18 octobre 2008

Liquidambar… la star !

Posté par Paul dans la catégorie : voyages sur la terre des arbres .

Voici l’article qu’un grand nombre de « Googlenautes » débarquant, tels des Martiens, sur la « feuille charbinoise » attendaient… Jusqu’à présent, ils étaient acheminés mécaniquement vers un texte plus ancien, intitulé « Sous l’écorce de mon liquidambar », qui ne parlait pas vraiment de cet énergumène-là, mais, de façon plus générale, de ma passion pour le bois, les arbres et les forêts. A l’occasion de cette deux centième chronique, je vais essayer, par le biais de ces quelques lignes, de m’acquitter de la dette que j’ai l’impression d’avoir à l’égard de tous ces chercheurs égarés ! 0n peut dire aussi que, d’une certaine manière, je cède à la pression de l’audimat !

Il y a deux raisons au succès du Liquidambar. Il y a d’abord le nom, plutôt rigolo, dont je vous expliquerai l’origine, puis la couleur resplendissante qu’il revêt à l’automne (le nombre de requêtes sur ce terme augmente de façon sensible ces derniers temps : près de 400 consultations de la page « sous l’écorce de mon liquidambar » en deux mois). « C’est quoi ce bel arbre rouge dans vot’ parc Monsieur Lafeuille ? Eh bien tu vois, Coco, c’est un Liquidambar Styraciflua ou Copalme d’Amérique, mais tu peux l’appeler Liquidambar tout simplement. Il n’a que deux cousins et c’est lui le plus répandu dans nos contrées ». Compte tenu de la coloration automnale, et surtout de la forme des feuilles, beaucoup de gens le confondent avec l’érable, ou sont convaincus qu’il appartient à la même famille. Erreur facilement pardonnable mais néanmoins grossière : côté parentèle, c’est plutôt du côté de l’Hamamelis qu’il faut chercher, et il est plus proche, dans son « relationnel botanique » (ça fait branché non ?), de l’arbre au caramel (cercidiphyllum, à vos souhaits !) ou du Parrotie de Perse (très mignon lui aussi). Il est assez susceptible, notre liquidambar, et si on le traite de « platane », il le prend très mal et perd tout son feuillage en 24 h. Etant donnée la ressemblance de son feuillage avec celui de la vigne, vous pouvez éventuellement l’utiliser comme cache-sexe si vous devez poser pour un peintre classique et que vous n’avez pas ce qu’il faut sous la main (que les Googlenautes me pardonnent cette digression, mais, comme disait ma grand-mère c’est en digressant que l’on devient écrivain !).

Quel est l’origine de ce nom rigolo ? Les alcooliques font une fixation sur le liquide ou le bar, mais ce n’est pas de ce côté là qu’il faut chercher… Le liquidentruc ne pousse pas systématiquement à côté des bistrots, la plupart d’ailleurs s’appellent « bar des platanes », « bar des amis » ou « café de la place »… Liquidambar vient de « liquidus », liquide en latin, et du mot arabe « ambar » signifiant « ambre » : ambre liquide… Quel est le rapport avec notre sujet d’étude ? Eh bien, il est direct : le copalme produit une sève visqueuse, nommée storax (ou styrax — > styraciflua), avec laquelle on fabrique un baume possédant quelques propriétés singulières :
• le storax était utilisé par les Aztèques pour parfumer leur tabac ;
• il entrait dans la composition des premiers chewing gum, à la fois pour la consistance et pour le goût ;
• il possédait des principes actifs contre la dysenterie et la diarrhée ;
• en fumigation, il serait efficace contre les affections des voies respiratoires…
Cette résine se récolte pendant l’été, en pratiquant une petite incision sur l’écorce de l’arbre ; la production en est très réduite. Tout ce qui est dit là s’applique au Liquidambar américain, mais également à son cousin asiatique, le copalme d’orient qui produit également du storax. Histoire d’embrouiller un peu la donne et de permettre aux alchimistes en herbe de mélanger un peu tout et n’importe quoi, il faut savoir que Styrax est aussi un nom donné à un arbuste et que pas mal de végétaux produisent des résines particulières. De nombreux produits miracles sont vendus en droguerie ou dans les magasins de produits dits « naturels ». Il n’est pas toujours facile d’établir la composition du « baume extraordinaire de grand-mère » et il faut s’attendre un peu à tout et à n’importe quoi. Ne vous précipitez donc pas pour parfumer votre tabac avec des substances bizarres en racontant partout « que vous l’avez lu dans la Feuille Charbinoise ! »

L’intérêt pour cet arbre qui a non seulement une fort belle prestance, mais en plus fournit une résine aussi précieuse dans la médecine traditionnelle, s’accroît encore lorsque l’on découvre les propriétés de son bois. Trop rare sous nos cieux pour avoir un usage vraiment défini, il a connu son heure de gloire en Amérique du Nord. A une époque encore récente, il était autant utilisé, en menuiserie, que le chêne ou l’érable. C’est un bois tendre, mais souple, dont les usages sont nombreux. Le bois de cœur, facile à polir, donne de très beaux placages. On utilise les plus beaux spécimens pour la fabrication d’instruments de musique ou pour l’ébénisterie. Cependant seuls les arbres âgés (soixante ans au moins) fournissent un matériau de qualité. La proportion bois de cœur / aubier n’est pas régulière, et bien entendu les arbres possédant les cœurs les plus larges sont aussi les plus intéressants. Les coupes sévères ayant considérablement réduit l’espérance vie de l’arbre, son usage comme bois d’œuvre a diminué et le « tout venant » sert maintenant à fabriquer de la pâte à papier… Pour conclure ce paragraphe, j’ajouterai que son bois ne présente pas gros intérêt pour le chauffage…

Le liquidambar n’est pas un « petit arbre » : il peut atteindre une trentaine de mètres de hauteur et ne convient donc pas comme ornement dans un petit jardin. Sa croissance, lente au départ, va s’accélérer s’il trouve un sol qui lui plaît, c’est à dire un sol profond et humide. Sa forme générale, plutôt conique au départ, deviendra plus « ombrelle » : de fortes branches vont se développer, accroissant ainsi son emprise sur le sol. Les jeunes specimens craignent les hivers très rigoureux, mais, dans l’ensemble, il supporte plutôt bien notre climat. Dans ses contrées d’origine, il peut pousser à plus de mille mètres d’altitude, ce qui montre ses capacités à résister à un froid important. Il peut arriver que les jeunes pousses gèlent pendant l’hiver, surtout si les conditions climatiques n’ont pas été très bonnes pendant l’été précédent et que le bois n’a pas pu aoûter correctement, c’est à dire être recouvert d’une écorce plus résistante (passage du vert au brun, en résumé). La coloration automnale est assez aléatoire. Certains arbres deviennent plus resplendissants que d’autres sans que l’on sache vraiment pourquoi. Parfois, l’arbre est magnifique une année et plus quelconque la suivante. Les raisons de ce comportement « caractériel » ne sont pas évidentes ; elles semblent liées à la quantité de lumière disponible au moins d’octobre, mais aussi à l’humidité présente dans le sol. Vous avez plus de chances d’avoir un beau spectacle coloré si l’automne est ensoleillé mais pas trop sec. Mieux vaut donc attendre un peu l’évolution des couleurs avant de vendre les billets d’entrée aux spectateurs, cela vous évitera d’avoir à les rembourser. Si tout se passe bien, le festival sera grandiose, et, sous réserve de planter plusieurs liquidambars et de les accompagner de quelques sycomores et de quelques tulipiers, vous pourrez faire une photo aussi belle que celles que l’on peut rapporter d’une balade en forêt au Québec pendant l’été indien.

En guise de conclusion, sachez que « la star » a été découverte en Floride, en 1528, par les conquistadors espagnols, mais les premiers specimens n’ont été plantés en Europe qu’en 1681. Le terme de « copalme » utilisé pour le dénommer également serait originaire de la Louisiane française. Les Anglais, à l’époque, le baptisèrent « sweet gum ». Il a fallu un certain temps pour que cet arbre ornemental se répande dans les parcs et les arboretums européens, bien que les botanistes du XVIIème et du XVIIIème siècle aient été friands de nouveautés. Les premiers arbres plantés ont en effet mis très longtemps avant de produire des graines. Depuis un siècle, le retard a été largement rattrapé et on peut observer des sujets magnifiques à l’arboretum des Barres ainsi que dans de nombreux squares et jardins. Pour en savoir plus sur les « arbres remarquables » allez embêter l’ami « Krapo arboricole » ; à chacun son boulot ; lui saura certainement vous dire où voir la plus grande star de France. Je vous assure qu’elle ne se produit pas dans une quelconque académie !

15 Comments so far...

krapo Says:

28 octobre 2008 at 00:47.

Salut Paul,

tel un martien, j’arrive sur cette page, téléporté par le oueb…
Nickel, encore une fois un article génial sur un arbre méconnu,
pourtant je n’ai pas encore vu de grand spécimens, j’arrive à le déterminer grâce à ses fruits, cette boule ressemble à plein de petits becs d’oiseaux ouverts… attendant la becquée.

à bientôt

Pierre Says:

5 octobre 2009 at 18:49.

Un texte magnifique au sujet d’un arbre qui l’est tout autant ! Bravo !

Jose Says:

2 novembre 2009 at 11:35.

Mon liquidambar a perdu ses feuilles tres tot cette année ! donc pas de beau spectacle d’automne, par contre il est couvert de fruits ! faut il cueillir les fruits ? est ce que l’arbre ne fait pas des fruits au détriment des feuilles ? si c’est le cas , comment limiter les fruits ?

Paul Says:

2 novembre 2009 at 12:06.

Faute d’une documentation suffisante sous la main (je suis en déplacement) je ne sais trop quoi vous répondre. Peut-être un lecteur ou une lectrice pourra-t-il le faire à ma place… Je regarderai dès mon retour si je trouve des éléments pour vous répondre.
Merci en tout cas pour votre visite !

krapo Says:

13 juin 2010 at 13:50.

salut Paul,

3 liquidambars découvert dans un parc en Maine-et-Loire, avec 38 mètres de hauteur ils sont les plus élevés de France :
http://krapooarboricole.wordpress.com/2010/05/16/le-parc-du-chateau-du-martreil-sainte-christine-maine-et-loire/

bon dimanche !

Lucienne Says:

14 février 2011 at 08:28.

J’habite à une altitude de 700m, est-ce que je peux planter un liquidambar?
Votre site est magnifique, je suis une grande admiratrice des arbres.

Paul Says:

14 février 2011 at 13:05.

@ Lucienne – A mon avis, aucun problème, sauf peut-être le premier hiver pendant lequel il faudra être vigilant. Le nôtre s’est très bien habitué à des hivers avec des pointes à -10°. Pour plus de sûreté, demandez à votre pépiniériste ! Si vous avez la place, plantez un parrotie de Perse, pas trop loin : vous ne serez pas déçu. Le parrotie a une croissance lente et ne gênera pas le Liquidambar. Merci pour votre commentaire sympathique.

Elisabeth Says:

2 octobre 2011 at 10:49.

Une des branches hautes de mon superbe liquidambar (planté il y a 25 ans) s’est cassée cet été et a créé une sérieuse déchirure sur le tronc. D’après l’élagueur qui a également élagué l’érable voisin qui lui faisait de l’ombre, il devrait se refaire une beauté d’ici deux ans. En fait, le poid des branches remplies de fruits est impressionnant et un petit point de faiblesse au niveau de la fourche aurait favorisé l’accident. Je me pose tout de même une question : même s’il n’est pas terrible en bois de chauffage, nous avions l’intention d’utiliser, une fois sec, le bois des branches coupées dans le poêle; la résine (qui sent délicieusement bon) ne risque t-elle pas d’encrasser les conduits ?
En tous cas, merci pour ce voyage sur la terre des arbres.

calhiol Says:

6 novembre 2011 at 07:39.

Le pépiniériste a planté hier dans mon terrain un liquidambar de 5 m que j’ai acheté il y a une dizaine de jours en pleine explosion de couleurs automnales : le coup de foudre !
Bravo pour votre site en général et pour cet article qui me concerne en particulier.
Il faut aimer les arbres pour en parler comme vous le faites.
Mon père semait et plantait des pins tout petits alors qu’il allait encore sur ses 95 ans (il faut donc avoir foi en l’avenir après soi-même). Aujourd’hui, ici ou là dans le village mais également dans la garrigue, je vois des arbres majestueux qu’il avait plantés ou offerts à ses amis ou à des membres de la famille.
Je vois même, au bord d’une route fréquentée, des cyprès qu’il avait plantés il y a 60 ans !!!
Et je pense à lui chaque fois ; et je transmets l’information à mes petits-enfants pour, qu’à leur tour, etc… C’est peut-être ce que visait mon père sans le dire ? Tacite disait en effet : \le vrai tombeau des morts, c’est le coeur des vivants\.
A sa mort, j’ai donc répandu ses cendres au pied d’un pin que nous avions planté ensemble dans cette garrigue qu’il aimait tant et d’où on voit la lagune et la Méditerranée. C’est la tombe magnifique sur laquelle je viens me recueillir.
Un arbre, ce n’est donc pas un végétal ordinaire.

Paul Says:

6 novembre 2011 at 09:12.

@ H. Calhiol – Merci pour votre long commentaire que j’ai beaucoup apprécié tant nous partageons effectivement une vision commune des choses dans ce domaine. Le Liquidambar prend son temps pour revêtir les belles couleurs de l’automne. Le notre commence juste à être coloré et sera au fait de sa gloire à la mi-novembre sans doute. Ce décalage avec les érables japonais ou le chêne d’amérique permet de faire durer le spectacle à notre plus grande joie. J’aime effectivement énormément les arbres, les forêts, de même que le bois en tant que matériau. Notre parc a démarré bien tard, il y a une dizaine d’années seulement, mais nous sommes déjà largement dédommagés de nos premiers travaux. J’espère bien continuer à planter dans les années qui viennent, quitte à ce que, lorsque je serai trop vieux et trop coincé du dos, je demande de l’aide pour creuser les trous. Il est plus facile d’aménager un volume existant que de travailler à partir du vide. J’ai utilisé une règle assez simple pour mes plantations : entourer un arbre un peu d’exceptionnel de congénères plus communs, de façon à ce qu’une fois la taille jeune adulte atteinte, il n’y ait pas de regret à faire de la place aux sujets les plus captivants. On verra (peut-être) ce que donnera ce principe dans une vingtaine d’années.
Je vais continuer à écrire sur les arbres qui sont l’un de mes sujets de prédilection et j’espère bien avoir à nouveau l’occasion de lire vos commentaires !

Gérard Hammer Says:

1 janvier 2014 at 19:27.

Bonjour,
J’ai commis l’erreur de planter un liquidambar dans un jardin trop petit. L’arbre a maintenant 28 ans et je souhaiterais l’élaguer. Est-ce envisageable ?
Si oui y a-t-il un inconvénient à utiliser le bois coupé pour le chauffage?
Merci d’avance pour votre réponse

Paul Says:

1 janvier 2014 at 20:18.

@ Gérard Hammer – A mon avis, le liquidambar supporte très bien l’élagage comme l’érable ou le platane. Peut-être vaut-il mieux éviter une taille trop sévère et procéder en plusieurs étapes sur quelques années.
Aucun problème pour utiliser le bois comme combustible. Il suffit de lui laisser un temps de séchage raisonnable (deux années je pense). Les rondins de bois les plus réguliers peuvent aussi intéresser quelqu’un qui fait du tournage.
Il est vrai que s’il se trouve en terrain favorable, l’arbre grandit vite et prend un grand développement.

Claudio Says:

10 août 2014 at 22:22.

Bonsoir. J’ai planté deux liquidambars il y a trois ou quatre ans dans l’Oise, et maintenant ils font à peu près deux metres et demi d’hauteur. Malheureusement on n’a jamais vu les couleurs spectaculaires d’automne qu’on attandait. Est-que la raison peut etre que les arbres sont encore jeunes, donc il faut attendre quelque année? Ou bien on a un problème avec nos liqiodambars? Qu’en pensez vous?
Merci d’avance
Claudio

Paul Says:

11 août 2014 at 08:44.

@ Claudio – Une opinion personnelle qui n’a rien d’experte ! Le liquidambar semble assez caractériel en matière de flamboiement des couleurs. Il semble qu’il y ait un équilibre particulier à trouver entre lumière, humidité et durée du jour… Le mien a une coloration différente chaque année. Il y a des années spectaculaires, d’autres pas. Pire encore, à côté de l’école où je travaillais, il y en avait une série de 3. Un seulement avait vraiment des couleurs éclatantes. En tout cas, ce n’est pas un problème d’âge… Il faudrait poursuivre l’observation sur plusieurs années.

Georges Says:

21 mai 2016 at 18:31.

Bonjour, je viens de découvrir que j’avais un liquidambar sur mon terrain, c’est un pépiniériste qui m’a expliqué la différence entre un érable et cet arbre magnifique. J’ai découvert votre site par hasard en cherchant des informations sur cet arbre. J’ai pris un grand plaisir à lire votre article. Mon liquidambar a apparemment plus de 100 ans, il mesure plus de 25 mètres de haut, enfin j’imagine. il est à côté d’un magnifique érable rouge du même âge. Voilà, on se sent très humble à côté de cet arbre superbe. Merci pour votre article.

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