Disney Land…

Sinon, Covid, covid, covid, jusqu’à ce qu’un malotru (providentiel) estime justifié de raccourcir l’un des enseignants du collège voisin. Un grand merci du ministère de l’inférieur à ce clown sinistre qui permet de relancer (était-ce vraiment nécessaire ?) le racisme anti…. tout ce qui est différent de nous. Crétin sanguinaire et congénital = musulman intégriste = musulman = arabe = migrant = le voisin d’en face. Porco dio ! Belzébuth au secours ! Il manque les écologistes et les anarchistes dans les termes de l’équation mais on peut faire confiance à l’imagination des Darmanin, Blanquer et autres dézingués de la bande à Croncron.

Pauvre monde. Je retourne me plonger dans mes romans favoris du moment. Une question m’angoisse quand même : ai-je vraiment rédigé cette chronique dans laquelle je voulais parler de la façon dont nous informent les géants de l’Internet ? A-t-elle bien été référencée par Google, recommandée par Facebook et vendue sur Aimetazone ? A moins que ce ne soit qu’un vulgaire cauchemar et que je ne me réveille bientôt dans le monde de Winnie l’ourson…

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12octobre2020

La météo fait grise mine ? Eh bien je lis… et c’est pas triste !

Posté par Paul dans la catégorie : Des livres et moi; l'alambic culturel.

On voulait de la pluie, eh bien on en a eu de la pluie et on en a encore. Ça se passe plutôt bien pour l’instant car, par chance, il y a la quantité mais pas la violence de la tempête et les dégâts qui l’accompagnent. Un temps parfait pour faire quelques coupes sévères dans la pile de livres que j’ai accumulés depuis la fin du confinement. Quand le temps devient maussade et que les jours raccourcissent, une envie frénétique de lecture me saisit en effet. Je vous propose quelques notes sur les découvertes romanesques de ces dernières semaines… J’espère que nous pourrons partager ainsi quelques bons moments…

 « L’enfant céleste » (de Maud Simonnot, éditions de l’observatoire) est l’un des titres de la « rentrée littéraire » de Septembre. Noyé au milieu de quelques centaines d’autres volumes, j’espère qu’il aura l’occasion de se faire une place dans la vitrine des libraires, car c’est vraiment un excellent roman ; une très belle page de vie, riche et sensible, que nous conte Maud Simonnot. le style très simple mais aussi très poétique de l’auteure a fait mouche : dès les premiers chapitres, j’ai été ému par ses personnages. Elle dresse leur portrait avec beaucoup de finesse et de nuances. Mary, la quarantaine, écorchée vive suite à une rupture sentimentale, est aussi la maman sensible et attentive de Celian, un jeune ado de quinze ans qui a bien du mal à s’adapter à une institution scolaire peu respectueuse des différences. Mary propose à son fils une démarche de rupture par rapport à ce quotidien submergé par la grisaille. Tous deux sont passionnés d’astronomie et de nature sauvage. Un lieu original va servir de refuge à leur détresse passagère : l’île de Ven, dans la mer Baltique, au Nord du Danemark, où l’astronome Tycho Brahe a séjourné de longues années et construit un observatoire astronomique. Ce voyage est l’occasion pour l’auteure de nous faire rêver avec de somptueuses descriptions. J’ai découvert avec ravissement les paysages sauvages de l’île de Ven. Le climat serait sans doute un peu rude pour moi, mais je l’ajouterais volontiers à la liste des lieux que j’aimerais découvrir. L’aventure est humaine aussi grâce aux habitants du lieu qui accueillent les deux voyageurs en perdition avec chaleur.
J’ai trouvé le scenario, mêlant astronomie, écologie, poésie, psychologie…, particulièrement intrigant et attachant. Le récit alterne la description des émotions ressenties par les personnages, avec des récits historiques et anecdotiques ; aucune lourdeur Au fil des pages, on découvre ainsi l’histoire de ce grand astronome qu’était Tycho Brahe. L’image du savant est quelque peu égratignée au passage, l’auteure n’omettant pas de décrire les aspects de la personnalité tyrannique du maître de l’Île. D’autres figures historiques sont d’ailleurs évoquées au fil des rencontres avec les résidents de l’île : Shakespeare, le mal connu, ou Copernic, le disciple de Tycho Brahe…  Les « second rôles » aussi sont pittoresques et ont leur importance dans l’histoire.
Le lien presque magique existant entre la mère et l’enfant reste cependant l’un des traits marquants de ce récit plutôt singulier. Dans sa tête, Mary navigue entre les paysages du Morvan de son enfance, et ceux de l’île où elle séjourne ; mais aussi entre ses problèmes existentiels et ceux de cet enfant qu’elle chérit avant tout. La manière de conclure le récit m’a également plu. Bref un premier coup de coeur pour cet automne 2020, un livre que je rangerai sans doute non loin de « la calanque de l’aviateur » tant aimé l’année passée. Il s’agit là d’un premier roman et je suis à l’affût des prochains écrits de Maud Simonnot…

  « Les trois sœurs qui faisaient danser les exilés » (d’Aurélia Cassigneul-Ojeda, éditions « ateliers Henry Dougier »), publié en Juin 2020, est une autre pépite de cette fin d’été. Un nouveau roman sur le thème de la « Retirada », l’exil vers la France, en 1939, des réfugiés espagnols après la victoire de Franco (mais une façon originale de l’aborder !). Que ce triste épisode de notre histoire nationale revienne sur le devant de la scène est une bonne chose, ne serait-ce parce que le problème des migrants, volontaires ou non, est à nouveau sur le devant de la scène, et que la gestion de ce genre de problèmes par nos gouvernants n’a guère évolué après quatre-vingt années. L’approche de l’auteure est particulière, puisque le premier personnage dont nous faisons la connaissance est lui-même un exilé italien, ayant quitté, avec ses parents, pour des raisons économiques, sa région natale des Pouilles et sa grand-mère tant aimée. Jeune enfant, il a dû suivre ses parents qui se sont installés dans la région d’Agen et ont fondé une activité de pépinière.
Blessé par une séparation mal vécue avec son épouse, Gabriele, notre héros, décide de changer de cadre de vie et de s’installer au Cap Cerbère pour y refaire sa vie. Son attention est très vite attirée par une grande demeure abandonnée dont il va se porter acquéreur. Dans cette maison ont vécu trois sœurs espagnoles, Flora, Rosa et Begonia, ainsi que leur père, artiste peintre fortuné, d’autres exilés également, mais pour des raisons sentimentales (décès de la mère). Au croisement de toutes ces routes d’exil, va naître une histoire riche en péripéties et en belles rencontres. La grande bâtisse va devenir un lieu d’animation plus ou moins confidentiel au cœur de la bourgade.
Au moment de la Retirada, les trois sœurs vont s’impliquer dans l’accueil, plus ou moins officiel, de réfugiés politiques, avant d’ouvrir leurs portes, quelques mois plus tard, aux Résistants traqués par la Milice, et aux Juifs menacés de déportation. La grande habileté de l’auteure est de nous faire changer de période historique, et de narrateur, en nous tenant par la main avec un fil conducteur suffisamment solide, la maison et ses occupantes, pour que l’on ne soit pas perdu. Je ne vous conterai pas le détail des péripéties qui réservent plus d’une surprise. Je vous dirai seulement que le livre se termine par de belles réflexions sur le problème de l’exil, et ce quels que soient les motifs qui l’ont provoqué. Un beau talent de plume qui donne envie de découvrir d’autres ouvrages d’Aurélia Cassigneul-Ojeda. Vous pouvez regarder cette présentation vidéo du livre par l’auteure pour compléter mon propos.

 « On dirait que l’aube n’arrivera jamais » (de Paolo Rumiz, éditions Arthaud). Un journal de bord pendant le confinement et la pandémie. Un de plus me direz-vous, mais l’originalité est au rendez-vous. Amusant de lire le récit du « surplace » d’un écrivain habitué à voyager. Cette fois, on ne navigue pas sur le Pô, on ne traverse pas les Apennins en Topolino, on ne suit pas le chemin des éléphants d’Hannibal dans les Alpes. Le décor est limité à une vue sur la mer Adriatique depuis un balcon au cœur de la ville historique de Trieste. Dans l’un de ses ouvrages précédents contant un séjour dans un phare en haute mer, l’auteur s’était déjà livré à l’exercice de l’écriture confinée. Dans ce dernier essai, la problématique est nettement plus large puisqu’au fil des pages Paolo Rumiz partage avec le lecteur ses réflexions sur la vie politique italienne et européenne, le désastre écologique et notre singulier comportement d’autruche face au désastre annoncé et largement documenté.
Je n’avais guère envie de lire de « journal de confinement ». je pensais d’ailleurs qu’il y aurait une floppée de publications sur ce thème. J’ai suivi « à chaud » les écrits journaliers de David Dufresne en Avril-Mai ; je crois que mon intérêt à ce genre d’évocation s’était arrêté là. Mais j’apprécie Paolo Rumiz, en particulier sa « légende des montagnes qui naviguent » et j’ai voulu savoir de quelle manière cet auteur allait aborder la question. Le résultat est intéressant, plus passionnant même. Rumiz est un auteur surprenant et sa philosophie m’interpelle. Ce que je trouve original en particulier c’est que cet homme « de droite » comme il se qualifie lui-même, a une analyse particulièrement fine des problèmes de notre société, et des conclusions loin de satisfaire à la doxa libérale habituelle. Je n’ignore pas que la classification arbitraire droite/gauche est souvent caricaturale… Mes vieux réflexes politiques jouent cependant leur rôle et me donnent souvent quelques a priori… La raison pour laquelle Rumiz se proclame parfois « de droite » me fait sourire aussi : il s’appuie sur le mépris qu’il a pour le carriérisme et la nullité des politiciens de Gauche de son pays. D’accord, mais de là à soutenir le camp dit « d’en face », il y a un pas que, personnellement, je ne franchirais pas, à moins qu’il ne s’agisse d’une part de provocation.
Bref, je vous invite à vous plonger dans les insomnies et les longues nuits de Rumiz : une lecture qui ne « prend pas la tête » mais permet quand même des réflexions profondes !

 « Le vent se lève » (de Lucienne Cluytens et Chantal Lebecq, éditeur Gilles Guyon) – Allez, va pour un p’tit coup de nostalgie. Mai 68, je n’ai pas connu, mais les années qui ont suivi, j’avais les deux pieds dans la marmite. La contestation et les manifs sur Lille, je n’ai pas connu, mon territoire étant plutôt à l’opposé géographique… Quant aux manifs antinucléaires, Bugey, Malville, entre autres, j’y ai mis non seulement les pieds, mais les mains également. Par chance, ce sont tous les événements de cette période « soixante-huitarde » et surtout « post-soixante-huitarde » qu’évoquent Lucienne Cluytens et Chantal Lebecq, dans un livre bien documenté, avec une plume alerte de surcroit. La structure du récit m’a un peu surpris au départ : les deux auteures ont travaillé de façon plutôt indépendante. Lucienne Cluytens se cache derrière des personnages fictifs et raconte le quotidien d’une adolescente et de son frère, leur découverte du milieu contestataire, les luttes antimilitaristes et antinucléaires, les premières revendications féministes ; Chantal Lebecq écrit à la première personne et s’appuie largement sur ses souvenirs personnels pour évoquer un parcours de vie au quotidien pour le moins agité. Ce choix d’écriture en alternance permet de couvrir un plus large spectre d’événements, chacun sachant que peu de militantes et de militants ont eu l’occasion de participer aux événements foisonnants de l’époque, du combat antinucléaire à Fessenheim, à la lutte antimilitariste sur le plateau du Larzac… En toile de fond, la musique, omniprésente, tous styles confondus : des artistes à l’origine du renouveau de la folk musique en France, des chanteurs engagés, des musiciens de Jazz… L’occasion de se rappeler qu’à l’époque Maxime Leforestier passait pour un chanteur engagé ! J’avoue que bon nombre de ces références musicales m’ont rappelé quantité de bons vieux souvenirs. Après tout, il n’est pas interdit de se faire du bien, même si la nostalgie l’emporte parfois !
Mais ce livre n’est pas réservé qu’aux vieux barbons… Pour ceux qui ont la chance (eh oui, ça présente certains avantages) d’être plus jeune, cela permet de comprendre un peu mieux l’ambiance de l’époque, et les grommellements frustrés des anciens combattants face à certaines revendications et combats actuels. Comme une impression de déjà vu, un sentiment de mouvement qui fait du surplace au lieu de suivre son cours naturel. Greta Thunberg n’aurait peut-être pas tant déparé que cela à côté de Pierre Fournier ou de Jean Pignero. Ils l’auraient certainement aidée à donner une tournure moins naïve à certaines de ses déclarations. Des revues comme « La Gueule ouverte », « Survivre et vivre », et même « Actuel », méritent une place dans l’histoire de la contestation sociale. Enfin, bref, un chouette bouquin qui m’a fait passer de bons moments et qui a pas mal remué le couteau dans des plaies pourtant bien cicatrisées ! C’était l’époque où l’on se déplaçait en stop, un sac de couchage et un sac à dos à l’épaule… Comme me l’a fait remarquer un copain, aller en Grèce en dormant en cabine plutôt que sur le pont supérieur du ferry, c’est pas mal non plus ! Je remercie les deux écrivaines pour leur travail de mémoire ; cela m’a évité de trop me creuser les méninges ! Mon seul reproche : quelques longueurs dans les évocations de souvenirs familiaux, mais cela participe aussi à la « couleur » de l’ensemble du récit.

On se retrouve dans quelques temps, pour un billet sur le mode « je râle, je râle, mais cela ne fait guère avancer le schmilblick semble-t-il ! »

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21septembre2020

Bas les masques !

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique.

« On ne va quand même pas foutre l’économie en l’air pour épargner quelques années à des vieux qui – de toute manière – n’attendent que de crever ! »
Cet éminent point de vue, on l’avait vu surgir lors des débats d’opinion sur le confinement en mars-avril, mais pour dire vrai, il n’était encore que balbutiant.
Maintenant il est difficile de ne pas l’entendre tant les médias dominants et certains réseaux sociaux lui servent de caisse de résonance.
Logique puisqu’au début de la contamination, on avait du mal à discerner quels étaient les groupes sociaux et les tranches d’âge « à risque ». Le virus allait-il avoir la grossièreté de tuer des personnes riches et utiles, ou allait-il se contenter, comme le pensaient des crétins congénitaux comme Johnson, Trump, Bolsonaro et quelques autres, de faire le ménage parmi les cas sociaux, les « sans-dents », les assistés qui nous « coûtent un pognon de dingue » ? Dans le doute, des gouvernements comme celui de notre bel hexagone, ont décidé de prendre un ensemble de mesures prophylactiques qui se sont révélées plutôt efficaces dans un premier temps, malgré l’absence totale de préparation à cette opération : absence de masques, de tests, de protocoles précis…

Les profits des opérateurs intermédiaires ont quelque peu vacillé pendant ce printemps silencieux ; heureusement pas le montant des plus grosses fortunes mondiales qui ont su croître et embellir malgré (ou grâce à) la tempête.
Nos vastes communicants ont pu alors pérorer avec mépris sur les courbes catastrophiques des voisins incompétents. Dans une France passablement secouée par les mouvements sociaux, les mesures de confinement ont par ailleurs eu le mérite de museler avec efficacité les contestataires en tout genre. Bénéfice conséquent pour un gouvernement passablement fragilisé. Il a suffi d’endormir la vigilance populaire (ce qui n’est jamais bien difficile) en émettant des brassées de vœux pieux qui ne coûtent pas cher et convainquent les plus crédules que même les plus cyniques de nos cheffaillons peuvent être touchés par la rédemption. Vous alliez voir ce que vous alliez voir : le capitalisme allait se moraliser, allait faire peau neuve et œuvrer avec ferveur au bonheur universel.

Je ferai remarquer aux crétins qui propagent l’opinion notée au début de ce billet que l’on ne sait toujours pas grand-chose sur cette sinistre maladie qui se propage parmi nous. Certes, plus de vieux meurent que de jeunes, mais parmi les trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires… qui l’ont chopé, certains souffrent toujours de séquelles graves que nos statistiques officielles ignorent consciencieusement. Il faut dire que les séquelles sont toujours plus difficiles à mesurer que les alignements de cadavres… Faute de gibier dans les Ehpad, il se pourrait bien que la petite bête s’adapte à de nouvelles catégories d’âge et augmente ses ravages mortifères. Hypothèse à ne pas prendre à la légère…

Je ferai aussi remarquer aux mêmes crétins que parmi les « vieux » disparus, il y a de belles personnes dont on n’entendra plus parler, dont la vie a été pourtant plus porteuse de sens pour l’humanité que celle des golden boys (and girls) qui ne palpitent qu’au rythme des courbes du CAC 40. Un jour, on commémorera tous ces anonymes et on fera l’inventaire de tout ce qu’ont perdu non seulement les familles mais aussi la société dans son ensemble. Il y a des propos que j’ai lus au sujet de cette épidémie, qui me font regretter que ce sinistre virus n’ait pas la capacité de choisir ses victimes selon mes critères, et je reconnais qu’il y a des morts qui m’ont moins fait pleurer que d’autres… Il me plait parfois, dans les moments de hargne, d’imaginer une pandémie qui ne se propagerait que parmi les individus dont la capacité de nuisance à l’encontre de la société est supérieure à la normale. Les pertes seraient numériquement moins importantes, et les gains pour l’environnement et la planète seraient indubitablement significatifs. Enfin, je vais m’arrêter là dans ce propos, ne voulant pas passer pour plus barbare que les monstres qui sont aux manettes dans un certain nombre d’administrations, d’entreprises ou d’états !

Je pense en tout cas qu’il y a une politique sanitaire commune à adopter, au sein d’un même pays et surtout au sein d’une même communauté de pays : l’on n’en prend pas le chemin. Je viens de lire un bilan de la situation sur l’état du Kérala en Inde – je le connais un tout petit peu – et  ce bilan montre que les solutions à apporter à la crise sont nombreuses et certaines sont plus pertinentes que d’autres.

Allez, je m’arrête et je publie. Tant pis pour les illustrations, elles seront de retour dans une prochaine chronique. Je me contenterai d’une illustration sonore (en privé) : allez hop, un p’tit John Prine !

Merci à La Belette pour cette illustration de circonstance rajoutée a posteriori.

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3septembre2020

Baguenaudage

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour....

Le potager ou la cabane des écrivains ?

Depuis le confinement printanier, baguenauder est à la fois l’une de mes activités et de mes expressions favorites. Quand je ne sais pas exactement ce que je vais faire… je baguenaude, dans la maison ou dans le jardin, à la recherche d’un objet, d’une idée, d’une intuition qui va m’interpeller. Ainsi va la vie au milieu des feuilles qui m’entourent. Que fais-tu ? me demande ma compagne. Je baguenaude, je baguenaude… Ah ! me dit-elle, consciente du fait que je n’ai guère plus d’informations à lui donner… C’est bien ! Par contre, je ne baguenaude qu’à pied. Il ne m’est jamais venu à l’idée d’utiliser ce mot lorsque je prends le vélo ou la voiture. Conduire n’est pas vraiment un plaisir, pour moi, sauf dans des circonstances exceptionnelles (genre petite route touristique). Je note que le dictionnaire donne le verbe « batifoler » comme synonyme pour « baguenauder », mais ce verbe-là me fait penser à gambader, courir, et évoque plus pour moi les roulades dans l’herbe ou la course du chien fou après la baballe. J’ai un peu passé l’âge !

Otava Yo un groupe de St Pétersbourg

On peut sans problème baguenauder en musique. Je joue de l’accordéon diato. Ce n’est pas l’instrument idéal à promener, mais surtout je n’en joue guère ces derniers temps, en raison d’un problème d’épaule qui me rend difficile l’extension du bras gauche, et, sans soufflet ouvert à fond, ma boîte à sons ne grince plus avec autant de vigueur et d’allégresse que les années passées. Alors j’écoute la musique des autres et je me régale avec de belles découvertes proches ou lointaines. Tournent en boucle en ce moment, le groupe néo-folk pyrénéen « trio baladins », la chanteuse US Rhiannon Giddens, les musiciens russes de l’ensemble « Otava Yo » ou l’extraordinaire chorale  Chypriote « Amalmagation Choir ». Ajoutez à cela quelques CD plus anciens restant toujours sur le haut de la pile : Sébastien Bertrand, Eric Frasiak, Mandolin Orange, le regretté John Prine… Ce ne sont pourtant pas ces musiciens-là que j’écoute en baguenaudant. Mes voisins les plus proches sont musiciens et de temps à autre, j’entends guitare, hang ou trombone qui résonnent dans la cour ou dans le parc. Grâce à eux, il m’arrive parfois de baguenauder sur fond musical. Jamais de baladeur par contre ; je n’aime pas les écouteurs car je déteste être coupé de mon environnement.

Le tome 1 d’un cycle prometteur

Si la chaleur ou la fatigue m’indisposent trop, mon errance se termine dans un fauteuil confortable, un livre à la main. Je peux réduire difficilement six mois de lecture intensive à une liste de titres, mais je ne résiste pas au plaisir de vous livrer quelques clés de mes bonheurs livresques récents. Des titres légers (mais qui font du bien par où ils passent) comme « Mamma Maria » de Serena Giuliano ou « Et je danse aussi », le petit bijou de Anne Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat (avec sa suite « Oh happy days ») ; des plats plus épicés comme « l’amant de Patagonie » d’Isabelle Autissier ou « Ecotopia » d’Ernest Callenbach ; des vitamines en barre avec « Changer la vie, changer le monde » de Murray Bookchin ou « La science, la paix, la liberté » d’Aldous Huxley…  Au détour de l’une de mes pérégrinations, j’ai aussi savouré le début du cycle du « Royaume de Pierre d’Angle » de Pascale Quiviger dans la catégorie que les éditeurs français nomment (sans doute par méconnaissance de la langue française) « Fantasy pour Young adults ». Rien qu’avec les titres cités dans ce paragraphe j’aurais pu faire une chronique complète, mais que voulez-vous, quand on baguenaude, on n’est pas toujours très sérieux. Comme je n’ai plus trop peur de rabâcher, j’y reviendrai peut-être. Allez, si, je me lâche sans attendre et j’ajoute le titre du dernier ouvrage lu, et qui mérite le temps que je lui ai consacré : « On dirait que l’aube n’arrivera jamais » de ce grand écrivain italien qu’est Paolo Rumiz. J’en extrais cette brève citation :

«La quarantaine va finir et moi, j’ai déjà peur du monde. Peur de sortir, peur que rien n’ait changé. Peur que les gens, au lieu de ralentir, n’accélèrent ultérieurement pour rattraper le temps perdu. Peur que tout reste comme avant, ou soit même pire. Mais si nous ne changeons pas de peau, à quoi aura servi tout ceci ?»

Au mois de Mai c’était vert !

Chose étonnante, je trouve souvent l’errance dans le jardin plus stressante que la lecture ou l’écoute musicale. Malgré les nombreux conseils d’amis chers (et de chères amies – excusez moi mais les règles de l’écriture inclusive me fatiguent), et bien que je fasse des efforts pour tenir compte de leurs remarques, j’ai toujours du mal à explorer les environs de la maison, sans rapporter de mes divagations une liste rallongée de travaux que j’aurais dû, ou que je devrais, faire. Je me rappelle la phrase de l’une de nos stagiaires : « Tu habites dans un endroit merveilleux et tu n’en profites pas ! ». Le problème est que « cet endroit merveilleux » donne un travail fou et que je suis de plus en plus conscient de nos limites. Au printemps, la végétation pousse très vite, histoire de me bousculer ; pendant l’été, c’est la canicule qui nous a posé de nombreux problèmes et la liste des arbustes et des fleurs qui hurlent « j’ai soif », me vrille les oreilles.

L’une des haltes du « chemin des bancs »

Heureusement, pendant les deux mois de confitourment, mon bricoleur de fils a créé tout un tas de structures en bois qui favorisent la méditation et le détachement spirituel des souffrances vulgaires de ce bas monde végétal. Ces ustensiles divers ont pour nom : banc, fauteuil, table de piquenique, chaises… Un chemin de croix un peu particulier se met en place dans notre parc et permet, au fil des stations, de tester le confort d’un siège et de s’appesantir sur la quiétude du lieu. Pour dire vrai, il faut quand même faire abstraction de l’affreuse chorale des coqs d’un élevage voisin. Seul le trombone de notre ami Laurent semble les décourager un peu de faire leurs incessantes vocalises.

Ces aménagements donnent la possibilité de conjuguer, agréablement, les divers éléments intellectuels de l’itinérance baguenaudienne. Certains visiteurs (et visiteuses) profitent de ces éléments de confort pour dessiner un peu ou tout simplement se détendre. J’aime que ce lieu que nous avons créé profite à d’autres que nous. La richesse nait aussi du partage.

L’ancien champs de maïs devenu forêt

Chose étonnante, surtout pour moi qui suis un adepte des voyages, le virus mal embouché m’a plutôt poussé à un repli à l’intérieur de nos frontières et, depuis mars et notre retour du Luberon, j’ai un peu du mal à inverser la tendance. Il faut dire que le monde extérieur, avec ses masques, ses distanciations sociales et toutes ses simagrées, à plutôt tendance à me repousser plutôt qu’à m’inviter à l’exploration. Mes arbres n’ont pas la majesté des sapins de Douglas géants découverts sur le plateau de Millevaches, mais ils proposent déjà un ombrage conséquent et de magnifiques jeux de lumière à travers leur feuillage. Il va bien falloir que l’on se décide à remplacer la baguenaude tranquille par quelques itinéraires de randonnées pédestres un peu plus fatigantes, certes, mais un peu plus motivantes aussi. Merci, Monsieur Covid, de nous lâcher un peu les baskets la saison prochaine ! Je n’arrive pas à me brancher sérieusement sur une escapade automnale. Comme il paraît qu’un lecteur averti en vaut deux, j’ai quand même pris la précaution de doubler ma réserve de livres à lire. Des fois que le virus s’attaquerait encore aux librairies.

Elle a « de la gueule » la p’tite maison de notre ami Laurent

Cela fait plusieurs années que je baguenaude intensivement. Mais je constate que mes promenades se rallongent et que mon indécision va croissante. Ainsi va la vie : il m’est plus facile de travailler à mi-temps et il est rare qu’une fois sieste et errance terminées, je me lance dans un projet qui n’a pas été soigneusement balisé dans la matinée. Passé 15 h, je veux bien changer le monde mais il faut qu’il coopère un peu ! Il commence à y avoir un décalage sérieux entre ma phase « projets » et ma phase « exécution ». Après le dos, mon arthrose galopante atteindrait-elle le cerveau ?

Bon, vous la trouverez peut-être un peu brouillon cette chronique… C’est logique puisqu’elle-même baguenaude ! Et pour conclure ? Eh bien de baguenauder à baguenaudier, il n’y a qu’un pas, mais ce pas je l’ai déjà franchi alors je n’y reviendrai pas…

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25août2020

Un porte savon métallique made in China

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; philosophie à deux balles.

 Le genre d’article que l’on achète sans trop se poser de questions, parce que c’est pratique et que cela évite les courses poursuites dans le lavabo ou sur le carrelage de la salle de bains après une savonnette humide. Pour une raison que j’ignore, cet objet futile du quotidien m’interpelle pendant ma dernière séance de brossage de dents. Ma première réflexion est géographique : encore un truc arrivé, avec des centaines de milliers de ses copains, dans un container qui vient de faire une bonne dizaine de milliers de kilomètres à travers l’Océan. Phénomène trop commun malheureusement, même si on essaie de le combattre en achetant le plus local possible. Encore faut-il que ce produit, comme des milliers d’autres, soit toujours fabriqué à une distance raisonnable. Pas forcément les moyens de le remplacer par un confrère de production artisanale réalisée en laiton bio dans les Cévennes… Je veux bien essayer avec des tiges de bambou, mais pour fabriquer un aspirateur, ce sera plus dur.

 Une seconde réflexion vient bousculer la première. Cet objet, bien fabriqué, apparemment résistant, coûte une dizaine d’euro sans doute. J’essaie d’imaginer le processus de fabrication qui permet de le produire en série avec un coût de l’ordre de un euro ou moins, compte tenu de la marge des intermédiaires qui se succèdent dans son circuit de commercialisation. Sur le dessus, il y a une grille fine avec des tiges soudées. Il est évident que la soudure n’est pas réalisée, point par point, à la main, par un ouvrier aussi qualifié que patient. Mais alors, comment est-ce fait ? J’avoue que je n’en sais rien. De la même façon, je ne sais absolument rien au sujet de la fabrication d’un millier ou plus d’objets, petits ou grands, qui m’environnent. Je réalise que cet état de fait, lié au processus d’industrialisation qui s’est mis en place depuis un siècle et demi et qui a permis la surconsommation de masse, est devenu commun, et qu’il est, d’une certaine manière, totalement aliénant. Lorsque l’on ne sait pas comment un objet est fabriqué, il est d’autant plus difficile de le réparer. Donc tout le processus de circulation de la marchandise nous échappe, et ce n’est pas le concept de recyclage que l’on met en place actuellement qui peut compenser notre manque total de savoirs dans ce domaine.

 Un petit voyage dans le temps – deux siècles en arrière par exemple – permet de réfléchir un peu plus à cette problématique. J’avoue que, à ce stade, j’ai posé ma brosse à dents (avant même de me questionner sur la manière dont cet objet quotidien est assemblé) et quitté la salle de bains… Dans nos campagnes et dans nos cités, il y a deux cents ans, tous les objets utilisés par la ménagère, l’artisan ou le cultivateur, sont fabriqués de manière assez simple, dans un environnement proche. Certes il y a des échanges entre les provinces et les états, mais les objets qui circulent sont des objets que l’on sait fabriquer sur place. Ce sont des raisons économiques qui sont à la base de ces échanges, ou bien la volonté de certains commerçants de s’enrichir plus rapidement. Des outils en acier peuvent provenir d’une région produisant de l’acier et voyager sous forme de produits finis, parce qu’ils sont transformés sur place par des artisans plus ou moins spécialisés et compétents. Mais ceci n’est pas la règle générale. Le plus proche est généralement le moins onéreux. Le fabricant est installé dans le même village, dans le même quartier ou en tout cas dans la même ville. On a accès à son atelier et l’on peut voir comment il travaille. Le spectacle du forgeron martelant le métal incandescent à sa guise pour en tirer des formes plus ou moins complexes est un spectacle courant et l’on n’a pas besoin de s’acquitter du droit d’entrée à un parc d’attraction thématique pour admirer son savoir-faire. Cette fabrication métallurgique, à la pièce, disparait au XIXème siècle avec la généralisation des forges industrielles.

 De nos jours, la plupart des objets familiers sont produits de façon automatisée sur des sites industriels lointains et les occasions de s’informer sur la manière dont ils sont fabriqués sont rares. Si l’on connaît le moindre détail sur la vie des léopards des neiges, des scorpions ou des poissons clowns, on n’a guère l’occasion de voir des documentaires détaillés sur les productions industrielles. Il y a quelques années déjà, on a commencé à dénoncer l’absence de liens entre les consommateurs citadins et la nourriture qu’ils consommaient. Je me rappelle que l’on s’amusait ou que l’on s’alarmait de voir les enfants répondre que le lait venait d’une brique dans un supermarché, ou ne connaître qu’un nombre très limité de denrées, en particulier des légumes. Sorti des pommes de terre, des carottes et parfois des épinards, certains participants des « journées du goût » à l’école ignoraient totalement l’existence des artichauts, des blettes, des navets ou des betteraves, et n’acceptaient de goûter ces produits bizarres destinés aux Martiens qu’avec réticence. Cette tendance s’est peut-être un peu inversée, mais je n’en suis pas si sûr.

Nous voilà en tout cas victimes du même genre d’aliénation concernant les produits manufacturés, que ce soit dans le domaine de l’agroalimentaire ou celui plus général des industries chimiques, métallurgiques ou plastiques. Je ne souhaite pas revenir au temps du charron, du boisselier ou de l’étameur, mais je souhaiterais que l’on ait plus d’information sur les chaînes de fabrication et de montage des appareils ménagers par exemple, et que l’on soit informé aussi, par la même occasion, sur les conditions de travail délirantes des gens à qui nous déléguons la fabrication de tous ces objets qui assurent notre confort au quotidien.

 J’ai trouvé une bonne prolongation à cette réflexion dans les ouvrages de William Morris, philosophe anglais du début du XIXème (eh oui !), en particulier sur la confrontation du monde de l’artisanat et de celui de l’industrie. J’ai lu « l’âge de l’ersatz » de cet auteur, et je m’apprête à lire « L’art et l’artisanat ». Cette réflexion est prolongée un siècle plus tard, dans le petit ouvrage de Simone Weil « Allons-nous vers la révolution prolétarienne », dans lequel elle s’interroge sur le parallèle entre le passage du travail artisanal (plus ou moins industrialisé mais faisant appel à une main d’œuvre qualifiée) au travail à la chaîne, et la baisse de conscience révolutionnaire du prolétariat des années 30. Je me doute que nombre d’auteurs contemporains ont tenté ce genre d’analyse, mais j’aime parfois retrouver dans les ouvrages anciens, l’ébauche d’une analyse des problèmes dans lesquels nous sommes à présent plongés jusqu’à l’asphyxie.

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