19 février 2009

Cré magnaud, v’là qu’y r’neige !

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Carnets de voyage .

img_8624 Pas croyable ça ! La journée qui a suivi notre retour à Montréal on se serait presque crus au printemps : la température tournicotait autour de zéro et le soleil était presque quasiment à peu près chaud. Dans la soirée d’hier, ça a mal viré pendant qu’on tournait le dos au ciel en flânant dans les bouquineries du plateau du Mont Royal… On ne peut plus avoir confiance en rien, j’vous jure ! Quand les premiers flocons sont tombés, je crois bien qu’on était dans une boutique fort bien achalandée qui s’appelle « bonheur d’occasion » (au passage c’est le titre d’un ouvrage célèbre de la romancière Gabrielle Roy, pour les plus incultes que moi…). J’étais dans le rayon « histoire du Québec » et je feuilletais un ouvrage passionnant traitant de l’émigration des citoyens et citoyennes français aux temps de la colonisation de la Nouvelle France. L’étude était fort documentée et traitait notamment de la répartition des migrants par région d’origine. Ce que j’ai lu a confirmé ce que je pensais, à savoir que ce sont surtout l’Ouest et le Nord-Ouest de la France qui ont fourni un fort contingent de cultivateurs et d’artisans volontaires pour faire la traversée tant redoutée de l’océan. Très peu de « magnauds » (Dauphinois pour les incultes) ou de Savoyards ont quitté leur terre natale pour partir à l’aventure. Ce qui est drôle, c’est que ce ne sont pas forcément des gens habitués aux hivers prolongés qui se sont installés au Canada, et cela explique en partie les pertes considérables subies par les colons les premières années. Nul doute que des paysans de l’Oisans, du Queyras ou du Vercors auraient été moins surpris par les températures, que les Bretons ou les Poitevins. Pour l’heure, le fait que notre « ambassadeur » reçoive sous peu la nationalité canadienne, remonte les statistiques de l’immigration en provenance du Bas Dauphiné. Pour ceux qui essaient de suivre le cheminement de l’information dans mes synapses, on dit « Cré Magnaud ! » (sacré Dauphinois) mais pas « Cré Bas Magnaud ». Autre précision, si l’on parle de Bas Dauphiné, cela suppose qu’il y en a un « Haut », mais il s’agit là d’une comparaison altimétrique et non d’une évaluation qualitative. Ceux qui pensent que les habitants du Dauphiné d’en-bas valent moins que ceux du Dauphiné d’en haut feraient mieux de changer de blog tout de suite. Je tiens à préciser qu’ils sont tombés dans un nid de nationalistes charbinois citoyens du monde, tendance féodaliste libertaire, sous-tendance écolopabobo.

img_8640 Pff ! J’ai failli m’énerver et perdre mon fil, égaré entre le Mont Royal, les gars de l’Oisans et les braves paysans partant avec leur baluchon pour la grande traversée. Je pense que c’est la neige qui me fait perdre mon sang froid légendaire, ou alors le fait d’avoir écrit le mot « Savoyard ». Pourtant, le programme de la journée d’hier était des plus agréables. Comme nous avons été sages pendant la première partie du séjour et avons affronté les incontournables épreuves thermiques sans (trop) rouspéter, nous avons gagné un billet pour une soirée au cirque à la Tohu, une toute belle et toute neuve salle de spectacle montréalaise, proche de l’école nationale de cirque et du « pied à terre » du Cirque du Soleil. Pourtant « être très sage » ce n’est pas facile, surtout lorsqu’on fait une virée chez les bouquinistes ! Etre très sage dans ce cas-là c’est se rappeler que l’on est venu en avion, avec des valises calibrées et pesées, et que donc on ne pourra pas rapporter à la maison un plein panier de bouquins même si ce sont des grimoires uniques au monde, introuvables ailleurs et vendus à des prix très honnêtes. Il y a pas mal d’affaires intéressantes à réaliser dans les bouquineries, ici à Montréal, d’autant que les livres neufs et lisibles (c’est à dire en français dans le texte) sont plutôt chers dans les librairies. Le seul regret c’est que, pour l’instant, seuls les auteurs de livres de SF ont créé des machines pour dématérialiser les objets et les rematérialiser six mille kilomètres plus loin, alors mieux vaut être raisonnable pour ne pas rentrer avec un bras plus long que l’autre. D’autant qu’à la frontière, un gars avec un accordéon qui traîne une malle de vieux bouquins, j’ai peur que ça ne fasse encore plus suspect… Donc tant pis pour les deux ouvrages de Jacques Poulin qui manquent à ma collection, tant pis pour les volumes difficiles à trouver en France des éditions Opta (la plus belle collection de SF qui ait jamais existé), tant pis pour les livres de socio et d’ethno sur les « Premières Nations » du Québec (terme actuellement en vogue, on ne dit plus « sauvages à la peau rouge » comme dans les romans que je lisais enfant)… La prochaine fois on fera la traversée sur un porte containers ou alors je me prendrai d’une passion folle pour la collection des tee-shirts (encore un terme anglophone que nous avons « gobé » dans notre Français de France et qui fait rigoler les amis québecois utilisant le mot chandail).

img_8644 Pff ! Encore perdu le fil, entre Jacques Poulin, les anglicismes et les porte containers. Je pense que ce sont ces maudits flocons qui embrouillent mes neurones. Je ne devrais pas regarder par la fenêtre en tapant  cette chronique. Du coup ça m’éviterait de penser que d’ici quelques heures faudra bien que je sorte pour faire mon métier de touriste. Mes idées sont enneigées et mes rêves voguent sur des océans de petites feuilles vertes, de jolies fleurs et de plants de salade. Et je m’éloigne de notre soirée au cirque, objet principal de la présente chronique, qui va bientôt devenir simple anecdote, si je continue à être incapable de patiner droit sur le clavier… Revenons donc à la piste aux étoiles, pour diverger mais brièvement cette fois-ci. De nombreux spectacles ont lieu tôt en soirée et c’est drôlement bien. En disant ça je ne fais pas que formuler une remarque profondément égoïste. Certes, j’aime me coucher pas trop tard, mais je pense que je ne suis pas le seul et que c’est le cas pour les personnes qui vont travailler le lendemain aussi. A Montréal, on mange en rentrant du travail ; la soirée commence tôt et un spectacle débutant vers 19 ou 20 h, eh bien ça n’empêche pas de sortir, même en semaine. En tout cas, la Tohu était pleine, sans que ce ne soit la cohue car, ici, les gens sont encore très civilisés et on peut rentrer et sortir d’un lieu (y compris une rame de métro) sans se faire sauvagement piétiner. Nous avons assisté à un spectacle de cirque plutôt traditionnel mais de très haut niveau. Les numéros qui ont été présentés avaient été préalablement sélectionnés au festival international du cirque de Paris ; tous les artistes apparaissant pendant la soirée avaient été primés au préalable lors du dernier festival ou lors des précédents. De quoi couper le souffle effectivement, ou bien, comme l’a fait remarquer le « Monsieur Loyal » qui faisait le lien entre les numéros, de quoi risquer carrément une crise d’apnée. Au menu de la soirée : tapézistes, jongleurs, équilibristes… avec de nombreuses trouvailles, comme la roue d’un artiste canadien qui s’amusait à arpenter la scène dans des postures rappelant (entre autres) le célèbre dessin de Léonard de Vinci… il y avait aussi les équilibres invraisemblables d’une troupe chinoise, « le chemin de fer », empilant planches et rouleaux à des hauteurs vertigineuses et réalisant des équilibres défiant toutes les lois de la nature. Les diabolos étaient à l’honneur. Le premier numéro, interprété par un couple, était époustouflant ; le second, présenté par un artiste taïwanais, a purement et simplement éclipsé le premier. C’était carrément magique de voir les diabolos virevolter et dessiner des arabesques sur fond de musique « vivaldesque ».

img_8654 Pchh ! J’ai réussi à recentrer le débat, mais quel effort ! Il faut dire qu’à la fenêtre les gouttes de pluie ont remplacé les flocons et là je ne regarde carrément plus. La piste de ski va devenir une pataugeoire et c’est pas vraiment mieux à mon goût. On a quitté le chapiteau avec des étoiles plein les yeux comme on dit quand on veut employer un joli cliché passe-partout. C’était une belle soirée et je pense que j’ai eu raison d’être bien sage. Je vais essayer de l’être encore aujourd’hui afin d’avoir le droit d’assister aux premières festivités de « Montréal en lumière » ce soir. Personnellement, j’aimerais mieux voir le feu d’artifice tiré sur un paysage enneigé mais avec un ciel étoilé. S’il faut négocier avec la météo, alors disons que je suis prêt à concéder quelques flocons, mais de grâce pas de gouttes d’eau, d’autant qu’il paraît que ce n’est pas dans la ville souterraine que l’on tire les jolies fusées. Je vous quitte car je me demande si je ne vais pas faire un second petit déjeuner. Quand je pense que le fiston est en train de passer un examen écrit et de surcroît gouvernemental pour devenir un bon citoyen canadien… S’il réussit, chose dont je ne doute pas, il va devoir prêter serment à la Reine, et alors là… je ne vous en dirai pas plus jusqu’à ce que ce périple soit bouclé. On reparlera sans doute des « magnauds » émigrés !

Notes : Désolé, pas de photos du spectacle à la Tohu, vous vous doutez bien qu’elles sont interdites et puis aller en « piquer » sur Internet ça ne me dit rien de plus. On préfère que ce soit nos clichés à nous qui illustrent ces chroniques de voyage. La dernière image donne bien une idée du spectacle complémentaire qui nous attendait à la sortie du cirque.

2 Comments so far...

Lavande Says:

19 février 2009 at 22:12.

Une roue à la Léonard de Vinci? Tu veux dire le dessin que Léonard de Vinci a piqué à Manpower?

Grhum Says:

21 février 2009 at 14:54.

Bah il n’y a pas que le Dauphiné qui comporte un haut et un bas.
Il y a la haute et la basse Normandie, les hautes et basses alpes, qui sont devenues les alpes de Haute Provence. Ce qui donc laisse à penser qu’il y a une Basse Provence qui pourrait à son tour demander un changement de dénomination pour s’appeler par exemple haute-méditerranée…

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