3 décembre 2007

La horde sauvage

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

sanglier.jpg Autant que je me souvienne, la méfiance et la hargne que je porte aux troupeaux de touristes du troisième âge, ne date pas d’aujourd’hui ! Jeune instituteur, accompagnant mes élèves en sortie de ski de fond, j’ai déjà côtoyé ces tristes individus il y a pas mal de temps de cela et ils étaient déjà aussi agressifs et aigris au siècle précédent… La simple vue de mon groupe d’élèves (braves enfants de la campagne, un peu agités peut-être, comme on l’est à dix ans, mais plutôt gentils et bien élevés) provoquait une réaction de panique et la mise en route d’un processus d’auto défense chez ces singuliers personnages. « Ce sont des enfants ! Nous étions là avant ! Ils peuvent bien attendre ! Mon Dieu qu’ils sont bruyants ! De notre temps, on allait pas au ski, on faisait des problèmes, et des dictées, et des exercices… et on apprenait la morale au moins ! »
Bref, les enfants n’avaient encore rien eu le temps de faire, qu’ils étaient déjà catalogués comme nuisibles potentiels. Cette attitude m’avait choqué à l’époque, car je considérais, naïf que j’étais, que la relation entre une personne âgée et un enfant devait être automatiquement empreinte de tendresse, de compassion, de sympathie… Je n’avais pas compris en ce temps là que ce qui s’appliquait à une mamie prise dans son individualité, ne correspondait plus du tout au fonctionnement de l’animal, une fois qu’il était englobé au sein de la « meute ». Ce qui m’amène tout de suite à modérer la suite de mon propos : j’ai parfois rencontré des personnes âgées pour lesquelles j’ai beaucoup de sympathie, voire d’admiration : je n’ai jamais rencontré de touristes du troisième âge, en troupeau, pour lesquels j’ai une quelconque estime.

Quelques années plus tard, dans une cave coopérative (Tavel si je me souviens bien). Je m’apprête à régler mes achats à la caisse, lorsqu’une voix s’élève, criarde, de l’autre bout de la salle : « Grossiiiiieeeeeeer personnage ! J’étais là avant vous ! » – « Mais je vous en prie, chère madaaaame, faites donc ! » Regard méprisant de la boule de fourrure en direction de mes cheveux longs et de mon allure qu’elle estime négligée… Un incident parmi des dizaines d’autres que je préfère oublier !

Je fais donc tout ce que je peux, depuis cette époque, pour échapper à ces nuées de parasites. Mais ce n’est pas toujours possible. Je suis malheureusement matinal et tous ces braves gens qui n’ont rien à faire de leur journée le sont aussi. Lorsque je vais faire le marché, le dimanche, dans mon village, je suis donc obligé de prendre mon mal en patience. Je dois supporter, les bousculades, les « Ça fait un moment que j’attends » (en moyenne une minute), « trop cher, pas de goût et pas frais » (parfois vrai malheureusement), les soupirs et grimaces en tous genres… Pendant que bobonne remplit son panier, mossieur qui s’ennuie, cherche une âme compatissante avec laquelle échanger sur « la dureté de la vie », « les jeunes qui ne veulent plus travailler », « les voyous qui parlent fort à neuf heures du soir », ou les résultats du dernier match, « qu’est-ce qu’on leur a mis à ces enfoirés de … (au choix selon le calendrier) ».
Lorsqu’un petit groupe de plaignants se forme alors là c’est la calamité : plus moyen d’approcher des clémentines. Le commerçant n’ose rien dire, car un client, même con, c’est sacré ! Il y a tous les genres de grincheux, du garde champêtre retraité, pilier du front national et du canard local, à l’ancien légionnaire qui rêve de voir les poireaux se mettre au garde à vous dans son panier… Il n’y en a pas un pour racheter l’autre, sauf la petite grand-mère, l’air un peu triste, qui ne semble pas concernée par tous ces débats foireux car elle est trop occupée à comparer le prix du kilo de pommes et les trois pièces d’un euro qu’elle a dans son porte monnaie.

Mais ce n’est pas parce qu’on évite de sortir tôt le matin qu’on échappe facilement à ce fléau. La France vieillit et les cafards pululent même dans des endroits inattendus. Dans le magasin d’engins agricoles, un mardi après-midi, vers 14 h (l’heure de la sieste non ?), deux hyper actifs de soixante dix ans (à vue de nez) sont accoudés au comptoir (et oui, chez nous, même les magasins de tondeuses ont des comptoirs). Je reproduis un extrait du dialogue (de mémoire ce n’est pas trop dur).
« – Ben dis donc, Bébert, je prenais les Français pour des cons…
– Ouais, fait l’autre, un peu avachi (je vous ai dit que c’était l’heure de la sieste)…
– Et ben tu vouais, ils sont pas si cons que ça, pissqui ont voté pour un mec qui veut remettre la France au travail…
– Ouais, c’est sûr. » (Il est impressionné par la réthorique de son copain).
Et voilà on y est. En plus, les trois quart de ces cons là ont voté pour l’affreux petit Nicolas, même certains de ceux qui votaient pour le borgne avant. Ça fait des années qu’ils ne font rien d’autre que glander entre deux apéros, emmerder le monde, geindre sur tout ce qui était mieux avant… et ils veulent remettre les autres au travail ; les jeunes en particulier contre lesquels ils semblent avoir accumulé toute la hargne du monde. Pitoyable.

autocar.jpg Cette chronique serait incomplète si je n’évoquais pas leur comportement en déplacement à l’étranger. On dirait qu’ils n’y vont, « à l’étranger », que pour avoir le plaisir rassurant de rentrer « chez eux », après avoir dénigré tout ce qu’ils pouvaient dénigrer, et démontré par A + B que la France est le plus beau pays du monde. En tout cas, eux, donnent une sacrée image des Français, lorsqu’ils se promènent.
Misère de misère, Septembre, c’est le mois des Français au Québec nous a-t-on expliqué, gentiment mais un peu tard. L’action se situe à Baie St Paul, un village, joli quoiqu’un peu trop touristique (eh ! eh !) de la côte Nord du Saint Laurent. Un groupe de touristes français, la soixantaine bien sonnée (il y a quelques jeunes vieux parmi eux quand même), remonte la rue principale, d’un air un peu désabusé, contraints d’aller de magasins de souvenirs en galeries de tableau (c’est un village d’artistes) et de galeries de tableau en magasins de souvenirs. C’est compliqué : il faut ramener un « truc » pour « le fils et la belle-fille », un « truc rigolo » pour le petit fils, un « autre truc » pour la voisine qui arrose les plantes vertes… La carte de crédit a le vertige devant cet empilement de boules à neige, de foulards authentiques et de flacons de sirop d’érable aux formes biscornues (« c’est pas mauvais, ce machin, mais ça vaut pas….. » – au choix !). Ce qui est marrant (si on veut) c’est que dans la mesure où ils sont « à l’étranger », la plupart de ces braves gens estiment qu’ils peuvent parler librement devant l’autochtone, celui-ci n’étant – bien évidemment – pas assez cultivé pour comprendre notre belle langue. Toutes les remarques, des plus grossières aux plus vulgaires, sont donc autorisées, devant des vendeurs, des vendeuses, des caissières, des guides, des hôtesses, des hôtes, qui conservent un sourire radieux et une attitude accueillante au milieu de la tempête de niaiseries. « Tu te rends compte, ça coute 20 euro, non pas 20 euro, 20 machins… ce truc » ; sans commentaires.

Quand on pense en plus qu’il n’y a pas que les plus de soixante ans qui sont comme ça, mais qu’il y en a aussi qui attaquent avant : des pseudo-jeunes, déjà en loques à 20, 30 ou 40 ans. ! J’ai du mal à comprendre deux choses : d’une part qu’il y ait un âge où il semble que l’on ait plus le choix qu’entre Alzheimer et la connerie, d’autre part que l’on puisse vieillir AVANT cet âge fatidique. Il parait même qu’il y a des jeunes UMP… En tout cas, ce n’est pas la peine de m’offrir une place dans un voyage organisé, je n’ai pas vocation à faire de la sociologie appliquée !

One Comment so far...

François Says:

3 décembre 2007 at 08:45.

Je ne prétendrai pas que les Suisses sont reluisants, mais une chose est sûre: je fuis les touristes français comme la peste. Autant que possible… Je me souviens notamment d’une malheureuse croisière sur le Lake Powell aux Etats-Unis. A part sauter du bateau et finir à la nage, impossible d’échapper à la horde de ploucs, en particulier à la mégère ratatinée qui n’a pas vu une seule des beautés naturelles du lieu, pourtant nombreuses, pour ne s’occuper que de savoir si elle allait réussir à bronzer partout de manière uniforme. Argh!

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