20 septembre 2012
Cinq jours dans les « Cinque Terre »
Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage .
Un peu de tourisme « grand public » pour changer ! La majorité de nos concitoyens ayant repris le travail, il était grand temps que l’on s’accorde quelques congés. Cela n’a pas été facile compte-tenu du tourbillon d’activités qui nous emporte pendant l’été et du nombre conséquent de projets que nous aimons mener à terme pendant cette période-là. Notre décision a été prise un peu en dernière minute et le voyage guère préparé, mais l’improvisation a parfois du bon…
Les Cinque Terre c’est un chapelet de cinq charmants petits villages qui s’égrène sur la côte ligure en Italie, à une cinquantaine de kilomètres au Sud de Gênes, juste avant la Toscane. Toute une zone, à la fois terrestre et maritime, a été classée parc naturel et bénéficie même d’une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cela a permis de préserver quelques dizaines de kilomètres de côte et d’éviter que les promoteurs ayant déjà bétonné les Riviera française et italienne ne poursuivent leur œuvre en ces lieux qui – il faut bien le reconnaître – offrent un paysage particulièrement grandiose. Le parc des Cinque Terre bénéficie d’une réputation internationale largement méritée. Du coup, le taux de fréquentation touristique frise la saturation absolue. Les sentiers du bord de mer sont bondés, notamment la fameuse « via dell’amore » qui évoque plus les Champs Elysées en fin d’après-midi qu’une romantique balade au pied des falaises… Il faut parfois tendre l’oreille pour entendre le bruit des vagues ! Si l’on s’écarte des sentiers côtiers, l’affluence baisse d’un coup. Nous avons fait plusieurs tronçons du chemin des crêtes, magnifique lui aussi, sans croiser âme qui vive… Les touristes ne sont pas très ambitieux et le dénivelé cumulé de certains itinéraires est suffisant pour décourager les passagers des grands autocars. Les Cinque Terre constituent en effet une halte imposée sur l’itinéraire des voyages organisés en direction de Rome et de la Toscane. La majorité des visiteurs se limite donc à un bon kilomètre à pied sur la « via dell’amore » puis ils repartent dans leurs cars bondés en pestant contre ces virages multiples qui compliquent la digestion et empêchent les « Canon » et autres « Minolta » de cadrer correctement les cartes postales souvenir.
Cinq villages donc, cinq petites baies séparées par des éperons rocheux… la montagne en arrière-plan avec des sommets à sept ou huit cent mètres… et la mer… d’un bleu à faire rêver les peintres impressionnistes. Ces cinq lieux magiques ont pour nom (du Nord au Sud) : Monterosso, Vernazza, Corniglia, Manarola et Riomaggiore. En visiteurs consciencieux, nous avons parcouru les cinq, longuement, et égrené nos pas sur les sentiers côtiers qui les relient (lorsque ceux-ci sont ouverts au public). La région a en effet lourdement pâti des tempêtes d’octobre 2011 et les coulées de boue ont non seulement causé d’importants dégâts dans les lieux habités mais aussi passablement endommagé les nombreuses terrasses qui servent de support aux chemins piétonniers. La traversée entre Corniglia et Manarola n’est pas encore rouverte au public, certains passages étant encore trop scabreux ou trop soumis à des risques d’éboulement. Heureusement, il y a le train ! La voie ferrée côtière est le seul moyen de déplacement rapide d’un village à un autre. Il n’y a pas de route qui fasse le parcours complet et les acharnés du volant sont obligés de parcourir des kilomètres pour effectuer des sauts de puce d’un lieu à l’autre. Nous avons donc suivi les conseils de la direction du parc et laissé notre voiture sur le parking de la gare de Sestri Levante, puis, munis d’un billet forfaitaire pour la journée, nous avons picoré les destinations au gré de nos envies. Deux bémols à cette description enchanteresse. Le premier concerne le stationnement. Les forfaits rails permettent de circuler entre Levanto et La Spezia qui sont les deux portes d’entrée officielles du parc. Ni l’une ni l’autre de ces deux bourgades ne nous a vraiment enthousiasmés, et aucune ne propose de parking gratuit à la journée, ce qui serait la moindre des choses. Un parking avec un stationnement horaire à un coût exorbitant ne motive guère le chaland. Nous avons donc préféré laisser notre véhicule à Sestri Levante. Le parking de la gare offre quelques places gratuites que l’on peut espérer grapiller en mi-saison. En contrepartie, il faut s’acquitter du prix du billet de train entre cette gare et Levanto, partie du trajet non incluse dans le forfait. Vous l’avez compris – et je n’insisterai pas là-dessus – qui dit zone touristique dit « pompe à fric » et ce principe a été plutôt bien assimilé par les habitants du cru. Autre bémol à signaler : le passage des trains est relativement fréquent (environ un par heure avec des fréquences plus élevées aux heures critiques) mais ils sont bondés, rarement à l’heure et dans un état de délabrement qui fait peine à voir. Les FS (Ferrovie Statale – compagnie nationale des chemins de fer italiens) voilà encore un exemple de service public qui fout le camp… Nul doute qu’un de ces quatre, un opérateur privé proposera de racheter la ligne !
La « Via dell’amore » entre Riomaggiore et Manarola est donc le paradis des touristes pressés et la destination rêvée pour les agences de voyage. Une route assez rapide a été construite depuis La Spezia vers ces deux villages et les cars peuvent donc poser leur cargaison à une extrémité du chemin et la récupérer à l’autre. La voie piétonne a été creusée dans la falaise par les jeunes des deux villages terminaux, dans les années 1920-30. Elle est quasiment plane, assez spectaculaire, et pas trop longue à parcourir. Les grillages posés à de multiples endroits pour éviter les éboulements rocheux sont constellés de souvenirs divers laissés par les visiteurs enthousiastes et un brin mystiques : en tête du palmarès des icônes on trouve les cadenas (promesse d’une fidélité entre amants aussi peu durable que le développement effréné de notre société occidentale) suivis par les foulards, les porte-clés et les nounours. J’espère au moins que ces derniers souvenirs ont été accrochés avec le consentement de leurs jeunes propriétaires ! J’imagine mal mes enfants (lorsqu’ils étaient petits) ou mes petits enfants larguer ainsi dans la nature leurs doudous préférés même contre la promesse de rencontre d’une vierge juste avant de prendre l’ascenseur pour le paradis… Qu’ajouter sur cette Via dell’amore… pas grand chose si ce n’est que le côté merveilleux du parc est indiscutablement ailleurs sauf si l’on est fanatique de la photo de bibelots au Mont de piété. On peut donc éviter sans peine cette excursion incontournable des guides bleus, jaunes, verts ou rouges, et jeter son dévolu sur les multiples autres itinéraires possibles dans la nature environnante. Je ne rejette pas la totalité des sentiers côtiers : la balade entre Corniglia et Vernazza, une heure trente environ de montée et de descente, m’a bien plu, malgré – là aussi – une fréquentation que je n’apprécie guère usuellement. Si vous êtes marcheurs, le plus bel itinéraire c’est le sentier des Cinque Terre qui suit la ligne des sommets côtiers. Si vous êtes amateurs de dénivelé, le plus sympa c’est de partir d’un village comme Riomaggiore pour le rejoindre : une bonne montée de 600 à 700 mètres, le matin, ça met en forme pour la journée et ça permet d’éliminer pas mal de calories. Compte-tenu de l’offre gastronomique de la région, ce dernier point doit être pris en considération avec sérieux !
Parcourir la trame de sentiers qui quadrillent le parc risque de vous occuper plusieurs journées, d’autant que les itinéraires piétonniers sympas ne s’arrêtent pas avec les frontières de la zone classée. Il est possible de faire de très belles marches dans l’intérieur du pays. Nous nous sommes aussi baladés dans le secteur du parc régional voisin de Montemarcello-Magra. Pour les randonneurs avertis on peut envisager des itinéraires sur plusieurs journées ou plusieurs semaines, au départ de Gênes, de Parme, ou même de Carrare plus au Sud. Cette région est traversée par exemple par la via Francigena, chemin de pélerinage de Canterburry jusqu’à Rome – bientôt aussi célèbre dans le catalogue des itinéraires mystiques que la virée à Saint Jacques de Compostelle. Certains ont besoin d’une thématique, d’un support à leur imaginaire pour avoir envie de mettre un pied devant l’autre… pourquoi pas ! Cette Via Francigena a le mérite de traverser quelques villages particulièrement attractifs sur le plan historique. C’est le cas de Pontremoli, une bourgade située dans l’intérieur du pays, à l’Est de La Spezia, proposant aux visiteurs quelques belles façades de la Renaissance et quelques édifices médiévaux plutôt photogéniques. Même ambiance médiévale à Ponte Venere sur la côte, mais là, attention, affluence touristique record : de ce petit port partent de nombreuses excursions en bateau vers les villages des Cinque Terre et l’on a plus de chances de se faire marcher sur les pieds par un quidam parlant anglais, hollandais ou allemand que par un authentique paysan ligure. Si vous voulez vous balader en mer, préférez le tour des îles Levante, c’est moins prestigieux, moins cher et par conséquent moins fréquenté. Quant au port de La Spezia, comme celui de Toulon, c’est essentiellement une base militaire. Les amateurs de laids navires peints en vert de gris apprécieront, mais je doute qu’ils soient nombreux à lire mes élucubrations.
A lire les paragraphes précédents on pourrait croire que nous avons passé nos cinq journées à marcher, à prendre des photos et à observer nos concitoyens d’un œil critique. Certes nous ne nous sommes pas privés de ces diverses occupations, mais, si je m’arrêtais là, le compte-rendu de nos exploits serait incomplet ! Nous avons aussi testé la gastronomie locale, dans la limite de nos moyens financiers et de nos capacités digestives… Les heures de marche ne m’ont pas empêché de rapporter un petit kilo supplémentaire que je n’ai pas pu laisser à la frontière et dont il va falloir que je me débarrasse promptement ; c’est dire donc que les traditions culinaires et viticoles présentent des aspects fort intéressants… Autant vous avertir toutefois que si les prix pratiqués dans les commerces alimentaires sont très corrects, il n’en est pas de même pour la restauration que je trouve globalement chère. Peu de menus offerts dans les tavola calda et autres trattoria… Il suffit de jongler avec la carte. On apprend très vite à maitriser ses désirs car les envolées lyriques lorsqu’on passe une commande se transforment en chœur de grimaces lorsque l’on voit arriver l’addition ! Il reste la solution pour les moyens budgets de se gaver de pizzas et de foccacce : on en trouve avec toutes les garnitures et toutes les sauces possibles. Elles sont excellentes. Renseignements pris, pas mal de restaurants servent du poisson et des fruits de mer frais, mais le surgelé sévit en beaucoup d’endroits. Enfin, en matière de poissons, si vous êtes lecteur régulier de « La Feuille », vous savez que je suis loin d’être un expert ! Je me suis consolé en testant la charcuterie et les fromages locaux : le choix est un peu limité mais la qualité excellente… La Ligurie est indiscutablement un paradis pour les gastronomes, de préférence un peu fortunés, et offre un éventail de plats sympas à déguster, du pesto à la farinata en passant par divers beignets de légumes. Les vignobles locaux, de petite dimension, offrent quelques crus intéressants sous réserve qu’ils soient authentiques. Conseil dans un domaine où je suis plus compétent : que ce soit pour les « blancs » ou les « rouges », évitez les multiples « cuvées du patron », comme bien souvent ailleurs elles offrent plus de mauvaises surprises que de bonnes ! Mieux vaut casser la tirelire et s’offrir un Vermentino, un Cinque Terre ou un Pigato…
Comme dans d’autres régions de montagne en Italie, l’agriculture bio se développe rapidement et beaucoup de petites exploitations se reconvertissent. L’offre est variée, mais il faudrait sans doute un séjour plus long pour avoir le temps de l’apprécier de façon un peu plus complète. Dans la plupart des cas nous nous sommes contentés de produits « fermiers » locaux, et nous avons découvert une petite charcuterie de village proposant de délicieuses spécialités. Cette dernière adresse peut bien entendu être monnayée si vous souhaitez visiter cette magnifique région dans un futur proche…
One Comment so far...
Fred Says:
25 septembre 2012 at 11:41.
ah l’heureux homme !