16 mars 2009

La misère progresse : disparition de 332 milliardaires

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive l'économie toute puissante .

argent-perdu Il est temps de s’affoler : la crise devient vraiment sérieuse, à moins que ce ne soit l’un des effets secondaires du changement climatique. On a évoqué jusqu’à présent la fonte des glaces de l’Arctique mais jamais celle des matelas de dollars accumulés aux quatre coins de la planète par de valeureux entrepreneurs méritants. Il y a maintenant moins d’un millier de milliardaires en dollars ; la « terrible » année 2008 a vu  un tiers de ces malheureux « fric symboles » s’évaporer dans la tourmente boursière. Qu’un ouvrier de chez Sony, de chez Total, de chez Continental, de chez… perde son emploi : c’est fréquent et puis en fait, ces gens là se chiffrent par centaines de milliers. Leur cas est donc d’une banalité navrante, et leur impact sur la consommation est relativement limité. Lorsqu’un gars de chez Opel est remercié, le marché des yachts de luxe n’en est pas affecté. Lorsqu’un courageux « golden boy » se ramasse dans la fange des moins values boursières, l’action de chez LVMH (la multinationale des riches) dérape, et d’autres intrépides spéculateurs le suivent dans la spirale de la déchéance. Les salons pour « hommes et femmes du grand monde » connaissent une crise de fréquentation et c’est terrible ! Quelle considération peut avoir l’opinion publique pour un gus qui avait autant de Ferraris que de doigts de pied et qui, soudainement, n’en a plus qu’un modèle différent par jour de la semaine ? Je regrette que mes concitoyens s’intéressent de moins en moins à ce classement des fortunes, bassement intéressés qu’ils sont par la gestion de leur propre fin de mois (surtout comme le disait Coluche, quand celle-ci démarre le 2…). Afin d’éviter une trop grande perte de considération pour ces gens qui, à titre personnel et au titre de leurs activités, sont aussi les plus gros pollueurs de la planète, je vais quand même vous donner quelques informations sur ce dossier sensible.

limousine-bill-gates Sachez déjà qu’outre les 332 noms mentionnés au premier paragraphe, ce sont également deux mille milliards de dollars qui sont partis en fumée. Pfffuit ! Quand je parle de fonte des glaces, c’est plutôt l’éruption volcanique que je devrais évoquer pour provoquer une telle combustion. Ça ne vous dit rien des nombres pareils ? Eh bien disons que deux mille milliards de dollars ça représente l’équivalent (en simplifiant un peu les calculs) d’un milliard de salaires mensuels d’ouvriers américains moyens ou 55 millions d’annuités de salaire d’un prof de l’hexagone en milieu de carrière. Comme les magazines bien informés estimaient à 1125 le nombre de milliardaires à la fin de l’année 2007, cela veut dire qu’ils ont perdu presque deux milliards de dollars chacun, en moyenne… Alors les larmes, ça vient ? Bon j’arrête parce que je vois que d’une part vous n’en avez pas grand chose à faire et que d’autre part il n’y a pas l’ombre d’une trace de tristesse ou de commisération sur votre visage ahuri. Je sais qu’on est en début de semaine et que le week-end a été dur mais quand même ! Je vais essayer de « personnaliser » un peu le débat et de mettre quelques noms derrière l’aridité extrême des chiffres. Sachez déjà que notre bon vieux Bill Gates a retrouvé la première place mondiale – cela grâce à un parcours un peu moins mauvais que les autres, mais qui lui a quand même coûté la bagatelle de dix-huit milliards de dollars de pertes. Le goujat qui avait osé lui passer devant, un certain Warren Buffet, auteur, entre autres activités, de best sellers sur les placements boursiers « gagnants à tous les coups », s’est fait remettre à sa place. Espérons que ce sera une bonne fois pour toute, car Bill Gates, avec son air ahuri et ses lunettes d’intellectuel, est quand même fichtrement plus sympathique et puis on s’est habitué à lui. Les grosses fortunes US ont quand même mieux tiré leur épingle du jeu que les autres, les concurrents nouveaux riches, en particulier les Russes, les Indiens ou les Turcs. Plusieurs des nouveaux venus « orientaux » dans le hit-parade seront sans doute obligés de larguer quelques palaces ou quelques yachts à vil prix. Profitez en, il y aura sûrement des affaires intéressantes. Imaginez un peu la revanche pour un ouvrier licencié de chez Continental ! Il investit toutes ses indemnités de licenciement et il peut racheter, d’occasion, la lunette des WC du « bateau de plaisance » d’un ex-riche magnat russe du cuivre ! Un tel exploit pourrait faire l’objet d’une séquence d’info à l’ouverture du journal de 13 h de TF1. Il faut réfléchir beaucoup et ne pas tout le temps gaspiller son temps à se plaindre de sa condition. C’est ce que disait souvent ma grand-mère par alliance, la tant Redoutée Mme Pinault-Printemps…

misere-de-vincent-bollore Pauvres Français, pressurés par le fisc, les syndicats et l’ultra-gauche… Nos trois concitoyens les plus méritants n’occupent que la quinzième place (Bernard Arnault, grand ami du Président), la soixantième (François Pinault, grand ami du Président) ou la quatre-vingt dixième (Serge Dassaut, grand ami du Président). Mention particulièrement catastrophique pour  notre très estimée Françoise Liliane Bettencourt : elle n’est plus la femme la plus riche du monde ; comble du ressentiment, c’est une vulgaire épicière, l’héritière de la chaîne de magasins Wal-mart, qui lui est passée devant. Les « jeunes » ont été aussi bien tourneboulés par la crise. Pour tout dire, n’essayez plus d’être riche si vous êtes à la fois femme, jeune et française, vous avez, dès le départ, trois handicaps majeurs. Ce n’est pas pour rien que l’on a créé la « journée des femmes ». Il faudrait aussi créer celle des « jeunes », celle des « Français » et celle des « riches »… Il y a tant d’injustices criantes de par le monde. Notez aussi qu’il ne suffit pas d’être « un grand ami du Président », pour sauver les meubles. Prenez l’exemple de l’irréprochable Vincent Bolloré, ce modèle de générosité : il est carrément éjecté du classement. Certains contacts bien informés pensent d’ailleurs l’avoir rencontré au Restaurant du Cœur du seizième arrondissement…
Je vois que toute cette détresse, même une fois personnalisée, ne vous touche toujours pas ? Toujours pas la moindre petite larme de compassion ? C’est décourageant ! Je parie que pour vous intéresser il va falloir à nouveau sombrer dans le « social » et parler des licenciements préventifs que les patrons se doivent de faire s’ils ne veulent pas tous quitter le classement en 2009. Eh bien, c’est fait, on dit au-revoir aux palaces, aux yachts, aux limousines et à la grandeur d’un certain « art de vivre » pour sombrer dans le misérabilisme populeux… Pour le dernier paragraphe, on va causer « dommages collatéraux » de la crise et parler licenciements, chômage et file d’attente à l’ANPE. Vous verrez, vous allez regretter : que devient le rêve de tout bon citoyen s’il n’y a plus de paillettes, de luxe, de volupté, de larbins obséquieux et de porcelaine de Limoges ?

bettencourt-en-furie Il est vrai que ça ne va pas fort du côté de l’emploi des pauvres. Cela fait longtemps que nos industriels n’ont pas eu un aussi bon prétexte que cette crise pour faire le ménage dans les bureaux, dans les chaînes de montage et sur les chantiers. Il faut les comprendre : ces gens anticipent ! Même s’ils gagnent encore beaucoup d’argent, ils en gagnent moins, et pour enrayer cette spirale de la déchéance, ils sont dans l’obligation de remplacer de coûteux ouvriers européens (de l’Ouest) ou américains (du Nord) par d’autres salariés ayant plus de considération pour leurs problèmes. Mettez-vous à leur place ! Imaginez le désarroi d’un Bolloré déchu ! Les ouvriers de chez Continental sont des humains comme les autres, même s’ils sont un peu exigeants en matière d’emploi et de salaire, mais ils n’ont pas une réputation de « jeune loup de la finance » à soutenir. Ce n’est pas leur carrière qui va faire rêver tous ces jeunes ambitieux ! Je ne parle pas de ceux qui sombrent dans l’humanitaire et qui imaginent qu’ils vont s’épanouir dans le cadre d’une mission avec MSF au Darfour… Non, je parle de ceux qui se précipitent dans les grandes écoles, qui s’endorment tous les soirs en dévorant les bouquins de Warren Buffet après avoir gobé le tissu d’inepties d’émissions de télé comme « Capital »… D’ailleurs, tous ces futurs chômeurs, que l’on voit la larme à l’œil dans des reportages dégoulinant de compassion à la télé, ils sont trop nombreux pour que l’on parle d’eux individuellement. Ils sont perdus dans une masse d’anonyme et leur destinée brisée ne fera certainement jamais la « une » de Paris Match.
Et pourtant, quelque part, si je vous livre le fonds de ma pensée (oui, elle en a un même s’il faut chercher loin…), ils ont sacrément raison d’être en colère… Il ne leur reste plus qu’un pas à franchir : passer du système D à la révolte, de la grève à la collectivisation. J’espère entendre rapidement des discours un peu plus constructifs que ceux de nos centrales syndicales embourbées dans le réformisme… Le patron n’arrive plus à gagner d’argent sur notre dos ? On n’a pas besoin de lui ; l’usine, ça fait des mois et des mois qu’on la lui a remboursée par notre boulot et les profits qu’il a déjà réalisés. L’usine elle est à nous : c’est nous qui allons la faire tourner. Les exemples ne manquent pas, de la mine autogérée du Pays de Galles aux entreprises collectivisées de l’Argentine. L’espoir est là : il n’est pas dans les résultats du PS aux élections européennes. Qu’on se le dise ! Qu’on se rappelle aussi une arme que les multinationales sans scrupules craignent beaucoup : il s’agit du boycott systématique de leurs marques. Que Sony, Salomon, Michelin et consorts voient leurs ventes baisser de dix pour cent dans une zone géographique donnée et vous verrez que les revendications des salariés se feront beaucoup plus facilement entendre…

NDLR : un grand merci au Journal du Dimanche et au magazine Forbes, deux bréviaires que je conserve pieusement sur ma table de nuit et qui m’ont fourni une partie de la doc nécessaire à la rédaction de cet article (sauf en ce qui concerne sa conclusion… !). La photo de base qui a servi à illustrer la misérable barcasse de Vincent Bolloré provient de « l’observatoire des médias ».

4 Comments so far...

zoë lucider Says:

16 mars 2009 at 10:51.

Collectivisation des entreprises, boycott systématique des grandes marques! Mais vous déterrez la hache de guerre ! Attention aux défoliants, la feuille . Vous croyez qu’on va vous laisser appeler à l’insurrection de la sorte. A répandre la pernicieuse influence de ce Belge, le Vaneigem.
Je ne sais pas si je vais continuer à vanter vos saines colères dans mon vent des blogs, vous risquez de m’entrainer à votre suite dans un cul de basse fosse. L’exemple de Julien Coupat (liberté « provisoire »rejetée une fois de plus) ne vous suffit pas ?

Clopine trouillefou Says:

16 mars 2009 at 12:10.

la Feuille, vos propos ne peuvent se comprendre que d’une seule manière : l’amertume. Je suis persuadée que vous n’avez pas de Rolex à votre poignet, et voilà le résultat. Une sécheresse de coeur vis-à-vis de ceux qui, eux, ont réussi leur vie et pourtant, se voient aujourd’hui contraint à des sacrifices. Vous démontrez la sagesse profonde de la pensée séguélienne, en fait…

Clopine

Paul Says:

16 mars 2009 at 13:04.

Chère Clopine ! Amertume que nenni ! Moi j’ai un immense bonheur : tout ce qui constitue mon cadre de vie, j’en ai réalisé une bonne part avec Pascaline, mes ancêtres en ont réalisé une bonne part aussi. Je n’ai pas eu besoin de sortir le carnet de chèque pour m’acheter un coin de paradis et le faire aménager par d’autres… Et s’il n’y avait que ça !

Paul Says:

16 mars 2009 at 13:09.

Bon je ferai plus. Je crois que c’est un dommage collatéral lié à la frappe chirurgicale que représente le visage tendre et poupin de Mme Bétencourt. La photo m’a quelque peu tétanisé les neurones, Monsieur le procureur, et je reconnais que j’ai voulu me venger, sans réfléchir… Non Monsieur le Procureur, je n’ai jamais rencontré Julien Coupat. Si je suis allé à Vichy c’est uniquement pour y consommer les eaux thermales. Ce n’est pas moi qui ai rajouté la page « solidarité Tarnac » sur ce blog ; c’est mon moi second ; c’est une histoire de dédoublement de personnalité. je suis un peu anarchiste Monsieur le procureur, mais je me soigne, je me soigne ! Un peu de vin blanc, un peu de vin rouge, un doigt de cognac… Je vous assure Monsieur le juge, Madame Zoë n’a rien à voir avec les exactions que j’ai pu commettre ou écrire… Elle croyait que c’était un blog de jardinage… Libérez la, libérez la ! Non pas le Goulagtanamo….

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