28 avril 2008

Petit matin du jour…

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

J’aime beaucoup cette poésie de Jean François Chabrun qui commence par

« Matin matin
Petit matin perdu dans le grand matin
Bonjour petit matin du jour

Bonjour de plume et de poil
et poutre et paille… »

Elle défile fréquemment dans ma tête lorsque je vais traîner mes sabots dans le jardin. Je ne sais pas comment je l’ai découverte ; sans doute dans un recueil de poésies pour enfants. Ils étaient nombreux dans ma classe. J’avais l’habitude à chaque séance de poésie, de lire une dizaine de textes très divers ou au contraire avec un thème commun, puis de leur demander d’en choisir un qui leur « chantait à l’oreille » pour l’apprendre. Un matin, il y a deux ans, je crois, j’ai commencé le cérémonial en disant à mes élèves que dans la série de poèmes présentés, il y en avait un qui me plaisait particulièrement. A la fin de ma « déclamation », j’ai demandé, comme ça, en passant, si quelqu’un avait déniché mon poème préféré dans la liste. Une petite main s’est levée et une fillette m’a dit : « je crois bien que c’est le truc sur le matin… » Gagné ! Mon préjugé selon lequel les filles, à l’école primaire, sont beaucoup plus futées que les garçons, et ont aussi une sensibilité plus développée, a fait, ce jour-là, un grand bond en avant…

Cette fin de semaine, les petits matins ont été particulièrement plaisants. Messire printemps a sans doute entendu les revendications de nous autres, modestes terriens, et s’est fendu de quelques moments de pure chaleur et de pur bonheur. Sans doute les très belles supplications de Clopine, l’autre jour, dans son blog, ont-elles ému le grand manitou du calendrier (« C’est à toi que je parle ! », billet du 23 avril, voir lien permanent dans le monde des blogs). Je préfère cette hypothèse un peu lyrique, que celle selon laquelle la météo de ces derniers jours ne serait que le fruit du hasard. Il était temps que les rayons du soleil fassent un effort, sinon j’aurais achevé le mois d’avril sans me découvrir d’un fil, et ça m’aurait fait de la peine de respecter bêtement la sagesse populaire. Pour affronter la vigueur des 22° que le thermomètre affichait à l’ombre, il m’a fallu poser mon traditionnel pull de jardinage, et exposer mes petits bras potelés aux rayons bienfaisants.

Cette fin d’avril marque un tournant, pratiquement chaque année, dans le déroulement de mon programme journalier. Je ne sais pas pourquoi exactement, mais je pense que la température joue un rôle non négligeable dans cette affaire. Jusqu’à ces derniers jours, je traînais paresseusement dans la maison, généralement à vous faire partager mes derniers bavardages devant l’écran, attendant le moment fatidique où la colonne du thermomètre serait suffisamment haute pour ne pas être traumatisé. Vers dix heures, rassuré par la présence d’une quantité de lumière solaire suffisante, je me décidais à aller affronter la rudesse du climat. Je préfère maintenant faire l’inverse, et laisser l’empreinte de mes pas dans la rosée toute fraîche, juste au moment où le soleil rougeoyant prend forme à l’arrière des montagnes du Jura voisin. En m’agitant à cette heure-là, j’ai le plaisir de participer au réveil bruyant de la nature, et d’assister, aux premières loges, au concert pas toujours harmonieux, des cantateurs et des cantatrices ailés (zélés avec la liaison).

Je peux aussi résoudre quelques petites énigmes, dont la solution n’aurait pas été évidente quelques heures plus tard… J’ai découvert ainsi l’un des auteurs de passages souterrains qui se jouent de ma clôture de grillage… Le Garenne qui traversait le champ de blé du voisin, a laissé lui aussi des traces compromettantes dans la rosée. Je me suis brouillé avec l’un de nos protégés : un magnifique pic-vert, qui a entrepris, le malotru, de piqueter le tronc de l’un de mes érables préférés. Nous avons pris une mesure radicale pour prévenir les futures exactions de ce malfaiteur. L’une des branches de l’arbre, proche de la zone taguée est maintenant ornée d’un CD tout neuf qui tournoie au vent et renvoie des éclairs lumineux vengeurs tous azimuths. Nous nous sommes contentés d’un catalogue de cuisine « tendance », mais, si le voyou récidive, je n’hésiterai pas à faire appel aux outils de l’inquisition et à suspendre, à fin d’exorcisme, un CD d’installation de Windows…

Point besoin de réveil matinal par contre pour accumuler les témoignages à charge contre le héron qui fait ses prélèvements quotidiens dans la mare, au détriment des poissons et des grenouilles. Lui, il a un toupet sans limites et exécute ses mauvais coups à tous moments de la journée. Tel un « maquereau relevant les compteurs », il fait sa tournée des points d’eau, toujours dans le même ordre, sans vergogne, observant d’un œil méprisant ces humains qui le protègent généreusement et lui assurent sa pitance. Je m’attends, un de ces jours, à trouver un message du genre « faudra racheter des carpes koï, les poissons rouges ont trop d’arêtes », coincé sous une pierre au bord de l’eau… Quand je pense qu’au Moyen-Age, dans les châteaux, on se régalait de terrines succulentes préparées avec la chair de ce volatile… Et paf, j’ai perdu deux lecteurs, outragés…

J’ai repris mon chemin, au gré de mon humeur vagabonde. Ce matin, j’ai longuement observé les jeux de lumières dans les goutelettes d’eau qui ourlent les feuilles du chêne d’Amérique. J’ai eu un petit peu honte en pensant à ceux qui démarraient leur semaine en partant au bureau et je me suis consolé très vite en me disant que moi aussi, l’année dernière, fin avril, je partais travailler et que ça ne m’empêchait pas de laisser quelques traces dans le duvet gris de l’humidité au petit matin.

« … Bonjour les baguettes du soleil
battent sur le tambour des routes
de fer et de feu
de paille et de poutre

et d’amour et d’eau fraîche. »

NDLR : photos « maison » bien entendu, prises au jardin ces derniers jours, donc toutes fraîches… Jean François Chabrun, complice involontaire de cette chronique, est un poète français, né à Mayenne, en Mayenne, en 1922, et mort dans le Gard, en 1997. Sa biographie est assez étonnante, mais elle ne fait pas l’objet de mon propos aujourd’hui ! Wikipedia est là pour combler vos lacunes…

2 Comments so far...

Brigitte Says:

28 avril 2008 at 15:02.

Ça donne encore plus envie d’aller savourer le silence dans votre petit paradis. Et de mettre tous les efforts pour vaincre le décalage horaire au plus vite, et d’arriver à fouler la rosée dans la lumière vivifiante 🙂

Paul Says:

28 avril 2008 at 15:53.

Non, ici c’est pas Paul, c’est Caly…

Tranquillise-toi Brigitte, tout est fin prêt pour votre arrivée. Et nous grrrrrrrrrrrrillons d’impatience !

A demain…

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