18 février 2008

Chêne Kermès et mimosa…

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage .

kermes1.jpg Nous avons échangé notre campagne encore bien marquée par la grisaille hivernale contre une autre, plus verdoyante, où le printemps commence à sourire, avec les fleurs blanches des amandiers et le jaune soleil des mimosas.
Nous avons abandonné pour quelques temps notre « bise » glaciale , venue du Nord et souvent présente lorsque le mistral souffle dans la vallée du Rhône, pour goûter au plaisir du vent marin, guère plus chaud en cette saison, et chargé d’humidité. Tous deux ont en commun le fait d’être aussi têtus l’un que l’autre et de s’acharner à souffler pendant des jours et des jours ! On s’habitue à ce vent frais venu de la Méditerranée voisine. On s’habille un peu chaudement et on résiste de son mieux, prenant parfois l’apparence voutée des pins rabougris qui se dressent sur le faîte des collines. On cherche l’abri d’un fond de vallon, d’un mur de bergerie ou d’un sous-bois un peu touffu.

kermes3.jpg Nous avons aussi laissé derrière nous, pour quelques temps, notre campagne urbanisée où la nature est de plus en plus grignotée par les activités humaines, pour de vastes étendues, beaucoup plus sauvages, peuplées de genêts, de pins maritimes et de chênes kermès.

kermes2.jpg Le soleil était au rendez-vous presque tous les jours pendant cette longue semaine qu’a duré notre séjour. Nous avons loué un gîte communal à Fenouillet, dans un petit hameau tranquille, sur la place du village, au pied d’une forteresse médiévale en grande partie écroulée : un décor somptueux, propice à la rêverie et à la méditation. Belle région que celle des Fenouillèdes, zone de moyenne montagne (400 à 800 mètres), située au pied des Pyrénées, au sud du massif des Corbières et à l’Ouest de Perpignan. Nous y avons parcouru quelques dizaines de kilomètres à pied et quelques centaines en voiture pour mieux nous familiariser avec le décor et essayer de comprendre un peu l’architecture géographique et humaine du pays. L’hiver est une bonne saison pour faire une sorte d’état des lieux du pays dans lequel on se promène : le tourisme est alors inexistant et l’on découvre plus facilement la vie réelle des habitants. On aperçoit de petits villages blottis sur les flancs des côteaux ou au fond de vallons parfois difficilement accessibles, un groupe d’une dizaine de maisons, serrées les unes contre les autres, entourant une placette sur laquelle se trouve l’église paroissiale. Il n’y règne qu’une faible animation. La plupart des volets sont fermés et les quelques personnes qui vivent encore dans les maisons occupées donnent l’impression d’hiverner en attendant des jours meilleurs. Il faut aller dans les bourgs situés sur les « grands axes » de circulation ou bien dans les zones de culture intensive de la vigne, pour découvrir une activité un peu plus soutenue.

kermes4.jpg Pourtant, de nombreux indices montrent qu’autrefois la vie était intense même dans les endroits les plus reculés : la quantité de routes et de hameaux, signes indiscutables d’un peuplement ancien, et toutes ces terrasses, autrefois cultivées ou pâturées, dont on voit encore le dessin même dans les lieux les plus inimaginables. Bureaux de poste, écoles, commerces ont fermé depuis longtemps et les enfants connaissent la joie du transport quotidien dans les minibus scolaires (parfois 20 à 30 kilomètres le matin et le soir). Beaucoup de propriétés ont été rachetées pour servir de résidences secondaires, d’autres ont été transformées en locations pour la période estivale, afin d’accueillir le flot touristique qui se déverse sur la région. Mais tout cela crée une agitation, certes sympathique, mais surtout artificielle, trois ou quatre mois par an seulement. Quelques « marginaux » (je reprends le terme utilisé par les « locaux ») se sont installés ici à demeure pour reprendre une activité d’élevage ou d’artisanat liée au tourisme, mais leur présence est discrète. On entend parfois parler anglais ou néerlandais, comme dans beaucoup d’autres régions rurales du Sud de la France.
Autres témoins d’une vie anciennement très animée, les ruines médiévales sont nombreuses : châteaux ayant connu leur âge de gloire à l’époque du Catharisme ou forteresses alignées le long de la frontière avec l’Espagne. Dans les villages eux-mêmes, le tracé des rues et le mode de construction de l’habitat est ancien. La pierre domine et sa couleur change du jaune au gris selon les caprices de la géologie locale.

kermes5.jpg L e dépaysement est important pour nous, même si nous vivons à la campagne. Notre région se peuple de plus en plus : les lotissements se multiplient autour des bourgades et les zones artisanales disputent la place aux ronds-points et aux contournements routiers. La densité de population fait qu’il est de plus en plus difficile de se promener dans des coins un peu sauvages (voir chronique « ma belle région que j’aime » parue précédemment sur ce blog). On se prend à rêver parfois d’un développement un peu plus homogène du territoire, d’une vie un peu plus également répartie. La solution consistant à transformer une partie du pays en réserve « touristique » pour la saison estivale et l’autre en ruche débordante d’activités tout au long de l’année, n’est guère intelligente. Le phénomène touristique entraîne une élévation conséquente des prix de l’immobilier, rendant difficile l’installation des personnes soucieuses de développer une activité à l’année. Priorité devrait être réellement donnée, dans l’acquisition des terres par exemple, à ceux qui veulent faire vraiment revivre les régions désertifiées. Une politique de soutien active devrait être menée par l’Etat, en maintenant les services publics, même lorsque dans un premier temps, leur présence ne se justifie que difficilement. On ne s’installe pas facilement dans un village sans école, sans bureau de poste et sans boulanger… D’autant qu’une fois ces structures disparues, il est rare qu’une tendance inverse du mouvement démographique les fasse revenir. Les difficultés sont certes nombreuses et pour les surmonter il faudrait une réelle volonté de développement équilibré et « durable » (le mot est à la mode). Les nouveaux venus ne sont pas toujours facilement intégrés par les « anciens » : l’un de nos voisins, dans la commune où nous avons séjourné, nous expliquait que « même âgé, il se représentait aux élections municipales, car il n’était pas question de laisser la place aux marginaux »…
Dans une prochaine chronique, nous parlerons un peu plus en détail de certains des sites que nous avons visités pour vous donner envie d’aller y faire un tour. En attendant, la vie du blog reprend !

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