21 janvier 2008

21 janvier 1905, obsèques de Louise Michel

Posté par Paul dans la catégorie : Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire; Philosophes, trublions, agitateurs et agitatrices du bon vieux temps .

louisemichel.jpg Le 21 janvier 1905, un cortège de plus de cent mille personnes accompagnait le cercueil de Louise Michel de la gare de Lyon à Paris jusqu’au cimetière de Levallois où elle allait être enterrée. Le peuple de Paris rendait ainsi un dernier hommage à l’une des héroïnes de la Commune, mais aussi à une militante anarchiste et féministe dont les convictions n’avaient fait que se renforcer et se radicaliser tout au long de sa vie, malgré les nombreuses épreuves traversées et la répression qui l’avait lourdement frappée : deux ans de prison et sept ans de bagne en Nouvelle Calédonie pour s’être battue au côté des gardes nationaux sur les barricades de Montmartre.

ecolelmichel.jpg Née en 1830, elle a 23 ans lorsqu’elle devient institutrice. Refusant de prêter serment au nouvel Empereur Napoléon III pour lequel elle n’a que mépris, elle est contrainte d’exercer sa profession dans l’enseignement libre. Ce travail est pour elle l’occasion de mettre en avant les idées sociales qui sont déjà les siennes : égalité des sexes, le savoir ouvert à tous, enseignement de la sexualité, observation de la nature, formation indispensable pour les maîtres et les maîtresses tout au long de leur carrière. Elle ouvre une école de jeunes filles à Audeloncourt, puis déménage sur Paris et ouvre une deuxième école à Montmartre. Parallèlement à cette activité, elle commence une carrière de journaliste, entame une correspondance suivie avec Victor Hugo (opposant comme elle au nouveau régime) et rencontre de nombreux militants républicains et socialistes (Jules Vallès, Eugène Varlin…).

Elle reprend ce travail d’enseignement auprès des Canaques pendant son séjour au bagne, malgré les conditions de vie inhumaines qui sont imposées aux prisonniers. Elle témoigne aussi sa solidarité aux Algériens déportés après leur révolte de 1871. Elle tient un journal détaillé de son séjour, et l’agrémente de nombreuses observations sur la faune et la flore locales. Au contact de deux militants de la première Internationale, Charles Malato et Nathalie Lemel, ses idées évoluent peu à peu du Socialisme vers l’Anarchisme. De retour en France (elle débarque à Dieppe le 9 Novembre 1880 après la loi d’amnistie de Juillet), elle devient une propagandiste infatigable de l’idée libertaire, tout en conservant les liens qu’elle a établis avec ses anciens compagnons communards même lorsqu’elle ne partage plus certaines de leurs idées parlementaristes. Le 18 mars 1882, Louise Michel incite ses compagnons anarchistes à se revendiquer du drapeau noir : « plus de drapeau rouge mouillé du sang de nos soldats. J’arborerai le drapeau noir, portant le deuil de nos morts et de nos illusions. »

Pendant une bonne vingtaine d’années, Louise Michel sera présente sur tous les fronts de la lutte sociale. Oratrice remarquable, journaliste engagée, écrivaine passionnée, elle court de ville en ville porter la parole révolutionnaire, ce qui lui vaut à plusieurs reprises de connaître à nouveau l’emprisonnement. De 1890 à 1896, elle vit en exil à Londres où elle ouvre une nouvelle école. De retour en France, son activité est toujours aussi intense : elle anime des cercles féministes, se bat contre l’obscurantisme religieux et témoigne à de nombreuses reprises sa solidarité aux victimes de la répression policière. Sa ténacité et son courage font l’admiration des uns et provoquent la haine des autres. La presse bourgeoise ne manque pas de traîner dans la boue cette femme célibataire dont le mode de vie totalement en dehors des normes de l’époque dérange singulièrement. Tout au long de sa vie, Louise Michel s’interroge sur la vie de ceux que la « bonne société » considère comme des « déviants » : prostituées, malades mentaux ou simples délinquants. Au lieu de chercher à réprimer, elle cherche des solutions pour éduquer les « fous » et les « idiots ». Cette attitude montre bien quelle était sa largesse d’esprit. Tout au long de sa vie, elle a écrit une vingtaine d’ouvrages : romans, pamphlets, recueils de poésie, contes pour enfants… en fait, assez peu d’écrits théoriques. Parmi toutes ses œuvres, je citerai : « le claque-dent » (roman pré-révolutionnaire présentant un tableau apocalyptique de la société de l’époque) ou « le monde nouveau ». Son style d’écriture, marqué par le roman feuilleton , souvent décousu, n’est pas toujours d’une approche évidente. Certains pensent qu’elle aurait, pendant son séjour en Nouvelle Calédonie, fourni à Jules Vernes la matière de son roman « vingt mille lieues sous les mers ». Ce qui est certain – elle le laisse entendre dans ses écrits – c’est qu’elle aurait aimé vivre de sa plume, si le tourbillon de la vie militante ne lui avait pas mangé une grande partie de son temps. Elle meurt lors d’une tournée de conférences à Marseille, quelques jours avant le déclenchement des premiers événements révolutionnaires en Russie, emportée par une pneumonie foudroyante.

obsequeslmichel.jpg Plutôt que « vierge rouge », « pétroleuse » ou « Bonne Louise » comme ont voulu la surnommer ceux qui veulent récupérer son image plus que le contenu de sa pensée, Louise Michel reste avant tout « la première femme anarchiste représentative du mouvement révolutionnaire » (Thyde Rosell). En conclusion de cette brève chronique, cette citation pleine d’espoir pour nous donner du cœur à l’ouvrage : « Chacun cherche sa route ; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l’égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux. »

En prime un poème (extrait du « chant des captifs ») :
« Voici la lutte universelle :
Dans l’air plane la Liberté !
A la bataille nous appelle
La clameur du déshérité !…
… L’aurore a chassé l’ombre épaisse,
Et le Monde nouveau se dresse
A l’horizon ensanglanté ! »

NDLR : l’image n°1 représente Louise Michel (origine inconnue) – l’image n°2 représente l’Ecole ouverte par Louise Michel à Montmartre (origine www.terresdecrivains.com) – l’image n°3 est un tableau représentant les obsèques de Louise Michel (origine forum recherches sur l’anarchisme, raforum.info).
Quelques liens pour compléter cet article : http://increvablesanarchistes.org/articles/biographies/louise_michel.htm ; http://enjolras.free.fr/liens.html (« portail » de liens sur Louise Michel) ou l’incontournable Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_Michel

One Comment so far...

voir l'article Says:

7 avril 2015 at 18:26.

100 000 personnes pour l’enterrement d’une anarchiste et féministe comme quoi, la modernité et le progressisme existent depuis bien longtemps

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