5 janvier 2008

Va pour un salon de jardin en Teck puisqu’on te dit que c’est écolo mon gars…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

fsc.jpg On reparle encore du bois. Décidément c’est un peu obsessionnel mais bon… Je me pose de sérieuses questions quant à la validité du fameux label FSC dans certains pays. Ce label garantit au consommateur qu’il utilise des bois provenant de forêts exploitées de façon « durable » : bois issu de plantations et non de forêts primaires par exemple. Ce label fait référence au concept de « gestion de forêt durable » défini par l’Union européenne lors de la conférence d’Helsinki en 1993. Je cite : il s’agit de « la gestion et de l’utilisation des terrains boisés, d’une manière et d’une intensité telles qu’elles maintiennent leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur capacité à satisfaire, actuellement et pour le futur, les fonctions écologiques, économiques, sociales pertinentes, au niveau local, national et international, et qu’elles ne causent pas préjudice à d’autres écosystèmes. »
Les principes de la gestion forestière FSC sont les suivants :

respecter les lois et traités internationaux en vigueur ;
droits de propriété clairement définis ;
reconnaître et respecter les droits légaux et coutumiers de populations autochtones ;
préserver le bien être des populations locales ;
utilisation rationnelle des produits et services forestiers ;
conservation de la diversité biologique et des ressources en eau et des écosystèmes fragiles ;
réaliser un plan d’aménagement ;
procéder à un suivi et évaluation des incidences des activités ;
maintenir les forêts primaires ;
les plantations complètent mais ne remplacent pas les forêts naturelles.

C’est beau, non ? En tout cas sur le papier. Mais sur le terrain, la situation est quelque peu différente. Je ne doute pas de la capacité de pays comme la Suisse ou la Suède à effectuer un contrôle relativement rigoureux sur la manière dont est géré leur patrimoine forestier. Permettez-moi d’être un peu plus sceptique lorsqu’il s’agit d’arbres provenant des forêts d’Indonésie (comme le teck), du Vietnam ou de la Birmanie. Quand on connaît le niveau de corruption qui règne dans ces états, on peut se demander, très raisonnablement, quelles sont les chances qu’ont les experts « indépendants » d’effectuer un travail vraiment sérieux sur le terrain. Bien souvent, les sociétés forestières qui ont obtenu le label ont été coupables des pires exactions en matière écologique et humaine ces dernières décennies et j’ai de sérieux doutes quant à leur soudaine conversion à des principes hautement moraux ! Je pense même que je ne croirai carrément pas à la validité de cette labellisation dans les pays en voie de développement s’il ne bénéficiait pas du soutien d’organisations comme le WWF ou Greenpeace.

J’ai bien peur que la bonne conscience que l’on se donne en achetant des salons de jardin « en teck labellisé FSC » ne repose sur pas grand chose de tangible. Je ne veux pas dire par là qu’il faut se moquer de ce label et acheter n’importe quel bois exotique non certifié. Là, on est certain de participer à la destruction systématique des forêts tropicales et équatoriales. Je pense qu’il vaut mieux, par principe de précaution, s’abstenir, quand c’est possible, d’acheter des meubles réalisés avec des essences de bois provenant de pays comme l’Indonésie, la Birmanie, le Vietnam, d’autant que leur fabrication a généralement été réalisée en Chine ou en Corée, par exemple, dans des conditions de travail plus que douteuses. Il existe d’excellents substituts au teck (et autres bois exotiques aux noms bizarres) dans nos forêts tempérées : le douglas, le robinier, le mélèze, le châtaignier sont d’excellents bois pour les constructions extérieures. Ils ont sans aucun doute, une valeur supérieure à la plupart des bois exotiques commercialisés en grande surface, de piètre qualité car exploités trop jeunes… En ce qui concerne le teck, seuls les vieux arbres (eh oui que voulez-vous !) fournissent un bois de très haute résistance. Et les vieux arbres ne peuvent pas provenir, pour l’instant, de forêts de plantation.

deforestation.jpg En achetant des bois locaux, vous aurez le plaisir de voir travailler, à côté de chez vous, les sociétés d’exploitation forestière. Vous pourrez ainsi avoir une petite idée de la façon dont on traite les forêts d’ailleurs : pour exploiter une dizaine de belles perches de châtaignier, on n’hésite pas à écraser une cinquantaine d’autres arbres, « sans intérêt immédiat », à grand coup de tracteurs débardeurs. On abat en toute saison, par tous les temps, en laissant parfois des chemins ravagés par des ornières d’un mètre de profondeur. Les techniciens de l’ONF ne sont pas toujours présents pour surveiller le travail, surtout lorsque les parcelles forestières appartiennent à des propriétaires privés plus intéressés par le montant du chèque encaissé que par un réel état des lieux.
On est obligé, m’a expliqué un bûcheron, d’avoir un « minimum de rendement » et on ne peut pas « faire dans le détail ». En observant de près ce travail dans le massif boisé où vous aimez faire de longues randonnées, peut-être vous direz-vous qu’il n’est pas forcément nécessaire de changer de salon de jardin tous les trois ans, et qu’il est possible de faire durer le bois longtemps, à condition de l’entretenir régulièrement. Allez faire un tour sur le site de la société Ambiance Bois. C’est une société qui a une approche très intéressante de la filière. Implantée en Limousin, sur le plateau de Millevaches, Ambiance Bois n’utilise que des bois locaux, et assure la gestion complète de sa production, du sciage à la commercialisation. Vous pouvez vous rendre sur place. Il n’y a pas besoin d’expertise ni de certification : le travail est propre, de bonne qualité et effectué non seulement dans le respect de la forêt mais aussi dans celui des conditions de travail du personnel (on peut lire à ce sujet « Scions… travaillait autrement, ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré », de Serge Latouche aux éditions Repas). Vous noterez que le label FSC est bien discret sur le sujet des conditions de travail, comme le sont une bonne partie des certifications « bio » par exemple. Mais ceci est encore une autre histoire !

Pour conclure cette chronique, je vous signale, à titre d’information, qu’il existe un autre label de certification pour les bois, le label PEFC. Celui-ci (largement utilisé au Canada) me paraît encore moins sérieux que le label FSC, quand il est appliqué dans les pays en voie de développement. Il ne repose en effet que sur une déclaration d’intention de celui qui y souscrit, alors que le label FSC suppose au moins l’examen préalable par des experts, d’une démarche de gestion durable déjà engagée. Cette « souplesse » explique qu’il y ait le double de superficie exploitée avec le label PEFC : 123 millions d’hectare certifiés PEFC contre 54 millions certifiés FSC. La moitié des forêts de l’Union européenne sont maintenant « contrôlées » soit par un label soit par l’autre.

La carte figurant à la fin de cette chronique provient de Greenpeace. Deux infos sont importantes à connaître pour en compléter la lecture : seulement 10% des terres émergées sont encore des forêts « intactes » à l’heure actuelle. 25% du capital forestier a été détruit dans les trente dernières années.

monde-forets-2006_b.jpg

4 Comments so far...

fred Says:

7 janvier 2008 at 13:53.

Encore merci pour les informations que tu donnes à propos du bois !
C’est un plaisir de découvrir des noms d’arbres aussi improbables que le douglas !
D’ailleurs, à quoi ça ressemble un Douglas ? à un qwark ?
tu ne finiras jamais de m’étonner !

Grhum Says:

7 janvier 2008 at 22:16.

Super intéressant !
J’ai appris il y a quelque temps que Madagascar avait détruit 80% de sa forêt primaire ! Enfin il semblerait que les Malgaches commencent à prendre conscience du problème et semblent prendre des mesures pour préserver le reste… Enfin tout celà n’est pas très réjouissant.
Ce qui me conforte dans mon idée que les trois plus abominables inventions du XXe siècle sont : 1) La bombe atomique 2) La tronçonneuse 3) La guitare électrique
Je vais pas tarder à voter une subvention pour le reboisement du Charbinat, tienss

Ta femme Says:

8 janvier 2008 at 20:50.

Hey Fred ! Un douglas, c’est un bête sapin.
Quand tu passeras nous voir, rappelle-toi de qu’il te faut faire connaissance avec l’araucaria araucana, ou « désespoir des singes ». Quand je ferme la main avec mille précautions sur lui, ça passe encore. En réalité, on peut difficilement le toucher sans se faire violemment agresser par des épines longues, fines, pointues, prolongement d’un triangle fibreux costaud. Ces présences agressives (ou défensives…???) couvrent totalement l’arbre, dont le surnom est amplement justifié. Mais comme c’est beau, un araucaria araucana !

fred Says:

10 janvier 2008 at 08:24.

un araucaria araucana ? le « desespoir des singes » ?
Merci d’être velu alors !
Mais bon.. je le note ! Je ne manquerais pas de me recueillir auprès de lui lors de ma prochaine invasion (de type nuage de sauterelles). Brrrr ! ça fait peur !

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