29 septembre 2010

Petites chroniques transylvaines – 2

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage .

Où il est question, entre autres, du château de Bran, de la ville de Braşov et de l’église de Prejmer…

Si je voulais tout vous raconter, il faudrait que je rédige une chronique par jour, et surtout que je trouve la connexion internet pour la poster ! Je me limiterai donc à l’essentiel en gardant quelques bons moments sous le coude pour les longues veillées d’hiver. Devant un tel foisonnement de rencontres, de visites, de paysages, j’ai parfois du mal à faire un choix et à mettre un peu d’ordre dans mes idées. Il faut dire aussi que cette tradition, bien roumaine, d’accueillir les voyageurs en leur servant un « petit » verre d’eau de vie de prune ne me simplifie pas la tâche ! On ne devrait pas démarrer une chronique en sortant de table…

Après Sibiu, nous avons décidé de poursuivre notre tour de la Transylvanie en nous rendant à Brasov, au centre de la Roumanie. Avant de rejoindre ce centre historique important, nous avons fait un détour, incontournable selon les guides touristiques, par le fameux château de Bran, l’un des « piliers » de la légende de Dracula. Les historiens ont pu démontrer, sans problème, qu’il ne s’agissait là que d’élucubrations d’agences touristiques en mal de communication, Vlad III, le personnage qui a inspiré le mythe du prince des vampires, n’ayant probablement jamais mis les pieds au château. Pour les marchands de souvenirs qui s’entassent au pied du monument, ou pour les fabricants d’enseignes publicitaires, cela ne fait aucun doute en tout cas. Quand on traverse le petit village de Bran, on croirait pénétrer dans un « Lourdes » spécialisé vampires. Le sang coule à flot, de l’enseigne des bars restaurants, aux différents hôtels, en passant par les cartes postales et autres chopes à bière toutes plus hideuses les unes que les autres. C’est un peu dommage car le château, une fois délivré de ce carcan de pacotille, est très intéressant à visiter. Son architecture complexe à l’extérieur, se traduit par un véritable labyrinthe de couloirs, escaliers, alcôves et salles à l’intérieur. Le décor est, sans nul doute, très cinématographique. Il faut parfois patienter ou jouer du coude pour faire une photo intéressante tant les visiteurs se bousculent à l’intérieur, et pourtant, nous ne sommes plus en pleine saison touristique !

Au cours de son histoire le château de Bran a changé à de nombreuses reprises de propriétaire. Il occupe, en fait, un poste clé au niveau stratégique, en verrouillant un passage important entre la Transylvanie et la Valachie. La première de ces deux provinces a longtemps fait partie de l’empire austro-hongrois et Bran jouait donc un rôle de poste frontière, contrôlant les déplacements de troupes et taxant les transferts de marchandises. Après avoir été aménagé de façon plutôt confortable au début du XXème siècle, le château a servi très souvent de résidence à la famille royale roumaine. La princesse Marie de Roumanie y a séjourné pendant de longues années. Lorsque le pays est devenu « communiste » après la deuxième guerre mondiale, les propriétaires du lieu sont partis en exil et le gouvernement roumain en a pris possession. L’histoire fonctionnant parfois à reculons, après la chute du mur de Berlin et le changement de régime à Bucarest, la propriété a été restituée à la famille Hohenzollern qui s’est empressée de créer une société commerciale et d’exploiter la ressource de la façon la plus rationnelle possible.

De nombreuses salles ont été transformées en musée, évoquant en particulier la nostalgie du bon vieux temps où la Roumanie avait la chance d’être gouvernée par une famille royale aussi libérale que compréhensive. Des commentaires larmoyants accompagnent les documents attestant la destinée glorieuse ou tragique de certains des membres de cette glorieuse « jet set ». La Feuille Charbinoise n’ayant pas la prétention de concurrencer les magazines spécialisés dans ce genre de niaiseries, je vous ferai grâce des détails… Michel de Roumanie ayant été l’un des acteurs principaux de la création de la Grande Roumanie, au détriment de l’empire austro-hongrois en 1918, on comprend tout à fait qu’il jouisse d’un certain prestige dans le pays. Plus surprenante, pour nous Français, est l’estime dont bénéficie l’un de nos hommes d’état, en l’occurrence Clémenceau, dans ce pays. Là aussi, le lien est direct avec l’histoire locale : notre bon vieux fusilleur d’ouvriers a plaidé pour la création d’un état roumain réunifié lors des négociations du traité de Versailles. Pour compléter ce volet historique, sachez qu’un autre général français, Berthelot se nomme-t-il, est célèbre en Roumanie au point d’avoir donné son nom à diverses artères dans les grandes villes ainsi qu’à une petite bourgade. Lui a opéré directement sur le terrain, pendant la guerre de 14/18, en aidant à la réorganisation d’une armée roumaine passablement chaotique…

En quittant Bran, nous nous sommes rendus à Brasov, autre cité, comme Sibiu, fortement marquée par la présence, dans les temps anciens, d’une importante colonie de marchands saxons. Depuis le belvédère situé en haut d’une colline qui domine la ville, on se rend compte assez facilement du découpage entre quartiers historiques saxons, dont les maisons sont parées de façades richement ornées, et les autres quartiers anciens. Là aussi, l’ambiance du centre ville pousse à la flânerie et les terrasses de café incitent à la paresse. On peut profiter du charme des quelques rues piétonnes, notamment de la rue de la République (clin d’œil aux Lyonnais) où j’ai vainement cherché un musée du train miniature, sans doute fermé depuis que l’office du tourisme a édité son plan des lieux. On peut parcourir le dédale des petites rues pour trouver la plus petite d’entre-elles, un passage étroit, assez long, mesurant à peine plus d’un mètre de large. Elle aurait été « creusée » dans le pâté de maison, au XVIIIème siècle, pour faciliter le passage des pompiers… Dans le même quartier se dresse la basilique noire, ainsi nommée parce que ses murs ont été teintés lors du grand incendie de la ville en 1689. Le musée historique, situé dans la maison du conseil, au centre de la place principale, est intéressant à visiter mais un peu vieillot. Il faut dire que le fait d’être suivi à la trace par l’un des gardiens qui voulait vérifier que l’on n’allait pas prendre de photos sans avoir payé la taxe, nous a un peu agacés. A se demander s’il ne s’agissait pas d’un ancien membre de la Securitate, reconverti en gardien de troupeau. Nous avons quitté la ville en milieu d’après-midi, car je voulais absolument aller visiter l’église fortifiée de Prejmer qui est un monument vraiment unique en son genre. Quand on fait du tourisme intensif, la flânerie ça va un temps, mais il faut parfois se secouer un peu !

Les églises fortifiées sont nombreuses en Roumanie. Il fallait bien résister aux incursions des envahisseurs turcs. On en trouve beaucoup notamment dans la région de Medias, en Transylvanie saxonne. Au premier abord, Prejmer ne présente que peu de différences avec ses consœurs : épaisse muraille circulaire, porte massive pour pénétrer dans l’enceinte. La première singularité que l’on repère, en entrant, c’est une barbacane massive, comme dans les châteaux-forts, destinée à protéger l’entrée, un couloir de plusieurs dizaines de mètres, creusé sous la muraille, semblable à un tunnel. La seconde différence, on ne la perçoit que lorsque l’on a pénétré à l’intérieur de la cour centrale où se dresse l’église. Les murs, d’une épaisseur atteignant parfois 4 m, pour 12 de hauteur, abritent une multitude de petites pièces creusées, auxquelles on accède grâce à des échelles et des passages en bois. Le nombre de ces salles « intra-muros » est évalué à 270. La muraille, vue de l’intérieur, ressemble à un véritable gruyère et je n’ai jamais vu de phénomène semblable dans d’autres constructions médiévales en Europe. Ces pièces abritaient des réserves de nourriture, en cas de siège prolongé, mais aussi de petits ateliers pour les artisans avec tout le matériel nécessaire pour continuer leur activité. L’une des salles, un peu plus grande que la moyenne, a même abrité pendant quelques temps une salle de classe, avec une demi-douzaine de bureaux et un grand coffre peint.

Un parcours labyrinthique, passant d’échelles en galeries, de couloirs en combles permet de faire le tour complet de l’édifice. L’église elle-même, datant du XIIIème siècle, assez sobre, est intéressante à visiter. Le musée historique qui se trouve dans l’avant-cour, à l’intérieur de la barbacane, présente divers témoignages de la vie locale, outils, vieux livres, découvertes archéologiques… L’accueil est très sympathique. J’ai un peu regretté, dans ce lieu comme dans d’autres, la possibilité d’une visite guidée ou tout au moins d’une fiche explicative détaillée en français, mais, de plus en plus, l’anglais domine, et les touristes allemands aussi défilent en grand nombre. Un lieu aussi exceptionnel que Prejmer serait sans doute exploité de façon touristique plus intense dans d’autres pays. Nous avons visité ce site dans des conditions rêvées…

Brasov était notre lieu de séjour le plus au Sud en Roumanie. A partir de là, nous avons commencé la remontée vers le Nord, poursuivant notre grand circuit autour de la Transylvanie. Dans une prochaine chronique, je vous parlerai sans doute des forêts magnifiques que nous avons traversées et du grand nombre de monastères orthodoxes que nous avons visités…

4 Comments so far...

la Mère Castor Says:

29 septembre 2010 at 12:10.

merci pour la kitscherie finale, et pour la découverte de cette église fortifiée.

Floréal Says:

30 septembre 2010 at 21:40.

Les boutiques à souvenirs, c’est une plaie des sites touristiques.
Et vous n’avez même pas trouvé de Dracula sous globe avec de la neige qui tombe en le secouant, made in China?

Paul Says:

1 octobre 2010 at 05:59.

@ Floreal – mais si bien sûr ! des draculas sous forme de boules à neige, de bouchons verseurs, de chopes de bière… Made in China sans doute… Je collectionne (pour rire) les boules à neige, mais je me suis juré, lorsque j’ai commencé cette collecte qu’elle ne me coûterait pas un centime. En fait, je fais ça à des fins psychologiques : c’est uniquement pour permettre à des copains/copines qui n’oseraient pas se lâcher autrement d’avoir un alibi pour effectuer cette dépense fatidique. Là c’était mon porte monnaie alors je me suis abstenu histoire de respecter mes principes de base !

Floréal Says:

1 novembre 2010 at 21:02.

@ Mère Castor

Mais dites-moi donc, Mère Castor, comment faites-vous donc et quel est votre secret ineffable pour pouvoir vous trouver si gentiment et mignonnement la bouche en coeur comme le lys virginal détaché des contingences de ce bas monde sur les blogs aussi disparates qu’incompatibles et qui prônent l’exacte contraire?

A quelle caste merveilleuse appartenez-vous donc pour traverser ainsi les vicissitudes en surnageant partout dans une telle aisance qu’il semble bien que quoi qu’il advienne vous tirerez toujours votre épingle du jeu?

Je suis désireuse de prendre ma carte à cette caste merveilleuse. Je vous prie, renseignez-moi. Combien coûte la cotisation? Il faut posséder combien d’hectares?

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