8 avril 2008

Au royaume des arbres (1) : l’arboretum de Balaine

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage; Feuilles vertes .

balaine1.jpg Voilà un lieu de visite qui est incontournable pour tous les amoureux des arbres et je ne saurais trop vous recommander de vous y arrêter lors d’une traversée Nord-Sud ou Est-Ouest de la France. L’arboretum de Balaine se situe en effet plutôt au centre de l’Hexagone, non loin de Moulins et de la célèbre Nationale 7. Le lieu est tellement enchanteur qu’il justifie un détour de plusieurs dizaines de kilomètres et un arrêt d’une demi-journée que vous ne regretterez pas… Les arboretum sont des collections d’arbres et certains sont parfois tellement « arides » qu’ils sont plutôt réservés aux férus de botanique désireux d’apprendre à distinguer les dizaines de variétés de Chênes ou de Bouleaux. Balaine a été conçu avant tout comme un parc d’agrément, et l’on peut donc apprendre tout en se distrayant, en faisant une magnifique promenade, ombragée de surcroît puisque l’on est sous les arbres. Il est donc évident qu’il vaut mieux choisir une belle journée pour faire cette sortie…

aglaeadanson.jpg Balaine présente deux singularités : d’une part il est le plus ancien des parcs arborés privés en France, d’autre part il a été créé par une femme, Aglaë Adanson, ce qui est relativement rare à une époque où la conception de jardins était plutôt un privilège masculin. Le père de cette Aglaë Adanson, Michel, était membre de l’Académie Royale des Sciences. Il a été le premier explorateur du Sénégal, de 1749 à 1754, puis il a été l’assistant de Bernard de Jussieu à Trianon. Il est l’un de ces savants typiques de l’époque des lumières, s’intéressant à des domaines très divers puisqu’il fait des recherches aussi bien en astronomie, mathématique, météorologie et philosophie. Mais son domaine de prédilection est la botanique et il fait de nombreuses cultures expérimentales de différentes plantes (melons, fraises, mûriers…). Mme Jeanne Adanson, elle, fréquente les « salons » dans lesquels elle côtoie de nombreuses personnalités. Leur fille, Aglaë, naît le 27 mai 1775 à Paris. Très tôt, elle accompagne son père lors de ses sorties d’herborisation. Un passage prolongé au couvent des Dames du Calvaire (institution réservée aux jeunes filles de la « bonne société ») ne l’empêche pas de conserver un souvenir ému de cette période de son enfance et un goût prononcé pour les « choses de la nature ». Sa vie sentimentale, à la sortie du couvent, est assez mouvementée. Après son second divorce, en 1804, Aglaë s’installe définitivement à Balaine, dans un domaine que lui a acheté et donné le nouveau compagnon de sa mère.

balaine2.jpg 1804 est la date officielle à laquelle commencent les nouveaux aménagements de la propriété. Aglaë Adanson décide d’aménager un parc derrière le château. Elle lit beaucoup d’ouvrages sur la flore, l’élevage des animaux, et elle est confrontée dès le début de la réalisation de son projet à une réalité difficile : les terres sur lesquelles se trouve son futur parc arboré ne sont pas très riches et elles sont surtout très humides. Il faut réaliser d’importants travaux de drainage, canaliser les sources, créer un plan d’eau important… Lors des travaux de défrichage, les plus beaux arbres indigènes sont conservés, puis Aglaë Adanson plante des spécimens originaux pour l’époque : platane d’Orient, cyprès chauve, chênes et noyers d’Amérique… La plupart de ces arbres sont toujours en place. Âgés de près de deux siècles, ce sont vraiment des géants. La collection de Taxodium (cyprès chauves) poussant dans la zone la plus humide du parc est remarquable. Cet arbre a une forme très singulière car ses racines sortent du sol et se dressent vers le ciel comme des cierges. Ce cyprès est un pneumatophore (arbre respirant par les racines) qui pousse plutôt dans les mangroves et les terrains inondables.

balaine3.jpg Notre châtelaine déborde d’activités : elle achète des semences au Muséum, fait des échanges de plants, se livre à de nombreuses expériences et consigne toutes ses observations dans des cahiers. L’intérêt pour ses travaux est grand et plusieurs éditeurs publient ses articles et ses compte-rendus. Son érudition est vaste et, comme son père, elle élargit le champ de ses travaux à de nombreux domaines. En 1852 elle publie ainsi un petit livre sur « l’éducation des enfants à la campagne ». Mais c’est surtout dans les sciences botaniques que son œuvre est marquante. Ses travaux portent aussi bien sur la construction des serres que sur l’art de réaliser une collection de plantes de milieu tempéré, ou l’observation de l’influence météorologique sur la croissance des plantes. Aglaë Adanson est une personnalité singulière et, visiter Balaine, c’est aussi marcher sur les traces de cette femme « hors du commun ». Elle meurt en 1852 et son fils, Anacharsis, juge de paix à Moulins, prend sa succession dans la gestion du domaine. Depuis, le parc est resté une propriété familiale et il a été entretenu dans le respect du projet original ce qui fait également une partie de son charme. Chaque année, l’arboretum propose diverses animations, parmi lesquelles des expositions de sculptures d’artistes contemporains.

balaine4.jpg Le parc tire son nom de « Balaine » du terroir dans lequel il est installé : un sol pauvre, dans la vallée de l’Allier, « une terre juste bonne à faire pousser des genêts à balai ». Dès que l’on franchit la grille d’entrée du parc, on est impressionné par les travaux qui ont été réalisés pour pouvoir faire pousser toutes les merveilles végétales que l’on trouve le long des allées. Le visiteur traverse d’abord une vaste pelouse bordée par un étang, avant d’arriver à la cour d’honneur du château. Celle-ci est bordée de magnolias et de pommiers d’ornement. Les plus belles plantations se trouvent sur l’arrière du bâtiment et l’on peut effectuer un long circuit, en se promenant au milieu d’une multitude d’arbres de toutes sortes : Sophora pleureurs, marronniers laciniés, érables du japon… L’aménagement est réalisé avec goût, selon les plans d’un jardin anglais, et à chaque détour du chemin on est surpris agréablement par un nouveau point de vue ou de nouvelles couleurs. L’ancienneté des plantations permet d’admirer des spécimens de très grande taille : un Cercidiphyllum (arbre au caramel) de 20 m de haut, un record en Europe, ou un Sequoïa géant, planté en 1856 et haut de 36 m.

balaine5.jpg Le parc abrite également diverses collections : des Nyssa (Tupelo), des rhododendrons, des cornouillers… de quoi faire aussi le bonheur des mordus de botanique ! Quelques arbres ont été endommagés par la tempête de 1999, mais les travaux de remise en état ont été rapides et les séquelles ne sont plus visibles. Je ne vous parlerai pas de tous les endroits singuliers que l’on peut trouver en flânant : la cabane en rondins de bouleau, le lavoir, les passerelles en bois… Je vous laisse le soin de faire toutes ces découvertes. Pour terminer je vous dirai encore que les salles du château retracent, grâce à un certain nombre de documents, la vie d’Aglaë Adanson, et que cette partie « musée » mérite aussi quelques précieuses minutes d’arrêt ! Ne manquez pas de faire figurer l’arboretum de Balaine dans vos prochaines excursions familiales ! Même les plus jeunes y trouveront leur compte à moins qu’ils ne soient définitivement scotchés aux loisirs type « Disneyland », auquel cas ils seront déçus évidemment.

2 Comments so far...

sylvaine vaucher Says:

9 avril 2008 at 08:17.

Et voici le notre pas Le Nôtre.
http://www.ville-ge.ch/dpt5/seve/gestion_sequoia_f.php
Depuis deux jours voilé de neige et de frissons…
Difficile de mettre des gants pour cueillir de la « Dent-de-Lion »
et c’est si bon avec des lardons !

iPidiblue forestier du dimanche Says:

9 avril 2008 at 16:29.

Je ne sais pas si c’est le plus vieil arboretum de France celui de La Fosse dans le Loir-et-Cher a été créé par la famille Gérard en 1751.

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