2 mars 2009

« Monsanto d’or » : la prestigieuse décoration remise à l’AFSSA en 2009

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes .

Le salon de l’agriculture, même si notre petit timonier ne s’y intéresse guère, contrairement à son prédécesseur, est toujours un lieu où il se passe des choses passionnantes. La preuve, c’est que mon voisin y est allé et qu’il n’arrête pas d’en parler. Cette année, par exemple, s’y est déroulée la cérémonie de remise du « Monsanto d’or », un trophée remis à la personne ou à l’organisme le plus méritant pour ce qui est de la prolifération des OGM dans nos assiettes et de la défense des intérêts financiers de la multinationale Monsanto. En 2008 Greenpeace avait remis cette sublime récompense au sénateur UMP de la Manche, Jean Bizet. Ce digne politicien est un pourfendeur d’ennemis du progrès et un actif propagandiste du « bond en avant technologique que représente le Maïs BT ». Il ne voit aucun problème dans la propagation des gênes modifiées, considère comme inutile la protection des parcs naturels, ne voit pas pourquoi l’on devrait « sanctuariser » l’agriculture bio… Bref c’est un individu méritant qui a reçu la superbe récompense l’an dernier : un épis de maïs en plastique sur coussinet de velours pourpre. Le gagnant de cette année n’a pas démérité non plus et le choix dans la liste de candidats involontaires n’a pas été trop difficile.

monsanto-dor En 2009, c’est un organisme, l’AFSSA qui a été désigné. Pour ceux qui sont ignares en matière de sigles, l’AFSSA c’est l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, chargée de veiller sur la qualité de la nourriture que nous mettons dans nos assiettes. Certes, ses recommandations n’ont pas d’effet législatif direct, mais elles sont largement prises en compte par nos dirigeants avant d’autoriser une quelconque mise sur le marché ou un éventuel retrait (comme pour les tétines de biberon contenant du biosphénol). L’AFSSA vient de rendre un avis favorable sur le maïs transgénique de Monsanto; estimant que celui-ci ne présentait aucun danger pour le consommateur français. Le rapport, semble-t-il un peu précipité, a fait monter la moutarde au nez d’écologistes mal lunés, et notamment de l’ONG Greenpeace. Un groupe d’une cinquantaine de « faucheurs volontaires » s’est empressé de se rendre au salon de l’agriculture afin de remettre le prix à la chargée de communication de l’AFSSA . L’un de ces agités de l’instrument tranchant a tenu à préciser que le « jury » considérait que « l’AFSSA avait perdu toute indépendance et qu’elle était aux mains des lobbies et des semenciers ». L’heureuse bénéficiaire du trophée n’a pas tenu à faire de commentaire devant les journalistes présents. L’avis favorable de l’AFSSA tombe à point nommé : ces derniers temps la Commission Européenne fait le forcing pour que les quatre derniers pays qui s’opposent à l’introduction du maïs Monsanto MON810 (à savoir la France, la Grèce, l’Autriche et la Hongrie) lèvent leurs interdictions. Aujourd’hui, lundi 2 mars, doit avoir lieu une réunion pour statuer sur la position de deux de ces « vilains petits canards », l’Autriche et la Hongrie. Le cas de la France sera examiné un peu plus tard. Il faut dire que les pressions internationales et en particulier américaines sont considérables et qu’il va falloir pas mal d’énergie pour résister ! Si les ministres de l’environnement des Etats membres de l’UE votent majoritairement contre la position des quatre pays réfractaires, c’est une sacrée brèche qui sera ouverte dans la législation agricole et les semenciers ne vont pas manquer de s’y engouffrer. Une dizaine de pays jouent un rôle clé dans le vote qui va avoir lieu : il s’agit de l’Allemagne, la République Tchèque, la Roumanie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Estonie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Belgique. Greenpeace propose une pétition en ligne à adresser aux ambassades de ces différents pays afin que leurs ministres ne cèdent pas aux sirènes d’une petite poignée de multinationales de l’agrochimie, au détriment de la santé des consommateurs.

afssa Il faut cependant noter que ce n’est pas sur la base d’une quelconque toxicité que le gouvernement français a exercé son droit de retrait, mais sur les risques environnementaux que faisait courir la dissémination des gênes modifiés. Or l’AFSSA ne s’est pas prononcée à ce sujet, qui n’est d’ailleurs pas de son ressort. Il semblerait donc légitime que la position de la France ne change pas, et, si nos gouvernants ont encore une quelconque cohérence, l’orientation prise après le fameux « Grenelle de l’environnement » ne devrait pas évoluer pour l’instant. Je dirais même que les études les plus récentes qui ont été conclues devraient étayer la position française car elles témoignent non seulement de l’évidence mais également de l’aggravation des risques de dissémination. Au Mexique, l’un des berceaux de la culture traditionnelle du Maïs, on découvre actuellement que nombre de variétés anciennes ont déjà été altérées, et que les pollens du maïs se propagent à des distances largement supérieures à celles que prévoient les différentes normes de sécurité (quand il y en a). D’un autre côté, un revers de plus pour Monsanto serait fortement dommageable à l’image de marque de l’entreprise, et ses lobbyistes ne restent pas inactifs, loin de là. Certains élus français ont eu le courage de témoigner des pressions diverses dont ils faisaient l’objet. En matière de chantage, le groupe Monsanto a déjà eu de nombreuses occasions de prouver qu’il ne jouait pas dans la division « enfants de chœur » ! Ceux qui veulent être plus amplement informés sur le « système Monsanto » peuvent par exemple consulter cette page du site « Combat Monsanto » au sujet de l’infiltration des administrations ou bien celle-ci concernant les tentatives de corruption de la recherche ». Les témoignages cités sont édifiants.

vandana_shiva_color Bon nombre des arguments employés pour gonfler la baudruche de la « nouvelle révolution verte » par les OGM se dégonflent peu à peu, au fur et à mesure que les propos de certains chercheurs ou de certains organismes indépendants sont enfin entendus. L’ONU a par exemple soutenu le rapport rendu par l’International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development , dont les conclusions sont formelles : les OGM ne pourront pas résoudre la pénurie alimentaire. Le directeur de cette étude, Bob Watson, a répondu par un « non » catégorique à la question qui lui était posée par les journalistes, à savoir si les OGM pouvaient résoudre le problème de la faim dans le monde. Les travaux de chercheurs de l’université américaine du Kansas ainsi que de celle du Nébraska viennent étayer cette déclaration : selon leurs conclusions, le rendement du soja transgénique est inférieur de dix pour cent à celui du soja conventionnel. La polémique actuelle doit être remise dans ses vraies dimensions : les multinationales de l’agroalimentaire n’agissent pas en tant que bienfaiteurs de l’humanité mais uniquement pour défendre leurs intérêts financiers et assurer leur mainmise progressive sur les agricultures de tous les pays du monde. Lorsque le prix des céréales et celui des semences s’est envolé, le prix du désherbant miracle « Round’Up » de Monsanto (complément incontournable du Soja commercialisé par le même industriel) a – comme par hasard – suivi la même évolution. Les conséquences de cette tentative de prise de contrôle sont catastrophiques pour les pays en voie de développement. Le mouvement Navdanya, en Inde, ainsi que de nombreuses autres ONG, a démontré le lien entre les suicides de paysans dans ce pays et la marche forcée dans la culture des OGM : rendements en chute libre, terres épuisées, agriculteurs surendettés et ruinés. D’autres modèles agricoles que celui prôné par les multinationales existent et ils doivent être soutenus par n’importe quel moyen.

NDLR : si le sujet vous intéresse, il a été développé dans une chronique antérieure, en deux parties publiées à la suite, intitulée « un avenir agricole pour la planète« . Sur la troisième photo publiée pour illustrer l’article, vous avez bien entendu reconnu Vandana Shiva, l’une des porte-parole du mouvement Navadanya et l’une des « stars » de ce blog. Certains dirigeants de la multinationale qu’elle a dans « son collimateur » apprécieraient, j’en suis convaincu, sa disparition !

3 Comments so far...

Paul Says:

2 mars 2009 at 15:38.

Une bonne nouvelle pour la journée (source LeMonde.fr) :
« Les pays de l’Union européenne ont refusé lundi 2 mars de forcer l’Autriche et la Hongrie à cultiver le maïs génétiquement modifié MON 810. Au cours d’une réunion des ministres de l’environnement à Bruxelles, seuls quatre pays Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède et Finlande ont soutenu la proposition de la Commission européenne demandant la levée des clauses de sauvegarde décidées par Vienne et Budapest. Tous les autres pays ont voté contre, désavouant ainsi la Commission européenne. »

fred Says:

3 mars 2009 at 14:02.

Est ce « normal » que ce MONSANTO D’OR ressemble étrangement à un gros vibro ?
Parceque ça commence à se voir qu’ils essayent de nous le mettre profond !

Paul Says:

3 mars 2009 at 14:09.

J’avoue que, si je ne l’ai pas mentionné dans le texte de la chronique, j’y ai sérieusement pensé. Grâce à toi l’omission est réparée !

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