29 mai 2008

Grace O’Malley, reine des pirates

Posté par Paul dans la catégorie : Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire .

Habile retour en Irlande par un biais historique ! Le décor de mon récit, une autre des régions sauvages de l’Eire que nous avons visitée : Achille Island, comté de Mayo, au Nord de Clew bay et de la ville de Westport. La petite île est reliée à la grande (j’ai du mal à dire au continent !) par un pont étroit. Le paysage rappelle celui du Connemara et d’autres régions de l’Ouest battues par le vent et les vagues de l’océan : de l’herbe, des rochers, quelques arbres rabougris. Achille Island est un peu trop à l’Ouest, un peu trop à l’écart des « grands » axes pour être une région vraiment colonisée par les touristes comme le sont les grandes péninsules du Sud-Ouest. La partie la plus sauvage de l’île est celle qui est tournée vers l’océan. On y trouve un décor vraiment fantastique.

Dans ce décor, l’imagination n’a aucune peine à faire évoluer un personnage légendaire, Grace O’Malley, restée dans l’histoire irlandaise comme la « reine des pirates ». Ce titre prestigieux est lié sans doute à sa rencontre avec la reine Elisabeth à Londres, avec qui elle se permit de discuter « d’égale à égale »… Gráinne Ni Mháille, surnommée Granuaile, nait en Irlande, dans la province de Connacht, en 1530 (sans doute sur Clare Island). A l’âge de 16 ans, elle épouse Donal O’Flaherty de qui elle aura 3 enfants. Son premier mari est exécuté par les Anglais. En 1556, elle se marie à nouveau, avec Richard Burke, et elle donne naissance à un quatrième enfant, Tibbot, puis elle divorce après avoir récupéré un nouveau château, Rockfleet, qui deviendra sa résidence principale. Elle meurt en 1603, dans des circonstances mal connues (en combattant, selon les récits les plus romantiques, ce qui, à 73 ans, est quand même un exploit assez improbable !). Ça c’est la partie « état-civil » de son existence.

Sa vie a été semble-t-il assez mouvementée. Quelques éléments montrent bien l’envergure du personnage… Il est rare, à cette époque, surtout en Irlande, qu’une femme devienne capitaine de bateau, prenne la tête d’une troupe d’environ deux cent marins-pirates et parvienne à être chef de clan. Il semble que, très jeune déjà, elle ait commandé la flottille de son père. Son fief comporte au moins cinq châteaux qu’elle administre de façon rigoureuse et elle contrôle le trafic maritime de la Clew bay pendant de nombreuses années. Elle prend la tête de plusieurs rébellions contre les administrateurs anglais, très impopulaires : Lord Burghley, Sir John Perrott, Sir Henry Sidney, et Sir Richard Bingham sont les victimes successives de sa vindicte. Ces seigneurs ne lui font pas de cadeaux non plus puisqu’elle est emprisonnée pendant deux années… Le summum de sa gloire est atteint lorsqu’elle vogue vers Londres, en 1593, puis rencontre « d’égale à égale » la reine d’Angleterre afin de négocier la liberté de son frère et de l’un de ses fils, en échange d’une alliance temporaire avec « l’ennemi héréditaire » ! Pendant les dix dernières années de sa vie, ses actes de piraterie auront alors pour cible les bateaux espagnols et autres ennemis de la Couronne. Les marins de plusieurs bateaux de l’Invincible Armada qui s’échouent sur la côte atlantique lors d’une tempête, ne conserveront pas un souvenir inoubliable de son sens de l’hospitalité.

Granuaile est une combattante intrépide et son existence est plus qu’aventureuse. Au gré de ses revers et de ses fortunes elle doit organiser la défense ou la reconquête de ses domaines et pendant toute la période où elle s’oppose aux Anglais, elle leur donne pas mal de fil à retordre. Ses activités de commerce plus ou moins légal, le long de la côte, lui assurent certains revenus, mais il semble que ceux-ci aient été totalement investis dans sa lutte contre l’occupant. Le moins que l’on puisse dire c’est que les châteaux qu’elle a possédés et parfois occupés, comme celui de Rockfleet, ne témoignent pas d’un luxe ostentatoire ! Ce sont de simples ouvrages défensifs, la plupart du temps résumés à une tour massive protégée par une muraille du côté de la terre, et par les vagues de l’océan et les rochers, du côté du large. Aughnanure Castle semble être le plus « élaboré » de tous les édifices situés dans son petit empire, mais sa présence n’y est pas attestée de façon formelle. Il y a aussi des doutes quant au fait que sa dépouille repose dans le tombeau de la famille O’Malley, dans les ruines de l’abbaye cistercienne se trouvant sur l’île de Clare.

La vie de Grace O’Malley a donné lieu à plusieurs romans historiques écrits par Anne Chambers, Barbara Sjoholm, et Alan Gold. Au moins une comédie musicale lui a été consacrée, à défaut d’un film (vous pouvez faire le détour sur le site dédié à ce spectacle, assez tarte !). Il semble qu’Anne Chambers soit « la grande spécialiste » de notre reine des pirates. Chères amies lectrices de ce blog, si vous êtes fortunée(s) sachez que le site « wanderwoman.com » organise cet été une randonnée en Irlande sur les traces de Grace O’Malley. C’est assez cher (2999 $ pour dix jours) et, surtout, c’est réservé à un public exclusivement féminin. Granuaile semble être particulièrement adulée par les féministes anglo-saxonnes (ce qui se conçoit !). Si vous envisagez, mesdames, une reconversion dans la piraterie, une bonne connaissance de cette ancêtre illustre peut être une piste intéressante à étudier. Après tout, il me semble que le « brigandage maritime » est toujours d’actualité. Bon d’accord, c’est plutôt au large de la Somalie que sur les côtes d’Irlande ou de Bretagne, mais il faut un début à tout !

NDLR : les deux premières illustrations (photos maison) présentent la côte Ouest d’Achille Island, et le tower-castle de Rockfleet. La gravure numéro 3 représente la rencontre de Grace et d’Elisabeth. Sur la carte d’Irlande, avec de bons yeux, vous pouvez repérer l’île de Clare (au milieu de l’élipse) et Achille Island, (juste en dessus). Avec des yeux encore meilleurs, vous pouvez repérer où se situe le domaine du clan O’Malley. La coupure de presse n°5 représente la statue qui a été érigée à la gloire de notre reine des pirates, avec à ses côtés le sculpteur et la biographe « féministe officielle » Anne Chambers. En dernier, la couverture du livre de Mme Chambers, Granuaile, qui n’a pas été traduit en français (à ma connaissance)…

4 Comments so far...

fred Says:

29 mai 2008 at 16:38.

Ben ça alors ! Une femme Pirate qui possède le même nom que le Chef des Aristochats !

Paul Says:

31 mai 2008 at 09:55.

Mes recherches se précisent. Aughnanure Castle appartenait au clan O’Flaherty. En 1546, Granuaile épouse Donal O’Flaherty et reçoit donc le château dans sa « corbeille de mariage ». Décidément cet édifice, assez singulier, me plait et je crains que vous n’ayez pas fini d’en entendre parler !

Paul Says:

31 mai 2008 at 09:58.

Pour Fred, il existe une autre Grace O’Malley célèbre. Elle est l’héroïne d’un roman d’Ann Moore, une grande saga familiale qui se déroule en Irlande pendant la « grande famine » au début du XIXème siècle. Voici la présentation qu’en donne l’éditeur : « Dans l’Irlande du début du XIXe siècle, Grace O’Malley, pour éviter la ruine à sa famille, se voit contrainte, à l’âge de quinze ans, d’épouser Bram Donnelly, un seigneur anglais. Malgré l’attirance qui la lie secrètement à Morgan, le meilleur ami de son frère aîné, elle s’efforce d’être une bonne épouse et tombe bientôt enceinte. Elle découvre alors une facette inconnue de la personnalité de Bram : ce dernier est violent et n’hésite pas à la frapper malgré son état. A la naissance de leurs jumeaux, un garçon et une fille, Bram est fou de joie d’avoir un héritier, mais celui-ci meurt huit jours après, fragilisé par les mauvais traitements subis par sa mère durant la grossesse. Désespérée par la mort de son enfant, trompée et humiliée par son mari, Grace veut redonner un sens à sa vie. Alors que Morgan et Sean, son frère, se sont de leur côté engagés dans la lutte pour la libération de l’Irlande, Grace, bravant l’interdit de son mari, s’efforce d’aider les fermiers opprimés par le joug anglais et affamés par deux mauvaises récoltes successives. Ann Moore signe avec Grace O’Malley un premier roman poignant, porté par une héroïne exceptionnelle. »

Je pense que cela va te donner une irrésistible envie de le lire. C’est aussi poignant que les Aristochats !

elisabeth calandry Says:

1 décembre 2009 at 23:44.

une conteuse raconte très bien l’histoire de cette reine des pirates : il s’agit de anne deval accompagnée d’un musicien.

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