2 novembre 2009

On the road for Normandy

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage .

bleu-normand Un large coin de ciel bleu… Un rayon de soleil passe par la fenêtre et fait ressortir de façon singulière les veines de la table en chêne sur laquelle l’ordinateur est posé. Tout ce que l’on aperçoit à travers les vitres exhale une certaine douceur de vivre et il semble qu’un coup de pinceau magique ait redonné au paysage la chaleur qu’il avait de la peine à exprimer hier. Notre arrivée dans le pays de Bray, en Normandie, a été commémorée par une longue journée de pluie, de brume et de grisaille. Rien de bien différent avec les longues journées automnales que l’on connait chez nous, à quelques kilomètres des bords du Rhône. Novembre arrivé, la règle du jeu a changé et ce sont maintenant les brouillards matinaux et les nuages gris qui sont les maîtres de notre destinée quotidienne. Nous voici pelotonnés dans un cocon douillet, blottis à la chaleur d’un foyer dont nous ne connaissions pas l’adresse il y a peu… Pendant que la soupe mijote, nous en sommes à commenter nos trajectoires passées avec les maîtres des lieux. Chose étonnante, nos chemins se sont entrecroisés bien souvent sans que l’on ne se rencontre jamais. Etrange rencontres entre personnes qui ne se connaissaient, il y a peu, que par des relations épistolaires, découvrant que leurs pas ont emprunté bien des fois les mêmes pistes, visité les mêmes chapelles et entonné les mêmes cantiques. Finalement, le fait qu’il pleuve ou qu’il vente n’a guère d’importance, si ce n’est que le soleil permet, sans le moindre effort personnel, de donner à la journée qui commence une connotation joyeuse…

moulin-a-vent Nous ne sommes pas des champions de l’autoroute, en règle générale, et encore moins des géomètres experts de la ligne droite. En fait, pour cheminer jusque dans les environs de Rouen, nous avons planté quelques punaises éparses sur la carte de France ; nous les avons ensuite reliées à l’aide d’une ficelle à rôti bien mal tendue, et nous avons demandé à notre coccinelle ronronnante de suivre le chemin ainsi tracé. Les balises étaient posées sur des lieux de mémoire, comme le chantier médiéval de Guédelon, déjà visité en 2005 et qui mérite à lui tout seul une grande, belle et noble chronique, ou sur des sites à explorer comme la Charité sur Loire ou Giverny. Il y avait, dans toutes nos haltes, des choix délibérés, comme Château Gaillard, des rencontres suggérées par la boussole (nous passions à côté des jardins de Monet) ou des découvertes au hasard de la lecture d’une carte ou du caprice d’un GPS farfelu. L’une de nos dernières étapes a été l’abbaye de Mortemer, dans la forêt domaniale de Lyons, rencontre involontaire d’un site fort apprécié tant est singulière l’atmosphère qui l’environne. Nous avons fait le tour du lac à pied et arpenté le « chemin des Ducs », hommage rendu par un sculpteur aux personnages célèbres de l’histoire normande.

la-loire-a-la-charite Le pourquoi d’un arrêt à la Charité sur Loire, alors que non loin de là se trouvent d’autres lieux bien plus connus, tel Pouilly et ses vins blancs renommés ? Il y a un an ou deux de cela mon regard avait été attiré par des images de la ville aperçues dans un très beau documentaire sur le fleuve Loire. Quant à mon oreille, eh bien, elle avait entendu ces paroles ayant sur moi le même effet que le miel pour les abeilles : « cité du livre, dans laquelle se sont installés de nombreux bouquinistes, relieurs…. nombreuses animations en relation avec cette vocation littéraire ». Le passage dans un tel lieu (enchanteur pour mon esprit collectionneur) s’avérait indispensable. J’avais alors noté sur mon grand cahier d’idées diverses : visite à inclure dans un prochain itinéraire, à condition que la boussole nous guide vers l’Ouest ou le Nord Ouest… La chose est faite : le pèlerinage a eu lieu et les pèlerins sont contents car la moisson a été bonne. Nous avons alourdi le coffre de notre oiseau migrateur et enrichi notre exubérante bibliothèque de quelques titres supplémentaires. Le centre ville de La Charité est fort agréable à visiter et les commerçants ont fait un effort pour se mettre au diapason littéraire : les devantures sont ornées de citations, et, pour une fois, les vendeurs de livres sont plus nombreux que les agences immobilières ou les officines bancaires. Un grand pont enjambe la Loire et laisse imaginer ce que peut être la splendeur du fleuve lorsque les caprices de la météo lui permettent de s’exprimer vraiment. Dans notre cas, la beauté du coucher de soleil a compensé amplement le calme des flots langoureux.

ruines-de-mortemer La troisième journée du trajet a été riche sur le plan culturel elle aussi, avec la visite de la maison de Monet et des jardins de Giverny, une brève escale au Musée des Impressionnistes et une halte prolongée dans les ruines de Château Gaillard, à l’ombre de Richard Cœur de Lion, de Jean Sans Peur et de Philippe Auguste. En une journée nous avons ainsi côtoyé l’un des plus grands peintres impressionnistes et trois des rois les plus prestigieux de l’époque médiévale… Il ne fallait rien de moins que le calme d’une abbaye en ruine et la compagnie des fantômes multiples qui peuplent ses légendes, pour terminer un itinéraire pareil ! Mortemer a répondu à notre attente et confirmé mon impression selon laquelle les monastères et les abbayes sont toujours installés dans des sites exceptionnels. De la splendeur des bâtiments et de l’immensité du domaine (environ 5000 hectares) ne restent plus que des tronçons de murs, des colonnades sans chapiteaux et un vaste bâtiment sans doute plus récent que les vestiges. La Révolution de 1789 est passée par là et les quatre derniers moines qui occupaient les lieux déjà désertés, ont payé de leur vie, l’outrecuidance de leurs riches aînés. Les « barbares » de la « vile populace » ont transformé les lieux en carrière de pierres. Il faut sans doute atténuer l’importance du crime en précisant qu’avant le passage de la horde, les bâtiments étaient déjà en bien mauvais état !

jardin-deau-giverny De Giverny et du paradis de Monet, je n’ai pas dit grand chose jusqu’à présent ; pourtant ce lieu m’a fasciné également. Certes l’automne n’est pas la meilleurs saison si l’on veut observer des nymphéas en fleur ou profiter des couleurs des vastes massifs de fleurs annuelles, mais ce manque a été largement compensé par la beauté des colorations automnales. Le jardin d’eau est bordé d’arbres magnifiques : érables du Japon, frênes, saules, arbres de Judée… Cette végétation offre une palette de rouges, de jaunes, de bruns et de vert pâle, apte à stimuler la créativité de n’importe quel peintre amateur et à pousser le moindre photographe à un déchainement fiévreux de prises de vue sous tous les angles possibles et imaginables. La maison du Maître est fort belle également, et bien que ce ne soit plus qu’un musée où les objets sont figés dans une immobilité un peu angoissante, une certaine chaleur se dégage des pièces ouvertes à la visite. Cela est dû aux tons choisis pour badigeonner les murs : le jaune tournesol de la cuisine met particulièrement en relief la batterie de cuisine en cuivre qui trône sur l’énorme fourneau bouilleur… Monet aimait peindre mais il aimait aussi recevoir. La transition avec l’exposition proposée au Musée des Impressionnismes, à savoir les tableaux abstraits de l’artiste américaine Joan Mitchell, a été particulièrement difficile. Celle-ci a exprimé avec force son attachement à la nature qu’elle aurait représentée dans ses toiles. Faute de clés sans doute pour comprendre, je n’y ai ressenti, personnellement, qu’une vision du chaos industriel qui nous oppresse…

chateau-gaillard Le chaos nous l’avons retrouvé aussi dans les ruines de Château Gaillard. D’importants travaux de rénovation sont en cours sur les murailles de la vieille forteresse. Certainement indispensables si l’on veut préserver cet héritage exceptionnel, ils gâchent un peu l’ambiance cependant. Il faut dire que le château impressionnant construit sur les falaises à l’aplomb de la Seine par le roi Richard Cœur de Lion a subi les outrages du temps. Une partie des dégâts remonte à l’époque de son siège et de sa prise par Philippe Auguste, mais l’essentiel des dégradations ont été commises un peu plus tard dans l’histoire. Certains experts en démolition, comme Richelieu, par exemple, ont veillé à ce que l’immense donjon ne puisse plus être le symbole d’un quelconque pouvoir régional. A cette occasion, l’énorme tour a perdu une bonne partie de sa hauteur. Les pierres des courtines et des défenses périphériques ont servi à construire divers bâtiments religieux ou civils des environs. Du coup la vue est plus impressionnante de la vallée que directement sur pied. Il y a longtemps que je voulais contempler Château Gaillard et je n’ai vraiment pas été déçu. Mes connaissances historiques se sont enrichies de quelques anecdotes. J’ignorais par exemple que la tour avait servi de prison à Marguerite de Bourgogne, personnage historique sulfureux ayant inspiré de nombreux écrivains. On la retrouve entre autres dans « les Rois Maudits » de Maurice Druon ou dans « la Tour de Nesles » de Michel Zévaco…

Le soleil persiste et signe dans ses intentions bienveillantes. J’espère qu’il va nous accompagner pendant les quelques journées que nous allons consacrer à la découverte du pays de Bray. Etonnant phénomène qu’Internet indiscutablement. Notre motivation première pour aller en Normandie était une rencontre… Ce voyage n’aurait peut être pas eu lieu, du moins dans ces conditions, si le monde des blogs n’existait pas. D’ici quelques heures, je ne manquerai pas de lever mon verre de cidre « maison » et de porter un toast à tous les lecteurs et lectrices assidus ou infidèles de ce blog. Au programme de la journée, quelques pommes à ramasser, le chien à promener sans doute et de longues heures de bavardage passionnant, tant les pistes qui s’ouvrent devant nous sont nombreuses.

6 Comments so far...

Lavande Says:

2 novembre 2009 at 14:40.

VEINARDS !!!!

la Mère Castor Says:

2 novembre 2009 at 17:10.

Merci pour le toast, profitez bien de la Normandie.

Miette Says:

2 novembre 2009 at 21:08.

Décidément, comme nous nous le disions avec Lavande, il y a des coïncidences étonnantes ! J’étais à Giverny mardi dernier …
Quelques mots évocateurs d’une artiste impressionniste américaine, Lilla Cabot Perry, à propos de la salle-à-manger aux murs jaunes décorés d’estampes japonaises: « C’était un endroit charmant avec de larges fenêtres ouvrant sur le jardin, qu’on laissait ouvertes lors des repas pour permettre aux nombreux moineaux de s’approcher et de picorer quelques miettes amicales. [Monet] m’en désigna un qui avait perdu une patte et venait régulièrement depuis trois ans. »
Tentative de transition avec Joan Mitchell, les conseils de Monet à Lilla: « Quand vous sortez pour aller peindre, essayez d’oublier les objets qui sotn devant vous, arbre, maison, champ, n’importe. Pensez plutôt: ici il y a un petit carré bleu, ici un rectangle rose, ici une rayure jaune »
— tentative faussée bien sûr, puisqu’il continuait en disant « peignez ça juste comme ça vous apparaît », alors que, si j’ai bien compris, Joan Mitchell cherchait plutôt à évoquer non ce qu’elle voyait mais les émotions suscitées en elle par ce qu’elle voyait.
Je ne connais pas grand chose à la peinture abstraite, mon avis n’a donc pas beaucoup d’intérêt, mais je dois dire qu’en dépit de mes doutes initiaux l’exposition m’a plu — les œuvres (immenses) réunies dans la dernière salle en particulier. Disons que pour moi « la sauce prend ou ne prend pas », mais certaines toiles se sont vraiment imposées à moi (je crois que c’est le mot, vu leurs dimensions) par leur rythme, leur dynamisme — j’aurais envie de parler de « structure en mouvement », comme pour « Marlin » (une sorte de tourbillon bleu) et surtout le polyptyque « Edrita Fried ». Du coup, ayant laissé à mes yeux le temps de s’habituer, j’ai refait un deuxième tour …
Voilà, c’étaient mes « miettes amicales » !

zoë Says:

2 novembre 2009 at 21:46.

Vous me faites désirer la retraite qui permet ces vagabondages dont vous nous donnez le détail. Bises aux Clopins

Clopin Says:

3 novembre 2009 at 00:49.

Bonne journée à Dieppe demain !!!

Cactus Says:

3 novembre 2009 at 10:31.

on a failli se rencontrer toutes et tous , c’est ça ; dingue , non ?

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