17 novembre 2017

Comment je vois les choses…

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

Où il est question du monde, d’un anniversaire de blog et de bien d’autres sujets…

portail-blog Dix ans que je publie des chroniques sur ce blog, avec – trop peu souvent – l’aide de quelques proches ou amis. Il y a eu des hauts et des bas dans le rythme de publication. Une bonne dizaine de billets chaque mois dans les premières années : l’enthousiasme du début et surtout moins d’attention portée aux textes mis en ligne. Des billets d’humeur, des tranches de vie succinctes, de brefs textes historiques… Essayer d’aborder de multiples sujets qui me préoccupent mais sans me prendre la tête, du moins au début. Depuis je me suis « pris au jeu », et comme j’avais la chance d’avoir quelques lectrices et lecteurs fidèles, je suis devenu plus critique à l’égard de mes productions. C’est là aussi l’une de mes raisons pour interrompre la publication pendant quelques mois. Trop de textes commencés et abandonnés parce que jugés redondants, trop pédagogiques (au sens « pédant » du terme) ou tout simplement inutiles. Cette pause m’a permis de prendre du recul et d’essayer – je l’espère – de trouver un équilibre entre tous les courants opposés par lesquels j’étais traversé. Une constante cependant, je continue à exprimer mon intérêt et ma sympathie pour les idées libertaires et écologiques, mais je n’ai, par chance, nulle chapelle à défendre : je me méfie des discours exclusivement politiques, des slogans à l’emporte-pièce et autres vérités toutes prêtes qui témoignent trop souvent d’un manque d’attention à autrui. Ayant la chance (le tort diront certains) de n’être point « encarté » dans un quelconque courant et de me tenir à l’écart des discours électoraux comme de la peste, je ne me sens pas trop concerné par les règlements de comptes, les noms d’oiseaux qu’on lance dans toutes les directions, histoire de montrer que le courant d’idées que l’on défend lave plus blanc que blanc. Le corollaire de tout cela étant que l’on prend un malin plaisir à casser ceux dont les idées sont proches mais quelque peu divergentes.

clair-3 Voilà pour ma position, à la fois confortable et inconfortable. Il est indubitable que plus l’âge avance, plus j’appréhende les choses avec une certaine distance, n’étant plus guère motivé pour courir dans les champs ou dans les avenues avec les forces de l’ordre aux trousses (ce qui ne veut pas dire que je désapprouve ce genre de démonstrations). Mais tous ces beaux discours ne m’empêchent pas de constater qu’à première vue le monde va fort mal. Il n’y a pas besoin, pour cela, de passer des heures à écouter/visionner  le discours bon chic bon genre des médias zofficiels. Il suffit d’écouter, d’observer ce qui se passe autour de nous. Les idées les plus réactionnaires sont maintenant à nouveau bien implantées dans la tête d’une majorité de nos concitoyens. Ce qui fait que les politiques, de droite comme de gauche, peuvent se permettre de sortir n’importe quelle aberration. Il suffit de ne pas se trahir en oubliant d’enlever son nez de clown ou ses oreilles de lapin. Les responsables de l’indigence intellectuelle qui menace de nous submerger sont nombreux… Que la droite et plus encore l’extrême-droite tiennent ce genre de discours xénophobe, raciste et patriotard, est – dirais-je – « dans l’ordre des choses ». Que la gauche l’ait adopté pour tenter de rallier celles et ceux que l’on considérait comme des brebis égarées dans le champ du voisin en est une autre, beaucoup plus grave. En banalisant les discours hostiles à « l’étranger », nos politicards préoccupés surtout par la prolongation de leur mandat, lui ont ôté toute dimension morale. Il ne suffit pas de braire de temps à autre que notre pays est celui de la déclaration des droits de l’homme pour qu’il le reste !

camp-d-argeles-sur-mer-fevrier-1939_274666_516x343 Un voisin, pour lequel j’ai pas mal d’estime, m’a tenu récemment ce discours si souvent entendu selon lequel “on en ferait trop pour les réfugiés et pas assez pour « nos pauvres », ceci en partant du constat facile à établir que la situation économique de ceux qui sont en bas de l’échelle devient chaque jour un peu plus difficile”. S’occuper en premier lieu des « Français » en n’oubliant pas de trier le bon grain de l’ivraie, car, selon nos édiles, il y a quand même des chômeurs ou des allocataires du RSA qui vont se « bronzer aux Bahamas » au lieu de chercher du boulot. Quand on voit ce que la France fait en matière d’accueil de réfugiés, ce discours misérabiliste prêterait plutôt à rire dans un premier temps. Mais en fait il est trop lourd de sens pour être traité comme un simple bavardage de comptoir. Inutile – pour les tenants de ce genre de discours – de chercher des responsabilités économiques ou sociales à cette misère rampante, « de toute manière, le système on ne peut pas le changer ». Beaucoup plus simple de se servir des clichés diffusés à la fois par la clique politique et celle des journalistes « aux ordres ». Il est malheureusement inutile d’opposer une quelconque réfutation argumentée et logique à ce genre de propos puisqu’il s’agit d’un « credo » et non d’une opinion construite. Il est absolument navrant que ce discours bidon, servi depuis des décennies, lors de l’arrivée des travailleurs polonais, italiens, espagnols, portugais, arabes… fonctionne toujours aussi bien. Une preuve, parmi d’autres, que « l’école républicaine » dont j’ai été l’un des fidèles serviteurs n’a pas accompli l’une de ses tâches éducatives primordiales qui est le développement de l’esprit critique plutôt que l’apprentissage de la servilité.

policiers et refugies Ce discours tenu par une personne plutôt sympathique, généreuse et accueillante, qui ne ferait – comme on dit – pas de mal à une mouche, sort maintenant de la bouche de millions de « braves gens » partout dans le monde. La xénophobie s’étale sur la place publique et fait aussi l’affaire des gouvernements néo-libéraux qui se prétendent « démocratiques ». Certains de leurs ministres poussent des cris d’orfraie contre ces manifestations populistes (j’ai horreur de ce dernier mot qui fait partie de la langue de bois du discours politique) de plus en plus nombreuses et de plus en plus « vulgaires ». Le summum de l’hypocrisie est atteint lorsque ces braves technocrates vous expliquent qu’il faut bien prendre des mesures pour limiter l’accueil des réfugiés, pour empêcher que d’autres (les méchants) ne prennent le pouvoir et ne fassent encore pire. Pendant que le citoyen lambda se préoccupe de sa survie économique, le gouvernement intègre les dispositions de l’état d’urgence dans la loi ordinaire, sans que personne ou presque ne se pose de question sur ce genre de pratique. Nul doute que tous ces « responsables de notre sécurité » ne soient fascinés par les systèmes de caméras avec reconnaissance faciale qu’installent les dirigeants chinois dans toutes les villes de leur pays. Chez eux, le profilage a une dimension policière qui domine ; pour l’heur, chez nous, ce sont surtout les banques de données de nos vendeurs de bazar qui souhaitent cerner le moindre de nos désirs. Cela fonctionne cahin-caha, mais faisons confiance à nos vaillants techniciens pour améliorer les dispositifs année après année.

290px-Limenitis_archippus_Cramer Ce que l’on vérifie aussi dans notre quotidien c’est la justesse du point de vue des organisations écologiques internationales qui s’alarment au sujet de la disparition des insectes et des oiseaux. Nous avons eu la chance, cette année, d’avoir deux couvées successives de deux couples d’hirondelle. Celles-ci avaient complètement disparu de notre ciel, il y a quelques années. Leur retour est un point positif. Ce qui l’est moins c’est que tous les oisillons des deuxièmes couvées sont morts. Nous les avons retrouvés au sol, sous le nid, quelques jours avant la date où ils auraient dû s’envoler. Les symptômes ne laissent guère de doute : ils ont sans doute été empoisonnés par les insectes rapportés par leurs parents. Il faut dire que la campagne environnante bénéficie de quelques belles aspersions lorsque les premiers parasites apparaissent avec les chaleurs… Le problème ne se limite donc pas au glyphosate. Il ne faut pas oublier non plus les néocortinoïdes encore utilisés, ainsi que divers fongicides employés en traitement sur les semences… Seules les espèces accoutumées à vivre aux basques de nos comportements tarés se développent : les rats, par exemple, dont les chasseurs anéantissent progressivement tous les prédateurs dans la chaîne alimentaire…

Au jardin, les papillons se font de plus en plus rares. Il y a quelques années, après un trajet en voiture un peu long, il fallait régulièrement nettoyer les parebrises pour en enlever les débris d’insectes. Ce n’est plus le cas. Même remarque pour ce que l’on peut voir dans la lumière des phares, la nuit. Les petites créatures volantes se font rares. La réponse technocratique à tout cela ? Des recherches en génie biologique pour mettre au point des semences de plantes qui n’auront plus besoin d’être fertilisées par les abeilles et autres pollinisateurs. Quand les humains deviendront stériles à cause des perturbateurs endocriniens, les fabricants d’éprouvettes pourront rallonger leurs chaines de fabrication. Il suffira juste aux théologiens de nous faire un discours d’accompagnement pour cela en nous précisant que leur « créateur » ne voit pas plus d’obstacle à cette évolution qu’il n’en a vu à la mise au point de l’arme atomique.

DMFrpFRX0AAI1g3 Alors on se suicide tout de suite, ou l’on empile des boîtes de conserve dans un abri souterrain en attendant l’apocalypse ? Certes non ! Comme me le fait remarquer ma compagne, inutile de perdre son temps, son moral et son énergie à faire une fixation sur les malversations des crétins qui nous gouvernent. Mieux vaut prêter attention aux multiples initiatives qui vont à contre courant de l’abrutissement général, et là, on s’aperçoit qu’elles ne manquent pas : des nouvelles entreprises autogérées aux Zones à Défendre et à leurs projets somptueux, des jeunes qui font un solide retour à la terre, axé sur l’agroécologie ou la permaculture, aux multiples réseaux sociaux qui se construisent dans tous les domaines. Grâce à ces derniers, entre autres, les gens peuvent enfin apprendre à construire leur autonomie et à avoir un regard critique sur les projets inutiles qui leurs sont imposés et corriger ainsi les graves lacunes d’une éducation qui ne leur a appris que soumission et intégration au système. Certaines initiatives peuvent paraître bien pusillanimes mais leur accumulation finira par créer un courant fort pour contrarier les menées des tenants du libéralisme économique tous azimuts. Je ne crois pas qu’il faille opposer la « stratégie du colibri » et celle du « Sanglier », comme le fait Alexandre Pignocchi dans un article publié sur le site écologiste radical « Le Partage ». Les deux sont complémentaires, et je ne crois pas que l’on puisse qualifier « d’idiots utiles » celles et ceux qui s’échinent à monter des circuits courts de distribution alimentaire ou à gérer leur usine, seul·e·s, sans patrons et sans contremaîtres. Il suffit que les actions entreprises par ces dernier·e·s soient soutenues par une vision à long terme de leur projet et qu’ils·elles prennent soin de les insérer dans une perspective globale pour en faire toute autre chose que du réformisme stérile. Cela ne me dérange absolument pas de m’intéresser tout autant à ce qui se passe dans le Rojava, au Nord de la Syrie, qu’aux initiatives du mouvement paysan Navdania en Inde. Quand on dit « s’intéresser » cela ne signifie pas non plus abandonner tout regard critique, bien entendu.

Toujours amoureux de « musiques du monde » je vous écris ce billet en écoutant le dernier CD du groupe polonais « Laboratorium pieśni « , un groupe vocal féminin aux sonorités aussi harmonieuses qu’originales. Bien que je me sois régalé avec le bouquin de Gougaud « Kalamaya, Churla chamane Bolivienne », je ne suis pas très branché « chamanisme », mais j’aime les musiques aux sons très purs de ce groupe. Quand je fatigue, je passe à du Blues et à un peu de Country. Rhiannon Gidens, Chocolate Drop et Orange Mandolin, je suis fan aussi !

Musique, jardin, lecture, marche à pied… sans oublier quelques coups de gueule salutaires, voilà comment je vois les choses à l’orée de l’hiver. Portez-vous bien !

PS – Les illustrations de cette chronique. 1 – photo maison ; 2 – merci Patrick Mignard, alias « la Belette » – 3 – archive prise sur le site « opinion internationale » ; 4 – empruntée au site « Levif.be ; 5 – Wikimedia ; 6 – Philippe PENEAU @PeneauP.

6 Comments so far...

Patrick MIGNARD Says:

17 novembre 2017 at 13:27.

J’ai lu ton billet en écoutant Mozart,… c’est pas mal non plus ! ! ! Je souscris à tous les mots ! Content de te retrouver ! ! ! !

Rémi Begouen Says:

17 novembre 2017 at 14:37.

J’aime et Mozart et le blues… j’aime les deux volets du critique Patrick Mignard et du dessinateur « La belette », et j’ai bien aimé la plupart des articles de Paul… jusque là.
Cette fois, je suis très déçu. Je n’ai lu qu’une longue « dissertation » écrite au fil de la plume, très fastidieuse de facilité et surtout de complaisance : un « bilan » qui peut être utile à l’auteur mais pas au lecteur lambda. Moi, lambda, je ne vois pas l’intérêt de ce tranquille déballage public de tes états d’âme, alors que le monde s’écroule autour de nous : le pourquoi de la mort de tes petites hirondelles est la seule information importante de ton billet…

Paul Says:

17 novembre 2017 at 15:34.

Salut Rémi,
Bon je te trouve un peu dur ce coup là mais je n’attends aucune complaisance de ta part. J’aime autant que tu me dises les choses comme tu les ressens. A d’autres je n’aurais peut-être pas répondu, mais à toi si… T’ayant lu à plusieurs reprises et avec plaisir, je connais la qualité et surtout la rigueur de tes analyses ; désolé pour ce qui te parait être de l’amateurisme complaisant. Content quand même que l’histoire toute véridique des hirondelles ait eu du sens pour toi. Mais ton commentaire ne m’amènera pas à une auto critique. Ce que j’ai écrit a du sens pour moi et peut-être pour d’autres. A chacun sa perception des choses. « Le monde s’écroule autour de nous », tout à fait d’accord, mais si on se limite à cet aspect des choses, on ne va faire que hâter une chute dont on a aucune espérance à tirer.
J’espère que d’autres chroniques à venir te permettront d’avoir un regard moins sévère sur le blog.

Michel B. Says:

17 novembre 2017 at 18:20.

Pour ce qui me concerne, comme le confiait Bruce Willis dans « L’armée des douze singes » : « j’adore la musique du vingtième siècle ! » Pour le reste, triste pour les hirondelles, inquiet pour l’ensemble de la faune, anxieux au vu de la marche du monde, persuadé que nous vivons les prémices de la sixième extinction, mais bien content d’avoir retrouvé votre plume intacte et de constater que prospèrent ailleurs qu’alentour les circuits courts. Merci pour ce monument d’anniversaire…

Patrick MIGNARD Says:

18 novembre 2017 at 09:27.

Rémi ! De temps en temps il est bon de faire le point,… et pour quelqu’un d’engagé, faire le point a, non seulement, un sens pour lui même, mais du moins je l’espère, aussi pour les autres…
Que dirais-tu alors de mon billet paru il y a quelque temps sur mon site !
http://fedetlib.overblog.com/2017/07/je-suis-un-vieux-con.html

Rémi Begouen Says:

23 novembre 2017 at 14:27.

Patrick, J’ai été lire ton billet, que je salue ici bien bas… j’ai même tenté de te laisser un commentaire dans ce sens mais, va savoir pourquoi, le « captcha » n’a pas voulu m’ouvrir la porte…
Je le fais donc ici et j’en profite pour indiquer à Paul mon regret de l’avoir un peu rudoyé : je reconnais, suite à sa réaction et à la tienne, Patrick, ma maladresse…

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