24 avril 2009

Les bonimenteurs de foire et autres « calembredaines en temps de crise »

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

charlatan Le G20 est terminé et la grande croisade pour mettre en place un « nouveau capitalisme moral » est en route. Les paradis fiscaux, longuement montrés du doigt pour leur responsabilité dans la crise actuelle, vont trinquer. D’ici peu, les navires de guerre qui tentent de mettre un terme à la piraterie dans le golfe d’Aden au large de la Somalie, iront croiser au large de Monaco, des îles Caïman et autres lieux de perdition pour l’argent durement gagné par les négriers de la finance. Certains lecteurs me feront remarquer sans doute que pour des Etats comme le Lichtenstein, l’intervention des bateaux gendarmes sera plus délicate… Certes, mais ces lecteurs sous informés ignorent l’emploi des porte-avions… N’oublions pas que le lac de Constance ne se trouve qu’à quelques encablures de la montagne bourrée de coffre-forts ! Une fois ces « paradis » rendus un peu moins visibles, on entamera sans doute un débat préliminaire à l’établissement d’une taxe sur les échanges financiers ou l’on nommera un « père la morale » pour fustiger les patrons qui licencient trop, trop vite et sans utiliser de faire-parts sur papier rose. De toute façon, d’ici là, l’essentiel du tissu industriel dans nos contrées florissantes sera démantelé. Trève de plaisanterie, si le sujet n’était pas aussi grave à l’heure actuelle, toutes ces calembredaines gouvernementales feraient plutôt rigoler. Pendant que l’on amuse le chaland, la presse à billets fonctionne, les usines déménagent et la dette publique s’accroît de façon colossale…

capitalisme Il faut cesser d’écouter ces bonimenteurs de foire qui ne cessent de vouloir nous faire croire que l’on peut faire du capitalisme à visage humain, du capitalisme social, du capitalisme respectueux de l’environnement, que l’on peut moraliser le capitalisme, que le capitalisme lave plus blanc… etc… Leur discours est tellement délirant, et il y a si longtemps que ces experts ratés de la politique devraient être au chômage, qu’il faut se poser des questions sur le crédit que, nous autres, simples citoyens, avons tendance à leur accorder. Un siècle, deux siècles, trois siècles peut-être qu’ils cherchent à nous faire avaler les mêmes sornettes, sans même prendre la peine de leur redonner un peu de couleur ou de crédibilité. Nous avons vécu, disent-ils, une période heureuse pendant laquelle le vilain capitalisme d’antan a pris le doux nom de « mondialisation libérale » ; à cause d’une méchante crise, provoquée par de vilains rapaces au bec un peu trop crochu, cette ère de bonheur est terminée et nous devons, pour quelques années, nous serrer la ceinture et avaler un peu moins d’oxygène. Ça me rappelle un commentaire du professeur Philippe Lebreton, pendant un débat sur le nucléaire, où il était opposé à un « gentil » technocrate d’EDF. Ce nucléairophile cravaté nous avait expliqué que certes, il se pouvait que l’eau du Rhône soit un peu trop chaude par moments pour les poissons, mais il fallait que des conditions particulièrement exceptionnelles soient remplies, et que cela concernerait, au pire, un pour cent du temps sur une année. Un pour cent ! Vous pensez ! Lebreton, goguenard, avait fait mine de se diriger vers son interlocuteur tout en lui demandant « si ça ne le perturbait pas qu’il lui serre le kiki pendant un pour cent du temps de la soirée à venir… »
Retour à nos chantres du capitalisme néolibéral bon chic bon genre… Vous l’avez vue passer, vous, cette ère de bonheur liée à la mondialisation des capitaux ? Ne manquez pas de me faire partager votre expérience : personnellement je n’ai rien entendu, rien vu et rien senti à part des odeurs de charogne. Cette ère de bonheur et de prospérité laisse derrière elle une planète exsangue nécessitant des soins prolongés, des continents où les guerres à répétition ont provoqué exodes, épidémies et famines. Les zones qui ont connu ce bref moment d’extase sont contraintes de se protéger derrière des murailles et des miradors. Les portes de l’immigration se ferment devant la misère et devant la détresse de ceux qui croient encore au mirage « des pays riches ». Ces forteresses d’un autre âge sont elles-mêmes minées par la gangrène de la pauvreté qui les ronge de l’intérieur. On ne parle plus que de sécurité, de maintien de l’ordre, de fichage pour le bien commun ou d’arrestations préventives de terroristes imaginaires… Pardonnez-moi, mais j’ai en tête une autre image de la félicité.

gardes-rouges Comment se fait-il que nous acceptions de tels mensonges, alors que, pour la majorité d’entre nous, nous sommes des citoyens responsables et sérieux (enfin on essaie…). A ceux qui disent : « anarchiste à dix-huit ans, qui ne l’a pas été ? Mais à quatre-vingt un (comme le proclamait dans son livre cette chère May Picqueray… ), ma bonne dame ! », je rétorque qu’il ne me paraît guère plus avantageux de croire au père Noël, au petit Chaperon rouge et à la mère Cendrillon, lorsque l’on met dans l’urne un bulletin de vote estampillé « de gauche » en espérant que le changement social se fera tout seul, gentiment, grâce à la magie sentimentale du capitalisme à visage humain. Désolé, mais Lang, Vals, Aubry ou Hollande ne me font pas rêver d’une Europe « meilleure »… Seul un changement radical d’orientation peut permettre de construire une société sur des bases nouvelles et un peu plus humaines. Ce changement radical nous fait peur et c’est logique car la plupart des expériences passées ont échoué d’une manière ou d’une autre (ce qui ne veut pas dire qu’elles n’aient pas été utiles, c’est un autre propos). Soit les révolutions ont avorté dans l’œuf, soit elles ont abouti à un régime dictatorial et l’omnipotence des uns a remplacé celle des autres. Seules les couches les plus hautes de la pyramide sociale se sont interverties, la base restant à la base et continuant à supporter le poids de la domination des nouveaux nantis, s’ajoutant parfois à celle des anciens. La grande majorité de ces changements révolutionnaires a eu lieu dans un climat de violence extrême, quand elles n’ont carrément pas entrainé un bain de sang généralisé. Nos bons apôtres du capitalisme triomphant le savent bien, et jouent à fond sur les peurs que peuvent entrainer ce genre de période d’insécurité. Il faut vraiment vivre dans des conditions où l’on n’a rien à perdre pour accepter de mettre sa vie en danger, et ce n’est pas encore la situation dans laquelle se trouve la majorité de la population occidentale. En 2003, lorsque nous avons mené une longue lutte pour défendre notamment les régimes de retraite par répartition et le droit des salariés à une fin d’existence digne, longue et heureuse, d’autres mouvements populaires se produisaient simultanément en Amérique du Sud, en Bolivie, je crois bien. La répression était sans commune mesure avec celle à laquelle nous étions habitués à l’époque : l’armée tirait à balle réelle sur les manifestants et il y avait eu déjà une soixantaine de morts. Je me rappelle l’interview d’une femme indienne plus très jeune. Elle disait au journaliste médusé : « oui, nous manifestons tous les jours ; oui il y a eu des morts, beaucoup de morts, mais nous retournerons manifester demain. Si nous n’exprimons pas notre colère et si la situation ne change pas, de toute façon, nous mourrons de faim… » Les martyrs ne font plus recette dans notre société et l’adage que nous avons envie d’appliquer est plutôt celui préconisé par le grand Georges : « Mourrons pour des idées, d’accord, mais de mort lente – D’accord, mais de mort lente… »

blinde-anti-emeute Sans doute y-a-t-il d’autres solutions à trouver et faut-il renouveler un peu le cliché des « Gavroches sur les barricades ». Ce n’est sans doute pas dans la rue que la révolution (le mot étant pris au sens de « changement radical ») doit avoir lieu, du moins en première instance. La panoplie des « troubles sociaux » ordinaires que nous connaissons jusqu’à présent reste sans effet sur nos dirigeants. Si elle fait le bonheur des clowns syndicaux et politiques de service, jouant à compter et à recompter le nombre de manifestants, le nombre de drapeaux et le nombre de CRS, elle n’impressionne guère ceux qui nous gouvernent et ne donne pas le sentiment qu’ils vont changer de politique (pourquoi changeraient-ils d’ailleurs ? On se le demande !). Nous vivons dans un état permanent de dictature molle, une société ressemblant plus à celle qu’ont décrite Huxley ou Orwell, qu’aux exactions d’Hitler ou de Mussolini (ce qui ne veut pas dire que tout recours à ce genre de régime est rayé de la carte bien sûr). Les citoyens, dans leur grande majorité, sont emmitouflés dans un doux brouillard médiatique aliénant ; ils réclament eux-même qu’on leur serre les menottes lorsque leurs poignets ont trop de liberté et ils aboient trop souvent avec les chiens lorsque des brebis s’écartent du troupeau. Nos gouvernants ont mis en place un dispositif militaro-policier parfaitement efficace, qu’ils testent de temps à autre, comme à Londres ou à Strasbourg. Les espoirs de voir une poignée de cailloux ou de bouteilles incendiaires venir à bout de leurs chars blindés, de leurs drones d’observation et de leur barbarie savamment entretenue sont bien maigres. Il va donc falloir faire preuve de beaucoup d’imagination, non seulement en ce qui concerne l’établissement des bases de la société que nous voulons voir remplacer celle-ci, mais également concernant les nouveaux modes de lutte à utiliser. Quelles perspectives y a-t-il autres que le capitalisme privé ou le capitalisme d’état ? De quels moyens d’expression disposons-nous qui ne soient ni le pavé, ni le bulletin de vote, ni la journée de grève rituelle ? Le débat est angoissant, mais il est sacrément plus motivant que celui de savoir si c’est Besancenot, Royal, Bové ou Laguiller qui représentent le mieux l’opposition à Sarkozy. Quand aux agités cagoulés de tout poil, même si leur révolte m’est parfois sympathique (sauf quand ils sont clairement encartés à la préfecture de police), il faut qu’ils réalisent que le schéma qui s’est mis en place au temps de la commune de Paris n’est plus d’actualité. Cela fait bientôt cent cinquante ans que nos Sinistres de l’Intérieur font la reconstitution de la bataille avec leurs cascadeurs et leurs voltigeurs et ils sont parfaitement entraînés ! Tant que cette réflexion n’aura pas eu lieu de façon approfondie, nous continuerons à valser allègrement de journées de protestation, en manifestations à dégénerescence programmée…
L’accouchement ne se fera pas sans douleur : les chiens de garde des médias veillent et tentent de discréditer toute nouvelle forme d’action. Regardez-les, ces beaux messieurs costumés et ces gentilles dames en tailleurs Channel, commenter avec indignation les séquestrations de patrons ! Ils n’ont qu’une trouille c’est que s’enclenche le schéma : séquestration, occupation, expropriation et relance collective de l’activité. A moins qu’ils ne soient suffisamment lucide pour craindre qu’on ne leur fasse payer un jour l’addition pour l’ensemble des mensonges qu’ils profèrent à longueur de temps. Par chance, Monsieur Bernard Thibaut, lui aussi réprouve de tels agissements !

une-solution-intelligente

Pour compléter cette chronique qui ne contient qu’une ébauche de réflexion tant le problème est vaste, je vous invite à prendre connaissance de ce texte de Patrick Mignard, publié notammment dans « Altermonde sans frontières » sous le titre « Ces luttes… à bout de souffle – Matière à réflexion » Sa réflexion va un peu dans le même sens que la mienne. Visiblement nous sommes d’ailleurs plutôt nombreux à nous poser les mêmes questions : « Le doute commence à s’insinuer dans les esprits : et si la méthode que nous employons depuis des décennies, n’était plus efficace, un peu comme un vieux couteau, qui en son temps était tranchant, mais qui aujourd’hui ne coupe plus rien ! […] Face à notre faiblesse, à notre impuissance, le gouvernement ne se contente pas de passer outre à notre agitation stérile, au contraire, il passe à l’offensive. Contre les manifestations de jeunes, les occupations de locaux, d’usine il n’hésite pas à envoyer ses escouades de brutes mercenaires, en uniforme et en civils, ses provocateurs et ses mouchards qui vont jusqu’à mutiler, bien sûr en toute impunité, des jeunes, des manifestants… » Patrick Mignard est professeur d’économie à l’IUT de Toulouse et publie très régulièrement des analyses sur l’actualité politique et sociale dans différents sites d’informations alternatives. Vous pouvez trouver une liste assez complète de ses écrits à cette adresse, avec les liens nécessaires pour y accéder.
Pour finir et pour vous rassurer, vous pouvez continuer à envoyer régulièrement aux îles Caïman les économies réalisées chaque mois sur votre RMI : les gendarmes du globe sont occupés ailleurs !

2 Comments so far...

Didier Says:

26 avril 2009 at 18:39.

Il y a cette nouvelle loi contre le cagoulage dans les manifs. Alors je me suis dit que j’irai avec un masque de sarko sur le visage, mais voila cela n’est juste qu’un pied de nez.
C’est frustrant de ce dire que quoi qu’on fasse . La situation a déja largement été prevu en face.
Pourtant je ne suis plus jeune, ma sagesse je la perd et non l’aquière avec l’age .Mon envi de ne plus faire ses manif-carnaval pour passé a une action plus franche me monte au nez.
Je veut pas de mort ,qu’ils soit révolutionaire ou militaire.

Pourtant je veut une piqure de rappel aux centaines de familles qui détiennent des richesses a ne pas savoir dépensé les interets qu’elles leurs rapportent. Une piqure de rappel aux bourses du monde entier. Une piqure de rappel dans toute les places ou les démocratie s’exerce.
Pour commencé j’aimerais que les europeens donne l’exemple en encerclant pacifiquement les bourses, les sénat, les « medef », les assemblés. Ne séquestrons que les batiments, montrons que c’est ses places simboles sont notre. Rappelons l’histoire a ses ossupants eux qui en font des fête national en se gargarisant de champagne dans des salles dorée.
J’aimerai voir ce bousculé dans les tetes de tous des images tel que; les citoyens reprendre ses places et les chars encerclant les citoyens.
J’aimerai voir alors une responsabilité humaine renaitre, une raisonnabilité naître dans nos systeme économique qui on perdu de leur éclat.
L’économie est mondiale, sa perversité aussi, il faut que mondialement une raisonnabilité naissent a tout niveau.

fred Says:

27 avril 2009 at 12:11.

Je me souviens des difficultés que ma mère rencontrait lorsqu’il s’agissait de mettre une cagoule étant petit. ça doit être un soulagement pour certains marmots de voir qu’une loi les protège dorénavant de ce couvre-chef disgrâcieux ! Au fait … on a le droit à la combo Casquette + lunettes de soleil ? A moins qu’un amendement ne précise tout cela ? …

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