10 octobre 2013

Sur la route de nos vacances : Notre Dame des Landes, Plogoff, Brennilis…

Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage .

De l’allergie salutaire des Bretons aux G.P.I. (*) polluants

Ne croyez pas que nous ayons l’esprit mal tourné ! Si nous sommes passés dans ces trois lieux symboliques, c’est un pur hasard. Nous étions en vacances, messieurs de la DCRI, et nous n’avions pas l’intention d’effectuer un pèlerinage militant ou de prendre des repères pour un sabotage quelconque. D’ailleurs, m’sieur le commissaire, nous ne sommes pas épiciers et nous n’habitons pas Tarnac. Oui nous avons visité aussi Carnac, mais il ne faut pas mélanger. Nous n’avons photographié que des menhirs, des coiffes bigoudènes et des galettes au beurre…

J’ai décidé – après coup – de rajouter ce petit préambule. On n’est jamais trop prudents, surtout vu la façon dont le web est surveillé ces derniers temps. Avec les robots, mieux vaut se méfier. C’est pour ça que j’ai toujours évité d’employer les mots « gaz, marmite et clous », dans une même chronique. Par contre « menhir, beurre et galette » ça devrait passer ; enfin j’espère.

 Difficile de feindre d’ignorer que l’on traverse la zone du plus qu’inutile et contestable projet d’aéroport de Notre Dame des Landes à côté de Nantes. Trente kilomètres avant et ce quelle que soit l’importance du réseau routier emprunté, les affichages contestataires foisonnent et cela fait plaisir…. Plaisir de savoir que tout ce que l’on a découvert sur le web, la télé, les journaux… existe dans la vraie vie réelle et non seulement dans la virtualité. Sans doute me direz-vous qu’il eut été plus militant de se rendre sur place avant, et donc pendant, plutôt que de touristiquer dans le voisinage en attrapant le torticolis au jeu de « tiens encore un panneau, là, dans le champ… » Rassurez-vous, ma défense est prête et j’ai un alibi : 800 km c’est loin, et puis y’a fort à faire sur place chez nous en Rhône-Alpes. N’oubliez pas que « La Feuille » irradie tout azimut son message de bonheur en étant basée au centre d’un triangle « Bugey-Malville-Cruas », qui évoque tout sauf les Bermudes. En plus voilà qu’on nous cause de tout un tas de nouveaux projets sympas ayant comme signal de ralliement une torchère à gaz… En plus c’est un carnet de voyages que je suis en train d’écrire, pas une rubrique nécrologique !

N’ayant pas vocation d’être des « paparazii », nous n’avons pas pris la route de gauche, quand le panneau de signalisation indiquait « NDDL 3 km ». Nous nous méfions de la gauche… La voiture a continué d’elle-même à droite, en direction du café de La Roche Bernard dont je vous causais dans un très récent billet. Je reconnais là que j’ai raté une super occasion de promotion locale et internationale : « Exclusivité ! La Feuille Charbinoise en reportage à NDDL un vendredi après-midi où il ne se passe rien ! Interview de la voisine du cousin de l’ancien propriétaire de l’une des fermes squattée ! ».

 C’est tout à fait par hasard aussi, en visitant le site enchanteur de la pointe du Ratz, que nous avons traversé le charmant petit village de Plogoff. Du coup, quelques jours plus tard, à Morlaix, on a aussi acheté une BD géniale intitulée « Plogoff ». On croyait en fait que l’ouvrage parlait des nombreuses biscuiteries que l’on trouve au cap Sizun. Ce n’est qu’une fois revenus à notre chambre que nous avons lu le sous-titre « un village breton face au nucléaire ». Autant vous le dire tout de suite, il n’y a pas la recette des délicieuses pâtisseries locales, mais les auteurs, Delphine Le Lay (non, pas Patrick) et Alexis Horellou ont fait un super travail de mémoire… et d’actualité. N’hésitez pas à enrichir l’éditeur, Delcourt, cela en vaut la peine.

Jamais deux sans trois, disait toujours ma grand-mère berrichonne. Quelques jours plus tard, en voulant arpenter les sentiers de la forêt de Huelgoat, nous sommes passés à Brennilis, cette unique centrale nucléaire bretonne, qui n’en finit pas de mourir, comme disent ses détracteurs d’hier et d’aujourd’hui. Le réacteur est arrêté depuis 1985 et le démantèlement se fait à la petite cuillère quand il y en a une de disponible. Quand on pense qu’il s’agit d’un tout petit réacteur, que EDF/CEA voulait en faire un modèle de démantèlement exemplaire et que certains propagandistes du nucléaire se sont appuyés sur cette opération pour expliquer que le démontage d’une centrale c’était pas un problème ! Wikipédia publie une très bonne fiche à ce sujet. J’en retiens une information essentielle : « Le coût du démantèlement est évalué en 2005, à 482 millions d’euros par la Cour des comptes, soit 20 fois plus que l’estimation de la commission PEON qui est à l’origine du parc nucléaire actuel ». Je ne vous raconte pas ce que va coûter le démantèlement de « Super Phénix », réacteur de type surrégénérateur, qui se cache au bord du Rhône non loin de chez nous. Ce passage près de Brennilis m’a donné envie de relire « L’ankou », BD de Fournier chez Dupuis, dans la série « Spirou et Fantasio ». Le dessin qui conclue cette chronique en est extrait.

  Le maire du village de Brennilis – un homme qui a de la suite industrielle dans les idées – s’est démené et a tapé tant et plus du poing sur la table, pour que sa charmante petite bourgade des monts d’Arrée, soit sélectionnée par le Grand Jury, pour abriter une centrale à gaz dont les écolos du coin (enfin les vrais) ne voulaient bien sûr pas entendre parler. Tout cela au cœur du Parc Naturel Régional d’Armorique. Il faudra un jour que l’on m’explique ce que veut dire cette appellation « parc » quand on voit ce qui s’y trame parfois ! Il semble que ce soit le site de Landivisiau qui ait été choisi pour implanter ce nouveau fleuron de technologie franco-allemande. Le problème c’est qu’à Landivisiau l’opposition est également fort vigoureuse ! Cette chronique se voulant informative et culturelle, sachez qu’il existe un collectif d’opposants, le GASPARE, qui est bien décidé à ne pas se laisser conter fleurette par les apôtres du développement industriel à tout prix. Sachez aussi que nous nous sommes abondamment documentés sur la question en parcourant les premiers numéros d’un journal sympathique « Passe à ton voisin… », dont la base secrète est située – comme par hasard – dans le café librairie de Berrien, à côté d’Huelgoat… D’où l’on en déduit que, dans ces cafés librairies (voir épitre précédent) on ne fait pas que boire du thé, manger des petits fours, et papoter sur les radotages de Michel Onfray.

Bon, j’ai tout bon là, question militantisme et je vais pouvoir dériver sur des thèmes plus touristiques histoire de ne pas perdre la fraction de mon électorat qui ne s’intéresse qu’aux chapelles, à la protection des mouettes pleureuses et à la technique de broderie des grands-mères bigoudènes.

 L’avantage de se promener hors-saison dans une zone touristique (car il ne faut pas se leurrer, ce sont les adeptes du bain de mer, de la plongée en apnée et des menhirs en beurre salé qui font vivre une bonne partie de la région), c’est que les gens sont plus détendus, généralement souriants et plutôt accueillants. On s’intéresse plus au visiteur de la chapelle quand il est l’unique personne vivante rencontrée depuis trois heures, qu’au mouton numéro 366 dans un troupeau de mille. Cela permet de prendre son temps, de poser des questions, de s’intéresser à la survie de l’autochtone quand son salaire dépend du nombre de crêpes qu’il va réussir à vendre dans le mois. Il y a plus de « locaux » dans la vedette pour l’île de Batz que de touristes anglo-saxons venus juger si les « Frenchies » font d’aussi beaux jardins que les employés de la Queen Elisabeth. Et moi je respire mieux l’air du large ainsi. Je ferme ma gueule et j’écoute les voisins parler de leur beuverie du samedi soir, de la tempête de l’avant veille, ou de la difficulté à trouver un boulot ailleurs que dans l’industrie touristique (le problème c’est qu’en dehors de juillet-août, on bouffe des briques). C’est bien comme ça et ça ne m’empêche pas d’aller regarder si ce bon vieux Georges Delaselle a fait du bon boulot en créant son jardin exotique au début du XXème siècle. On peut sans doute faire du tourisme sans agacer les menhirs et ceux qui les ont plantés. En ce qui concerne le jardin de l’île de Batz, il vaut effectivement le détour comme nous l’avait dit une bénévole (anglaise) rencontrée à l’arboretum des arbres du monde de Huelgoat. Notez que je n’ai rien contre les Anglais, au passage… S’ils n’étaient pas là, nos jardins tomberaient peut-être en désuétude. Il faudrait se méfier un peu d’ailleurs car « ils sont partout » et si l’on recommence la guerre de cent ans ils pourraient bien la gagner cette fois !

 En repartant, nous avons visité le château de Suscinio à côté de Sarzeau, mettant ainsi nos pas dans ceux de Mérimée (Prosper de son petit nom) qui l’avait fait classer en 1840. Quant à Maupassant (Guy « de » de son petit nom) voilà ce qu’il écrit au sujet de la forteresse quelques années plus tard : « Au milieu de cette étendue sauvage, un château carré, flanqué de tours dehors, là, tout seul entre ces deux déserts, la lande où souffre l’ajonc, la mer où mugit la vague. » (**) La bâtisse est impressionnante et je comprends que les Ducs de Bretagne y aient séjourné régulièrement. Ces nobles personnages, passionnés par la chasse et désireux de ne point se faire voler le gibier par les manants du voisinage, avaient décidé de faire enclore la totalité de leur domaine forestier par un mur en pierre. La construction mesurait 40 km de long, mais elle a en grande partie disparu : faute de chevreuils, les voisins ont dû piquer les pierres. Le château lui-même était en ruine lorsque le Conseil Général s’en est porté acquéreur, en 1965. Depuis, des travaux colossaux de remise en état ont été effectués : une partie des murs effondrés ont été rebâtis ou consolidés, planchers et toitures ont été reconstitués… Du bel ouvrage à mon goût, plutôt respectueux du site, bien que certains castellologues de ma connaissance estiment que des erreurs ont été commises. Le savoir-faire des artisans qui ont œuvré sur le chantier est en tout cas indiscutable et la visite des bâtiments restaurés fort intéressante. Mon seul regret : plutôt qu’une boutique classique de souvenirs fort peu intéressante, j’aurais apprécié de trouver en ce lieu un café librairie avec des bouquins sur Plogoff, Brennilis ou NDDL… Peut-être que le généreux Conseil Général du Morbihan prendra note de cette modeste réclamation : son voisin, le CG du Finistère, donne bien un coup de pouce à la fédération Calibreizh !

Pour rentrer au bercail nous avons pris le chemin des écoliers, comme à l’aller, en demandant simplement au GPS d’éviter les chemins empierrés pour traverser le Massif Central ! Le coffre de la voiture étant lourdement chargé de cidre bio, mieux valait en effet éviter l’excès de secousses. Et le climat, me demanderont certains climatobretons sceptiques ? Eh bien voyez-vous, il nous a fallu attendre le retour dans nos pénates pour trouver le petit crachin continu dont on nous avait menacé. Chaque fois que je vais en Bretagne, le soleil me fait un clin d’œil. Faut bien que je fayotte un peu avec le cénobite tranquille mais néanmoins breton !

Notes condimentaires : (*) Grands Projets Inutiles, dont nos gouvernements, tant de droite que de gauche, sont friands…
(**) Mérimée et Maupassant cités dans une même chronique ! Rassurez-vous ce n’est que pour la frime, je n’ai lu ni l’un, ni l’autre, mais je suis reconnaissant à Prosper d’avoir prêté attention à quelques jolis monstres de pierre de notre beau pays.

6 Comments so far...

Pourquoi Pas ? Says:

10 octobre 2013 at 15:13.

Personnellement, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à tourner à gauche…

Paul Says:

10 octobre 2013 at 16:12.

@ Pourquoi Pas – Tout dépend où l’on tourne à gauche ! Dans l’Ouest du Canada par exemple ça ne pose que peu de problèmes et c’est parfois prétexte à l’écriture de très bons romans !

Paul Says:

11 octobre 2013 at 11:55.

Pour prolonger la première partie de cette chronique, je vous invite à lire l’excellent article de Nolwenn Weiler sur Bastamag : « les ouvriers de l’île longue, victimes oubliées de la dissuasion nucléaire ». Lien pour l’article : http://www.bastamag.net/article3379.html
Le nucléaire militaire est un sujet délicat que l’on oublie un peu trop souvent.

Paul Says:

11 octobre 2013 at 11:56.

Pour prolonger la première partie de cette chronique, je vous invite à lire l’excellent article de Nolwenn Weiler sur Bastamag : « les ouvriers de l’île longue, victimes oubliées de la dissuasion nucléaire ». Lien pour l’article : http://www.bastamag.net/article3379.html
Le nucléaire militaire est un sujet délicat que l’on oublie un peu trop souvent.

Zoë Lucider Says:

12 octobre 2013 at 22:45.

C’est bien agréable à lire ce vagabondage entre hauts lieux de résistance et vieilles pierres vénérables. Et ma foi, à l’abri de la horde touristique tout devient unique et intéressant.

babelouest Says:

12 novembre 2013 at 19:01.

Bien sûr, pour NDDL vous avez à votre disposition ce film, qui est passé à la télé récemment :
http://www.dailymotion.com/video/x163x4h_le-tarmac-est-dans-le-pre-le-documentaire-inedit-sur-notre-dame-des-landes-et-notre-debat-interacti_news
J’étais à la première projection publique, à Nantes. Tous mes amis de la ZAD étaient là. Il était amusant, en voyant le film, de noter que les mêmes étaient à la fois dans la salle et sur l’écran. Débat très intéressant à la fin, mais les pro-aéroports manquaient d’arguments, ou ils étaient bien peu pertinents.

Cet été justement, moi aussi je suis passé à Plogoff et près de Brennilis. Il faisait un temps magnifique sur le mont st Michel de Braspartz, au point qu’on apercevait la mer au loin, du côté de Douarnenez. Avec mon fils nous allons tous les ans dans le Finistère.

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