19 mars 2008

Commémorons, commémorons mes frères, mes sœurs !

Posté par Paul dans la catégorie : Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire; Un long combat pour la liberté et les droits .

commune1.jpg Le mois de mars est riche en évènements ! Avant de verser une larme le 22 sur feu Daniel Cohn-Bendit et consorts, rappelons-nous que le 18 mars de l’an 71 (1871 ignares !) le peuple de Paris se révoltait et, avec la complicité des soldats envoyés par Mr Thiers pour les récupérer, s’emparait des canons placés sur les hauteurs de Montmartre pour défendre la capitale. C’était le début de la « Commune », un soulèvement exemplaire qui verra, pour la première fois, s’ébaucher sur le terrain, la mise en place d’une nouvelle forme d’organisation du pouvoir.

Le surlendemain, Emile Duval, commandant délégué à l’ex-préfecture de police, déclare : « Paris, depuis le 18 mars, n’a d’autre gouvernement que celui du peuple : c’est le meilleur. Jamais révolution ne s’est accomplie dans des conditions pareilles à celles où nous sommes. Paris est devenu ville libre. Sa puissante centralisation n’existe plus. La monarchie est morte de cette constatation d’impuissance. (…). » Ce texte est publié par le journal officiel de la Commune de Paris.

commune2.jpg Les communards vont tenir deux mois environ, jusqu’à la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai, qui verra le soulèvement populaire se terminer dans un bain de sang, et une répression féroce s’abattre sur le mouvement ouvrier dans son ensemble (les chantres actuels de l’ordre social à tout prix en bavent encore…). Pendant cette brève période, la capitale va connaître une agitation intense : il faut, à la fois, organiser la résistance aux troupes de Monsieur Thiers, et veiller à la subsistance de la population, ce qui n’est pas chose facile : il ne faut pas oublier que l’armée allemande est aux portes de la ville elle aussi. Les communards vont réaliser des prouesses dans ces deux domaines. Dès le 26 mars, des élections sont organisées dans la ville assiégée, afin de désigner les 92 membres qui siègeront au conseil de la Commune. Ces élections sont organisées de façon remarquablement démocratiques, puisque même des membres du parti de l’ordre, le parti de Mr Thiers, y sont élus. Toutes les tendances républicaines de l’époque sont représentées au Conseil, des socialistes les plus centralisateurs, admirateurs du « jacobinisme » de 1793, aux partisans des thèses de Proudhon insistant sur la primauté du social sur le politique et l’importance d’une organisation fédérale et anti-autoritaire. Ce « cocktail » est assez détonnant mais fonctionne quand même sans trop de heurts pendant un mois. Quelques personnalités plus « neutres » politiquement mais néanmoins engagées dans la lutte au côté du peuple servent de « tampon » entre les positions les plus extrêmes. Le 28 avril, les « majoritaires », Blanquistes et Jacobins, imposeront la création d’un « comité de salut public » dont les Proudhoniens ne veulent pas et les frictions se feront plus vives. L’ombre de la Révolution de 93 plane sur les têtes mais n’empêche pas l’unité contre l’ennemi commun.

commune4.jpg Sur le terrain, le travail social réalisé est considérable et tout un ensemble de lois (que les Versaillais s’empresseront d’abroger) sont votées. Beaucoup sont, avant tout, destinées à améliorer la vie des Parisiens les plus pauvres. Quelques exemples choisis dans ce vaste ensemble de mesures : les objets déposés au Mont de Piété ne peuvent plus être vendus et peuvent même être récupérés ; les loyers impayés des derniers mois ne peuvent plus être réclamés et les habitants ne pourront pas être expulsés de leur logement ; les appartements vides sont réquisitionnés pour loger les familles chassées par les bombardements allemands et versaillais ; le paiement des dettes est rééchelonné ; des cantines municipales sont créées pour distribuer des repas aux plus démunis… Quelques monuments comme la colonne Vendôme ou l’hôtel particulier de Monsieur Thiers font les frais de la colère populaire, mais les règlements de compte et les actes de vandalisme et de pillage sont peu nombreux. Il faut dire que les habitants les plus plus « frileux » en matière de réformes ont préféré s’exiler et se mettre sous l’aile protectrice de l’armée versaillaise…

commune3.jpg La Commune de Paris réaffirme le principe de la liberté de la presse et même les journaux anti-révolutionnaires et pro-Versaillais sont autorisés. Ceux-ci déversent leur haine à longueur de pages sur le nouveau gouvernement. Au fur et à mesure que la situation militaire devient plus tendue, un certain nombre de titres sont alors interdits, mais la censure ne s’exerce vraiment qu’au mois de mai. Monsieur Thiers, de son côté, bloque bien entendu la diffusion en province de tous les journaux communards… Si RSF avait existé à l’époque, on peut supposer que l’ONG aurait sans doute dénoncé la « dictature » révolutionnaire. Monsieur Robert Ménard, son Président, aurait vigoureusement admonesté un « Conseil de la commune » (Chavez n’existait pas à l’époque !) se permettant de « restreindre » la liberté d’action de journalistes bienveillants. Il aurait sans doute omis de signaler que ces hommes collaboraient avec ardeur à la répression versaillaise et ne cherchaient qu’à saboter les réformes en cours (toute ressemblance avec des faits actuels reprochés à RSF n’est que purement fortuite. Nous en reparlerons néanmoins !)

L’un des plus beaux hommages rendus à tous ces événements est, à mes yeux, la chanson de Serge Utge Royo intitulée « sur la Commune ». Je me permets, pour conclure ma chronique, de lui « emprunter » cet extrait :
« Il faut gratter l’oubli dont on a recouvert
les leçons de ces copains qui furent assassinés
Il faut savoir que l’autonomie ouvrière
a laissé dans l’histoire des blessures infectées. »
(« chansons d’hier-soir » Serge Utge-Royo)
Pour ceux qui ne connaissent pas ce chanteur, voici un lien sur son site et un lien sur la chronique que j’avais écrite à son sujet il y a quelques temps. Il y a eu quand même dans l’histoire des périodes de changements « municipaux » qui étaient plus excitantes que d’autres…

2 Comments so far...

Odette L-E Says:

20 mars 2008 at 18:43.

Bonsoir Paul,
Heureuse de te lire. Tu écris drôlement bien et, par les temps qui courent, – difficiles à retenir – c’est plutôt rare. Du moins à travers les quelques blogs (ça s’écrit comment au pluriel ?) que j’ai pu parcourir… Après le dernier concert de Serge U-R (le 18 / 2008 : 127 ans déjà !) ce petit rappel de l’histoire – admirablement documenté et illustré – m’a fait grand bien. La mémoire est si fragile et volatile, hélas !
Elle a un sacrément bon compagnon mon internaute/amie Kali !
Je reviendrai feuilleter la feuille charbinoise.
Amitiés auvergnates de O’dette 33

Pascaline Says:

21 mars 2008 at 09:52.

Bonjour l’amie Odette, je suis bien heureuse moi aussi de te lire. Pour le pluriel de blog, on fait comme en italien ou le o devient i : blig ? La bonne blague ! En verlan, gloub, et glou glou pour les poissons ?

Trèves d’âneries, je crois qu’il est important de rappeler sans cesse les choses, et moi aussi j’aime bien de quelle manière Paul le fait.

Un sacré bon compagnon en effet ! Promène-toi sur le blog, j’espère que tu y prendras beaucoup de plaisir, que tu y trouveras pas mal de choses intéressantes, et n’hésite pas à poster ces petits coucous qui font tellement plaisir.

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