22 février 2009

Petits plaisirs montréalais

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Carnets de voyage .

img_8872 Samedi pépère, partagé entre une jolie balade dans les quartiers rupins et anglophones au pied du mont (quartier Westmount) et une virée sur le vieux port pour le festival « Montréal en lumières ». Je sens que cette chronique va être tranquillette elle aussi… J’écris d’une oreille distraite parce que j’ai dans les doigts le dernier CD des « Cowboys Fringants », mon groupe québecois préféré. Je préfère ce disque à l’avant-dernier : il est plus dans la lignée des premiers enregistrements qui m’avaient fait apprécier le groupe. Les musiques sont ringardes à souhait et les textes marrants et plus incisifs. Mes yeux vont et viennent de l’écran à la fenêtre, ce qui me permet, entre deux fautes de frappe, de mesurer l’élévation progressive de la couche de neige. Celle-ci recouvre peu à peu la rue en masquant tous les petits défauts qui empêchent d’apprécier un paysage urbain : poubelles renversées ou détritus traînant sur la chaussée. Dans la rue où nous logeons, beaucoup de bâtiments sont construits en briques rouges et la couverture blanche fait particulièrement ressortir les façades. Peu de véhicules circulent en ce dimanche matin : la météo et le farniente dominical expliquent le calme qui règne un peu partout, sauf sur les grandes artères, mais nous en sommes loin. Sur la chaussée enneigée, tous les bruits sont estompés. Pour vous aider à mieux saisir l’état d’esprit dans lequel je me trouve, je vous dirais bien que l’ambiance me rappelle une très belle poésie ; le problème c’est que je ne sais plus laquelle ; je n’ai que des sonorités et des images dans la tête.

img_8901 Hier, tôt dans l’après-midi, nous avons donc pris nos cliques, nos claques, nos manteaux et nos chaussures et nous sommes partis en maraude dans le quartier. Nos pas (guidés par le grand Maître des lieux) nous ont d’abord conduits vers une jolie place au cœur du quartier Saint Henri. Des arbres magnifiques et plutôt anciens bordent l’espace blanc (j’aurais du mal à dire espace vert). Je me suis creusé la tête un moment pour essayer de les identifier, mais mes connaissances restreintes en botanique m’ont juste permis de déterminer à quelle espèce ils n’appartenaient pas. Soyez indulgents ! Identifier des arbres seulement à l’aide de leur silhouette et des nuances de leur écorce ce n’est pas donné à un apprenti boiseux ! Le quartier Saint Henri est un quartier populaire de Montréal. Autrefois, c’était un ghetto de misère, l’un des lieux où Gabrielle Roy a situé ses romans les plus connus. Certaines rues sont plutôt pimpantes, mais l’on s’aperçoit, quand on arrive à Westmount, après avoir franchi la rue Sherbrooke, que deux mondes très différents peuvent se côtoyer mais certainement pas s’interpénétrer ! Le quartier anglophone riche se dresse sur le flanc Ouest du Mont Royal. Les rues sont bordées de maisons cossues de styles très divers, mais avec une dominante très « british » ; on se croirait par moment dans les quartiers résidentiels de Londres. Certains édifices rivalisent de kitch et de mauvais goûts : entrées ornées de colonnades romaines, armoiries en toc ou sculptures ridicules : les riches préfèrent visiblement les chérubins et les naïades aux nains de jardin, mais le résultat est le même !

img_8900 Au cœur du quartier se trouve un joli parc avec une bibliothèque somptueuse dans laquelle nous rentrons, non pour nous cultiver, mais simplement pour le plaisir d’admirer les planchers, les lambris muraux et les salles de lecture confortables. Là aussi, on se croirait dans les salons d’un « club » londonien. Le plus sympa c’est la grande serre chauffée, dans la partie centrale du bâtiment. On peut emprunter un livre puis s’installer confortablement pour lire dans un lieu très lumineux, au milieu des plantes vertes de toutes sortes… Un figuier bourgeonne et porte ses premiers fruits ; il fait moins dix dehors… Ça me laisse songeur, et ça me fait penser qu’on aurait dû, quand même, aller rendre notre visite coutumière au jardin botanique de Montréal. Après tout, là aussi il y a de gigantesques serres et rien empêche de se promener dans l’arboretum qui est l’un des plus beaux que nous connaissions. Notre programme ne nous en laissera peut-être pas le temps car la piste d’envol de l’aéroport n’est plus très éloignée. Ce qui est sympathique dans les serres de la bibliothèque de Westmount c’est leur emplacement et l’impression d’intimité qu’elles dégagent. Associer les livres et les plantes c’est vraiment une idée pleine de charme, surtout dans un équipement collectif. Un peu plus haut sur le côteau, une autre maison possède une vaste serre vitrée, mais les espaces privés et confisqués m’irritent plus qu’ils ne me fascinent. Je supporte le luxe lorsque la collectivité en profite ; je l’exècre lorsqu’il n’est qu’un objet de placement égoïste. Nous arpentons quelques jolies ruelles bordées de maisons normandes, bretonnes ou orientales. Nous entrons dans une très belle librairie, rue Green : sur les rayonnages, les livres sont presque tous exposés côte à côte et montrent leurs couvertures bariolées plutôt que leurs tranches austères. La fée qui veille au remplissage de mes valises me conseille de savourer le spectacle avec mes yeux plutôt qu’avec ma carte bancaire. Je suis grandement aidé aussi par le fait qu’il s’agit d’une librairie anglophone.

img_8911 Quelques heures plus tard, après une pause roborative et un saut de puce en métro, nous nous retrouvons dans le vieux Montréal, sur les quais du vieux port plus exactement. C’est la troisième soirée du festival « Montréal en Lumières », prolongement pour nos yeux émerveillés du « carnaval de Québec ». Si l’hiver est long dans la Belle Province, on ne s’y ennuie pas et les animations sont nombreuses (au moins en ville !). D’immenses affiches placardées un peu partout sont là pour rappeler le rôle central des sponsors, de la Banque de Montréal à Hydro Québec, en passant par Axa. Cracheurs et jongleurs de feu, équilibristes, musiciens, personnages costumés sont là pour animer la fête. Une foule bon enfant se presse dans les coins et les recoins. Lorsqu’un spectacle commence dans un secteur donné, il suffit de se laisser entrainer par le mouvement collectif, d’ouvrir les yeux et les oreilles tout en veillant à ne pas déraper sur les trottoirs glacés. L’une des premières remarques que je me fais, mauvais esprit s’il en est, c’est que c’est amusant, surtout après les événements financiers de la fin d’année 2008, de voir une grande banque sponsoriser un feu d’artifice. Je ne peux m’empêcher d’imaginer que chacune des petites étoiles dans le ciel est un billet de cent piastres, généreusement fourni par le contribuable canadien, qui se consume et disparaît en fumée… En tout cas, je ne sais pas si j’assiste là aux fastes d’une civilisation déclinante, mais je ne me lasse pas du spectacle. C’est encore une fois mon côté hobbit qui prend le dessus : j’adore les pluies d’étoiles multicolores dans le ciel surtout lorsque les étincelles retombent lentement avant de s’éteindre. Les seuls feux que je n’aime pas ce sont ceux qui sont bruyants. Je hais les musiques « boum-boum » déversées par les sonos pourries et hurlantes. Sur la scène principale se produit le groupe « Mauvais sort ». Ça se veut musique traditionnelle québécoise mais, malgré mon goût prononcé pour cet environnement musical là, je n’apprécie pas beaucoup. Je reconnais par contre que les musiciens font preuve d’un sacré dynamisme pour réchauffer l’ambiance et que, personnellement, je ne suis pas encore prêt à jouer du « diato » par moins dix degrés dehors. Je pense quand même qu’il n’y a pas besoin forcément de cracher des décibels par milliers pour enthousiasmer une foule… à moins que l’on veuille vraiment démontrer qu’Hydro Québec ne sait pas quoi faire de ses kilowatts !

img_9155 Après une autre animation son, lumière et danse, dont nous n’avons vu que la partie aérienne pour cause de spectateurs en grand nombre, nous avons pris le chemin du retour. Je serais injuste de ne consacrer qu’une ligne à cette dernière mise en scène qui était vraiment spectaculaire. De nombreux dispositifs originaux étaient mis en œuvre, de la grue à la flêche de laquelle étaient suspendu un vaste caré servant de support à des équilibristes, au sorcier façon « Ent » de la forêt, perché dans un nid tout au sommet de l’angle d’un immeuble. Pendant que les cracheurs de feu rivalisaient de souffle sur l’estrade, d’étranges acrobates sautaient par les fenêtres d’un immeuble, rebondissaient sur des trempolines et regagnaient leur logis par la même voie. Même le groupe de Français, placé derrière moi dans la multitude, semblait apprécier le spectacle.. Ce n’est pas peu dire quand on connaît le comportement plutôt grognon et un tantinet méprisant de nos concitoyens. Bref, nous sommes repartis fatigués mais contents comme l’on se doit de dire en de telles occasions. Trouver la plus proche station de métro, à la fin d’un spectacle, ce n’est pas très difficile : il suffit de se laisser « porter » par la foule et on arrive à destination.

Tiens, le CD que j’écoutais est fini… Je ne m’en suis pas aperçu car le fiston a pris le relais au piano. Qu’il est bon de se laisser porter par les notes de musique, sans autre souci immédiat que le petit creux qui se forme dans l’estomac. Sachez-le, je suis pleinement conscient de mon bonheur. Après avoir joué au « coureur de rues » toute une journée, je vous parlerai « coureur de bois » dans ma prochaine chronique. C’est un sujet tout aussi historique que passionnant. Good afternoon.

One Comment so far...

Pourquoi pas ? Says:

23 février 2009 at 22:43.

Toute petite correction d’ordre géographique : c’est plutôt l’autoroute 20 (en réalité 720 en centre ville et qui porte le doux nom de « Autoroute Ville-Marie ») qui sert de limite entre Westmount et St Henri. Rien de tel qu’une autoroute urbaine pour marquer la séparation entre deux quartiers.

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