10 février 2011

Moi les zimeils j’aime bien même si je préfère les courriels…

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

Et là hop, si j’en juge par une série d’articles lus il y a quelques jours sur la toile, et un autre qui s’est affiché ce matin sur mon écran bien aimé, je risque très vite de ne plus être « tendance ». Déjà, c’est clair, il faut que je fasse attention car « courriel » c’est carrément rétro, limite débile et presque inintelligible pour certains. Deuxio, mieux vaut que je dise que je n’ai pas d’opinion sur les SMS. C’est vrai d’ailleurs, pour être honnête, les SMS je ne pratique pas ; je n’ai pas de téléphone portable, donc, cette partie-là du royaume merveilleux de la communication tous azimuts m’échappe totalement. Comme je suis un gars sérieux, je ne vais pas parler d’un truc que je ne maitrise pas. Bon c’est vrai que, pour un quinqua finissant, je suis relativement à l’aise avec l’informatique. Certes je ne comprends rien aux questions de fond, mais si je me limite à la navigation de surface, perché dans ma hune et bien accroché au mât, je vois venir les gros écueils et je ne me dirige pas trop mal. Il faut dire que j’ai commencé à bidouiller sur un bon vieil Apple II il y a plus d’un quart de siècle de cela… En tenant ce discours triomphaliste j’essaie de masquer que ce qui me ferait le plus plaisir, dans le fond, certains jours, c’est de recevoir des rouleaux de parchemin avec de somptueuses enluminures, plutôt que des collections de pixels à l’écran. Je dis recevoir, car envoyer… même quand je délire je suis encore assez conscient de mes capacités de travail, et encore plus de mes dons artistiques. Je n’ai pas la patience monastique de l’enlumineur !
Mais bon… inutile de rêver d’enluminures dans un monde où la boîte aux lettres classique ne se remplit bientôt plus que de dépliants et de colis. Il n’y a pas besoin d’être devin pour se rendre compte que d’années en années, les échanges de courrier traditionnel sont de plus en plus restreints. Chaque nouvel an qui passe, on reçoit de moins en moins de jolies cartes et de plus en plus de jolies photos zélectroniques. Quand ce ne sont pas des lettres circulaires adressées à deux mille quidams et que les vœux électroniques sont un tant soi peu personnalisés ça me va… Je suis donc un peu techno (logique), un peu rétro (spectif plutôt qu’intro), le tout saupoudré d’un poil de romantisme désuet. Rien que de normal dans tout ça : j’ai terminé ma crise d’adolescence il n’y a pas bien longtemps, mais le vieillissement excessif de certains de mes neurones me tire tranquillement vers la carte vermeil.

Mais de là à accepter que les Zimeils passent à la trappe, j’ai plus de mal à l’avaler. Il paraît qu’ils sont pourtant de moins en moins tendance, d’après l’une de mes sources d’information, à la fois auprès des jeunes qui les trouvent trop « formels » et auprès des entreprises qui les estiment trop dispendieux en capital temps (c’est bien dit non ?) L’article que j’ai lu (et relu pour tout comprendre car ça vient d’un site spécialisé pour les experts ou d’un site expert pour les spécialistes – je ne sais point trop…) explique que les grosses entreprises, notamment dans le secteur informatique et communication,  cherchent des solutions pour se débarrasser le plus possible de ces fichus  zimeils (excusez pour le « e » mais sinon on lit « aïe » et ça ne convient pas du tout). Elles se plaignent du temps que leurs employés consacrent à la gestion du courrier électronique, cela, bien sûr, au détriment de leur temps de travail : trop long, difficile à gérer, peu efficace. Ces entreprises et pas des moindres (Intel, Atos et autres Microsoft) cherchent un moyen de « libérer » leur personnel de cette « charge » que représente le temps passé à trier, à lire et à répondre aux zimeils : traiter 100 à 200 messages par jour pour un salarié cela peut représenter jusqu’à 50 % de son temps de travail selon les experts payés à traquer les dysfonctionnements dans la grosse machine . Les fanatiques du « tout a un coût » chiffrent même cette perte de temps et d’efficacité à mille milliards de dollars par an. Comme le fait remarquer l’auteur de l’article c’est sans doute une estimation « à la louche », et on ne sait jamais trop sur quelles bases ce genre de statistiques sont établies. Une chose est sûre : la surcharge informationnelle menace les grandes entreprises d’embouteillage aux niveaux clés de décision. Le pire pour ces traqueurs de temps perdu, c’est qu’une forte proportion de ces échanges de courriers sont internes à l’entreprise et n’ont même pas un caractère « loisir » ou « vie privée » que l’on pourrait reprocher aux employés. Il s’agit, majoritairement, de transmission horizontale ou verticale d’infos plus ou moins utiles. Les entreprises comme Atos cherchent donc à développer de nouveaux outils de communication plus performants et plus ciblés. L’avenir est aux réseaux sociaux et si possible bien sûr aux réseaux sociaux internes.

Peut-on d’ailleurs vivre à notre époque sans avoir un compte sur Twister (ah le twist !), sur Miss Espace ou sur Fassebouc, un téléphone portable et quelques vignettes joliment décorées épinglées sur un mur virtuel de communication. On se le demande. Comme le fait remarquer l’auteur d’une autre étude (désolé pour les références, je ne l’ai plus sous les yeux, seulement en mémoire), le nombre de mails échangés, après avoir atteint des sommets inimaginables, tend à diminuer (6 % de moins l’année dernière me confirme mon fiston informaticien qui a une bien meilleure mémoire des chiffres que moi). Information confirmée dans un numéro récent du Monde qui explique que, pour la première fois aussi, les internautes américains ont passé plus de temps sur les réseaux que sur leur Zimeil. Ce pauvre vieux courrier électronique n’a plus la cote : trop long, trop formel, trop rigide de présentation… D’une part il faut faire l’effort d’écrire, d’autre part il faut un temps fou pour que la terre entière (en attendant l’Univers) soit informée que l’on est présentement dans sa cuisine en train de faire des crêpes. L’outil n’est plus adapté à la « déferlante » de communication dans laquelle on voudrait nous imposer de vivre.
En bref, il faut des réseaux partout ! Sauf là où ce serait peut-être le plus intéressant à développer : réseaux producteurs consommateurs, réseaux d’éducation parents-enfants, réseaux d’entraide et de bricolage… Ceux-là existent certes, mais leur présence est encore balbutiante et ils n’ont pas vraiment de rapports directs avec ces fichus réseaux sociaux dont on nous abreuve à longueur de journée. Quand on pense qu’il n’y a même pas de réseau « amis de la Feuille Charbinoise » sur Fassebouc… J’ai quand même appris qu’il y avait un réseau d’amis de l’Univers virtuel pour jeux de rôles que j’avais créé il y a 25 ans (même que je n’en fais pas partie !). Promis, je vous raconterai cette saga passionnante un de ces quatre.

Derrière tout ça (car « tout ça » a un derrière), se cache un problème global qui est celui de l’écriture ; un vaste problème devrais-je même dire. La langue écrite, que ce soit de l’anglais, du français ou de l’Hindi, devient trop complexe pour ce petit monde. Les « émoticones » remplacent les phrases construites avec sujet, verbe et une multitude de compléments inutiles. Le langage SMS devient un langage à part entière – ce qui ne me dérangerait pas s’il n’était pas aussi réductif.

Je crains fortement que le langage écrit, complexe, permettant d’exprimer nuances et sentiments plutôt que grimaces et airs ahuris, ne redevienne l’apanage d’une élite de plus en plus restreinte.. Ce serait étrange que la démarche initiée depuis une trentaine d’années de globalisation et d’instantanéinisation (moi je crée un vocabulaire qui n’a rien de SMS !) de la communication aboutisse à un résultat contraire à ce qui s’était passé lors du développement de l’imprimerie ! Ne vous fâchez pas, je sais que j’exagère un peu, il va falloir que je relise « l’utopie de la communication » de Philippe Breton, lu il y a une quinzaine d’années. A l’époque, il m’avait énervé car je le trouvais trop pessimiste. Maintenant, c’est à moi d’exprimer quelques doutes sur mon enthousiasme d’alors concernant les merveilles promises par les nouveaux outils de communication… Promis, je vais faire les quelques révisions nécessaires avant de pousser plus loin cette réflexion… Il n’en reste pas moins que je m’interroge sérieusement….
Par Saint Lol, Saint Mdr, et tous les saints SMS (dont le nom ne dépasse pas trois lettres), ne s’agirait-il pas là d’une entreprise souterraine visant à une mise à mort progressive de l’écriture traditionnelle, de sa disparition programmée en tant que mode de communication, d’une tentative généralisée de décervelage de la population, comme le disait ce bon vieux Père Ubu ? Graves questions que vous soulevez là mon cher ami… Pendant ce temps, l’école continue son petit bonhomme de chemin et les rejetons de Mr Lol et de Mme Mdr, planchent sur l’accord des adjectifs de couleurs et la fonction essentielle de l’accent circonflexe, sous l’œil réjoui du Saint patron de l’institution, Mr Chatel, insistant sur la primauté des contenus, le côté futile de la pédagogie, et l’absolue nécessité de maîtriser des temps de conjugaison qu’il n’emploie jamais dans ses propres circulaires… Là aussi il y a questionnement… mais je fatigue, je fatigue… Il est grand temps, ma mie, que j’aille seller mon destrier et boucler mon armure : le combat contre les moulins à vent n’est pas terminé !

4 Comments so far...

François Says:

10 février 2011 at 20:29.

Je réagis juste à l’affiche, pour dire que je désespère d’en voir chaque jour plusieurs exemplaires sur le chemin du travai. C’est parfaitement déprimant, surtout que ça marche.

JEA Says:

11 février 2011 at 11:20.

Nous appartiendrons au cercle des zimeils disparus…

Paul Says:

11 février 2011 at 13:17.

@ JEA – ma foi c’est là une idée originale et sympathique. Reste encore à définir les protocoles et les cérémonies, les grades et les médailles, les banquets et les commémorations… Saint Zimeil priez pour nous !

Zoë Says:

21 février 2011 at 00:38.

Formels les zimeils ? jusqu’où irons nous dans l’avachissement? Parce que justement, je trouvais ça bien de ne plus avoir à écrire veuillez agréer… Cordialement me convenait parfaitement. S’il faut s’en tenir à trois lettres ça va devenir très con (en voilà trois). lol

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