18 janvier 2008

Serge Utge Royo en concert à Lyon

Posté par Paul dans la catégorie : l'alambic culturel .

natachaezra.jpg Un grand moment de bonheur : deux heures de concert avec, en première partie (et même à plusieurs reprise en deuxième) la chanteuse Natacha Ezdra. La salle n’est pas très grande, mais elle est remplie pour cette première soirée (trois concerts à la suite sont prévus). L’acoustique est très bonne et la sono bien réglée. La présence scénique de Natacha Ezdra est vite chaleureuse et ses textes poétiques sont bien mis en valeur par le jeu subtil de la pianiste Nathalie Fortin qui l’accompagne. Natacha Ezdra est tour à tour auteure ou interprète (une belle chanson d’Anne Sylvestre par exemple). Elle nous parle de ses grands-parents, juifs émigrés de Bulgarie, venus se réfugier à Paris en 1930 et raconte leur histoire dans une très belle chanson. Un autre texte évoque le sort malheureux des enfants palestiniens. Le rapprochement entre ces deux situations de détresse est fait avec une délicatesse extrême et il est particulièrement émouvant dans le contexte actuel. Serge vient sur scène, chanter avec Natacha. La complicité qui unit ces deux chanteurs est visible : on sent que ce n’est pas la première fois que le hasard des tournées les amène à chanter ensemble.

serge1.jpg Serge Utge Royo, par sa bonhommie un peu timide, ses sourires, sa tendresse et ses maladresses, crée très vite une relation chaleureuse avec le public. Le concert du soir est très axé sur la Commune de Paris en 1870, même si une bonne partie des chansons interprétées pendant le spectacle s’écartent volontiers du thème. Cela fait sept ou huit fois que nous voyons notre chanteur favori sur scène, mais chaque concert donne l’impression d’être vraiment une nouveauté : l’importance de son répertoire lui permet de composer des listes sans cesse renouvelées ; de nouveaux textes, de nouvelles interprétations, de nouveaux arrangements musicaux sont sans cesse proposés au public. La prestation musicale de ce soir est très « jazzy ». Deux musiciens, un pianiste et un batteur (Léo Nissim et Jean My Truong), accompagnent le chanteur avec talent. Il y a des chansons auxquelles j’accroche plus ou moins, mais quel bonheur d’entendre à nouveau « cinq cent hivers » (sur la conquête de l’Amérique par les conquistadors) ou « Amis dessous la cendre » (sur la renaissance permanente de l’hydre fasciste). L’un des plus grands moments de la soirée, c’est l’interprétation par Serge, Natacha et Bruno Daraquy (qui fera la première partie de Serge au concert de samedi) de la chanson composée par Serge sur la commune de Paris : « Tous les copains de la Commune Ne sont pas morts sans rien laisser Ils doivent nous garder rancune De laisser crever leur passé… » Le final, grandiose, ce sera le « Ni Dieu Ni Maître » composé par Léo Ferré dans les années soixante pour dénoncer la peine de mort et ses victimes, honte de notre Démocratie d’alors. Je dois avouer que cette interprétation me touche infiniment plus que celle de l’auteur lui-même. Si les ressemblances ne manquent pas entre les deux chanteurs, la présence de Serge Utge Royo, sa chaleur humaine, sont infiniment plus faciles à appréhender que le personnage de Léo Ferré que j’ai vu aussi en concert à plusieurs reprises.

serge2.jpg Il est dommage que Serge Utge Royo, l’un des plus grands chanteurs auteur-compositeur de notre époque, ne soit pas plus connu du grand public. Bien qu’il ait enregistré une douzaine de disques, sa volonté personnelle de se tenir à l’écart de tous les circuits commerciaux et de tous les médias « grand-public », fait que peu de gens le connaissent, surtout en Province. C’est aussi ce qui fait que, au fil d’une carrière de plusieurs dizaines d’années, il a su conserver son authenticité, sa simplicité et sa chaleur humaine. Certains de ses textes sont militants (il n’hésite pas à rappeler que ses parents étaient des réfugiés politiques espagnols, anarchistes et socialistes) et n’a pas peur de revendiquer son appartenance très large au mouvement libertaire. Il s’intéresse de près au patrimoine de la chanson ouvrière française, mais chante aussi en Catalan, sa langue natale. Comme nos camarades de la première Internationale Ouvrière, il n’est citoyen de nulle part, et si ses chansons évoquent parfois la dureté et la tristesse de l’exil, il revendique aussi fièrement ce rejet de la patrie et du drapeau, miroirs aux alouettes, qui noient les révoltes universelles dans des bains de sang. Dans un coffret de trois disques, intitulé « Contrechants… de ma mémoire », il interprète, avec de nouveaux arrangements, beaucoup de chansons de lutte syndicale ou politique : de la Commune à la Guerre d’Espagne en passant par tous les lieux et moments de la Résistance Populaire que nous avons parfois tendance à oublier un peu trop vite.

serge3.jpg Si vous avez l’occasion d’assister à l’un de ses concerts, n’hésitez pas, à moins que vous ne soyez totalement réfractaire à la « chanson à texte » ou que les chanteurs engagés ne vous donnent des boutons. Je trouve qu’il est préférable de faire connaissance avec Serge Utge Royo en concert, avant de le « déguster » en CD. Avec l’image du « bonhomme en noir qui sourit » dans la tête, vous appréhenderez plus facilement sa façon, unique, de chanter ainsi que sa voix profondément timbrée et pleine de résonnance.

NDLR – Photos 1, 3 et 4 : Caly (hier soir au concert, sans flash) – photo 2 : Anne Marie Panigada (extraite du DVD)
adresse des sites internet de Serge Utge Royo et de  Natacha Ezdra pour connaître le calendrier des concerts .

3 Comments so far...

Ta femme Says:

18 janvier 2008 at 10:17.

Pour les 178 photos prises hier soir, histoire de m’acclimater à mon nouvel appareil, il n’y a rien d’excellent et pas grand-chose d’un peu bon. Au moins n’ai-je pas fait crépiter le flash dans les yeux des chanteurs ou des musiciens. Quant à Bruno, il est trop vif-argent et je n’ai que de vrais flous avec lui !

fred Says:

18 janvier 2008 at 12:40.

A ma très grande honte, j’avoue humblement n’avoir jamais entendu parler de ce chanteur « engagé ». Mais grâce à toi, ô Grand ZIHOU, mon inculture recule à grands pas. Et il le fallait car pour moi “Amis dessous la cendre” évoquait plutôt une cuisson rustique des pommes de terre que la renaissance permanente de l’hydre fasciste !

Grhum Says:

26 janvier 2008 at 10:53.

Sur les conseils de Kaly, j’ai assisté à l’un de ses concerts à Paris, pour le même spectacle que celui décrit ci-dessus. J’ai beaucoup apprécié les chansons, avec du « vrai texte » et musicalement c’est excellent (le pianiste est super). Bref ça a été un bon moment.
A ma très grande honte également j’avais promis à Kaly un petit commentaire sur ce concert et je n’ai toujours pas eu le temps de m’y mettre. Mais je n’ai pas oublié, ça va venir, un de ces jours, promis.

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