23 octobre 2012

Le programme des « réjouissances » à venir

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

Crise, austérité, traité européen, misère et matraque

 J’aimerais me tromper mais l’actualité me désespère ; bref une chronique que je vous recommande de sauter si vous avez le moral en berne… Mieux vaut pourtant être conscient des enjeux et surtout des conséquences à venir de la crise actuelle ; mieux vaut aussi être lucide concernant la valeur des emplâtres que certains Diafoirus cherchent à poser sur des jambes de bois ; bref ne pas se leurrer. On va s’essayer quand même à une conclusion un peu optimiste, mais il va falloir mobiliser des ressources insoupçonnées pour y arriver. Mon propos n’a en effet pas pour but de vous décourager, du moins pas dans le style « sauve qui peut, on coule ». Tant qu’on n’est pas noyé il y a sans doute un canot de sauvetage à portée de mains ; reste à avoir la possibilité et peut-être aussi la volonté de l’atteindre pendant qu’il en est encore temps.

Partout dans le monde, les mêmes robots...

Les manifestations contre l’austérité programmée se suivent et se ressemblent ; certains peinent de plus en plus à contenir leur colère et je les comprends : un jour la Grèce, un jour l’Espagne, un jour l’Italie, une heure la CGT. Une réponse, toujours la même : les gardiens du temple lâchent leurs dobermans puis les magiciens de service emballent tout ça dans leur verbiage habituel : « sécurité, casse, provocation, violence, terrorisme… » Moi je pense qu’une société qui n’a plus que la matraque à offrir comme réponse aux interrogations de sa jeunesse est une société qui est bien proche du dernier stade de la décomposition. Le plus tristement drôle c’est que ces gens se réclament de l’ordre, de la morale, du bien-être public… Ces nantis qui n’ont à proposer comme exemple à suivre que leur propre turpitude, leur outrecuidance obscène, et leur absence totale de scrupules. Ils ont fait « leur » le bien commun ; ils se sont approprié ou cherchent à s’approprier des valeurs sur lesquelles il était encore impensable, il y a quelques décennies, que l’on puisse accoler une étiquette « prix » (l’eau, l’air, la vie et dieu seul sait quoi ils arriveront à mettre dans leur foutu catalogue). Ils sont prêts à brader la survie même de l’humanité pour assurer leurs profits immédiats, et se moquent ouvertement de l’avenir de ceux qui ne font pas partie de leur pré-carré. Terribles images que celles de ces jeunes et moins jeunes tentant de s’approcher du parlement à Madrid pour faire valoir leur droit à la parole, leur droit à la vie, que l’on accueille avec des jets de grenades assourdissantes et que l’on repousse avec des balles en caoutchouc. Terribles images que celles de l’expulsion musclée des occupants de la zone de construction de l’aéroport bidon de Notre Dame des Landes. Regardez bien l’image : tous sortis du même moule ces robocops automatisés… Images interchangeables d’Athènes à Tunis, de Rome à Barcelone, de Montréal à Bucarest… N’y aurait-il plus qu’un seul fabricant de matraques, de casques, de vestes rembourrées pour tous ces « Ken » super virils qui gardent les temples de la finance ? Comment peut-on réussir à robotiser à ce point un cerveau humain ? Questions posées depuis des lustres et restées sans  réponses vraiment satisfaisantes…

 La France joue à l’autruche. Le torchon brûle chez les voisins, mais comme au temps de Tchernobyl, notre beau pays, épargné grâce au courage politique de ses dirigeants, de droite comme de gauche, garde le cap dans la tempête. Jour après jour, les mesures d’austérité s’accumulent, mais elles sont présentées, avec une habileté diabolique, comme de simples traitements préventifs. En France on prévient la casse pour éviter un séjour trop long chez le carrossier. Regardez comment vivent nos voisins du Sud, comme ils sont malheureux. Ils ont dû prendre – aujourd’hui – des mesures que nous prendrons sans doute demain. Les hausses d’impôts sont à l’ordre du jour ; cela passe mieux que les baisses de salaire. Mieux vaut que je te donne 1000 pour te reprendre 500 ; si je te donne 500 directement, ça la fout mal. Demain seulement viendront les baisses de salaire, les baisses de pension, les baisses d’allocation… Pour l’instant on restreint, comme une peau de chagrin, le nombre de ceux qui y ont droit, à la grande joie de tous ces larbins qui osent les traiter de « privilégiés » ou de « profiteurs ». Les signes prémonitoires d’une amplification de la crise ne manquent pas, mais, heureusement, on ne fait que tourner autour du pot. Les banquiers ont trouvé un petit jeu très drôle ; on ne voit pas pourquoi ils changeraient… Si je faisais mes courses avec la carte bleue de mon voisin, je ne vois pas pourquoi je me contenterais d’un panier !
L’enfumage fonctionne à plein débit. Les données dérangeantes sont mixées avec d’autres insignifiantes : miracle des statistiques et des sondages. Le nombre réel de chômeurs est sous-estimé. Les emplois précaires explosent. Pour conserver une certaine opulence visible dans la sphère sociale, les ménages font des coupes sombres dans des budgets essentiels : soins médicaux de base de plus en plus reportés vers le futur, choix alimentaires conduisant à la malnutrition… Un ménage français consacre maintenant près de la moitié de ses revenus à se loger et à se chauffer…

 Les services publics gèrent la pénurie organisée par leur ministère de tutelle. C’est la dèche universelle, de la santé à la recherche en passant par les services sociaux. Un exemple que je connais bien ? L’Education Nationale. On voit maintenant des collègues travaillant dans des zones défavorisées avec des classes à cours double de 30 élèves et plus… Il faut avoir fait l’expérience d’essayer d’apprendre à lire à trente mômes en même temps, pleins de bonne volonté mais pas forcément d’attention, pour comprendre ce que cela signifie. Lorsque l’enseignant se plaint à ses supérieurs de conditions de travail non pas difficiles, mais ingérables, on lui répond gentiment que c’est bien dommage mais que son école est « juste en dessus du seuil d’ouverture »… Il y a bien en effet un « seuil d’ouverture » pour les créations de classe ; c’est un concept un peu singulier. De mon temps, l’inspection de l’étage supérieur répondait de façon fort diplomatique que l’on n’aurait pas de création de poste car on était juste en dessous de la barre. Dans un second temps, le critère de refus s’est aligné avec le seuil lui-même. Le « juste en dessus », j’ai sans doute quitté la marine à voiles trop tôt pour l’entendre. Si ce n’était pas tragique, ce serait cocasse. Imaginez le sauteur à la perche aux championnats du monde : « non monsieur, désolé, vous n’aurez pas la médaille parce que vous êtes passé juste en dessus de la barre… » Les différents maillons de la hiérarchie, comme dans toutes les autres administrations, ne savent plus quel verbiage inventer. La seule consigne que leur a donnée le maillon supérieur étant : « faites passer la pilule ; il est obligatoire de l’avaler ; ça ne se négocie pas »… Il serait peut-être plus honnête d’annoncer clairement que le seuil critique est fixé à 35, 50 ou 80, mais ça pourrait heurter l’opinion publique.

Les retraités roumains ou portugais auxquels on a supprimé 30% d’une pension qui n’était déjà pas bien haute n’en peuvent plus d’austérité. Les handicapés grecs qui ne perçoivent bientôt plus rien du tout se moquent éperdument des tourments moraux que subissent les banquiers de leur pays. Même nos voisins anglais qui s’en prennent plein la tronche depuis l’heureux règne de Miss Thatcher, commencent à ruer sérieusement dans les brancards. Le nouveau traité européen qui vient d’être paraphé par les gardiens du temple, sans assentiment aucun des peuples concernés (sans même qu’ils soient consultés d’ailleurs) fait penser à une représentation de la Comedia dell’Arte : du grand guignol, mais du grand guignol tragique car il s’agit ni plus ni moins que d’encadrer de façon un peu plus stricte encore, la marge de manœuvre de chacun des gouvernements concernés. Qu’on se le dise : il n’y a qu’une seule politique économique permise ; les clous du passage piéton sont électrifiés pour la plus grande béatitude des troupeaux qui vont traverser les routes. « Réduire les déficits », « rembourser les dettes », « serrer la vis d’un tour », voici les têtes de chapitre du nouveau petit livre rouge édité par et pour les gardiens du temple capitaliste sacré. Silence radio sur les livres de messe : on ne s’interroge pas sur la légitimité des dettes en question, sur les taux d’intérêts pratiqués… Lorsque quelques esprits dérangés en Italie font remarquer que si l’Eglise Catholique payait des impôts fonciers sur les biens terrestres qu’elle possède dans ce doux pays, et un impôt sur les bénéfices concernant les profits qu’elle réalise, il n’y aurait plus de déficit , on les considère comme des farfelus ou des anticléricaux primaires. Mieux vaut amuser les foules avec des histoires à connotation raciste, c’est un miroir qui a toujours fonctionné avec les alouettes simplettes. Quant à évoquer les budgets militaires, personne ne s’y risque. On ne touche pas à la bombinette, cela fâcherait les galonnés.

 Au cas où les esprits des gueux s’échaufferaient un peu trop parce qu’ils supportent mal les mesures d’austérité préventives que l’on prend (contraint, forcé mais chagriné) à leur dépens (mais pour leur éviter l’austérité curative contrainte et forcée), reste toujours les fanfreluches à agiter d’une croisade pour défendre la civilisation occidentale ou pour faire payer aux « salauds d’ailleurs » les brimades que l’on subit des « gens biens de chez nous ». Les marchands d’armes tiennent toujours quelques tisons bien au chaud : Républiques Caucasiennes, Moyen-Orient, Chine et Japon… Comptez sur leur imagination, mais de grâce ne leur apportez pas votre soutien implicite. Nulle guerre n’a jamais de juste cause. Je vous assure que l’on n’est pas obligé de tenir toujours le même rôle dans la même comédie. Ce n’est pas parce que la colère ouvrière a débouché sur 1914/18 ou que la crise de 1929 a allumé le brasier de 39/45 qu’on est contraint de marcher au pas de l’oie. Le péril est grand cependant si l’on observe attentivement la montée des extrêmes droites en Europe. La Grèce est dans une situation périlleuse. La percée du mouvement « aube dorée » augure d’un futur plutôt inquiétant. Les financiers savent très bien qu’il n’y a rien de tel qu’un gouvernement à poigne de fer pour remettre le peuple dans le droit chemin de la résignation. Marche au pas ! Ecoute les sermons de la télé ! Sinon gare !

Un espoir ? Toujours !

 En fait la note optimiste finale de cette chronique toute noire, c’est que la crise présente, une de plus dans la longue histoire du capitalisme (mais non la moindre), est peut-être l’occasion de tester, en marge du système, la construction de nouveaux rapports économiques, plus humains, plus respectueux de la planète. Si je me permets d’énoncer cette hypothèse c’est parce que la porte est ouverte et que nombreux (relativement) sont ceux qui s’y sont déjà engouffrés. Cette marginalité nouvelle, en mouvement, ne doit cependant pas oublier sur le bord de la route ceux qui n’ont plus vraiment la liberté de choix, pour des raisons d’âge, de santé, ou de moyens intellectuels. Ceux-là sont dans le système ; ils en sont dépendants ; ils n’ont pas la possibilité de choisir une alternative. Il ne faudrait pas les laisser en plan. Ils sont dans la situation d’un poisson rouge dans un bocal fissuré et ils n’ont ni ailes ni poumons. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs… sans doute. Or, ce n’est pas d’une omelette dont nous avons besoin mais d’un monde nouveau. Signe positif, annonciateur d’un changement – peut-être ? – de nombreux documentaires (livres, vidéos, articles de journaux) sont mis à disposition du public, en général sur le web, parfois (mais bien trop rarement) à la télé. Ils témoignent avec naïveté parfois, mais toujours avec énergie, du fait qu’une partie de l’humanité n’a pas envie de se laisser noyer sans réagir. Espérons que ces exemples d’auto-émancipation feront tache d’huile le plus rapidement possible… ou amèneront au moins certains de nos concitoyens à réfléchir. Plus on est de fous, plus on délire !

 

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