26 octobre 2009

D’un tilleul vénérable aux misères d’une bibliothèque

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Humeur du jour .

ou comment une chronique change de titre, de contenu, mais pas  d’auteur…

J’étais parti pour vous parler d’un arbre commun et précieux : le tilleul. J’avais même trouvé un titre bien accrocheur : « le tilleul, baron des Baronnies ». Et voilà que samedi, suite à une rencontre sympathique sur un stand de librairie, à l’occasion d’une « fête au village », ma chronique a quitté le droit chemin qui devait être le sien pour s’engager dans une toute nouvelle direction. Le prétexte que j’avais trouvé pour vous parler du « tilleul » était fort simple et collait à l’actualité locale. Je vais vous conter le « pourquoi » et le « comment » de cette affaire singulière. Nous n’allons pas trop nous égarer cependant puisqu’il va être question de botanique, d’écologie, de livres… S’il n’est plus le point de mire de cet article, la star, le tilleul reste quand même le point de départ sur lequel je vais m’appuyer…

tilleul-de-reaumont Réaumont, petit village de l’Isère, a la chance de posséder, sur la place de l’église, un tilleul plus de six fois centenaire, portant le titre glorieux de « doyen du département ». La dynamique « maison de l’arbre » de Réaumont organise chaque année deux fêtes sympathiques qui connaissent un succès croissant. Celle du printemps est centrée sur un marché aux plantes de collection. Celle de l’automne est plus axée sur les arbres, avec à chaque occasion un thème d’animation central. L’an dernier, les conférences proposées au public tournaient autour de la mythologie et de la place des arbres dans l’imaginaire collectif. Cette année, le « tilleul » lui-même était le centre d’intérêt principal. Nous avons profité du beau temps, samedi 24 octobre, pour aller faire un tour sur place, tirer une fois de plus le portrait de l’ancêtre, et compléter nos connaissances botaniques et médicinales. Faute de temps, nous n’avons pu assister malheureusement à la conférence du docteur Bourny, « le tilleul entre tradition et science », dont le contenu annoncé s’avérait fort intéressant. Il y avait beaucoup de plantes passionnantes à découvrir sur le marché, plusieurs expos et stands gourmands, depuis les croqueurs de pommes jusqu’aux préparations à base de roses, de lavande, de fruits rouges…., confitures, sirops et liqueurs en tous genres. Votre serviteur a profité de l’aubaine pour rapporter un plant d’érable (acer olivierum), et un cactus de forme rigolote. Il y avait aussi une très grande exposition vente de livres qui se tenait dans la salle des fêtes. L’étal recelait mille trésors, proposant à la fois des livres neufs ou des occasions : plusieurs centaines d’ouvrages dont certains peu communs, leur tirage étant épuisé depuis pas mal de temps. Pascaline en a profité pour compléter sa collection des œuvres de Grey Owl, et a engagé une conversation très intéressante avec la personne qui s’occupait de la librairie : monsieur Roland de Miller, lui-même auteur de plusieurs ouvrages exposés, dont une biographie du naturaliste Robert Hainard et un essai intitulé « le besoin de nature sauvage ». J’avais déjà vu sa signature au bas de plusieurs articles, mais il se trouve que son nom avait une résonnance particulière dans ma tête. Je les ai laissés papoter tous les deux, se raconter des histoires de castors et d’Indiens… et puis je me suis rappelé avoir lu un article à son sujet sur le blog de Fabrice Nicolino. J’avais pris quelques notes et je comptais bien vous parler de « l’affaire de la bibliothèque de Roland de Miller » dans mon prochain « bric à blog ». La discussion a pris alors un virage, et cette affaire de bibliothèque est revenue en gros plan sur le devant de la scène. Pour ceux qui ne fréquentent pas assidûment le blog écolo de Fabrice Nicolino, je vais résumer les épisodes antérieurs et compléter le dossier avec les infos que nous a données l’intéressé lui-même. Adieu, tilleul, cactus et liqueur de roses, car le problème est important et ne saurait attendre des semaines pour être résolu.

le-besoin-de-nature-sauivage Roland de Miller se trouve être à la tête de l’une des bibliothèques les plus importantes en Europe, si ce n’est plus, sur le thème, très vaste, de l’écologie. Depuis une quarantaine d’années, il a rassemblé soixante mille ouvrages, ainsi que des périodiques, des brochures, divers documents extrêmement précieux. Tous ces livres ne sont, bien entendu, pas tombés du ciel et s’il s’est retrouvé à la tête d’une collection pareille c’est parce qu’il l’avait bien voulu. L’intention de notre collectionneur acharné était de mettre cette bibliothèque à la disposition du public, de proposer aux chercheurs une ressource documentaire considérable, sans égal, même, dans les plus importantes bibliothèques universitaires. Encore fallait-il pour cela trouver un organisme intéressé et disposant d’un local adapté. Vous pouvez vous amuser à calculer le métrage de rayons nécessaires, ainsi que le nombre de pièces disponibles, pour que tous ces livres et journaux soient présentés de façon accessible, catalogués, classés, réparés… Vous vous doutez bien qu’un homme seul ne peut venir à bout d’une tache pareille, surtout lorsque ce même personnage, a, par ailleurs, une activité d’écrivain et de libraire. Les livres, c’est bien connu, ça ne nourrit guère son homme, sauf si l’on en fait commerce (et encore !). En avril 2002, la mairie de Gap a proposé de s’engager dans l’aventure et un accord temporaire a été trouvé entre la municipalité et le documentaliste, qui a été embauché à titre contractuel comme « chargé de mission pour l’installation à Gap de la Bibliothèque de l’Écologie ». Des locaux ont été trouvés, à titre provisoire, car mal adaptés, en particulier à une ouverture au public. 36 tonnes de livres ont été transportés du lieu où ils étaient stockés précédemment. La mairie a fourni l’aide du personnel municipal et les moyens de transport. D’anciens locaux de France Telecom, servaient de siège temporaire à la bibliothèque, au 8 cours du Vieux Moulin, en attendant un nouveau déménagement dans un bâtiment mieux aménagé. Les projets concernant la collection d’ouvrages étaient ambitieux. Selon les termes du contrat Roland de Miller faisait don de sa collection à la collectivité en échange d’une pérennisation de son poste. Depuis 2002, la situation s’est enlisée, puis envenimée, avant de devenir carrément conflictuelle. Les rapports entre le militant écrivain libraire collectionneur et la Mairie se sont dégradés au point que Mr de Miller est sommé d’évacuer les locaux, au plus tard le 26 décembre, au risque de subir une astreinte journalière.

gaston_pile_de_livres L’heureux propriétaire de la « très grande bibliothèque de l’écologie » est donc, comme le dit Fabrice Nicolino, « sommé de faire ses baluchons… 400 m3 de livres et de textes sous le bras ». Ce problème majeur s’ajoute à toute une série d’autres difficultés personnelles, dont une partie, on s’en doute, d’ordre financier. De multiples démarches ont été lancées, de nombreux organismes contactés… et les réponses ne sont guère encourageantes : pas de moyens financiers, pas de locaux, intéressant mais prématuré, à étudier, rien de possible avant x années… Le délai dont dispose Roland de Miller est bref. Des négociations ont été engagées avec la municipalité d’Arles, mais il n’est pas dit qu’elles aboutissent, et, si c’est le cas, ce ne sera pas avant une ou plusieurs années. Dans un premier temps il va donc falloir faire des caisses, les transporter, les stocker correctement. Les livres sont fragiles, certains sont rares et d’une grande valeur… il n’est pas question de les traiter n’importe comment. Un déménagement confié à un « professionnel » coûterait, au bas mot, 10 000 euros, sans compter les frais d’emballage. Roland et son comité de soutien ont donc décidé de faire appel à des bonnes volontés, tout au long du mois de novembre, pour effectuer l’opération de mise en cartons.

« Pour la mise en cartons des livres et périodiques et le démontage des étagères, nous recherchons des bénévoles (groupes d’amis, venez au moins une journée !…). Travail demandé de 9 h du matin à 18 h 30, mise en cartons attentionnée dans une bonne ambiance conviviale. Période de travail : du lundi 2 novembre au vendredi 11 décembre, y compris le mercredi 11 novembre et les week-ends des 7-8 novembre et 28-29 novembre.
Il est souhaitable qu’il y ait tous les jours du lundi au vendredi trois équipes de deux personnes. La coordination sera assurée par un responsable de chantier. Le repas du midi sera offert sur place… Nous contacter de préférence par courriel, roland.demiller@free.fr ou par téléphone, 04 92 52 40 39 (en cas d’absence, merci de laisser un message sur le répondeur, nous vous rappellerons). »

Un appel au soutien financier est également lancé, histoire de montrer que de simples particuliers sont plus attentifs au devenir d’une telle collection de livres, que des organismes locaux, régionaux ou nationaux. Je trouve quand même ahurissant, au passage, qu’aucune initiative publique ne soit envisageable pour gérer ce genre de problèmes ! Il est évident que Roland de Miller demande une contrepartie à son offre de donation, et il réclame quelque chose de plus sérieux que le statut de contractuel proposé par la Mairie de Gap. Il me semble quand même que le jeu en vaut la chandelle, à l’heure où tous les horizons politiques se réclament de « l’écologie », se tartinent d’éthique, s’aromatisent au parfum durable, et se vautrent dans le bio made in grande surface.

bibliotheque-sdf Heureux retaités que nous sommes, nous envisageons fortement de descendre à Gap pendant la deuxième quinzaine de novembre. Nous n’avons guère d’autres moyens que nos bras, et notre amour des livres, pour aider, mais, comme disait mon incontournable « mémé », un bataillon de petites cuillères obtient des résultats intéressants même sur une dune de sable. A voir, comment vous, lecteurs et lectrices réguliers de la « feuille charbinoise » ou d’autres mini-medias à coloration plus ou moins verte (je ne parle pas du vert officiel que certains se sont approprié, mais, en ce qui concerne « la feuille », du vert teinté rouge – et parfois même de noir – de pas mal de végétaux pendant l’automne), pouvez intervenir de votre côté. Fabrice Nicolino a eu le mérite d’être l’un des premiers, sur ce dossier là, à faire sonner la cloche d’alarme ; j’espère que beaucoup prendront le relai. Vous avez à votre disposition l’adresse email de Roland de Miller ainsi qu’un numéro de téléphone pour les contacts. Faites en bon usage ; ne l’utilisez pas à n’importe quelles fins,  réservez son usage à un message important car notre bibliothécaire « routard » est littéralement débordé par les problèmes à régler. Il n’y a malheureusement pas de site internet opérationnel pour actualiser les infos. C’est un peu la panique à bord. Si vous avez la possibilité de vous impliquer « physiquement » dans le déménagement, inscrivez-vous au préalable. Mieux vaut prendre contact avant de débarquer ; attention, il faut recourir au système D pour l’hébergement car rien n’est prévu pour l’instant (trop lourd à gérer). A ce sujet, je ne crois pas que ce soit la peine de téléphoner à la mairie pour vous faire dépanner !… Au cas où cette affaire vous paraitrait « hénaurme », inutile d’aller vérifié sur « Hoaxbuster », ce n’est ni une chaîne à la noix, ni un canular : simplement une bibliothèque géante de l’écologie qui a besoin d’être transfusée d’urgence.

4 Comments so far...

Lavande Says:

26 octobre 2009 at 19:09.

Tu ne donnes pas de détails pour le « soutien financier ». Pour certaines personnes c’est plus envisageable que de participer au déménagement lui-même.

Paul Says:

26 octobre 2009 at 19:36.

Je ne donne pas plus d’infos sur le soutien financier car je n’en ai pas d’autres. Le mieux c’est de contacter l’équipe qui travaille avec lui sur place à Gap. Les coordonnées postales sont : Roland de Miller et l’équipe de la Bibliothèque de l’écologie – 8 cours du vieux Moulin – 05000 GAP. Possible aussi de demander des infos précises par email (celui de Roland est donné dans l’article). L’appel dont j’ai reproduit un extrait a été lancé le 22 octobre et pour l’instant le site internet de la bibliothèque est bloqué.

Clopin Says:

27 octobre 2009 at 10:32.

Décidément, le monde est petit : j’ai bien connu Roland De Miller dans les années 74, je me demande s’il n’est pas passé à Beaubec au début de l’aventure…

Pourquoi Pas ? Says:

15 novembre 2009 at 04:06.

Et dire que dans la région de Gap et environ (rayon de 30 kilomètres), il y a 23 couchsurfers qui semblent disponibles à héberger ! Me semble que c’est l’occasion idéale pour la feuille de tester le système pour de bon ! En plus, ce genre de cause trouve souvent des échos très favorable sur CS ! Entraide, partage, soutien, la communauté aime bien !

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