25 novembre 2018
Plusieurs nuances de jaune…
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Luttes actuelles .
La palette des jaunes est extrêmement variée, du jaune « citron » au jaune verdâtre « caca d’oie », en passant par les nuances « poussin » ou « soleil ». Bien que les gilets jaunes que l’on croise au détour des routes et que l’on nous montre sans répit à la télévision portent tous un emblème de couleur identique, la réalité me parait bien différente. L’habit de fait pas le moine. Se sont retrouvés, dans le même aquarium, des poissons d’origines bien différentes dont le seul point commun me paraît être le fait qu’ils vivent dans l’eau. Couleur du soleil rayonnant, le jaune est une couleur chaleureuse qui m’est sympathique. Le jaune caca d’oie et ses relents nauséabonds me le sont nettement moins. Bref, porter un gilet jaune ne suffit pas à transformer un gros con raciste en poussin sympathique. En fait, le choix de la couleur n’est peut-être pas très heureux. Dans le milieu ouvrier syndiqué, le fait d’être « jaune » n’a jamais été très bien perçu ! Mais bon, il faut comprendre aussi, ce n’est pas facile et l’idée de génie a été de choisir comme symbole de révolte un accessoire que tout bon automobiliste se doit – au regard de la loi – d’avoir dans son véhicule. Le rouge, le vert, le noir, l’orange… étaient déjà pris. Perso, j’aime bien le violet, mais il en est des couleurs comme des parfums, ça ne se discute pas.
Donc voici Mr Jacquerie, supporter de la Marine aux blonds cheveux, qui se retrouve sur un barrage avec la gentille Nadine, plutôt insoumise sur les bords, mais pas trop franchouillarde. Son drapeau à elle serait plus noir & rouge que tricolore. Un seul barrage, mais des conceptions et des idées bien différentes. Au début, l’ambiance est sympa ; ce qui a branché Nadine c’est le côté autogéré du mouvement et la dimension sociale des revendications ; mais quand Mr Hubert Jacquerie, secondé par son pote, Marcel Poujade, commence à charrier les gonzesses, à insulter les basanés, à vouloir casser la gueule aux pédés, et se croit investi de la mission nationale de traquer les immigrés, la gentille Nadine se demande sur quel canot d’abordage elle a pris place. Il ne lui reste plus qu’une ou deux solutions : mettre une pince sur son nez à cause de l’odeur de fiente ou chercher dans un autre coin de la manif s’il n’y aurait pas une poignée de résistants dont le gilet tirerait plus sur la nuance « poussin » que sur la déjection d’oie diarrhéique.
Se pose alors le rude problème de continuer (ou pas) à soutenir une lutte qui part dans toutes les directions (y compris la bonne) et le choix est plutôt cornélien. Difficile de ne pas entendre le ras-le-bol de gens qui sont en fin de mois une semaine après l’arrivée de leur salaire ou de leurs allocations ; difficilement admissible de jouer les fines gueules en se justifiant par le fait que manifester pour la sainte bagnole ça n’a rien de vraiment écolo. Pas vraiment enthousiasmant de joindre sa voix à des gens qui sont convaincus qu’au delà de ce gouvernement de « pourris », ce seraient les personnes migrantes, les juifs, les arabes ou les homosexuels qui sont responsables de la misère généralisée d’une partie de plus en plus importante de la population. Ces cons-là ne veulent que profiter du désordre ambiant pour propager sereinement leurs idées débiles et nuisibles. Je sais aussi que l’on ne peut pas passer des semaines à analyser, débattre, contredire… sans se mouiller, et laisser des compagnes et des compagnons qui ont été attirés par le côté lutte autogérée se faire mépriser et casser la gueule par le côté obscur de la force qui nous gouverne. Je dois vieillir… En tout cas, je me rappelle que dans les années 70 certains copains étaient tout feu tout flamme (dans tous les sens du terme) pour défendre les affidés du CID-UNATI victimes du rouleau compresseur capitaliste. La majorité de ces braves gens n’étaient pas vraiment des socialos bon teint.
Cela montre que le questionnement n’est pas nouveau et s’est déjà manifesté lors de plusieurs autres soulèvements populaires lancés par des appels sur les réseaux sociaux. Ces jours-ci, on vient de commémorer la longue lutte des manifestants de la place Maidan, en Ukraine, pour se débarrasser d’un pouvoir corrompu jusqu’à la moelle. Certains analystes faisaient remarquer à l’époque que l’on retrouvait, côte à côte dans la mêlée, d’authentiques militants révolutionnaires soucieux de voir leur pays prendre de nouvelles orientations, et de bons gros fachos nationalistes nostalgiques du bon vieux temps des croix gammées. Tout un programme pour l’avenir. L’extrême droite n’hésite pas à reprendre certains termes de la Gauche révolutionnaire. La dernière fois que j’ai cherché les paroles de l’hymne de la CNT espagnole « A las barricadas », je les ai trouvées sur un site facho hongrois. Encore une fois… je dois vieillir mais je préfère rester sur le bord du chemin.
J’emprunte ma conclusion à une chronique du blog « actu du Noir » : « « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » est très bien placé. L’ennemi de mon ennemi peut très bien être un sale con…» A lire aussi l’excellent texte de l’écrivain Jérôme Leroy. Bon début de semaine, n’oubliez pas de vous habiller chaudement.
3 Comments so far...
Lavande Says:
29 novembre 2018 at 20:38.
Un indégivrable sur le sujet
lediazec Says:
2 décembre 2018 at 17:11.
Le bonjour Paul. Me voici de retour après une longue interruption. Plaisir de retrouver les fondamentaux. Tout est dans le paradoxe et tes nuances de jaune n’en manquent pas.
Paul Says:
2 décembre 2018 at 17:23.
Content de te retrouver ; j’espère que tu es en forme. Il est certain que la situation devient de plus en plus instable… L’orientation prise par le mouvement des GJ dans certains secteurs plus intéressantes aussi… L’occasion à saisir aussi pour empêcher une dérive extrème-droitière : va-t-on retrouver une certaine « communion » entre les aspirations populaires et les idées militantes de la vraie gauche ?