4 décembre 2007

Les médias aboient, mais la démocratie fonctionne quand même…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

Je ne vais pas repasser une couche sur les médias, mais les derniers événements soulignent encore ce que je disais il y a quelques jours dans ma chronique sur les grèves des cheminots. L’actualité appuie sur un bouton rouge (« Chavez » par exemple) et tous les voyants s’allument, dans la même direction, quelque soit la tendance, centre gauche « mou » ou centre droit « dur ». Il n’y a besoin d’aucune censure étatique, le formatage joue son rôle, et tous les petits cakes, issus du même moule, se lèvent en vociférant « oui chef, bien sûr chef ! » Formidable non ?

hugo_chavez1.jpg
Prenons l’exemple du référendum organisé par Chavez au Venezuela et de l’information qui nous a été communiquée à ce sujet, avant et après l’événement.

Je tiens à préciser tout de suite que je ne suis pas un fan de Chavez, pas plus que je ne suis « Castriste », « Guévariste », « Bovayiste » ( ?) ou encore moins « Royaliste ». Les « chefs suprêmes » et les grands « leaders d’opinion » m’ont toujours inquiété. Le pouvoir (ne fut-il que spirituel) est une drogue pire que l’opium, auquel l’être humain a bien du mal à résister. Mieux vaut ne pas trop apporter d’engrais à la mégalomanie. Mais je dois dire que Chavez, à force d’agiter le chiffon rouge devant ce crétin de Bush et ses millions de supporters, a quelque peu forcé ma sympathie. Tout n’est pas rose au Venezuela, mais il est indubitable (pour quiconque tire ses informations d’une autre source que la CIA) que des progrès ont été réalisés sur le plan social et que la situation des couches populaires s’est améliorée. Il est clair aussi que cette évolution n’est pas partie du point zéro, mais presque, et que tout n’est pas résolu loin de là. Le problème c’est que du coup, l’écart s’est réduit, non pas entre les plus pauvres et les plus riches, mais entre les plus pauvres et une bonne partie de la classe moyenne, un peu laissée pour compte actuellement, et qui se laisse de plus en plus charmer par les sirènes de l’opposition. Les plus riches disposent de multiples moyens pour mettre leur fortune à l’abri ; ce n’est pas le cas des journalistes, ingénieurs, cadres moyens et supérieurs… dont les enfants, majoritaires dans les universités, constituent l’un des fers de lance de l’opposition actuelle à Chavez, avec l’aide bienveillante du portefeuille américain.

venezuela.jpg Dimanche dernier (le 2 décembre) Chavez organisait un référendum, en deux volets, pour consulter le peuple vénézuélien à propos de plusieurs modifications importantes de la constitution du pays, visant notamment à lui donner des pouvoirs plus étendus en matière économique, pour accélérer la « collectivisation » de certains secteurs, mais aussi, au passage, la possibilité de se représenter, autant de fois qu’il le voulait à la présidence de la République. Nos journalistes assermentés ont bien entendu longuement commenté ce dernier aspect plutôt discutable de la consultation populaire. Selon eux, tout cela montrait bien que Chavez était un bébé Staline en gestation, que le peuple était écrasé par un nouveau Castro encore pire que le modèle d’origine, que l’opinion étant manipulée, le vote truqué et les médias censurés, l’issue du référendum ne faisait aucun doute pour les malheureux Vénézuéliens pris en otage par Sud Rail (non, je dérape). Les reportages, les enquêtes, les témoignages recueillis, tout venait à l’appui de cette thèse : micro trottoir auprès de chômeurs malheureux dont la situation n’avait pas évolué, interview de journaliste menacé par les miliciens pro-Chavez de son quartier…. Le comble dans tout cela étant bien entendu de faire un parallèle, sans grande nuance, entre le référendum organisé au Venezuela et les élections parlementaires en Russie.

Les médias n’ayant plus de cheminots à se mettre sous la dent ont donné de la voix toute la semaine sur ce dossier. Chaque jour, une collection de dépêches d’agence donnait le ton. Même le centre gauche « mou » a participé à la curée : reportages pseudo objectifs sur « ARTE » (que je regarde malheureusement régulièrement), articles dithyrambiques sur la manifestation, « véritable marée humaine », de l’opposition à Chavez…. Ce qui est grave, c’est que tout ce discours visant à démontrer que les anti-Chavez ne peuvent plus s’exprimer démocratiquement, légitime le coup d’état voire même l’assassinat du leader, que le gouvernement états-uniens appelle de tous ses vœux depuis des années. A moins que tout cela, comme le pense Chomsky, ne prépare l’opinion publique internationale à de nouvelles interventions militaires « contre l’axe du mal », en Amérique du Sud, lorsque les USA se seront débarrassés du bourbier moyen-oriental.

Lundi 3 décembre, une première dépêche assez brève d’agence : majorité de NON aux deux chapitres principaux du référendum. Quelques commentaires à la radio, à la télévision, un bref aperçu du discours de Chavez à la télévision (largement tronçonné) et c’est tout… Que sont devenues les brillantes analyses politiques de la semaine précédente, le parallèle Chavez Poutine ? Va-t-on avoir, non pas une auto critique, faut pas exagérer quand même, mais au moins un commentaire politique soulignant le fait qu’il est assez rare qu’un tyran soit contredit par un référendum, qu’une opposition, soit disant muselée, puisse remporter une élection alors qu’elle les perdait systématiquement depuis plusieurs années ? Nos « amis » journalistes vont-ils enfin reconnaître que les élections précédentes n’étaient pas truquées comme ils l’ont sans cesse prétendu, dans les colonnes du « Monde » ou du « Figaro », mais que Chavez bénéficiait d’un réel soutien populaire ? Vont-ils admettre que l’opinion populaire ne se confond pas forcément avec celle de la classe moyenne ? Et bien non, c’est le silence, un silence assourdissant, je dirais même. Je laisserai le mot de la fin à Chavez, qui ne manque ni d’humour ni de finesse politique et qui a déclaré dimanche soir (citation de mémoire) : « il faut qu’ils tirent une leçon importante de leur victoire ; il est possible de remporter des élections, il s’agit de la voie à suivre et l’opposition doit renoncer aux coups de forces, coups d’Etat et tentatives de déstabilisation ».

3 Comments so far...

admin Says:

7 décembre 2007 at 10:31.

Pas mal dans le genre, « courrier international » de cette semaine, publie un article sur Chavez et Poutine, rédigé avant les résultats du 2 décembre au soir… C’est gratiné à lire. On trouve des phrases du genre : « Et comme nous sommes au XXIème siècle, on ne fait plus de coup d’état baïonnette au canon ; on se contente de les faire avaliser, tout à fait légalement, par des peuples subjugués. » On peut lire une analyse intéressante de cet article à ce lien : http://libertesinternets.wordpress.com/2007/12/06/medias-menteurs-pourquoi-je-nachete-plus-de-journaux/

admin Says:

9 décembre 2007 at 16:13.

Et hop encore une couche pour ceux que le sujet intéresse. Voici le lien de la dernière analyse publiée sur ACRIMED, travail de synthèse très bien réalisé.
http://www.acrimed.org/article2781.html

j-p Says:

14 décembre 2007 at 14:04.

edifiant en effet, cela amène à réfléchir. et le paradoxe de dictature et référendum ne m’avait pas plus effleuré que cela!!! même si je n’assimilais pas Chavez à un dictateur.

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