16 mars 2011

Messieurs les apprentis sorciers qui nous gouvernent…

Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes .

Retour rageur sur la triste actualité du moment

Au nom du Fric, du saint Fric, et du très saint Fric, vous êtes en train de nous construire un monde dont l’horizon est maculé de taches sombres :  lieux de sinistre mémoire, monuments persistants  à la bêtise et à la cupidité qui sont vos principales vertus. Hiroshima, Nagasaki, Seveso, Bhopal, Tchernobyl, maintenant Fukushima, pour ne retenir que quelques noms sur une liste d’une longueur tragique. Celle-ci est sans doute loin d’être close et s’allongera, de plus en plus vite, dans un futur bien trop proche : autant de cancers et de verrues  posés de ci de là, au gré des caprices de la destinée, sur cette immense petite planète dont vous avez fait votre terrain de jeu… Depuis que le capitalisme triomphant est présenté comme le seul avenir crédible pour l’humanité, que voyons-nous comme perspectives s’annoncer à l’horizon ? Un déséquilibre croissant entre Nord et Sud, des famines meurtrières annoncées pour les décennies à venir en raison de choix agricoles catastrophiques, des migrants toujours plus nombreux sur les routes pour fuir la misère et les catastrophes climatiques, des peuples réduits en quasi-esclavage par l’impérialisme de certains états, des adultes valides privés de leur emploi pendant qu’ailleurs on force les enfants à travailler dans des conditions inhumaines… Magnifique bilan dont vous pouvez vous vanter avec votre morgue et votre cynisme coutumier. Tout est ramené aux antiennes de l’économie libérale et analysé selon vos sempiternels canons de PIB, de profits, de perspectives financières florissantes… Certains pleurent leurs morts, d’autres soupèsent les conséquences des derniers événements survenus au Japon pour le développement de la filière nucléaire française. Et ce n’est pas là le seul exemple du cynisme élevé au rang de principe de gouvernement. Les choix sont simples : la liberté pour une minorité de prospérer de façon toujours plus indécente ; l’obligation pour la plus grande masse de plier le dos à vos oukases.

Aux citoyens de plus en plus désespérés, de plus en plus écœurés par des politiciens qui se comportent comme les pires laquais aux ordres des multinationales, on offre comme porte de sortie le retour au pouvoir de partis de sinistre mémoire, habillés d’oripeaux flamboyants pour faire croire que leur vieilles idéologies nauséabondes ont une quelconque capacité à renouveler le jeu politique. A ceux qui meurent de faim on offre la matraque ou la mitraille ; à ceux qui désespèrent de trouver un jour un rôle nouveau à jouer dans cette société, on propose de jouer aux petits soldats et de défouler leur haine croissante sur plus misérables qu’eux. Pour distraire ceux qui rêvent encore d’un quelconque changement on agite le chiffon rouge d’élections démocratiques qui leur permettront de choisir entre la peste et le choléra. Rassurez-vous, messieurs nos dirigeants franco-français, aucun bouleversement significatif ne sortira des urnes en 2012 : vous pouvez continuer à admirer les courbes de vos profits et à rêver des bénéfices que vous rapportera la dépollution des sites que vous avez contribué à polluer. Une fois les urnes dépouillées, le petit jeu reprendra comme avant, soirée bridge au club pour les uns, variétoches télévisuelles à vomir pour les autres. Certes, quelques règles du jeu mineures changeront probablement, mais ne soyez pas inquiets, nulle remise en cause de vos privilèges ne pointe son nez à l’horizon. Rien à espérer non plus du côté des choix énergétiques, le formatage des esprits a été trop bien accompli et les partis ne sont globalement pas prêts à bouger (PCF, PS, Modem, UMP et FN font preuve d’une unanimité émouvante à ce sujet – on peut se faire une idée en lisant cet article que je trouve intéressant). Un problème comme celui du nucléaire est cependant un excellent moyen de juger de l’état de décomposition d’une démocratie…

Triste humanité où l’on se bat avec des pierres contre des chars, où l’on joue au Monopoly entre dirigeants, où l’on décide de l’avenir des peuples dans des garden parties flamboyantes. Triste humanité où l’on célèbre comme valeurs morales l’égoïsme, le cynisme et la cupidité, où l’on piétine sans vergogne cette fameuse trilogie « Liberté, Egalité, Fraternité » soi-disant fondatrice de notre République. Certains lieux publics l’arborent encore sur leur fronton et on l’étale comme de la confiture sur une tartine lorsque l’on veut discréditer un rival en politique. Le reste du temps il ne s’agit plus que de concepts vidés de leur sens par des affairistes sans scrupules prêts à utiliser à la première occasion politiciens fantoches, dictateurs pervers ou militaires paranoïaques… Un monde pour les riches dans lequel les peuples n’ont plus leur place si ce n’est pour courber l’échine ; un théâtre d’ombres au sein duquel on voudrait que pauvres, jeunes, riches, handicapés, retraités, devenus des charges insupportables pour les actionnaires des multinationales, en soient réduits à demander l’aumône. Les paysans s’entassent dans les bidonvilles des cités surpeuplées et vendent leur force de travail pour quelques roupies la journée. Les employés et les ouvriers vivent dans une insécurité permanente, non celle que fait peser sur eux l’hypothétique croissance de la criminalité dont les médias nous rabattent les oreilles, mais celle de la perte d’emploi du jour au lendemain, menace que les manitous des ressources humaines savent si bien faire planer en dessus de leur tête. Dans cette société dite démocratique, mais en réalité gouvernée par de tristes oligarchies, l’être humain est réduit à une machine à consommer, placé dans un état d’insatisfaction permanent, et propulsé, souvent contre son gré, dans une compétition sans cesse renouvelée.

Après des heures de matraquage publicitaire pour vanter les mérites d’une surconsommation sans laquelle nous ne serions rien, les médias ont beau rôle de nous expliquer que le boulevard royal qui guide notre destinée n’a d’autres possibilités que d’être jalonné de centrales nucléaires, d’usines polluantes, de mines meurtrières et de prospections énergétiques hasardeuses. Compassion hypocrite à l’égard des peuples subissant le joug de régimes dictatoriaux – pourtant indispensables à notre « croissance harmonieuse »… Comment assurer la régularité de nos approvisionnements énergétiques (du pétrole dont on parle beaucoup, à l’uranium qui assure notre soi-disant « autonomie » en passant par les métaux rares) si quelques bras musclés ne maintiennent pas l’ordre dans les pays producteurs !  Comment répondre aux désirs (artificiellement provoqués) de ces gens qui souhaitent changer de voiture, de maison, de gadgets technologiques tous les ans, comment leur permettre d’avoir 10 ° l’été et 25 ° l’hiver dans leurs palaces de papier, sans construire, sans rechercher, sans trêve, de nouvelles sources d’énergie pour satisfaire tous besoins dévorants. Tant que le bonheur de certains ne se mesurera qu’à l’aune de la puissance de la cylindrée de leur engin mécanique, il est inutile de continuer à verser des larmes hypocrites sur les guerres du pétrole et de l’uranium, les naufrages de pétroliers et les explosions d’usines chimiques. Un monde hyper-industrialisé, gouverné par les lois du marché et du profit, et… sans risques, n’existe que dans les contes de fées ou dans les songes des fumeries d’opium.

Si nous voulons sortir de cette problématique débile, il est grand temps d’envisager de construire une société dans laquelle le système de valeurs sera totalement modifié et où ceux qui entassent les profits jusqu’à des sommets inimaginables seront définitivement privés du droit de dépouiller l’humanité de ses ressources élémentaires. Seule une reconstruction sociale radicale et une redistribution équilibrée des richesses réellement disponibles peuvent permettre la mise en place de rapports plus équilibrés entre l’appétit des humains et les ressources limitées de leur environnement. Le changement premier à venir concerne ceux qui sont en haut du perchoir et non ceux qui sont en bas. Le discours des écologistes doit être clair : sans changements fondamentaux dans le fonctionnement même de la société, la protection de l’environnement ne restera qu’un enjeu financier supplémentaire et les problèmes fondamentaux ne seront en rien résolus. L’écologie « culpabilisatrice » n’est qu’un avatar supplémentaire  des aliénations religieuses. L’écologie ne doit pas avoir une dimension sociale pour faire bonne figure ; elle doit intégrer le chapitre social au premier rang de ses préoccupations. La construction de ce monde nouveau ne doit pas attendre demain. Elle doit débuter dès à présent dans le peu d’espaces de liberté que nous laisse encore ce système politique de plus en plus investigateur. Il faut multiplier les « laboratoires d’utopie » (j’emprunte cette formule à Ronald Creagh, un universitaire de Montpellier qui a fait un travail remarquable sur les communautés nord-américaines) et se saisir de toutes les opportunités pour montrer que d’autres rapports humains sont possibles et que d’autres systèmes d’échanges que ceux donnés comme modèles peuvent fonctionner.

Non messieurs les technocrates, les financiers, les politiciens, la route de l’avenir n’est pas obligatoirement bordée de barrages gigantesques, de centrales nucléaires à haut risque, ou d’exploitation forcenée et polluantes de ressources fossiles en quantité de toute façon limitée. L’esprit humain est capable de réelles innovations et nous pouvons encore sortir de l’ornière dans laquelle vous voulez, à votre profit, nous enfoncer. Il est grand temps de démontrer que le lien entre humanisme et recherche scientifique n’est pas totalement rompu. L’avenir peut nous offrir une autre réalité que celle que vous nous présentez comme inéluctable. En 1789, rares étaient ceux qui envisageaient ou estimaient possible la fin de la monarchie et la mort d’un roi. Nous saurons bien, un jour, vous demander des comptes, d’une manière ou d’une autre.

4 Comments so far...

Lavande Says:

16 mars 2011 at 14:38.

Si j’osais le cynisme je dirais que les Haïtiens ont de la chance par rapport aux Japonais: eux au moins n’avaient pas de centrales nucléaires!

Paul Says:

16 mars 2011 at 16:05.

16/03/2011 : communiqué du réseau « sortir du nucléaire »
Catastrophe nucléaire japonaise : le Président Sarkozy privilégie la santé de l’industrie nucléaire à celle des Français

En réaction à l’épouvantable catastrophe nucléaire japonaise, l’Allemagne ferme ses 7 réacteurs les plus âgés, la Suisse a suspendu son programme de renouvellement de centrales nucléaires mais la France est plus occupée à rassurer son industrie nucléaire que protéger ses concitoyens des risques nucléaires.
Le Réseau « Sortir du nucléaire » condamne avec la plus grande fermeté la déclaration scandaleuse du Président Sarkozy aujourd’hui en Conseil des Ministres…
« Non, Monsieur le Président, la France n’a pas fait le choix de l’énergie nucléaire, ni les citoyens ni le Parlement n’ont été consultés au lancement du programme nucléaire. Ce sont les Français qui doivent aujourd’hui décider si la France doit ou non continuer de recourir à cette énergie hautement dangereuse qu’est le nucléaire, et pas un Président en fin de quinquennat et à bout de souffle dans les sondages » déclare François Mativet, porte-parole du Réseau « Sortir du nucléaire ».
Le Réseau « Sortir du nucléaire » exige la fermeture immédiate des 16 réacteurs nucléaires en service depuis plus de 30 ans en France et un plan de sortie du nucléaire. Il sollicite par ailleurs un référendum sur la sortie du nucléaire.

http://groupes.sortirdunucleaire.org/alerte-japon/

Zoë Says:

16 mars 2011 at 22:08.

Je suis en rage moi aussi, mais je n’ai pas développé mon propos avec un tel brio. Bravo et merci Paul.

Paul Says:

18 mars 2011 at 10:58.

@ Zoë – J’aurais préféré avoir à rédiger une série de chroniques sur le forum mondial, comme vous l’avez fait avec talent au mois de février. J’avoue que pour moi, la colère est à la fois une source de motivation, mais aussi de découragement. Il y a des jours où l’on a juste envie de se dire « à quoi bon ? »
J’étais déjà au premier rassemblement contre la construction de la centrale de Bugey en 1971. J’ai le nez plongé dans les docs de l’époque et je constate avec effroi que l’essentiel de ce qui a été dénoncé à cette époque reste vrai. Pour une fois, le fait d’avoir fait – à mon avis bien sûr – le bon choix à cette époque-là, n’a vraiment rien de rassurant…

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