4 septembre 2009
Les « alicaments » de l’industrie agroalimentaire : très peu pour moi, merci !
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Questions de santé .
C’est du grand art, il faut le reconnaître. Pousser les gens à manger de plus en plus mal, et surtout de plus en plus… Produire des aliments au plus bas coût possible, fabriqués à l’aide d’ingrédients de la plus basse qualité imaginable… Ajouter un maximum d’additifs pour que ces infâmes bouillies acquièrent un minimum de goût… Puis, dans un second temps, leur proposer de continuer à consommer en achetant, cette fois, des préparations alimentaires (je n’ose plus parler d’aliments) qui vont leur permettre, au petit bonheur, de perdre du poids, de faire baisser leur taux de cholestérol, de courir plus vite ou d’améliorer leurs performances sexuelles au coucher du soleil. Vraiment, c’est du grand art, et les techniciens des laboratoires préparant les étranges mixtures qui vont se retrouver dans nos assiettes y ont pensé. Le supplément de prix, bien souvent injustifié, demandé pour ces horreurs alimentaires, a de plus ravi l’âme des dirigeants et des actionnaires de ces entreprises, voraces en bénéfices bien gras. Les premiers essais ont été réalisés dans les dernières années du XXème siècle et la commercialisation de ce genre de denrées est maintenant généralisée. On ne mange plus pour éprouver un quelconque plaisir au niveau du palais ou pour satisfaire à un besoin naturel et essentiel du corps, mais, pour se soigner, à titre préventif ou hypothétique, des maux qui se sont répandus en partie grâce au travail de marketing des mêmes sociétés sans scrupules. Il est vrai qu’autrefois, les officines d’apothicaires ou les antres ténébreuses des sorcières maléfiques proposaient déjà de vous vendre poison et antidote, et que le choix en matière de substances toxiques était plutôt varié. Consommer des poisons n’était cependant pas une activité de masse et, à part quelques tyrans inquiets songeant à se mithridatiser, nul ne pensait à absorber chaque jour des mixtures douteuses. Grâce à l’industrie alimentaire contemporaine, vous pouvez, quotidiennement, ingérer toxiques et antidotes, ou bien, plus certainement, vous faire attraper tel un simple oiseau, par le miroir aux alouettes de la publicité pour denrées miracle !
Gastronomie et diététique ne sont pas antinomiques, loin de là ! Mon propos n’est pas de montrer que « se bien nourrir » appartient exclusivement au domaine de la gastronomie et que la diététique doit être réservée aux malades. Certains aliments sont naturellement des « alicaments » et les anciens connaissaient fort bien les vertus de telle ou telle denrée. L’ail a un effet positif sur la circulation sanguine ; les qualités nombreuses du chou gagneraient à être connues ; même le chocolat serait bénéfique pour le système nerveux… Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’huile d’olive est bonne pour la santé, surtout lorsqu’elle est peu cuite, et excellente au goût pour le palais. J’en suis le premier convaincu. Va pour les alicaments naturels sachant que, de toute façon, ce n’est pas pour des raisons thérapeutiques qu’on les consomme en premier. Il en va tout autrement pour les denrées que l’industrie a jugé bon de « bidouiller » pour les parer de vertus douteuses, voire même dangereuses. Je ne suis pas persuadé que le porc industriel voit ses qualités gastronomiques et médicales accrues par le simple fait qu’on mélange à sa triste pâtée quotidienne quelques poignées de tourteaux de lin, riche en omega 3, la nouvelle « tarte à la crème » des diététiciens. Ce que je constate à ce niveau là, c’est que le porc est toujours élevé en batterie, que son coût de production augmente de quelques centimes au kilo alors que son prix de vente est, lui, majoré de quelques euros, atterrissant principalement dans la poche des intermédiaires et du distributeur final. Quant à affirmer que le consommateur, grâce à cet artifice, verra baisser son taux de cholestérol, augmenter son espérance vie et ses performances cérébrales… permettez moi d’en douter. On se situe, dans ce cas-là, dans le pur domaine de l’artifice, de la poudre aux yeux, du client que l’on prend pour un pigeon afin de mieux ponctionner son porte monnaie. L’ajout de lin a, au moins, le mérite de ne pas majorer la toxicité de la viande. Personnellement, j’estime que la viande d’élevage industriel (hors de toute considération éthique sur le sort réservé à ces pauvres animaux) n’est ni gastronomique, ni bonne pour la santé, compte-tenu de l’accumulation de toxines, d’antibiotiques, d’OGM douteux et de compléments alimentaires en tous genre. Ce sont ces dernières substances qui vont me fournir la transition avec un deuxième exemple, un alicament dont l’absence d’effets négatifs à long terme est loin d’être prouvé. Il s’agit de ce complément portant le nom fort peu poétique de « probiotique » dont on gave massivement les porcs et que l’on retrouve maintenant dans nos assiettes puisqu’ils sont largement utilisés dans l’alicamentation humaine…
Suivant les conseils « judicieux » de la pub, papa ou maman achètent chaque jour à leurs enfants, de délicieux breuvages lactés, parfois dénommés yaourt, parés de mille vertus vantées par un quelconque zorro en tenue médicale. Ces produits laitiers sont enrichis grâce à des probiotiques et devraient assurer aux « petits mignons » une croissance des plus harmonieuses en stimulant leurs défenses immunitaires. Sachez que les mêmes substances sont utilisées pour l’engraissement accéléré des porcs ou des poulets dans les élevages industriels… Il y a peu de chances pour que nos charmantes têtes blondes se mettent à pousser des cocoricos intempestifs ou des grognements barbares. Le risque est tout autre… Certains chercheurs envisagent l’hypothèse que cette surconsommation de probiotiques chez les enfants pourrait être l’une des causes de l’obésité chez les adolescents (*). Avant de remplir mécaniquement votre chariot, donnez donc un coup d’œil à la fiche de composition sur un pot d’Activia ou d’Actimiel marques déposées de Danone, qui n’est pas le seul groupe alimentaire à se livrer à ce genre de pratiques (**). Quelles études de toxicité ont été conduites avant que l’on ne généralise l’emploi de ces substances ? Elles ont fort probablement été très sommaires car, en matière de nouveauté agroalimentaire, il faut faire vite, se placer sur le marché avant la concurrence, quitte à ce que le consommateur soit utilisé comme cobaye pour la phase finale d’expérimentation. De plus, une étude des risques à long terme – l’obésité ne s’installe pas en trois semaines – est encore moins envisageable pour les mêmes raisons. Cet exemple des « probiotiques » est, à mes yeux, très parlant, mais il ne s’agit pas de la seule substance qui a été introduite dans l’alimentation à des fins médicales. Beaucoup de produits axant leur « campagne de charme » sur la lutte contre le cholestérol contiennent des stérols végétaux. La surconsommation de ce genre de substance présente des risques élevés pour la santé : certaines vitamines sont liposolubles et un déséquilibre sanguin peut rendre ces vitamines non assimilables. Cette carence peut créer d’importants dommages à notre système immunitaire par exemple… Gare aussi aux produits enrichis en calcium… Une alimentation équilibrée, comporte, sauf dans de rares cas particuliers, suffisamment de calcium pour qu’il n’y ait pas besoin de le surdoser. Mieux vaut consommer une céréale complète que de la farine blanche enrichie à posteriori avec des fibres… Et ainsi de suite…
Pour l’instant, la législation européenne interdit aux fabricants de mettre en avant le rôle thérapeutique de leurs aliments, qu’il soit énoncé comme préventif ou curatif d’une quelconque maladie. Mais rien, dans les textes, n’empêche d’évoquer, dans la publicité, à titre annexe, les effets positifs envisagés. Comme nous suivons malheureusement le modèle commercial américain avec un léger décalage, sans doute verrons-nous apparaître, d’ici quelques années des chewing-gums contre le rhume ou des boissons prévenant le cancer : c’est déjà le cas aux USA. Pour l’instant, il s’agit d’appâter le chaland et non de l’effrayer par un virage trop brutal dans les habitudes alimentaires. Monsieur Dupont ne doit pas encore avoir l’impression qu’il rentre dans une pharmacie alors qu’il est tout bêtement allé acheter nourriture et boisson. De plus, la « tradition gastronomique » française est encore assez forte et la « peur du microbe » n’atteint pas encore les proportions qu’elle a prises outre-Atlantique. Mais les agences de publicité travaillent à corriger ces lacunes et les messages, y compris dans le domaine de l’alimentation, s’adressent de plus en plus au jeune public. Quant aux adultes, rien de tel qu’un bon discours culpabilisant pour faire évoluer les comportements : « sachez que vous avez une part de responsabilité dans votre cancer de l’intestin et que vous auriez pu l’éviter si vous aviez été un peu plus attentifs aux produits que vous achetez » ou bien « les effets du cholestérol sont nocifs sur votre santé… Entre deux boîtes de saucisses pour apéritif, n’oubliez pas de consommer un yaourt allégé ! ». Il est bien évident que l’on ne va pas vous dire que l’agriculture intensive, à grand renfort d’engrais chimiques, augmente les rendements mais appauvrit par exemple le blé ou le riz en sels minéraux… Plutôt que d’intervenir à la racine du problème, il est plus simple d’additiver votre petit déjeuner à bases de céréales, à grand renfort de magnésium, de potassium et autres éléments… De toute façon, c’est chimique, c’est surdosé et c’est donc plus efficace. Comme me le disait un médecin généraliste il y a quelques années pour me vanter les mérites de la vitamine C synthétique : « vous savez combien il faut consommer d’oranges pour avoir un tel apport de vitamines ? » Sa réponse consistait bien entendu en un nombre relativement impressionnant, mais il omettait de préciser que la plus grande part de cette vitamine synthétique mal assimilée était évacuée dans les urines.
Cherchons donc des aliments de qualité plutôt que des aliments rééquilibrés, complétés ou trafiqués. L’agriculture biologique, malgré tous les défauts que l’on peut lui prêter, montre, à mon avis la bonne voie… Certains m’objecteront que les produits issus de ce mode de culture sont chers. Je suis d’accord avec cette critique. La démarche « saine » que nous devons adopter pour notre alimentation, s’accompagne d’une démarche commerciale. Il faut privilégier les circuits courts, ce qui est une garantie de prix plus juste, mais aussi une garantie concernant le sérieux de la filière. Je ne suis pas sûr qu’un yaourt fermier (provenant d’une vraie ferme – pas d’une photo d’agence) soit d’un coût plus élevé au kilo qu’un alicament lacté. Je ne suis pas sûr non plus que les huiles de première pression à froid reviennent plus cher en cuisine que toutes leurs margarines allégées, leurs matières grasses triturées et leur beurre sans crème… La viande bio est plus chère, certes, mais ne fond pas à la cuisson. Le beefsteack provenant d’élevages respectueux de leurs animaux vous coûtera peut-être 30 % de plus. Est-ce vraiment grave si vous réduisez votre consommation de viande en conséquence ? On peut très bien équilibrer un repas en protéines à l’aide de légumineuses et de céréales associées, manger des œufs en quantité raisonnable, augmenter de temps en temps la ration de fromage pour compenser… Bref faire preuve d’un peu d’imagination, plutôt que de servilité, et se rappeler que les aliments de qualité, consommés de façon équilibrée, ne nécessitent aucun complément synthétique, du moins tant que l’on n’est pas encore malade ! L’alimentation est aussi complexe que le sont les besoins de notre corps et le remplacement de la cuisine par un laboratoire du petit chimiste n’est sûrement pas la solution. Même les partisans effrénés de l’agrochimie s’en sont rendu compte. Dans un premier temps on a cru que les engrais complets (NPK – Azote, potasse, phosphore) suffisaient à équilibrer les besoins du sol. Puis on s’est aperçu que de nombreux oligo-éléments manquaient à l’appel. On a complété les engrais en y ajoutant, au petit bonheur, toutes sortes d’éléments complémentaires. On s’aperçoit aujourd’hui que ces dosages « miraculeux » ne couvrent pas totalement les besoins du sol : certains éléments sont absorbés en excédent, d’autres lessivés par les eaux de pluie, et les terres agricoles sont de plus en plus déséquilibrées. L’alchimie des sols est complexe. Laissons faire la nature en l’accompagnant dans son travail par des façons culturales respectueuses et des apports nutritifs à long terme, plutôt que de jouer aux « apprentis sorciers ». Les mêmes règles peuvent s’appliquer au fonctionnement du corps humain.
Notes
– (*) notamment travaux de Didier Raoult, chercheur au laboratoire de virologie de la Timone à Marseille (article publié dans la revue scientifique « Nature »)
– (**) Voici quelques autres marques de produits dont l’argumentaire de vente contient des allégations dans le domaine de la santé : BA citron au bifidus actif, CALCIUM plus vitamine D, BONNE NUIT, CANDIA riche en oméga 3, DANACOL, FINE BOUCHE Cholestérol, FLEUR DE COLZA, JOUR APRES JOUR, MATIN LEGER, OMEGA SNACK, PETIT BABY CROISSANCE, PRIMEVERE, REGILAIT vitalité spécial calcium, SOJASUN Nature, TAILLEFINE, WASA Fibres, YOPLAIT renforcé… liste incomplète, source « doctissimo ». Il ne s’agit aucunement d’un appel au boycott, mais simplement une suggestion de prendre le temps de lire les notices et de réfléchir pour savoir si l’on a vraiment besoin de tels produits…
3 Comments so far...
fred Says:
4 septembre 2009 at 12:41.
Il s’agît d’un simple « retour à la normale » ! N’oublions pas, qu’au départ, les yaourts étaient vendus en Pharmacie avant l’invention du frigo !
LePtitLu Says:
4 septembre 2009 at 19:57.
Bon appétit !
langue Says:
21 septembre 2009 at 15:25.
Je suis sûr que ces techniques seront acceptées partout dans le monde. Ce sera une utile et bon marché aussi. Merci pour cet article bien écrit.