17 janvier 2008

Ma belle région que j’aime…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

Nous habitons une Z.R.V.D.R. C’est à dire une « Zone Rurale en Voie de Développement Rapide ». C’est bien entendu une terminologie officieuse. Je ne connais pas la désignation officielle qu’utilisent ces messieurs de la « Direction de l’Equipement et des Choix Essentiels pour le Bonheur du Peuple » (D.E.C.E.B.P.). On peut reconnaître assez facilement une Z.R.V.D.R., en faisant une petite balade en avion par exemple. On constate alors que le paysage est formé d’un damier artistique constitué de deux éléments bien distincts. En premier lieu, des terrains agricoles de forme rectangulaire avec de petits points rouges (ou verts) mobiles à l’intérieur généralement suivis d’un nuage nauséabond. En second lieu, des polygones de forme souvent complexe, provenant eux-mêmes de l’assemblage de petits cubes au toit rouge entourés d’une bande verte avec un barbecue posé au milieu, avec souvent un rectangle bleu scintillant isolé dans la verdure lui aussi : ce sont des lotissements, ou zones pavillonnaires. Si l’on demande au pilote de l’avion de monter très haut, on découvre alors un tableau d’une extrême richesse et l’on échappe à l’épreuve du bruit et des odeurs. La vision terre à terre que l’on a en se promenant sur ses deux pieds est parfois moins artistique, mais nous y reviendrons.

ravier.jpg Ayant la chance d’habiter une Z.R.V.D.R., nous sommes en quelque sorte des ploucs évolués. Nous ne pouvons pas encore rivaliser, sur le plan culturel, avec nos amis lyonnais ou mieux parisiens, mais nous avançons quand même à grand pas vers la civilisation. Faute de quai Branly ou d’autre musée aussi célèbre, nous avons quand même, à trois kilomètres de chez nous, la maison natale de l’illustrissime peintre Auguste Ravier (Comment ? Vous ne connaissez pas Ravier ? Allez donc faire un tour à Orsay, citadins mal dégrossis !), ce qui permet à notre Z.R.V.D.R. de porter l’appellation nettement plus poétique de « pays des couleurs ». Nous pouvons aussi accéder assez facilement à un multiplexe cinématographique d’au moins… pfff ! huit ou dix salles, de quoi nous enlever tous nos complexes, à une vingtaine de kilomètres de notre chambre à coucher. On peut y voir des films « d’art et d’essai » comme « Resident Evil 7 » qui restent parfois programmés pendant une demi-douzaine de semaines (il paraît que c’est parce que le cinéma américain est mal distribué en France et que c’est une chance d’avoir accès aussi longtemps à des films « cultes »).

chiendegarde.jpg Lorsqu’on se promène dans notre « campagne » enfin ouverte à la modernisation, c’est un peu compliqué et parfois dangereux. La plupart des itinéraires permettant de s’éloigner de la maison pour se rendre dans la « nature sauvage » sont jalonnés de fermettes retapées pour le week-end ou de villas abandonnées pour la journée, dont les seuls occupants sont, généralement, de sympathiques chiens-chiens débordant d’affection, genre chien-loup, bouledogue ou pittbull. Il faut alors évaluer, avec adresse et vélocité, la longueur et la solidité de leur chaîne, la hauteur et l’efficacité de la grille qui les protège de notre agressivité, ou simplement les chances de survie que l’on décide de s’accorder. J’avoue ne pas être un grand ami du « meilleur ami de l’homme ». Je ne sais pas exactement quels auraient été mes rapports avec les canidés, si l’humain ne s’était pas chargé de les dresser de façon aussi idiote qu’abjecte, mais je reste quand même méfiant à l’égard d’une race que l’on peut aussi facilement faire obéir au doigt et à l’œil.

buggy.jpg Un second péril guette le promeneur en Z.R.V.D.R. : l’automobile. Vous allez me dire qu’il n’y a là pas grande différence avec la Zone urbaine (déjà civilisée depuis longtemps), sauf que, dans nos campagnes urbanisées, l’automobile surgit parfois à des vitesses effarantes ou dans des lieux où l’on peut se faire surprendre bêtement. La semaine dernière, nous avons croisé, sur un étroit chemin de terre, deux 4×4 glorieusement estampillés « Paris-Dakar », se vengeant probablement de n’avoir pu effectuer leur course favorite en écrasant les taupinières et les écureuils endormis… Une fois échappé aux chiens de garde et aux 4×4 (ou autre quad) en rut, il faut encore faire attention aux battues de chasse, aux balles perdues ou mal dirigées (du genre « mais puisqu’on vous dit que c’est dangereux de vous balader dans cet endroit : z’avez pas vu les panneaux invisibles ? »). Pour se promener, mieux vaut éviter le dimanche (trop de monde), les quatre premiers jours de la semaine (chiens privés de maîtres pour cause de travail), et le samedi (soit il pleut, soit les propriétaires de chien les emmènent se promener, sans laisse, dans les petits chemins creux). Reste le vendredi : la chasse est interdite dans notre département (ne restent plus que les braconniers) ;grâce aux 35 h, une partie des maisons sont occupées et les chiens mieux surveillés ; les 4×4 sont encore au garage car leurs propriétaires les bichonnent pour le week-end.

tracteur.jpg Ce qui est plaisant, pour conclure, lorsque l’on habite dans une Z.R.V.D.R., c’est que c’est un véritable festival pour les sens. Les odeurs, par exemple, y sont beaucoup plus variées qu’en ville. Les citadins connaissent mal les douces effluves du désherbant à maïs, de l’ensilage pour nourrir les bovins, du lisier de porc étalé dans les champs, surtout lorsqu’elles se mélangent aux odeurs de gasoil, de plastique brûlé ou de sardines grillées au barbecue. Habitué au doux ronronnement des moteurs de voiture, ponctué de quelques harmonieux coups de klaxon, l’habitant de la grande métropole ne sait pas apprécier le vrombissement d’un moteur Massey Fergusson sur une moissonneuse batteuse à onze heures du soir ou jouer à distinguer les différences subtiles entre le bruit suraigu d’un rotofil et le même bruit légèrement plus grave pour une tondeuse à gazon.

Je m’arrêterai là, sans même vous parler des étalages de canettes de bière, bidons de lait, boîtes de conserve et autres sacs en plastiques qui viennent décorer les bordures de nos routes… Certains finiraient par me trouver grognon. Si au moins les pics d’ozone s’arrêtaient en bordure des banlieues…

NDLR : crédit photo – le chien, photothèque RSPCA – tracteur, site du CEMAGREF – machin à roue, origine inconnue – huile de François Auguste Ravier exposée à Morestel et représentant l’étang de la Levaz

One Comment so far...

fred Says:

17 janvier 2008 at 10:25.

Chaque « région » ses problèmes … Dans ma Z.U.T (Zône Urbaine Tristounette), je ne crains guère les mâchoires des molosses, mais plutôt leurs déjections ! Qui comme par hazard, trônent généralement juste devant mon portail (ils doivent préférer se relâcher là à cause du vent frais qui doit chatouiller leurs coucougnettes en passant sous mon portail). Question « Odeurs », nous sommes assez gâtés également, la prime revenant à l’odeur de Betterave raffinée (Qui donne aussi une belle couleur rose au ciel au dessus de l’usine). Et je ne parle même pas de la population ! (L’autochtone des Z.U.T semble assez agressif d’ailleurs). Entre les retraités fans d’auto-défense et la jeunesse désoeuvrée, il y a quelques activités communes assez sympa à regarder …. Conclusion : Vive les Z.R.V.D.R !

Leave a Reply

 

Parcourir

Calendrier

mai 2024
L M M J V S D
« Avr    
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
2728293031  

Catégories :

Liens

Droits de reproduction :

La reproduction de certaines chroniques ainsi que d'une partie des photos publiées sur ce blog est en principe permise sous réserve d'en demander l'autorisation préalable à (ou aux) auteur(s). Vous respecterez ainsi non seulement le code de la propriété intellectuelle (loi n° 57-298 du 11 mars 1957) mais également le travail de documentation et de rédaction effectué pour mettre au point chaque article.

Vous pouvez contacter la rédaction en écrivant à