19 octobre 2009

Pas de repos dominical pour la répression…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

Non Madame Michu rassurez-vous, vous pouvez dormir en paix, la France n’est pas encore une dictature et l’on peut encore exprimer ses opinions presque librement dans la presse ou sur Internet. Le droit de manifester n’est pas encore tout à fait remis en cause et l’on peut faire grève, discrètement, sans embêter personne, en ne risquant qu’un conseil de discipline ou un licenciement. La France est simplement en train de prendre un virage politique discret, mais efficace. Nous avançons à pas de loup (mais de grand loup quand même) vers un régime type monarchie parlementaire, en attendant de franchir l’étape décisive, l’avancée suprême vers le troisième Empire (j’espère que je ne me trompe pas de numéro). Lorsque les institutions deviennent gênantes ou tout simplement lorsqu’un débat parlementaire risque de porter sur le devant de la scène une question embarrassante, la constitution de la Vème République autorise l’emploi de décrets, immédiatement applicables. Il suffit d’une petite publication discrète dans le Journal Officiel, et hop, le tour est joué : plus qu’à appliquer. On s’endort le vendredi soir et on se réveille le lundi matin en découvrant que telle ou telle pratique, illégale au coucher, est devenue légale au réveil, ou vice-versa. Le contenu du susnommé Journal Officiel du dimanche 18 octobre est une parfaite illustration de mon propos. Non, vous ne rêvez pas, le Journal Officiel est publié aussi le dimanche… pas de trêve qui tienne, ni de jour du Seigneur, ni de pause pendant le match. En plus, c’est un bon jour pour publier des textes de lois… Qui irait gâcher son repos dominical, ou celui de ses concitoyens en allant râler contre quelques petits paragraphes supplémentaires ajoutés à l’arsenal répressif considérable dont dispose déjà notre Sinistre de l’Intérieur…

Heureux citoyen, pendant que vous dormez, l’ange gardien gouvernemental veille, patrouille, légifère, matraque, emprisonne… uniquement dans le but d’assurer votre tranquillité sans cesse menacée par l’ENNEMI INTERIEUR, cette créature redoutable, dont les fascistes de tout poil avaient déjà détecté la présence sur notre territoire entre 1940 et 1944, puis pendant la guerre d’Algérie ou les événements de Mai 68. La bête rouge et noire hideuse est réapparue sous des formes multiples et votre survie même est en cause. Des créatures immondes sabotent les caténaires de nos TGV, poussent les travailleurs sans-papiers à la révolte, menacent notre avenir nucléaire ou ravagent les centre-ville de nos cités les plus paisibles. Face à de telles hordes barbares, nous savons tous que notre Police Nationale, nos Renseigneurs Généreux, nos vaillants nemrods de la DCRI, étaient pratiquement démunis. Il y a des mois, des années mêmes, qu’ils réclamaient de véritables moyens pour surveiller, traquer ou embastiller cette mouvance presque aussi dangereuse que le virus H1N1 et contre laquelle il n’existe malheureusement aucun vaccin vraiment efficace, tant que nos établissements scolaires seront infestés par la vermine enseignante gauchisante, et que les chaînes de montage de nos dernières usines devront subir la présence de délégués syndicaux aussi malpolis que grossiers. Heureusement depuis le dimanche 18 octobre, date à marquer en lettres d’or dans le calendrier pour les amateurs de sensations répressives fortes, on va pouvoir contrôler un peu mieux tout ça. Pour les amis de la Justice, de la Liberté, cette date sera par contre celle d’une journée de deuil. J’en ai bien peur…

Les décrets parus à cette date au Journal Officiel annoncent la création de deux nouvelles « bases de données » pour faciliter le travail de nos « protecteurs ». Les Français, plutôt arriérés, ayant une certaine méfiance à l’égard des fichiers, même lorsqu’on leur donne un prénom féminin, mieux valait opérer en douce. La première de ces bases porte le titre poétique de « prévention des atteintes à la sécurité publique ». Voici les données qui pourront (en toute légalité) y figurer :
– Motif de l’enregistrement
– Photographies
– Etat civil
– Nationalité
– Profession
– Signes physiques particuliers et objectifs
– Adresses physiques et électroniques
– Numéros de téléphone
– Titres d’identité
– Immatriculation des véhicules
– Informations patrimoniales
– Activités publiques
– Comportement et déplacements
– Agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale
– Personnes ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l’intéressé (se limitant à leur identité, sauf si elles-mêmes présentent un risque d’atteinte à la sécurité publique).
En outre, « à titre dérogatoire et dans un cadre strict », selon une circulaire du ministère de l’Intérieur adressée dimanche aux préfets, pourront être indiqués:
– Signes physiques particuliers et objectifs « pris comme éléments de signalement » (tatouage, cicatrice, couleur de cheveux)
– Origine géographique ou appartenance à un même quartier
– Activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales.

Vous êtes inquiets ? Rassurez-vous, toutes ces données seront supprimées au bout de 3 ans pour les mineurs et 10 ans pour les majeurs… après la date du dernier événement « subversif » dans lequel vous serez impliqué. Le type d’événement étant bien entendu réservé à l’appréciation de la police, vous ne saurez bien entendu pas lorsque votre nom disparaitra de la mémoire officielle. Comme le diront nos aboyeurs médiatiques aux ordres, de toute façon vous n’êtes pas concernés puisque vous n’avez rien à vous reprocher. Restez un citoyen au-dessus de tout soupçon ; contentez-vous de regarder la télé et de lire le Figaro. Evitez de fréquenter les quartiers piétonniers ravagés par les émeutiers ; ne sortez jamais après 22 h, c’est trop risqué (un contrôle d’identité est vite arrivé et si l’on est un peu éméché, on a du mal à contrôler ses propos)… Le nouveau dispositif de « flicage » ne s’arrête pas là, car il manquerait de piment. Cette première base de donnée ne concerne que les personnes ayant troublé l’ordre public et constituant un danger pour les citoyens modèles. Il ne s’agit donc de ficher que les « ennemis intérieurs avérés ». Le problème c’est que si l’on ne s’intéresse aux ennemis intérieurs qu’une fois qu’ils ont commis leur lâche agression à l’égard d’une vitrine de Bouygues Telecom, c’est un peu tard. Il y a une autre phase importante, c’est la « traque préalable », la recherche d’indices, la prévention du CRIME. La première base de données est donc complétée par une seconde, religieusement intitulée « enquêtes administratives liées à la sécurité publique ».
Comme nous vivons dans un Etat Démocratique (rappel) ce fichier informatique ne contiendra, lui, que les données suivantes :
Motif de l’enquête
– Photographies
– Etat civil
– Nationalité
– Profession
– Adresses physiques et électroniques
– Numéros de téléphone
– Titres d’identité
Pourra également, « à titre dérogatoire », être fait mention d’éléments à caractère politique, philosophique, religieux ou syndical si y est lié un comportement « incompatible avec l’exercice des fonctions ou missions envisagées ».
Des mineurs peuvent y être inscrits, s’ils ont plus de 16 ans et ont fait l’objet d’une enquête administrative les concernant directement dans le cadre d’une procédure de recrutement.
L’inscription sera automatiquement supprimée cinq ans après son enregistrement « quel qu’ait été le résultat, favorable ou non de l’enquête ».

Voilà, c’est tout, je vous laisse digérer, assimiler, conclure. On me reproche des billets parfois un peu longs. Là, je ne crois pas qu’il y ait besoin de prolonger. Je remercie le site internet du Nouvel Obs de m’avoir fourni les données informatives précises concernant ces décrets. Je n’aurais pas été capable de rédiger seul un truc pareil. Je n’ai pas le goût à illustrer ce texte. La seule chose à laquelle j’ai envie de penser ce sont des feuilles d’arbre aux couleurs d’automne, et, franchement, je ne vois pas le rapport.

Ite Missa Est

5 Comments so far...

la Mère Castor Says:

19 octobre 2009 at 13:32.

Long, mais instructif parce que détaillant ce qu’on a entendu à la radio. Si ut veux des feuilles d’automne, il y en a plein les blogs.

la Mère Castor Says:

19 octobre 2009 at 13:32.

tu, bien sur.

fred Says:

19 octobre 2009 at 16:24.

ah ben zut alors ! à cause de toi on risque de se retrouver fiché aussi !
Je ne parviendrais certainement pas à les convaincre que mes visites répétées sur ce blog sont fortuites !

François Says:

20 octobre 2009 at 23:29.

C’est marrant, ça me rappelle l’affaire des fiches qui avait secoué la suisse à la fin des années 80. Les citoyens du pays ont soudainement appris qu’ils avaient été massivement fichés. Participer à une manifestation organisée par les syndicats ou un parti de gauche (même molle) était suffisant. Un collègue de l’époque m’avait raconté avait été interrogé par la police fédérale, sous prétexte qu’il s’était rendu à un congrès en Allemagne de l’Est.

Théoriquement, ce fichage n’existe plus et les fiches existantes ont été archivées (pas détruites, notez bien). Mais la fichophilie n’est pas morte!

Je hais les dérives sécuritaires qui se multiplient depuis le 11 septembre, magnifique prétexte à un retour de bâton son précédent. Tout acte un tant soit peu marginal se retrouve maintenant qualifié de terroriste, porte ouverte alors à tous les abus (policiers).

Nous vivons une époque formidable.

François Says:

20 octobre 2009 at 23:30.

« sans » précédent…

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