23 novembre 2008

« Dans mon village, il y a belle lurette… »

Posté par Sebastien dans la catégorie : Feuilles d'érable; l'alambic culturel .

Le renouveau du conte au Québec

« Dans mon village, il y a belle lurette… »

J’avais pensé commencer ce texte par une devinette… mais plus j’y pense, plus je me dis que cette petite phrase enchanteresse servira mieux mes propos. C’est par elle que tout a commencé pour moi, et je pense qu’elle ne manquera pas d’avoir un petit air de déjà entendu pour certains.
Cette phrase m’a amené dans des brasseries, dans une boulangerie, sur les plages d’une île balayée par les vents, dans le salon d’un appartement bien particulier du Quartier Rosemont à Montréal, dans des bibliothèques, au bord d’un lac au milieu d’une forêt, sur un bateau, sur une sortie d’air chaud du métro, dans des salles de spectacles… pour ne parler que de certains lieux où je me suis retrouvé physiquement. Elle m’a aussi fait rêver, par delà le temps et l’espace…

Habituellement, les histoires commencent par « il était une fois »… mais Fred Pellerin se rattache à ses racines ; il nous conte son passé. Ou plutôt le passé de son village, au travers des histoires de sa grand mère. Au Québec, Fred Pellerin est aux contes ce que Mes Aïeux est à la musique traditionnelle. Ils s’inscrivent dans une grande mouvance visant à faire revivre les racines québécoises ; mais le but, dans le cas de l’un comme de l’autre, n’est pas de s’empêtrer dans le traditionnel, mais bien de le faire revivre en le ré-interprétant à la « sauce moderne ». Fred Pellerin est devenu une personnalité très en vue au Québec (et de plus en plus en France) et St Ellie de Caxton, son village, un haut lieu touristique. Et c’est par lui que j’ai découvert l’univers du conte québécois.

On pourrait s’arrêter très facilement au phénomène Fred Pellerin, son passage à Tout le monde en parle (version québécoise), 4 livres-CD, des salles de spectacle combles, un disque de musique traditionnelle, un livre de photos, et un scénario de film. Il ne faut pas non plus le voir uniquement comme un phénomène médiatique, car ce serait manquer de respect à son talent de conteur. Une simple recherche sur Google vous amènera très facilement où il faut pour écouter des extraits de ses histoires et prendre pleine conscience de son génie.
On pourrait s’arrêter très facilement à lui donc… ce serait admirer le chêne centenaire qui masque un magnifique arboretum… car le paysage du conte au Québec est extrêmement varié, et surtout extrêmement vivant. C’est un renouveau qui, selon moi, a commencé il y a une dizaine d’années de cela, sous l’instigation (entre autre) de André Lemelin qui fonde en 1997 les éditions Planète Rebelle ; une maison d’édition qui se consacre à la publication d’œuvres associant littérature et oralité. Ce qui se traduit généralement par l’édition de livres-CD (et, plus récemment, de livres-DVD). Aujourd’hui, ce sont plusieurs dizaines de conteurs et de poètes qui sont édités, dans des recueils collectifs ou individuels.

Le nom de André Lemelin s’associe également à celui de Jean-Marc Massie, avec qui il fonde en août 1998 les Productions du Diable Vert, un OSBL ayant comme but de faire la promotion du conte, des conteurs et des conteuses. Le principal évènement organisé par les Productions du Diable Vert est incontestablement « les dimanches du conte », présenté tous les dimanches soirs à la micro-brasserie du Sergent Recruteur, à Montréal. Si à sa fondation « les dimanches du conte » restait plutôt une soirée marginale, c’est désormais un incontournable des soirées culturelles Montréalaises, et il est conseillé de venir longtemps à l’avance (voir même de réserver) si l’on veut avoir une place assise.
Beaucoup plus intimiste cette fois, et en référence directe aux veillées d’antan, André Lemelin fonde « les contes des mardis-gras » avec Claudette L’Heureux. Cette fois-ci, c’est le troisième mardi du mois qu’il nous invite, directement dans son salon, autour de son poêle à bois, à écouter des conteurs invités.

Mais le conte ne reprend pas vie uniquement à Montréal. Parallèlement à cela, des festivals de contes sont nés un peu partout au Québec. Si bien qu’aujourd’hui, chaque région à son festival, que ce soit le festival des contes abbitibiens, le festival de contes de Trois-Rivières, le festival contes en îles (aux îles de la Madeleine), et puis celui du Lac St-Jean, celui de l’Estrie…

Le conte, ici, est à l’image du Québec et on ne peut qu’être impressionné par son multi-culturalisme. Si il y a assurément un mouvement fort pour faire revivre les contes traditionnels, la porte est grande ouverte aux conteurs modernes. Ainsi, on pourrait presque comparer un spectacle de Jean-Marc Massie à un « one man show » et la distinction semble parfois très difficile à faire entre conteurs et humoristes (je vous recommande à ce propos un très bon texte de André Lemelin ). Et bien sûr, il y a également tous ces conteurs qui viennent du bout du monde et qui vous permettent, le temps d’un festival, d’être au Japon le lundi, à Madagascar le mardi, en France le mercredi, au Venezuela le jeudi, et de retour au Québéc le vendredi soir. Et tout cela sans télécommande, mais bien avec des vrais gens, en chair et en os !

Le conte devient alors une excuse pour s’évader de son quotidien ; mais plus seulement par l’esprit, plus seulement le temps d’une histoire. Il devient une excuse pour découvrir de nouveaux lieux. La Maison internationale du conte offre très régulièrement des ballades contées dans les rues de Montréal, et sur le Mont-Royal. Les festivals vous invitent également à des ballades contées dans des lieux inusités. Pour les enfants, ce sont les goûters contés. Dans des boulangeries ou dans des salons de thé, vous pourrez satisfaire vos papilles gustatives en même temps que vos oreilles…

Tout cela pour finalement revenir s’asseoir, les yeux brillants et les oreilles grandes ouvertes, un verre de bière à la main, écouter la prochaine histoire…

NDLR : avez-vous seulement remarqué que cette chronique est rédigée par un nouvel auteur ? Il s’agit de « l’ambassadeur permanent » de la « feuille charbinoise » au Québec. « La feuille charbinoise », entreprise familiale multinationale à but non lucratif… Les photos illustrant l’article : Fred Pellerin (© Micheline Sarrazin), le logo du « Sergent recruteur » (© Sergent recruteur), André Lemelin et Christian-Marie Pons (© Photo Manie).
Sources consultées pour la rédaction : les productions Micheline Sarrazin – les contes des mardis-gras – les éditions Planète Rebelle – les dimanches du conte.

4 Comments so far...

Pascaline Says:

23 novembre 2008 at 11:24.

Merci pour ta chronique fiston.

En français de France, je suppose qu’OSBL (organisme sans but lucratif) correspond à notre assoc’ 1901.

Tes propos me remettent en mémoire de bien bons souvenirs. Nous avions vu pas mal de pays sans bouger du salon d’André Lemelin, qui recevait quatre ou cinq conteurs tous plus géniaux les uns que les autres, et d’origines fort diverses !

Et puis, le jeudi 13 septembre 2007, nous avions écouté dans un musée de Montréal le premier enregistrement de Fred Pellerin, voici ce que j’avais noté dans mon journal de voyage :

« A l’autre bout du pays, sur l’avant-dernière station de la ligne orange, musée des maîtres et artisans du Québec, avec un audio-guide, et, dedans, Fred Pellerin : nous apprendrons que c’est son premier enregistrement. Avons-nous fait des progrès ? Nous comprenons tout ce qu’il dit sans avoir à faire d’effort particulier. »

Illustrer un musée par des contes, c’était une excellente idée, vraiment. L’histoire de la grand-mère dans sa chaise berçante pour accompagner toute une collection de chaises bricolées maison, par exemple.

Sébastien Chion Says:

23 novembre 2008 at 20:09.

Il est fait référence (plus ou moins discrètement) au festival Contes en Îles, aux îles de la Madeleine. Nous avons passé 10 jours là bas fin septembre, à cause du festival en question. Pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur ce festival, tout le compte rendu du voyage (et donc pas seulement des histoires de contes) a été écris, ici : http://sc.c-pp.biz/magdalene/

Lavande Says:

23 novembre 2008 at 22:07.

Très intéressante chronique de l’ambassadeur. Ça donne presque envie d’être Montréalais: une soirée conte chaque dimanche soir, mazette ça fait rêver.
Le Centre des Arts du Récit, basé à Grenoble, organise ici chaque année un grand festival de contes d’une quinzaine de jours. En 2008, il en était à sa 21ème édition.
Un peu dans cet esprit, nous, on organise des soirée théâtre à domicile.
Il s’agit d’inviter environ 25 ou 30 personnes à la maison pour voir un spectacle monté par 1, 2 ou 3 comédiens. Le spectacle est payant. La soirée continue autour d’un repas-buffet pour lequel chacun apporte sa contribution culinaire . Cela permet ainsi de discuter entre autres
avec les comédiens et le metteur en scène et c’est en général très très sympathique ( nous faisons ce genre de soirée -théâtre, musique ou lecture- plusieurs fois par an depuis 6 ou 7 ans déjà, avec des intervenants très divers).

Sébastien Chion Says:

6 décembre 2008 at 18:27.

« Fred Pellerin, son passage à Tout le monde en parle (version québécoise), 4 livres-CD, des salles de spectacle combles, un disque de musique traditionnelle, un livre de photos, et un scénario de film »

Le film est désormais en salle, et il s’appelle Babine. Une très belle occasion, de (re)découvrir l’univers de Fred Pellerin, mais au cinéma cette fois. Car assurément, ses contes se portent vraiment bien à l’écran, et il est donc possible de voir St Elie de Caxton par ses yeux, alors qu’il raconte l’histoire de Babine, fils de la sorcière et fou du village, avec toute la poésie dont il est capable.

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