1 novembre 2011

Retour de vacances et premières considérations sard(oniqu)es…

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Carnets de voyage .

Se replonger dans la gestion d’un blog alors qu’on a marqué une pause de presque deux mois ; réinvestir une maison que l’on n’a plus habitée depuis plus d’un mois… Ces deux démarches ont plus d’un point commun même si elles ne sont pas de même nature. On retrouve un décor, des habitudes, des outils, mais, en même temps, comme on a navigué ailleurs, sous d’autres cieux, en tenant compte d’autres normes, en suivant d’autres coutumes, on doit faire un effort pour remettre les pieds dans les traces que l’on a laissées dans la poussière. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que la rupture avec les deux structures, mon cadre de vie avec ses plaisirs et ses obligations, et le moyen d’expression que j’ai choisi pour communiquer sur ma vision du monde avec un cercle assez vaste de lectrices et de lecteurs, occupation à la fois gratifiante et décevante, cette rupture disais-je, m’a fait le plus grand bien. A trop marcher dans ses pantoufles, on éprouve un certain confort, et l’on oublie parfois de changer de godasses, opération indispensable au bon fonctionnement de la partie créative de notre cerveau (oui je sais c’est à la fois tiré par les orteils et par les cheveux comme analyse factuelle mais bon…)

Contrairement à nos précédents voyages, en Roumanie ou au Portugal, par exemple, je n’ai pas voulu rédiger de carnets de route ou vous envoyer de sympathiques cartes postales, comme je l’avais fait précédemment. Grand bien m’en a pris, car nous avons eu de nombreuses difficultés à nous connecter à Internet (surtout avec un débit suffisant) tout au long du chemin sinueux que nous avons parcouru en Sardaigne. Il faut dire que nous avons privilégié les zones rurales intérieures, peu touristiques, et les petites villes de la côte les moins investies par les touristes. Si les relais de télévision et les antennes pour téléphones cellulaires sont omniprésentes (leur foisonnement sur les collines en zone urbaine m’a impressionné), ce n’est pas le cas des relais ADSL. Les connexions publiques sont généralement payantes et à des tarifs prohibitifs. A part cet aspect technologique tout à fait secondaire, la Sardaigne est une région d’Italie absolument magnifique, dont les paysages m’ont grandement surpris à de nombreuses reprises. Au franchissement d’un col, au passage d’une vallée à une autre, d’un versant de montagne à son opposé, on découvre un paysage tout à fait nouveau et souvent insolite. La diversité géologique des sols joue certainement un grand rôle dans cette mosaïque : grès, basalte, calcaire se mêlent et s’entremêlent au gré de la fantaisie des mouvements sismiques. A première vue, les seuls traits qui confèrent une certaine unité à l’ensemble, c’est la présence constante du relief – du moins dans le Nord que nous avons parcouru, et la teinte jaune paille des prairies, liée à une sécheresse d’une longueur inquiétante. La mer aussi bien entendu est rarement absente du tableau, mais la palette de bleus et de verts qu’elle offre, rappelle, sans trop de peine, les couleurs des mers australes.

Nous n’avons visité qu’une partie réduite du pays, car nous n’aimons guère les rallyes touristiques. Pour nous, la découverte d’une région et de ses habitants, nécessite un séjour prolongé, le temps de s’immerger un peu (et seulement un peu malheureusement) dans l’ambiance locale, géographie, histoire, mode de vie. Ce ressenti, on ne l’éprouve pas derrière les vitres d’une voiture, en contemplant un paysage qui défile à quelques dizaines de kilomètres à l’heure. On se rend déjà mieux compte des choses lorsque l’on prend le temps, à la terrasse d’un café, d’observer le comportement des gens qui consomment ou qui passent simplement dans la rue ou bien, lorsque le passage de gite en gite laisse quand même la possibilité de discuter un moment avec le propriétaire des lieux. Ce genre d’immersion nécessite du temps, beaucoup de temps, mais laisse, au final, des images mieux construites dans la mémoire, ainsi que la sensation, roborative, d’avoir un peu compris les équilibres et les déséquilibres en œuvre dans le pays visité. Cette démarche, plusieurs des personnes à qui nous l’avons expliquée sur place l’ont chaudement approuvée. Trop de touristes, selon l’une de nos logeuses, se contentent d’un tour de Sardaigne pour comparer les plages des quatre points cardinaux, ou d’un circuit touristique un peu caricatural qui ne leur permet que de rencontrer… d’autres touristes. Et l’on peut estimer que ceux-ci sont nombreux, si l’on en juge par la fréquentation des principaux sites à la période « creuse » où nous avons séjourné. Nous nous sommes même demandés parfois si la langue locale était l’italien ou l’allemand…

Outre la variété des paysages et la beauté des plages – celle-ci étant longuement dépeinte dans les brochures touristiques, je ne m’arrêterai guère dessus – la Sardaigne possède un patrimoine archéologique assez exceptionnel, mal connu en France, et cela vaut la peine de s’y intéresser. Deux grandes périodes de l’histoire ont laissé leur empreinte en Sardaigne, et, par conséquent, deux types principaux de monuments s’imposent par leur présence massive : l’âge du bronze et les constructions en pierre de la civilisation nuragique, le moyen-âge et les églises romanes éparpillées dans les villes, les villages et les lieux isolés. L’une des personnes qui nous a présenté l’histoire de l’île nous a dit : il n’y a pratiquement pas un lieu en Sardaigne où l’on n’aperçoive pas, à une distance raisonnable, une nuraghe ou une chapelle… Un peu la même situation qu’en France, à la fin de la période médiévale, avec les maisons fortes et les châteaux, qui constituaient un véritable maillage des territoires. Les amateurs de l’architecture gothique seront déçus par contre : il n’y a pas eu de véritable Renaissance en Sardaigne, la région ayant été maintenue sous régime féodal par les nobles aragonais et les ducs de Savoie, pratiquement jusqu’au milieu du XIXème siècle. Les constructions de style gothique, palais ou cathédrales, sont donc plutôt rares.

Ce que nous avons trouvé de plus fascinant, en partant à la découverte de ce patrimoine conséquent, ce sont les multiples constructions de l’âge du bronze, en particulier les tours et les villages nuragiques, les tombes de géants, les fontaines et autres lieux sacrés. Le catalogue est impressionnant puisque six à sept mille (selon les sources) de ces constructions ont été répertoriées sur un territoire grand comme deux ou trois départements français (environ 24 000 km2). Les nuraghes ont été construites pendant l’âge du bronze, jusqu’au début de l’âge du fer, parfois entretenues ou modifiées par les Romains lorsqu’ils ont occupé l’île. La majorité d’entre-elles ont été en grande partie détruites, mais un certain nombre ont conservé suffisamment d’éléments en place pour être consolidées ou rebâties partiellement selon leur plan d’origine. Plus on avance dans l’histoire et plus les constructions sont devenues élaborées, passant d’une simple tour bâtie en blocs de pierre grossièrement ajustés, pour arriver à des monuments architecturalement complexes, comportant plusieurs tours adossées les unes aux autres, des murailles de protection, des niveaux supérieurs avec des escaliers en spirale… le tout construit avec des pierres ajustées de façon sophistiquée. Impressionnant pour des monuments qui datent parfois de plus de trois millénaires et qui évoquent les forteresses de pierre bâties par les ancêtres, au début de l’ère médiévale en Europe par exemple. Je vous rassure tout de suite : bien que l’on puisse se poser des questions sur les techniques mises en œuvre pour déplacer des rochers pesant parfois plusieurs tonnes, il n’est pas vraiment question, dans cette histoire, d’une intervention des Atlantes, des Raëliens ou d’une quelconque peuplade d’envahisseurs venue d’une galaxie lointaine. L’origine de cette civilisation nuragique, même si elle a, par le passé, questionné longuement les historiens à cause de certains anachronismes, semble maintenant assez bien connue. Il semble bien que ce soit, tout simplement, une évolution de la culture locale marquée tardivement par quelques influences extérieures (les Phéniciens par exemple). Pendant la préhistoire, les Sardes possédaient déjà quelques solides talents de bâtisseurs, et la matière première, sur place, ne fait pas défaut !

Si l’occasion s’en présente, je reviendrai, pendant l’hiver sur l’histoire de ces monuments impressionnants. Vous connaissez mon amour pour les « vieilles pierres », les ruines et la poésie romantique qui s’en dégage… ! De façon beaucoup plus triviale en fait, je suis surtout fasciné par le travail, l’imagination technologique, et les prouesses dont ont été capables nos ancêtres. Cette passion couvrait jusqu’à présent des monuments très divers, châteaux-forts, viaducs ferroviaires ou vieilles bâtisses industrielles… Je me suis fait le plaisir d’y ajouter quelques monuments de l’âge du bronze. Les amnésiques (j’ai décidé de rester poli) qui n’ont aucun respect pour le patrimoine des diverses cultures (en disant cela je pense aussi bien aux fanatiques du petit livre rouge qu’aux mâcheurs de chewing-gum largueurs de bombes incendaires), feraient bien de se rappeler que ce sont leurs grands pères lointains qui ont poussé les brouettes et cassé les cailloux… Si je dis ça c’est pour montrer que, pendant que j’étudiais les merveilles de la protohistoire, je suis resté quand même bien branché sur notre monde contemporain et ses splendeurs éthiques. Les occasions de s’attarder devant les chaînes débordant de mièvrerie, de complaisance et de stupidité de la télévision berlusconienne ont été plutôt rares et je ne m’en plaindrai pas ! En fait, le calme retrouvé pendant ces trois semaines de tourisme m’a permis de lire beaucoup, des ouvrages sérieux et d’autres moins (mais tout aussi passionnants). Je ne pourrai longtemps passer sous silence « Le cours d’une vie » de ce Lecoin que je connaissais mais n’avais point lu, la découverte des poèmes d’Armand Robin, ou les quelques bons romans (polars ou SF pour la plupart) qui ont égayé les longues veillées automnales. Une chronique « lecture » s’impose dans un futur proche… On se retrouve donc bientôt pour parler de tout ça !

PS – En me relisant, je m’aperçois que je passe allégrement du « nous » au « je », embarrassé sans doute par le fait que cette expression est tout à fait personnelle mais que, d’un autre côté, nous avons été deux à effectuer ce périple ; nous avons eu largement le temps d’échanger nos impressions tout au long du parcours ! Les lecteurs/trices m’excuseront, j’espère, pour ces errements, quant à ma compagne relectrice, je compte sur elle pour qu’elle fasse entendre le son de sa voix si désaccord il y a   !

PS photos – Clichés maison, va de soi. Photo n°1, un aperçu de la chaîne côtière à l’Est, dans la région centrale, vers Dorgali. Photo n°2, la mer en colère au Capo Testa vers Ste Thérèse, au Nord-Ouest. Photo n°3, la petite église romane de San Leonardo. Photo n°4, la nuraghe Santu Antine, l’une des plus impressionnantes de l’île. Photo n°5, une évocation de cette même nuraghe dans sa forme primitive. Photo n°6, le fronton de la tombe des géants de Ena e Thomes. Reproduction autorisée avec mention de la source.


2 Comments so far...

fred Says:

3 novembre 2011 at 11:55.

le « nous » royal te sied parfaitement si ça peux te rassurer !

la Mère Castor Says:

5 novembre 2011 at 20:51.

La tombe des géants… Merveille. Et bonheur de vous retrouver !

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